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Lénine et Trotsky contre Staline

dimanche 30 mai 2010, par Robert Paris

Les derniers mois de la vie de Lénine

"Staline représente un phénomène absolument exceptionnel. Il n’est ni penseur ni écrivain, ni orateur. Il s’empara du pouvoir avant que les masses aient appris à distinguer son visage parmi les autres quand elles défilaient devant les chefs de la Révolution dans les processions traditionnelles de la place Rouge. Il prit possession du pouvoir, non grâce à des qualités personnelles, mais en se servant d’une machine impersonnelle. Et ce n’était pas lui qui avait créé la machine, mais la machine qui l’avait créé ; avec sa puissance et son autorité, elle était le produit de la lutte, longue et héroïque, du Parti bolchevik, qui était lui-même le produit d’idées, elle était le porteur de l’idée avant de devenir une fin en soi. Staline la dirigea du jour où il eut coupé le cordon ombilical qui la rattachait à l’idée et devint une chose, par elle-même. Lénine l’avait créée en une association constante avec les masses, sinon par la parole, du moins par l’écrit, sinon directement, mais avec l’aide de ses disciples. Staline se borna à s’en emparer. Pour cela, des qualités spéciales et exceptionnelles étaient nécessaires. Mais ce n’étaient pas celles du penseur, ni de l’écrivain, ni de l’orateur. Tandis que l’appareil du Parti s’était développé sur des idées, la première qualification de Staline, c’est une attitude méprisante à l’égard des idées."

Léon Trotsky

Le stalinisme est l’anti-thèse du marxisme révolutionnaire de Marx à Lénine et Trotsky

1922-1923 : quand Lénine et Trotsky étaient unis contre Staline et la bureaucratie

Un texte de Lénine contre Staline

Un texte de Trotsky contre Staline

Trotsky et l’opposition contre Staline

Qu’est-ce que le stalinisme ?

Comment est-on passé de Lénine à Staline ?

Qui était Lénine ?

Qui était Trotsky ?

Le stalinisme ou la révolution trahie

Aujourd’hui encore plus que par le passé, il importe de rétablir la vérité sur le rôle véritable de Lénine et de ses compagnons bolcheviks, de mettre en évidence que toute sa vie fut consacrée à la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière et non à l’établissement sur celle-ci d’une des formes les plus barbares d’exploitation et d’oppression comme l’a été le stalinisme.

Avant même que de se faire connaître par l’établissement d’une terreur policière sans commune mesure dans l’histoire, le stalinisme a commencé sa carrière comme défenseur de la thèse de la "construction du socialisme dans un seul pays". Dès 1925, Staline se fait le porte-parole de cette conception qui s’inscrit complètement en faux avec toute la vision qui avait été défendue auparavant dans le mouvement ouvrier. En effet, dès ses origines, celui-ci se présente comme un mouvement international dans la mesure où, comme l’écrivait Engels dès 1847 : "La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel" ("Principes du Communisme"). Ce n’est nullement un hasard, non plus, si le mot d’ordre qui conclut le "Manifeste Communiste" de 1848 est "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous". De même, la première organisation importante du prolétariat est l’"Association Internationale des Travailleurs" (1864-1872) ou 1ère Internationale. Par la suite, ce sont aussi des internationales (Internationale socialiste, 1889-1914 ; Internationale communiste, 1919-1928) qui ponctuent le développement et les combats de la classe ouvrière à l’échelle mondiale. Enfin, il est également significatif que l’hymne du mouvement ouvrier soit, dans tous les pays, l’"Internationale".

En fait, un des critères décisifs de l’appartenance d’une formation politique au camp du prolétariat est l’internationalisme. Ainsi, en 1914, lorsqu’éclate la guerre mondiale, la participation à l’"Union sacrée" et à la "Défense nationale" des secteurs dominants de la plupart des partis socialistes d’Europe (les "social-chauvins" comme les appelait Lénine) signe leur trahison vis-à-vis de la classe ouvrière et leur passage à la bourgeoisie.

C’est pour cela que la thèse du "socialisme en un seul pays" constitue une véritable trahison des principes de base de la lutte prolétarienne et de la révolution communiste, trahison contre laquelle ceux qui continuent de défendre le programme prolétarien, tel Trotsky dans le parti communiste d’Union soviétique, engagent un combat sans merci. En particulier, cette thèse, présentée par Staline comme un des "principes du léninisme", constitue l’exact contraire de la position de Lénine :

"La révolution russe n’est qu’un détachement de l’armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l’action de cette armée. C’est un fait que personne parmi nous n’oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l’intervention unie des ouvriers du monde entier." ("Rapport à la Conférence des comités d’usines de la province de Moscou", 23 juillet 1918).
Lénine, défenseur exemplaire de l’Internationalisme Prolétarien

L’internationalisme intransigeant de Lénine, marque de son adhésion totale au combat du prolétariat pour son émancipation, est une constante de toute sa vie. Il s’exprime en particulier en 1907, lors du Congrès de Stuttgart de l’Internationale socialiste, lorsque, en compagnie de Rosa Luxemburg, le plus grand nom du prolétariat d’Allemagne et de Pologne durant tout le début du 20ème siècle, Lénine mène le combat pour faire adopter par les délégués un amendement durcissant la résolution contre la guerre impérialiste. De même, Lénine participe activement au combat de la gauche de l’Internationale pour faire du Congrès extraordinaire de Bâle en 1912 une manifestation retentissante contre la menace de guerre. Mais c’est au cours de la 1ère guerre mondiale que l’internationalisme de Lénine trouve toute sa mesure. Sa dénonciation des "social-chauvins", mais aussi des "centristes" qui ne savent opposer à la boucherie impérialiste que des gémissements pacifistes, fait partie des pages les plus lumineuses de l’histoire du mouvement ouvrier. En particulier, à Zimmerwald, en septembre 1915, Lénine est l’animateur de la gauche de la conférence rassemblant les délégués des différents courants socialistes qui, en Europe, s’opposent à la guerre. Sa position se distingue de celle du "Manifeste" adopté par la conférence en affirmant clairement que "la lutte pour la paix sans action révolutionnaire est une phrase creuse et mensongère" et en appelant à la "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile"..."mot d’ordre... précisément... indiqué par les résolutions de Stuttgart et de Bâle".

L’internationalisme de Lénine ne s’éteint pas avec la victoire de la révolution en Octobre 1917. Au contraire, il conçoit celle-ci uniquement comme premier pas et marchepied de la révolution mondiale. C’est pour cela qu’il prend un rôle déterminant, en compagnie de Trotsky, dans la fondation de l’Internationale Communiste, en mars 1919. En particulier, c’est à Lénine qu’il revient de rédiger un des textes fondamentaux du congrès de fondation : les "Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat".

Du temps de Lénine, l’I.C. n’avait rien à voir avec ce qu’elle est devenue par la suite sous le contrôle de Staline : un instrument de la diplomatie de l’Etat capitaliste russe et le fer de lance de la contre-révolution à l’échelle mondiale. A son premier congrès, l’I.C. s’affirme et agit pratiquement comme "l’instrument pour la république internationale des conseils ouvriers, l’Internationale de l’action de masse ouverte, de la réalisation révolutionnaire,l’Internationale de l’action" ("Manifeste de l’I.C.", rédigé par Trotsky). - texte CCI

De P. Broué

"Trotsky"

Chapitre XX – Le « bloc » avec Lénine [1]

Frappé d’une première attaque le 26 mai 1922, paralysé du côté gauche, Lénine eut à lutter longuement avant de pouvoir reprendre une certaine activité à partir du mois de juillet et se replonger dans le travail en octobre. Il n’avait alors devant lui – et sans doute le pressentait-il – que quelques mois pour une tâche dont il découvrit brutalement l’importance en reprenant le collier après quelques mois d’interruption.

