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Editorial 17-06-2010 - La Belgique entre séparatisme et luttes de classe

jeudi 17 juin 2010

LA VOIX DES TRAVAILLEURS

« Travailleurs de tous les pays unissez-vous »

Karl Marx

Le véritable choix en Belgique : Flamands contre Wallons ou lutte de classe entre exploiteurs et exploités

Le succès électoral de la « Nouvelle alliance flamande » semble bien marquer un tournant de la situation en Belgique qu’il serait erroné de minimiser. Si cette tendance se confirmait cela aurait des conséquences graves au plan politique et social. Tous les commentateurs le reconnaissent : la Belgique a fait un pas vers sa disparition en tant qu’Etat unitaire et la scission entre régions wallonnes et flamandes pouvant mener à une autonomie des régions et même à une partition.

Contrairement à nombre de commentaires, nous ne pensons pas que cette évolution n’ait aucun rapport avec la crise économique mondiale et ses répercussions en Europe. L’effondrement de pays entiers comme l’Islande, la Grèce ou l’Espagne va se traduire dans les luttes sociales et les classes dirigeantes cherchent des dérivatifs politiques. Si les classes dirigeantes peuvent aller dans une telle direction, c’est qu’elles pensent que sans ce ferment de division qu’est le séparatisme il y aurait des dangers bien plus grands sur le terrain social. Le séparatisme est d’abord et avant tout une arme politique contre la séparation politique et sociale entre exploiteurs et exploités. Et cette séparation a donné ces derniers temps bien des signes dangereux pour les classes dirigeantes même si elle ne se manifeste pas de manière claire au plan politique ou social du fait des anciens appareils anti-ouvriers, des centrales syndicales et des partis politiques. La bourgeoisie belge sait quelles attaques anti-sociales elle va être amenée à préparer et la polarisation du pays sur des bases de division linguistique peut lui paraître le meilleur moyen d’éviter la polarisation sociale...

Bien entendu, l’Etat belge n’a jamais été un Etat au service du public belge, pas plus que les autres états bourgeois, mais la tendance politique des deux bords vers une séparation ne peut pas être une évolution sans importance pour les travailleurs et les milieux populaires. Cela aurait des conséquences graves pour la conscience des travailleurs, pour leur situation sociale et dans les luttes. Et le danger existe maintenant bel et bien. Ce qui n’apparaissait que comme une opposition linguistique et culturelle, parfois violente mais jamais vraiment dangereuse pour l’unité du pays, devient une opposition apparaissant comme irréductible entre deux régions, deux économies, deux politiques. Cette dichotomie qui se reflétait depuis longtemps dans les votes des électeurs, dans la scission des partis et des syndicats apparaît aujourd’hui comme une opposition, attestée dans les urnes, entre deux peuples, deux manières de vivre et de concevoir l’avenir. Quelle est la cause de cette séparation ? L’opposition entre deux peuples : illusion ou réalité ? Qui aurait intérêt à une telle politique ?

Il est évident que la division qu’entretiennent les forces bourgeoises et leurs appuis politiques et sociaux, de droite comme de gauche ou d’extrême droite, ne signifie pas que la bourgeoisie belge aurait, plus qu’une autre, un intérêt économique à en finir avec l’unité du pays, l’unité de sa capitale et avec son unité étatique. L’Etat a toujours été au service des classes dirigeantes et il l’est plus que jamais dans la crise. C’est par démagogie que les politiciens bourgeois affirment le contraire. Cela leur permet de cacher les véritables causes de la crise et leur propre responsabilité dans une évolution sociale catastrophique.

Il importe tout d’abord de rappeler que les oppositions entre ces deux entités sont plus anciennes même que l’Etat belge, suscitées par des forces sociales et politiques qui n’ont aucun souci ni de l’un ni de l’autre des prétendu « deux peuples ». Les forces opposées de la France et des Pays-Bas, qui ont toutes deux cherché à imposer leur influence, le plus souvent les armes à la main, la langue n’étant que l’une des armes possibles... A l’époque, la langue n’était même pas un moyen suffisamment important pour pousser les classes dirigeantes à permettre au peuple de s’éduquer, la majorité est du coup restée analphabète !

