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Editorial 12-06-2010 - Afrique du sud : la coupe est pleine

vendredi 11 juin 2010

LA VOIX DES TRAVAILLEURS

« Travailleurs de tous les pays unissez-vous »

Karl Marx

Afrique du sud : la coupe est pleine

A entendre les média d’ici, la coupe du monde de football suffirait à faire le bonheur de tout le peuple sud-africain et à cimenter l’unité dans la joie de ce pays sorti de l’apartheid. En tout cas c’est certainement l’un des calculs politiques et sociaux des dirigeants de l’ANC qui gouvernent depuis la fin du régime raciste blanc. On est loin maintenant des années de l’apartheid et une nouvelle génération qui ne l’a pas connu ne connaît toujours pas ni la liberté, ni le bien-être, ni même la fin de l’exclusion pour l’immense majorité des Noirs. Le gouvernement compte bien présenter cette coupe en Afrique du sud comme une preuve de la reconnaissance mondiale et comme une raison de fierté sinon d’espoir en l’avenir, espoir qui manque absolument à l’immense majorité de la population.

Si le gouvernement a trouvé les sommes colossales nécessaires pour organiser la coupe et permettre à la FIFA d’engranger des sommes très importantes, la population, elle, doit entendre tous les jours que le même gouvernement n’a pas un centime pour les hôpitaux, pour la santé alors qu’une fraction considérable de la population subit des graves maladies comme le sida. On affirme ici que le peuple sud-africain fête la coupe dans la rue. Pas étonnant : ne pouvant s’acheter les billets sur internet et faute d’avoir même l’argent pour cela, ils ne peuvent même pas le regarder à la télé car il faudrait encore avoir la télé, même collective, et surtout avoir le courant électrique. La plupart des sud-africains sont tellement démunis que pour eux avoir le courant consiste à le prendre par une connections piratée ! La moitié des sud-africains, selon les statistiques officielles, vit en effet au dessous du seuil de pauvreté, le quart est au chômage et la plupart n’ont pas un logement suffisant pour vivre. C’est dire que ce peuple ne vivra pas seulement à côté du match mais qu’il vit également loin de toute santé, de tout emploi, de tout logement et de toute sécurité pendant que les trusts sud-africains caracolent en tête non seulement en Afrique mais dans le monde.

Un résultat étonnant direz-vous après la lutte des travailleurs sud-africains couronnée par la fin de l’Apartheid ? Pas du tout ! Un résultat qui était exactement celui recherché conjointement par les classes dirigeantes, qu’elles soient noires ou blanches, sud-africaines ou internationales. Un résultat que voulaient ensemble l’ANC, parti anti-apartheid et le parti qui avait organisé l’apartheid, le Parti National de De Klerk. Cette entente provenait de la crainte que suscitait la mobilisation extraordinaire des travailleurs sud-africains, notamment ceux des mines d’or mais pas seulement, celle de tous les travailleurs dans tout le pays, celle aussi des townships que la répression était incapable de calmer malgré la féroce répression du régime de l’apartheid. C’est cette force fantastique des travailleurs qui explique que les USA et l’URSS de Gorbatchev aient monté ensemble le projet permettant d’en finir avec le régime racial. L’aide du parti communiste sud-africain et celle des dirigeants syndicaux a permis de cautionner aux yeux des travailleurs ce projet politique qui prévoyait déjà que les trusts sud-africains seraient préservés et que le peuple n’aurait aucun accès aux richesses du pays. Pour remercier Nelson Mandela d’avoir ainsi sauvé les classes dirigeantes d’une révolution sociale dont ils craignaient la capacité de s’étendre au continent noir tout entier, celui-ci est sorti de prison pour aller directement à la présidence du pays. On peut également mesurer combien les classes dirigeantes craignaient le prolétariat sud-africain au pactole reçu par le dirigeant du syndicat des mineurs sud-africains, la NUM, Ramaphosa, devenu depuis milliardaire et propriétaire d’entreprises…

Par contre, les véritables artisans de ce changement étonnant, les travailleurs sud-africains, eux n’ont rien gagné sur le plan économique et social et même souvent sur le plan politique. Ils ont changé de maîtres. Comme l’a bien dit l’ancien combattant contre l’apartheid, l’écrivain André Brink, l’ANC a seulement pris la place du Parti National, le parti de l’apartheid, et gouverne comme lui d’une main de fer contre les travailleurs, contre les habitants des townships, et sert de son mieux les intérêts des mêmes trusts qu’avant. Ce parti est devenu celui des bourgeois noirs, des arrivistes, des politiciens et des bureaucrates corrompus et, si Mandela a conservé sa popularité parmi les travailleurs et les milieux populaires, ce n’est nullement le cas de l’ANC. Pour le comprendre, il suffit de savoir que même les dirigeants du syndicat COSATU, adhérent de l’ANC, sont régulièrement menacés et rappelés à l’ordre par ce parti et par le gouvernement, comme cela vient d’être le cas lors des grèves qui ont précédé la coupe du monde.

La main dans la main, les petits bourgeois nationalistes comme Mandela, les « démocrates » bourgeois comme Desmond Tutu, les staliniens du parti communiste sud-africain et toutes les classes dirigeantes locales comme internationales ont donc détourné la colère révolutionnaire des prolétaires sud-africains et leur ont volé leur victoire. Et ce n’était pas la FIFA qui organisait le match ! Quant au sort des masses pauvres, noires ou pas, les nouveaux dirigeants s’en footent ! Alors oui, la colère est toujours là en Afrique du sud, parmi les travailleurs et dans les townships et la coupe ne sera qu’un court répit dans la lutte contre le néo-apartheid capitaliste !

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