Bien des indices – réflexions au passage dans des interventions ou des lettres – montrent qu’à la veille de cette attaque, il était toujours préoccupé du risque de scission dans le parti qui pouvait naître du moindre désaccord au sein du cercle dirigeant. C’est ainsi qu’il écrivait le 23 mars 1922 à Molotov, alors « secrétaire responsable du comité central » :

« Actuellement, la politique prolétarienne du Parti est déterminée non pas par ses effectifs, mais par l’autorité immense et sans partage de cette couche très mince que l’on peut appeler la Vieille Garde du parti. Il suffit d’une faible lutte intestine au sein de cette couche pour que son autorité soit, sinon ruinée, du moins affaiblie au point que la décision ne dépendra plus d’elle [2]. »
En même temps, cependant, il se posait le problème du gouvernement et de la direction en termes tout à fait nouveaux. Déjà, en octobre 1921, il avait expliqué que les trois obstacles principaux étaient « la suffisance communiste », l’analphabétisme et la pratique des pots de vin [3]. Au XIe congrès du P.C.R.(b), il aborda, pour la première fois, semble-t-il, la question du pouvoir en termes de culture, avec des développements sur la nécessité d’apprendre, qui rappelaient les réflexions de Trotsky sur ce point. Il expliquait notamment :

« La force économique dont dispose l’État prolétarien de Russie est tout à fait suffisante pour assurer le passage au communisme. Qu’est-ce donc qui nous manque ? C’est clair, ce qui manque, c’est la culture chez les dirigeants communistes [4]. »
Pour lui, les communistes étaient devenus les prisonniers de ce qu’il appelait « la machine bureaucratique » :

« De fait, si nous considérons Moscou – 4 700 communistes responsables – et si nous considérons la machine bureaucratique, cette masse énorme, qui donc mène et qui est mené ? Je doute fort qu’on puisse dire que les communistes mènent. A vrai dire, ce ne sont pas eux qui mènent. Ce sont eux qui sont menés [5]. »
Rappelant le phénomène, souvent constaté dans l’Histoire, de peuples conquis imposant leur culture à leur vainqueur, il établit une analogie avec les communistes vainqueurs en train de se soumettre en Russie, selon lui, à la culture « misérable, insignifiante » des vaincus :

« Les communistes responsables [...] sauront-ils comprendre qu’ils ne savent pas diriger ? Qu’ils s’imaginent mener les autres alors qu’en réalité c’est eux qu’on mène ? S’ils arrivent à le comprendre, ils apprendront certainement à diriger, car c’est possible. Mais, pour cela, il faut étudier, or, chez nous, on n’étudie pas [6]. »
C’est sur la base de cette réflexion qu’après une remise au courant, à partir de juillet, il se lança de nouveau dans la bataille à l’automne.

L’histoire qui commença alors n’a pendant longtemps été connue que par le témoignage du seul Trotsky, les extraits de documents publiés dans La Révolution défigurée,son récit dans Ma Vie – une version rejetée avec indignation à Moscou et qualifiée de « faux calomnieux » par ceux qu’il appelait avec mépris « les épigones ». Or cette version a été de fait confirmée avec éclat, à partir de 1956, non seulement par le « discours secret » de Khrouchtchev, mais par la publication ultérieure de documents dont l’existence même avait été si longtemps niée. Peu après, sur la base de cette abondante documentation, Moshé Lewin publiait son ouvrage sur Le Dernier Combat de Lénine. Nous essaierons ici d’utiliser, sous une forme évidemment plus ramassée, l’ensemble de ces documents concernant quelques mois décisifs pour l’histoire soviétique.


Le récit donné par Trotsky dans Ma Vie porte d’abord sur une entrevue avec Lénine, qu’il ne date pas avec précision, mais situe « quelques semaines avant la deuxième crise » – laquelle eut lieu le 16 décembre 1922. L’entretien a été provoqué par une proposition du syndicat des travailleurs de l’enseignement de confier temporairement à Trotsky le commissariat à l’Education. Lénine n’était pas enthousiaste. Trotsky raconte :

« Avec chaleur, avec insistance, visiblement ému, Lénine exposait son plan.
 [...] Il est indispensable que vous deveniez mon adjoint. La situation est telle que nous avons besoin d’un regroupement radical du personnel."
« J’alléguai de nouveau que l’"appareil" me gênait de plus en plus dans mon travail, même au commissariat de la Guerre.
 Eh bien, vous pourrez secouer l’appareil", reprit vivement Lénine, faisant allusion à une expression que j’avais naguère employée.
« Je répondis que j’avais en vue non seulement le bureaucratisme de l’Etat. mais celui du parti ; que le fond de toutes les difficultés était dans la complicité des deux appareils et dans la complicité mutuelle des groupes influents qui se formaient autour d’une hiérarchie de secrétaires du parti [7]. »
Dans sa déposition de 1927 devant la commission centrale de contrôle du parti, Trotsky témoigne en ces termes :

« Lénine m’appela auprès de lui au Kremlin, me parla de l’effroyable développement du bureaucratisme dans notre appareil soviétique et de la nécessité de trouver un levier pour aborder sérieusement cette question. [...] Je lui répondis : "Vladimir Ilyitch, ma conviction est qu’il ne faut pas oublier qu’actuellement, dans la lutte contre le bureaucratisme de l’appareil soviétique, en province comme au centre, une sélection de fonctionnaires et de spécialistes, membres du parti, sans parti et à moitié membres du parti, se crée autour de certains groupes et personnalités dirigeantes du parti, dans la province, dans le district, dans la région, au centre, c’est-à-dire au comité central, etc. En faisant pression sur le fonctionnaire, on se heurtera au dirigeant du parti [...], et, dans la situation actuelle, je ne voudrais pas me charger de cette tâche [8], »
Tout cela est en conformité avec une lettre du 25 janvier 1923 contenue dans les archives de Trotsky : il y déclarait au comité central avoir mis en question devant Lénine « la politique du secrétariat du comité central, du bureau d’organisation et du bureau politique dans les questions soviétiques [9] », et les nombreuses interventions de ces organismes, y compris dans le dos des responsables en titre. Il poursuit le récit, dans Ma Vie :

« Après un instant de réflexion, Lénine posa la question nettement :
 Ainsi vous proposez d’ouvrir la lutte non seulement contre le bureaucratisme de l’Etat, mais contre le bureau d’organisation du comité central ?"
« Je me mis à rire, tellement c’était inattendu. Le bureau d’organisation du comité central était le centre même de l’appareil de Staline.
 Mettons qu’il en soit ainsi.
 Eh bien, continua Lénine, visiblement satisfait de ce que nous avions donné à la question sa vraie formule, je vous propose de faire bloc avec vous, contre le bureaucratisme en général, contre le bureau d’organisation en particulier.
 Il est flatteur, répondis-je, de faire un bloc honnête avec un honnête homme" [10]. »
La déposition de 1927 est citée ici presque mot à mot. Les deux hommes convinrent de se revoir. Lénine proposait de créer auprès du comité central une « commission pour la lutte contre le bureaucratisme » à laquelle il souhaitait la participation de Trotsky, selon la version de Ma Vie, « une commission sur la question d’une sélection, d’une formation et d’un pronostic plus juste des fonctionnaires et de rapports internationaux plus corrects [11] », selon la note du 25 janvier. Le récit est complété dans Ma Vie par un commentaire qui n’est évidemment pas dans les documents de 1923 et 1927 :

« Dans le fond, cette commission devait servir de levier pour la destruction de la fraction stalinienne, épine dorsale de la bureaucratie, et pour la création dans le parti de conditions qui m’auraient donné la possibilité de devenir le remplaçant de Lénine, dans sa pensée, d’être son successeur au poste de président du conseil des commissaires du peuple [12]. »
Cet accord, demeuré secret, sous-tend toute l’histoire de cette période et notamment des batailles menées à l’initiative de Lénine au cours desquelles se renforce et finalement se scelle le « bloc » entre les deux hommes.


La première bataille s’est déroulée sur la question du monopole du Commerce extérieur. Elle a été brutalement engagée par une promesse faite au cours des conversations de Riga par le commissaire du peuple au Commerce extérieur Milioutine d’y renoncer prochainement [13].

Il semble bien que la majorité des dirigeants, et parmi eux Staline, étaient alors partisans, sinon de son abolition, du moins de son assouplissement : tous considéraient qu’une reprise et un développement rapide des échanges internationaux étaient nécessaires au succès de la Nep. Trotsky, lui, était fermement opposé à une mesure qui désarmait, selon lui, l’Etat ouvrier face à ses ennemis de classe. Lénine était également hostile à l’abolition et l’avait nettement exprimé en mars 1922. Mais il découvrit avec stupeur en mai que Staline considérait un affaiblissement du monopole comme inévitable.

Or, le 6 octobre suivant, au comité central, en l’absence de Lénine, le commissaire du peuple aux Finances, Sokolnikov, faisait adopter le principe d’importantes dérogations au monopole. Lénine réagit vivement à cette décision et la considéra, selon l’expression de M. Lewin, comme « un véritable coup qu’on lui aurait porté [14] ». Il commença donc à faire campagne parmi les autres dirigeants, invitant Trotsky à discuter avec lui cette question le 11 octobre 1922 [15]. Probablement conforté par cet entretien, il s’adressa le surlendemain à Staline pour protester contre « ce coup porté au monopole du Commerce extérieur [16] », et, par-dessus le marché, sans discussion véritable. Il demandait avec insistance l’ajournement de la solution du problème à travers son renvoi à la session prochaine du comité central [17].

Mais la résistance se révéla plus sérieuse que Lénine ne l’avait supposée. Dans une note écrite de sa main sur la lettre même de Lénine, Staline remarquait :

« La lettre du camarade Lénine ne m’a pas fait changer d’avis quant à la justesse de la décision du plénum du comité central du 6 octobre concernant le commerce extérieur [18]. »
Après quelques considérations superficielles sur la question, il ajoutait :

« Néanmoins, vu le caractère insistant de la proposition du camarade Lénine d’ajourner la mise à exécution du plénum du comité central, je vote pour, afin que cette question soit discutée par le prochain plénum avec la participation de Lénine [19]. »
La majorité du comité central le suivit. Le 12 décembre 1922, informé par une lettre de Lénine qu’il allait « guerroyer en faveur du monopole du commerce extérieur [20] », Trotsky lui répondit qu’il était convaincu de l’absolue nécessité non seulement de maintenir, mais encore de renforcer le monopole du commerce extérieur. Il attirait en outre son attention sur le danger qu’il y avait à saper le monopole sous le prétexte de réaliser des réformes générales également bien nécessaires. Fidèle à son analyse, il ajoutait d’ailleurs en conclusion que la question centrale demeurait « la régulation du commerce d’exportation en relation avec les opérations économiques d’ensemble » :

« Quelqu’un doit savoir et décider ce qui peut ou non être importé et ce qui doit être exporté. [...] Ce devrait, de toute évidence, être le travail de la Commission du Plan d’Etat [21]. »
La réponse de Lénine allait considérablement resserrer les liens entre les deux hommes. Il l’assurait de son accord, puis, sa maladie l’empêchant de participer au comité central, le priait d’y défendre leur position commune « sur la nécessité de maintenir et renforcer le monopole du commerce extérieur [22] ». Après plusieurs échanges, il concluait, dans une lettre du 15 décembre :

« Je considère que nous sommes arrivés à un accord total. Annoncez, s’il vous plaît, notre solidarité au plénum. J’espère que notre résolution passera, car plusieurs de ceux qui ont voté contre en octobre passent en partie ou totalement de notre côté.
« Si, contrairement à notre attente, notre résolution ne passait pas, faisons appel à la fraction du congrès des soviets et annonçons que nous porterons la question devant le congrès du parti [23]. »
Finalement, dans une lettre à destination des membres du C.C. adressée à Staline, Lénine annonçait de façon très provocante ses intentions :

« J’ai maintenant terminé la liquidation de mes affaires et je peux partir tranquille. J’ai achevé également de me mettre d’accord avec Trotsky pour la défense de mon point de vue sur le monopole du commerce extérieur. [...] Je suis convaincu que Trotsky défendra mon point de vue aussi, bien que moi-même [24]. »
Le 18 décembre 1922, le comité central annulait ses décisions d’octobre et donnait satisfaction à Lénine. Ce dernier, le 21, dictait un petit mot pour Trotsky à Kroupskaia, tout à la joie de sa victoire :

« A ce qu’il semble, nous avons réussi à enlever la position sans coup férir, par une simple manœuvre. Je propose de ne pas s’arrêter là et de continuer l’offensive [25]. »
Ainsi le bloc Lénine-Trotsky avait-il remporté sa première bataille avant même que son existence soit connue. Certains commençaient à pressentir son existence et leur sommeil en était probablement troublé. Sa naissance n’a-t-elle pas déterminé, ou tout au moins conforté la troïka Zinoviev-Kamenev-Staline ?

Quelques jours plus tard, Lénine rejoignait enfin, avec quelques réserves, le point de vue de Trotsky sur le Gosplan, écrivant dans une note dictée le 17 décembre 1922 :

« Cette idée a été lancée depuis longtemps je crois par le camarade Trotsky. Je m’étais prononcé contre, parce que j’estimais qu’il se produirait alors une discordance fondamentale dans le système de nos institutions législatives. Mais, après un examen attentif, je constate que, dans le fond, il y a là une idée juste, à savoir : la Commission du Plan d’Etat se situe un peu à l’écart de nos institutions législatives, bien que, formant un ensemble de gens compétents de la science et de la technique, elle dispose en fait du maximum d’éléments pour bien juger les choses. [...] On doit, je pense, accéder au désir du camarade Trotsky, sans confier pour autant la présidence de la Commission du Plan d’Etat à une personne choisie parmi nos chefs politiques [26]. »


Le deuxième conflit entre Lénine et Staline allait être nettement plus grave. L’affaire géorgienne ne mettait plus seulement en cause personnellement Staline – ici en tant que commissaire du peuple aux Nationalités – mais son système de gouvernement à travers l’activité de ses hommes liges et, au premier chef, Ordjonikidzé.

Nous avons vu comment, en 1921, la politique du fait accompli de Staline-Ordjonikidzé avait abouti, dans un premier temps, à l’occupation de la Géorgie par l’Armée rouge et, plus tard, à sa transformation sur un rythme accéléré en République soviétique. Lénine ne s’y était pas formellement opposé, mais les notes qu’il avait rédigées à ce propos, pressant, par exemple, Ordjonikidzé de trouver un accord de gouvernement avec les mencheviks, trahissaient sa profonde inquiétude.

Or les choses se développèrent, en 1922 et notamment pendant sa période de congé, selon une ligne peu conforme à ses souhaits. Très vite en effet le comportement de satrape d’Ordjonikidzé, sûr de l’appui de Staline et garanti contre toute surprise de Moscou, souleva le mécontentement, puis l’indignation et la fureur des communistes géorgiens, légitimement sensibles aux sentiments nationaux de la population. Le projet de Fédération caucasienne regroupant Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan, inspiré par Lénine, fut rejeté presque à l’unanimité par les communistes géorgiens, et le congrès des soviets géorgiens adopta des résolutions hostiles à la Fédération – dont même les partisans d’ailleurs se dressèrent contre les pratiques autocratiques d’Ordjonikidzé.

Le 10 août 1922, alors que Lénine était encore tenu très à l’écart des affaires en raison de son état de santé, le bureau politique décidait la constitution d’une commission chargée de déposer un projet réglant les relations entre la République russe (la R.S.F.S.R.) et les autres républiques indépendantes, parmi lesquelles la Géorgie. La commission, dont Staline assurait la présidence, élabora rapidement un projet revenant purement et simplement à l’intégration des républiques « indépendantes », devenues « autonomes », dans la Fédération russe. Les communistes géorgiens manifestèrent aussitôt une ferme opposition, revendiquant le remaniement du projet de façon à leur garantir « tous les attributs de l’indépendance [27] ».

L’épreuve de force était désormais engagée entre le P.C. géorgien, toutes tendances réunies, et le bureau caucasien du P.C.R.(b) dirigé par Ordjonikidzé, lequel sommait sans détour ses adversaires de se taire et de se soumettre. Staline précipitait les choses en août en faisant savoir aux Géorgiens que les décisions de la R.S.F.S.R. s’appliquaient, d’ores et déjà et en tout état de cause, à leur république [28]. A la réunion de la commission des 24 et 25 septembre, les Ukrainiens semblaient près de s’aligner sur les Géorgiens.

Lénine était préoccupé depuis toujours par la question nationale et se souvenait de la levée de boucliers qu’avait provoquée dans les rangs du parti sa prise de position en faveur de l’autodétermination. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce qu’il ait demandé qu’on lui fasse parvenir le dossier complet de l’activité de la commission, de ses propositions et de l’accueil qu’elles avaient reçu. Il l’eut en main le 25 septembre. Moshé Lewin relève très justement qu’il est tout à fait clair qu’à cette époque, bien que parfois réservé à l’égard du comportement de Staline, il lui gardait toute sa confiance personnelle et ne mettait pas un instant en doute la véracité de ses affirmations [29]. Mais il formula des réserves à propos du projet, qu’il trouvait un peu « précipité », et se prononça à la fois contre la formule des républiques « autonomes » au sein de la Fédération russe, et pour leur intégration à toutes, R.S.F.S.R. comprise, au sein d’une Union des républiques socialistes soviétiques [30].

Sûr de lui, fort du pouvoir acquis pendant les mois de la maladie de Lénine, il semble que Staline s’impatienta. Il n’appréciait pas les remarques du « Vieux » – qu’il jugeait en dehors du coup – et souhaitait lui opposer une attitude de fermeté. Communiquant au bureau politique la lettre de Lénine proposant modifications et amendements au projet de la commission, il la commentait en accusant Lénine à la fois de « libéralisme national » et de « centralisme hâtif », une attitude seulement susceptible, d’après lui, d’encourager en Géorgie les résistances « nationalistes » et « séparatistes » des communistes géorgiens [31]. Fidèle cependant à la tactique qui était la sienne depuis des années, il n’affronta pas Lénine devant le comité central, céda sans combat et laissa l’assemblée réaménager le projet conformément aux vœux de Lénine. Il est très probable que ce dernier s’était contenté, jusque-là, de penser, comme il l’avait suggéré à Kamenev le 26 septembre, qu’en cette affaire Staline avait seulement « quelque peu tendance à brusquer les choses ». Les remarques de Staline sur son projet, sa dérobade devant la discussion, alertèrent Lénine. Le jour même du débat au comité central, il écrivait au bureau politique une note lourde de signification :

« Je déclare une guerre à mort au chauvinisme grand-russe. Aussitôt que je serai délivré de ma maudite dent, je le dévorerai avec toutes mes dents saines.
« Il faut absolument insister pour que le comité exécutif central fédéral (des soviets) soit présidé à tour de rôle par
un Russe
un Ukrainien
un Géorgien, etc.
« Absolument [32]. »
Mais l’accord intervenu au comité central – auquel avait participé Mdivani, porte-parole des communistes géorgiens opposants – n’était qu’un accord de façade. Pour les Géorgiens, la République indépendante de Géorgie devait être appelée, ainsi que les autres républiques géorgiennes, à entrer, sur pied d’égalité avec la R.S.F.S.R., dans l’Union des républiques. Staline et Ordjonikidzé, refusant de perdre la face, continuaient à exiger l’entrée de la Géorgie dans la Fédération transcaucasienne et l’admission dans l’U.R.S.S. de la seule fédération.

L’épreuve de force commençait. Fort de l’appui inconditionnel du secrétariat, Ordjonikidzé l’utilisait pour démanteler, par mutations et nominations, les positions de ses adversaires. Ces derniers cherchaient désespérément à Moscou d’éventuels appuis, obtenaient finalement de Boukharine qu’il remette à Lénine une plainte énumérant leurs griefs. Toujours convaincu que Staline, même s’il avait tort sur le fond, ne manipulait pas l’information qu’il lui procurait, Lénine répondit vertement aux Géorgiens, leur reprochant le « ton indécent » de leur lettre :

« J’étais persuadé que tous les désaccords avaient été tranchés par les résolutions adoptées par la réunion plénière du comité central avec ma participation indirecte et la participation directe de Mdivani. C’est pourquoi je condamne catégoriquement les injures à l’adresse d’Ordjonikidzé et j’insiste pour que votre conflit soit porté sur un ton convenable et loyal devant le secrétariat du comité central du P.C.R. qui tranchera [33]. »
Désespérés d’être ainsi renvoyés à Staline pour se plaindre de lui et de ses hommes, les opposants géorgiens décidèrent un geste spectaculaire : une démission en masse du comité central du P.C. de Géorgie, le 22 octobre [34]. Sans perdre de temps, Ordjonikidzé faisait immédiatement désigner un nouveau C.C. par le bureau caucasien. Les incidents se multipliaient, et Ordjonikidzé se laissa aller, au cours d’une empoignade, à frapper Kibanidzé, un partisan de Mdivani [35]. Lettres, résolutions, plaintes – émanant même de partisans de la fédération comme Makharadzé – s’accumulaient à Moscou, dénonçant les méthodes du secrétariat et de son proconsul en Géorgie. Il semble que c’est seulement alors que Lénine commença à éprouver des doutes. S’abstenant lors du vote au bureau politique pour l’envoi en Géorgie d’une commission d’enquête dirigée par Dzerjinski, chef de la Tchéka, il chargea Rykov, qui partait pour la Géorgie, d’une mission d’information [36].

Le retour, à trois jours d’intervalle, de Rykov et de la commission Dzerjinski, lui enleva toute illusion s’il en conservait encore. Il apprit en effet que cette commission avait approuvé la décision du secrétariat de rappeler à Moscou tous les adversaires d’Ordjonikidzé, les éloignant ainsi de la Géorgie. Il apprit aussi de la bouche de Dzerjinski l’acte de brutalité d’Ordjonikidzé contre Kibanidzé que Rykov avait tenté de lui dissimuler. Il n’est pas douteux que Lénine fut absolument bouleversé par ces découvertes. Selon Moshé Lewin, son entretien avec Dzerjinski eut « une influence néfaste sur la progression de la maladie de Lénine et hâta sans doute la crise » qui allait le frapper quelques jours plus tard, le 13 décembre au matin [37].

Le 30 décembre, malgré les terribles difficultés qu’il éprouvait désormais, il dicte l’essentiel de ses notes sur la question des nationalités [38] commençant par la célèbre phrase : « Je suis, je crois, grandement coupable devant les ouvriers de Russie [39]. [...] Nous avons, écrit-il plus loin, glissé dans un bourbier » :

« Nous appelons nôtre un appareil qui, de fait, nous est foncièrement étranger et représente un salmigondis de survivances bourgeoises et tsaristes [40]. »
Ce qu’il a découvert dans l’affaire géorgienne, sous ce qu’il appelle « une formule bureaucratique », c’est « l’invasion du Russe authentique, du Grand-Russe, du chauvin, de ce gredin et de cet oppresseur qu’est au fond le bureaucrate russe typique [41] » . Et pour bien situer les responsabilités, il précise :

« Je pense qu’un rôle fatal a été joué ici par la hâte de Staline et son goût pour l’administration, ainsi que par son irritation contre le fameux social-nationalisme [42]. »
Il condamne également ce qu’il appelle « l’état d’esprit 100 % russe » de Dzerjinski et la « faute irréparable » qu’il a commise en prenant à la légère les brutalités d’Ordjonikidzé [43]. Son verdict est féroce contre Staline :

« Le Géorgien qui considère avec dédain ce côté de l’affaire, qui lance dédaigneusement des accusations de "social-nationalisme" (alors qu’il est lui-même non seulement un vrai, un authentique "social-national", mais encore un brutal argousin grand-russe), ce Géorgien-là porte en réalité atteinte à la solidarité prolétarienne de classe [44]. »
En janvier et février 1923, en dépit de toutes les restrictions apportées à son activité par le bureau politique sous prétexte de ménager sa santé – et qui le révoltent –, Lénine travaille dur sur la question géorgienne et réussit à apprendre ce qu’on lui cache, à savoir l’approbation par le bureau politique des conclusions de la commission Dzerjinski pour le déplacement des camarades de Mdivani, et un quitus moral à Staline et Ordjonikidzé. Il charge alors un petit groupe de ses proches collaborateurs de mener pour lui l’enquête : c’est sa « commission clandestine » qui lui apprend, par exemple, que le texte de la plainte de Kibanidzé contre Ordjonikidzé a « disparu » du dossier. Elle lui remet, le 3 mars, un rapport détaillé dont le texte est resté secret, même à l’époque de la déstalinisation.

Lénine n’a maintenant plus de doutes et sa position, complètement inversée par rapport à celle de l’été de 1922, est désormais très ferme. Il écrit à Trotsky le 5 mars :

« Je vous prie avec insistance de vous charger de la défense de l’affaire géorgienne au comité central du parti. Cette affaire se trouve actuellement sous la "persécution" de Staline et de Dzerjinski, et je ne peux pas me fier à leur impartialité ! C’est le contraire qui est vrai. Si vous consentez à entreprendre la défense, je pourrais alors être rassuré ; si vous ne consentiez pas, pour une raison quelconque, rendez-moi alors le dossier, j’y verrai le signe de votre désaccord.
"Avec mon meilleur salut de camarade. [45] »
Dans le récit qu’il donne dans Ma Vie, Trotsky assure qu’il décida d’assumer cette défense. L’Institut du Marxisme-Léninisme de Moscou prétend qu’il refusa pour raison de santé, mais n’apporte, à l’appui de cette allégation, aucun élément de preuve. Adam B. Ulam assure aussi qu’il refusa – car il renvoya le dossier sans oublier d’en prendre une copie – et qu’il s’efforça ensuite de le dissimuler. Mais ses arguments sont faibles et son développement allusif et confus [46]. Dans les annexes du « Journal des secrétaires de Lénine », Moshé Lewin cite une lettre de L.A. Fotieva qui constitue la preuve de l’acceptation de Trotsky [47]. Lewin précise en outre :

« Grâce au Journal et aux autres sources auxquelles nous nous référons ici on peut constater que Trotsky est une source sûre. A les confronter avec les révélations de l’I.M.L., on voit que ses renseignements sont fournis avec la plus grande honnêteté et la plus grande exactitude. Dans tout ce qu’il raconte des événements dont il est ici question, il ne se trompe au plus – et rarement – que d’une journée dans sa chronologie [48]. »
Placées dans des enveloppes dont les secrétaires de Lénine ont précisé, à sa demande, qu’elles ne pourraient être ouvertes que par Kroupskaia, les réflexions de Lénine sur les dirigeants du parti et sur la question nationale devaient demeurer ignorées des citoyens soviétiques et même des cadres du parti. Deux articles cependant, publiés dans la Pravda à plusieurs semaines d’intervalle, indiquèrent au lecteur attentif la distance qui s’était creusée au cours des derniers mois entre Lénine et Staline.

Il s’agit de deux articles consacrés à l’Inspection ouvrière et paysanne, commissariat du peuple dont Staline n’était plus titulaire depuis une année, mais où il continuait, à travers les hommes qu’il y avait placés, à exercer une influence prépondérante. Parfaitement conscient du sens de l’attaque portée par Lénine, le bureau politique songea pendant un moment à ne pas publier ces deux textes, les tout derniers dictés par Lénine.

Le premier article porte sur la nécessaire « réorganisation de l’Inspection ouvrière et paysanne [49] ». La critique est dévastatrice. Nous nous contenterons de relever que, tout en proposant une réduction massive des effectifs de l’Inspection à 300 ou 400 employés, il affirme la nécessité – sans doute par opposition à la réalité du moment – que tous les collaborateurs de l’Inspection soient « particulièrement vérifiés eu égard à leur bonne foi et à leur connaissance de l’appareil d’Etat [50] ».

Avec « Mieux vaut moins, mais mieux », publié dans la Pravda du 4 mars 1923 [51], Lénine franchit un pas supplémentaire dans le tir nourri qu’il dirige ouvertement désormais contre Staline. Reprenant ses réflexions antérieures sur les problèmes de culture en relation avec l’appareil d’Etat, il nota d’abord, ce qui était une attaque très directe :

« Il nous suffirait pour commencer d’avoir une véritable culture bourgeoise : il nous suffirait, pour commencer, de nous passer des types particulièrement invétérés des cultures prébourgeoises, c’est-à-dire bureaucratique ou féodale [52]. »
Passant, une fois de plus, à la question de l’appareil d’État, il relevait que les choses y allaient « mal », y étaient même « détestables ». Il n’y avait pas, selon lui, d’éléments « pour édifier un appareil vraiment neuf, et qui mérite totalement le nom d’appareil socialiste, soviétique, etc. [53] ». C’était précisément ce qui, à ses yeux, impliquait d’abord une transformation de l’Inspection ouvrière et paysanne en un nouveau « Commissariat du peuple ». Il donnait une définition très importante de ce qu’il appelait « le meilleur » du régime social soviétique :

« Les ouvriers avancés d’abord et, en second lieu, les éléments vraiment instruits pour lesquels on peut se porter garant qu’ils ne croiront rien sur parole et qu’ils ne diront pas un mot qui soit contraire à leur conscience, ne craignent pas de prendre conscience des difficultés, quelles qu’elles soient, et ne reculent devant aucune lutte pour atteindre le but qu’ils se seront sérieusement assigné [54]. »
Après avoir ainsi défini négativement les éléments de l’Inspection ouvrière et paysanne, il mettait enfin les points sur les i, portant un rude coup au prestige de Staline :

« Parlons net. Le commissariat du peuple à l’Inspection ouvrière et paysanne ne jouit pas à l’heure actuelle d’une ombre de prestige. Tout le monde sait qu’il n’est point d’institutions plus mal organisées que celles qui relèvent de notre Inspection ouvrière et paysanne, et que, dans les conditions actuelles, on ne peut rien exiger de ce commissariat. [...] Je demande à n’importe quel dirigeant actuel de l’Inspection ouvrière et paysanne ou aux personnes qui ont des rapports avec elle, de me dire en toute conscience quel besoin il y a pratiquement d’un commissariat comme l’Inspection ouvrière et paysanne [55]. »


La « déstalinisation » sous l’égide de Khrouchtchev – on l’a déjà souligné – n’a finalement « révélé » que ce qui était déjà connu. En tout cas, elle a constitué, sans, bien sûr, l’avoir voulu, une confirmation de la véracité des documents et textes cités ou évoqués par Trotsky. Ecrivant en 1967, Moshé Lewin pouvait assurer sans crainte que les publications de Moscou des dernières années avaient permis de constater l’exactitude du témoignage de Trotsky.

Au premier rang de ces documents figure évidemment la lettre de Lénine au comité central qu’on appelle, de façon quelque peu impropre, son « testament » : des notes dictées les 23 et 24 décembre 1922 et complétées le 4 janvier 1923.

Lénine revient, dans ce texte célèbre, sur le problème qui était depuis l’hiver 1920-1921 au centre de ses préoccupations, à savoir le risque de scission du parti et, dans l’immédiat, le problème de la cohésion du comité central. Il écrit :

« J’estime que sous ce rapport, le point essentiel dans le problème de la cohésion, c’est l’existence de membres du comité central comme Staline et Trotsky. Les rapports entre eux constituent à mon sens le principal du danger de cette scission qui pourrait être évitée [56]. »
Il passe ensuite à une brève caractérisation des deux hommes :

« Le camarade Staline, devenu secrétaire général, a concentré entre ses mains un pouvoir illimité et je ne suis pas sûr qu’il puisse toujours s’en servir avec assez de circonspection. D’autre part, le camarade Trotsky, comme l’a déjà montré sa lutte contre le comité central dans la question du Commissariat du Peuple aux voies de communication, ne se fait pas seulement remarquer par des capacités éminentes. Il est peut-être l’homme le plus capable de l’actuel Comité central. Mais il pèche par excès d’assurance et par un engouement exagéré pour le côté purement administratif [57]. »
Quelques lignes plus loin, évoquant « l’épisode d’Octobre de Zinoviev et Kamenev », qu’il ne juge pas « accidentel », il assure qu’on ne peut pas plus le leur reprocher que « le non-bolchevisme de Trotsky ». Quelques phrases sur Boukharine et Piatakov terminent cette brève présentation [58].

Ce texte – dont l’existence même a été si longtemps contestée et avec autant de violence – mérite un examen attentif, qui ne lui a été que rarement accordé, peut-être parce que toute l’attention était consacrée au problème de son existence.

La première remarque qui s’impose est que Lénine considère Staline et Trotsky comme les deux dirigeants éminents – une affirmation qui, selon Moshé Lewin, « avait de quoi, par la place accordée à Staline, étonner le pays, blesser Trotsky et surprendre désagréablement Zinoviev et Kamenev [59] », Correspondait-elle, comme le suggère le même auteur, à la découverte par Lénine de l’étendue des pouvoirs détenus par Staline, devenu secrétaire général ? C’est possible, pas avéré.

Moshé Lewin souligne par ailleurs le soin avec lequel Lénine trace le portrait des deux hommes de façon à ne laisser transparaître aucune préférence. Les qualités individuelles supérieures – les dons et le talent – qu’il reconnaît à Trotsky sont compensées par le rappel de son comportement pendant la discussion syndicale et celui de son passé de conciliateur antibolchevique. En ce qui concerne Staline, l’accent est mis non sur l’homme et sur ses qualités, mais sur l’étendue de son pouvoir et le risque – le risque seulement – qu’il ne l’utilise imprudemment. L’historien a raison quand il écrit :

« Supposons la rédaction des notes arrêtée ici et qu’elles fussent lues ensuite à la tribune d’un congrès du parti, elles sembleraient dominées par un souci d’équilibre, par la volonté de maintenir le statu quo pour éviter la scission [60]. »
Ce dernier message de Lénine à son parti aurait donc été, à la date du 25 décembre 1922, un appel à la prudence, une invitation à préserver un équilibre, une mise en garde contre ce qui, chez l’un et l’autre des deux « dirigeants éminents », pouvait nuire à la cohésion de la direction.

Pourtant, le 4 janvier 1923. il dicte à Fotieva un complément qui change tout et détruit en particulier l’équilibre sur lequel il avait jusqu’alors jalousement veillé :

« Staline est trop brutal, et ce défaut, parfaitement tolérable dans notre milieu et dans les relations entre nous, communistes, ne l’est plus dans les fonctions de secrétaire général. Je propose donc aux camarades d’étudier un moyen pour démettre Staline de ce poste et pour nommer à sa place une autre personne qui n’aurait en toutes choses sur le camarade Staline qu’un seul avantage, celui d’être plus tolérant, plus loyal, plus poli et plus attentif envers les camarades, d’humeur moins capricieuse, etc. Ces traits peuvent sembler n’être qu’un infime détail. Mais, à mon sens, pour nous préserver de la scission et en tenant compte de ce que j’ai écrit plus haut sur les rapports de Staline et de Trotsky, ce n’est pas un détail, ou bien c’en est un qui peut prendre une importance décisive [61]. »
Que s’est-il passé entre le 24 décembre 1922 et le 4 janvier 1923 ? La tentation – à laquelle certains historiens n’ont pas résisté – consiste à chercher quel a été l’incident personnel, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des divergences. Or Staline accepte difficilement l’accumulation de remarques critiques venant de la chambre d’un malade dont il espère avoir secoué la tutelle. La correspondance entre Lénine et Trotsky, leurs rencontres, la lettre du premier au second du 18 décembre, célébrant leur victoire dans la bataille du monopole du commerce extérieur lui apparaissent comme autant de menaces intolérables, l’enragent et lui ont sans doute fait perdre son sang-froid. Le 21 décembre, en effet, apprenant que la lettre a été dictée à Kroupskaia, il appelle cette dernière au téléphone, l’injurie et la menace pour avoir contrevenu, ce faisant, aux prescriptions médicales, bien qu’elle ait eu l’accord des médecins pour prendre en note un texte que Lénine voulait dicter.

La compagne de Lénine proteste le même jour dans une lettre à Kamenev, vice-président du gouvernement, et demande à « être protégée d’une ingérence grossière [...], d’injures indignes et de menaces [62] ». Kroupskaia, qui n’a pas informé tout de suite Lénine de l’incident, pour lui éviter une émotion, lui en a-t-elle parlé entre le 25 décembre 1922 et le 4 janvier 1923 ? On tiendrait là une explication événementielle de ce complément qui change totalement la tournure primitive du « testament ».

Jusqu’à la production d’éléments supplémentaires probants, notamment sur la chronologie, nous souscrivons entièrement, pour notre part, à l’explication proposée sur ce point par Moshé Lewin :

« Nous en savons assez sur Lénine pour trouver aux déclarations d’Ilyitch contre Staline une explication qui sied mieux à son caractère, à sa conscience de chef responsable, pour qui la politique primait toute autre considération [63]. »
L’historien du Dernier Combat de Lénine estime impossible que l’incident entre Staline et Kroupskaia ait pu pousser Lénine à « un acte politique de nature à bouleverser les rapports de force dans le comité central ».

« Il avait pour le faire des raisons autrement sérieuses. Pour s’en convaincre, il suffit d’étudier les notes sur la question nationale [...] dictées les 30 et 31 décembre [64]. »
C’est seulement le 5 mars 1923 qu’évoquant « la grossièreté » et les « injures téléphoniques » de Staline à Kroupskaia, Lénine écrit à Staline que ce qui est dirigé contre sa femme l’est aussi contre lui. Il lui donne le choix entre des excuses et une rupture de leurs relations personnelles. Le même jour, il écrit à Mdivani la lettre que nous connaissons et charge Fotieva d’informer Kamenev de son alliance avec Trotsky dans l’affaire géorgienne [65]. Sa secrétaire, Gliasser, annonce à Trotsky : « Vladimir Ilyitch prépare une bombe contre Staline [66]. »

Le 7 mars, c’est la seconde attaque, infiniment plus sévère que la première. Lénine n’a, disent les communiqués officiels, plus l’usage de la parole. Il va survivre plus de dix mois, probablement conscient de sa déchéance et condamné au supplice de l’impuissance totale.


Tout indique finalement que Lénine, au début de 1923, avait bel et bien décidé de s’engager dans le combat contre Staline et la bureaucratie, à commencer par l’appareil du parti et que c’est dans ce but qu’il avait conclu avec Trotsky une alliance qui a connu un début d’application. Trotsky est parfaitement convaincant, de ce point de vue, quand il écrit dans Ma Vie :

« [Après le 4 janvier], Lénine ne préparait plus seulement l’élimination de Staline du poste de secrétaire général ; il voulait le disqualifier devant le parti. Sur la question du monopole du commerce extérieur, sur la question du régime intérieur du parti, de l’Inspection ouvrière et paysanne et sur la commission de contrôle, Lénine, systématiquement et avec persévérance, vise à porter au XIIe congrès, à travers la personne de Staline, le coup le plus terrible au bureaucratisme, à la solidarité de complices des fonctionnaires, aux abus de pouvoir, à l’arbitraire et à la brutalité [67]. »
Il pose alors la question :

« Lénine aurait-il pu réussir le regroupement qu’il méditait dans la direction du parti [68] ? »
Et il répond nettement :

« A ce moment-là, sans aucun doute. [...] Notre action commune, si elle avait eu lieu au début de 1923, nous aurait certainement assuré la victoire. [...] Dans quelle mesure cette victoire aurait été durable, c’est une autre question. [...] En 1922-1923, il était encore tout à fait possible de s’emparer de la principale position stratégique en menant une offensive ouverte contre la fraction qui se formait rapidement des fonctionnaires nationalo-socialistes, des usurpateurs de l’appareil, des captateurs de l’héritage d’Octobre, des épigones du bolchevisme [69]. »
S’efforçant de répondre à la même question, Moshé Lewin, de son côté, relève que Lénine, au début de 1923, après son complément du 4 janvier, ne semble plus se soucier du danger de fractionnisme qui avait semblé dominer ses préoccupations depuis 1921. Il pense aussi que Lénine n’a pressenti qu’une partie seulement de la réalité, « l’ampleur du danger représenté par l’abus du pouvoir » que pouvait commettre le sommet de la hiérarchie, et « sa dégénérescence en une dictature personnelle irresponsable ». Il poursuit :

« Pour ne pas être battu, Lénine aurait dû accomplir des prodiges d’habileté, il aurait dû se montrer audacieux, adroit manœuvrier, innovateur politique. [...] Il aurait dû, selon ses propres termes, "faire preuve d’une obstination prodigieuse". On peut penser qu’il en était capable. Il est légitime de penser que Lénine, agissant de concert avec Trotsky et d’autres encore, aurait pu faire passer la Russie soviétique par un chemin moins tragique, plus rationnel, et qui aurait moins compromis l’idée du socialisme. [...] A eux deux, ils symbolisaient l’appel mobilisateur de la révolution d’Octobre [70]. »
Dressant le bilan de l’affaire géorgienne, il écrit qu’il est parfaitement légitime de supposer que la structure ultérieure de l’Union soviétique aurait été finalement passablement différente de celle qu’elle allait devenir [71] …


L’absence de Lénine, les réserves de Trotsky ont eu des conséquences limitées, sur le coup, au bureau politique du P.C.U.S., mais qui n’ont pu que contribuer de façon importante à l’accroissement des tensions et à l’aggravation des antagonismes.

Le premier conflit au sommet éclate à propos de l’article de Lénine sur la réorganisation de l’Inspection ouvrière et paysanne que Boukharine ne publia pas dans la Pravda du 23 janvier 1923 comme l’avait demandé Lénine en l’adressant à la rédaction de l’organe central du parti. Kroupskaia téléphona alors à Trotsky pour lui demander son intervention, insistant sur l’impatience de Lénine quant à la publication de son plan. C’est Trotsky qui obtint la convocation immédiate du bureau politique sur cette question.

Tous les présents au début de la réunion, Staline, Molotov, Kouibychev, Rykov, Kalinine et Boukharine – à l’exception du seul Trotsky –, se prononcent contre le plan de Lénine et la publication de l’article que repoussent avec une vigueur particulière les membres du secrétariat. Pour répondre à Trotsky qui souligne l’impatience de Lénine d’avoir en main le journal avec l’article imprimé, Kouibychev propose même de tirer un numéro unique de la Pravda contenant l’article et destiné au seul Lénine. Kamenev, arrivé avec une heure de retard, soutient Trotsky : pour eux, il est impossible de cacher au parti l’article de Lénine – ce dont finalement les adversaires de la publication se laissent convaincre non sans arrière-pensées. L’article de Lénine est donc finalement publié dans la Pravda du 25 janvier.

Un second débat, très vif commence alors autour de projets de réorganisation du comité central, dont l’un est déposé par Lénine, l’autre par le secrétariat général. Trotsky combat résolument aussi une proposition de Lénine d’augmenter le nombre des membres du comité centra !, dont il juge qu’il sera ainsi plus manipulable. Une campagne en forme d’insinuations va lui reprocher de combattre en sous-main les idées de Lénine. Informé, il proteste, dans une lettre au comité central du 23 février, et menace de porter le débat devant l’ensemble du parti, afin de mettre fin aux rumeurs et de placer chacun devant ses responsabilités. Les griefs se multiplient et les rancœurs s’accroissent.

L’incertitude continue pourtant à planer sur la santé de Lénine : « le Vieux » va-t-il se rétablir suffisamment pour reprendre une certaine activité, et dans combien de temps ? Cette situation va se prolonger pendant des mois : tant que la guérison de Lénine et son retour aux affaires demeureront une éventualité plausible, le bloc Lénine-Trotsky demeurera une possibilité, une menace que leur cible ne sous-estime pas. La lutte politique au sommet du premier « Etat ouvrier » dépend, dans ces conditions, des médecins et de la lutte contre l’artériosclérose d’un homme encore jeune à la constitution jugée alors, peut-être à tort, exceptionnellement robuste.

Trotsky en a plus que quiconque conscience. Les responsabilités qui pèsent sur ses épaules, à partir de la rechute de Lénine, deviennent écrasantes à la veille du XIIe congrès. Peut-on se comporter dans le parti comme si Lénine était mort ? Doit-on renvoyer à une date ultérieure toute décision capitale concernant l’avenir du parti et n’engager le combat que s’il meurt ou s’il guérit ?

C’était là certainement le type de problème auquel Trotsky était le plus mal préparé.

Références

[1] Les bases documentaires de ce chapitre qui se trouvaient jusqu’alors dans les archives ou les écrits de Trotsky exclusivement ont été élargies par les publications de l’ère khrouchtchévienne, notamment les documents de Lénine jusque-là dissimulés. Deux ouvrages importants : Lidia Aleksandrovna Fotieva, Iz vospominianii o Lenine, Moscou, 1964, et Moshé Lewin, Le dernier combat de Lénine, Paris, 1964, ont complété, mais pas modifié de façon substantielle. Voir également Anna Di Biagio « Stalin e Trockij : dopo la revoluzione (1921-1923), Problemi del Socialismo » série 4.21.1980, (n° 17) pp. 113-148.

[2] Lénine, Œuvres, t. 33, p. 60.

[3] Ibidem, pp. 72-73.

[4] Ibidem, p. 293.

[5] Ibidem.

[6] Ibidem, p. 294.

[7] M.V., III, p. 200.

[8] Lettre à l’Istpart, D.L.R.,p. 165.

[9] Archives Trotsky, Havard, lettre du 25 janvier 1923, T 775.

[10] M.V., III, pp. 200-201.

[11] Ibidem, p. 201, ainsi que A.H., T 775.

[12] M.V., III, p. 201.

[13] Lewin, Dernier combat, p. 46.

[14] Ibidem, p. 48.

[15] D.L.R., p. 155.

[16] Lénine, Œuvres, t. 33, p. 382.

[17] Ibidem, pp. 383-384.

[18] Fotieva, op. cit., pp. 28-29.

[19] Ibidem.

[20] Lénine, Œuvres, t. 45, p. 622.

[21] T.P., II, pp. 778-780.

[22] Lénine, Œuvres, t. 45, p. 622.

[23] Ibidem, p. 626.

[24] Ibidem, pp. 623-624.

[25] Ibidem, p. 627.

[26] Lénine, Œuvres, t. 36, pp. 611-612.

[27] Lewin, op. cit., p. 59.

[28] Ibidem.

[29] Ibidem, p. 61.

[30] Cité ibidem, pp. 146-148.

[31] Lewin, op. cit., pp. 149-150.

[32] Lénine, Œuvres, t. 33, p. 379.

[33] Lénine, Œuvres, t. 45, p. 601.

[34] Fotieva, op. cit., p. 52.

[35] Ibidem, p. 75.

[36] Lewin, op. cit., p. 68.

[37] Ibidem, p. 78.

[38] Lénine, Œuvres, t. 36, pp. 618-624.

[39] Ibidem, p. 618.

[40] Ibidem, p. 619.

[41] Ibidem.

[42] Ibidem.

[43] Ibidem, p. 620.

[44] Ibidem, pp. 621-622.

[45] Lénine, Œuvres, t. 45, p. 628.

[46] Adam B. Ulam, The Bolsheviks, pp. 571-573.

[47] Cahiers du Monde russe et soviétique, 26 (27), p. 328.

[48] Ibidem, m. 1, p. 297.

[49] Lénine, Œuvres, t. 36, pp. 611-615.

[50] Lénine, Œuvres, t. 33, pp. 495-500.

[51] Ibidem, pp. 500-517.

[52] Ibidem, p. 501.

[53] Ibidem, pp. 501-502.

[54] Ibidem, pp. 503.

[55] Ibidem, p. 504-505.

[56] Lénine, Œuvres, t. 36, p. 606.

[57] Ibidem, p. 607.

[58] Ibidem.

[59] Lewin, op. cit., p. 88.

[60] Ibidem, p. 90.

[61] Lénine, Œuvres, t. 36, p. 608.

[62] Lewin, op. cit., pp. 150-151.

[63] Ibidem, p. 92.

[64] Ibidem. p. 93.

[65] Lénine, Œuvres, t. 45, pp. 628-629.

[66] D.L .R., p. 166.

[67] M .V., III, pp. 202-203.

[68] Ibidem, p. 203.

[69] Ibidem, pp. 203-204.

[70] Lewin, op. cit., pp. 140-141.

[71] D.L.R., p. 164.

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  • Trois ans avant sa mort, lors d’un entretien avec un journaliste américain sceptique et hostile, Trotsky expliqua qu’il voyait sa vie non pas comme une série d’épisodes déroutants et en dernière analyse tragiques, mais bien comme un reflet des différentes étapes de la trajectoire historique du mouvement révolutionnaire. Son arrivée au pouvoir en 1917 était le produit d’un soulèvement sans précédent de la classe ouvrière. Pendant six ans, son pouvoir découlait des relations sociales et politiques créées par ce soulèvement. Le déclin de son sort politique personnel résulte inexorablement du recul de la vague révolutionnaire. Trotsky a été chassé du pouvoir non pas parce qu’il était un politicien moins adroit que Staline, mais bien parce que la force sociale sur laquelle son pouvoir était basé la classe ouvrière russe et internationale battait politiquement en retraite. L’épuisement de la classe ouvrière russe au lendemain de la guerre civile, le pouvoir politique croissant de la bureaucratie soviétique, et les défaites subies par la classe ouvrière européenne notamment en Allemagne furent, en dernière analyse les facteurs décisifs responsables de la chute du pouvoir de Trotsky. »

    David North

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