Ensuite, il faut se souvenir que les oppositions linguistiques et communautaires ont surtout été agitées dans des situations sociales agitées, quand les travailleurs ont menacé d’entrer dans des luttes radicales. Par exemple, c’est au début des années soixante que les revendications linguistiques se sont exacerbées menant à des affrontements violents entre communautés comme lors des épisodes dits des Fourons, où une communauté francophone refuse l’unilingisme flamand. Mais ces oppositions se développent, comme par hasard, après la plus grande grève générale menée par la classe ouvrière de Belgique, sur des bases de classe et sans opposition identitaire, où les travailleurs avaient semblé une menace pour le pouvoir et les classes dirigeantes. Ce n’était nullement un hasard mais le produit d’une politique de division. C’est suite à cette mobilisation massive des travailleurs, qui avait échoué par le fait de la bureaucratie syndicale, que la bourgeoisie belge et ses hommes politiques ont mis en place une politique de division du pays, avec des partis divisés et des zones quasi autonomes et des politiques économiques différentes. Déjà le séparatisme était un camouflage de la lutte des classes.... Mais les classes dirigeantes belges n’étaient pas assez bêtes pour diviser, elles aussi, leur fédération du patronat alors qu’elles ont oeuvré à la division des centrales sydicales de salariés !!!

L’agitation en faveur d’un prétendu « peuple flamand » est instrumentalisée notamment par l’extrême droite dite flamande. Elle sert à cacher la responsabilité sociale et politique de la catastrophe sociale qui frappe les travailleurs belges : licenciements massifs, fermetures d’usines, remise en cause des droits sociaux, de la santé, de l’éducation...

Si les classes dirigeantes estiment à nouveau que le séparatisme est une solution, c’est que des luttes comme celle des cheminots ou celles des travailleurs du privé ont montré que le climat social pourrait monter en température et qu’elles estiment qu’elles ne seraient pas capables de canaliser une montée sociale grave....

Aujourd’hui, les conflits communautaires sont un paravent bien commode pour les attaques contre la Sécurité sociale, l’octroi d’avantages fiscaux aux entreprises et aux plus riches, la limitation des droits aux allocations de chômage, les coupes dans les soins de santé. Chaque fois, il se trouve un parti pour expliquer que cela est dû, par exemple, aux Wallons qui coûtent trop cher et ne travaillent pas assez, ou bien aux Flamands qui sont trop égoïstes, qu’il faut aider la Wallonie à résister à la Flandre, ou vice-versa, que les uns ne doivent pas payer pour les autres, etc., comme si toutes les questions qui se posent à la population devaient se régler suivant les clivages entre Wallons et Flamands, francophones et néerlandophones.

Il faut cependant rappeler que tous les partis, y compris le Parti Socialiste, ont déjà contribué depuis trente ans au recul du niveau de vie en Wallonie, par leur politique en faveur des riches et du capital, tant au niveau du gouvernement fédéral que des gouvernements régionaux. Les gouvernements catholiques-libéraux des années 1982-87 ont ainsi imposé aux salariés de très dures mesures d’austérité et largement favorisé le capital. Des économistes estiment à près de 8 % le manque à gagner imposé aux travailleurs pendant cette période. Et les gouvernements suivants - catholiques-socialistes puis libéraux-socalistes - ont continué la même politique, amenant une grande partie des chômeurs et des pensionnés sous le seuil de pauvreté.

Mais aujourd’hui, pour faire oublier leurs responsabilités dans la situation, le CDH (Centre démocrate et humaniste, ex-Parti Social-Chrétien) et surtout le Parti Socialiste se drapent dans le drapeau de l’unité de la Belgique et mènent campagne en dénonçant les risques de séparatisme de la Flandre.

La solution d’avenir n’est ni dans l’unité nationale bourgeoise ni dans l’autonomie ou le séparatisme. L’avenir pour les travailleurs et les milieux populaires, en Belgique comme ailleurs, est dans la conscience des intérêts prolétariens opposés à ceux des classes dirigeantes.

Messages

  • Les nationalistes flamands sont sortis grands vainqueurs des élections municipales qui se sont déroulées dimanche en Belgique, selon de premiers résultats diffusés en début de soirée.

    Quelque 7,8 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes pour renouveler les conseils communaux des 589 communes de Belgique et les 10 conseils provinciaux du pays.

    Si en Wallonie et à Bruxelles on ne peut guère tirer de conclusion, par contre, le ras de marée de la Nouvelle Alliance Flamande (NV-A), prévu par les sondages, a bien eu lieu. Ceci risque d’ébranler le fragile équilibre politique en Belgique.

    En Flandre, région néerlandophone en Belgique, les nationalistes flamands de la NV-A sont sortis grands gagnants, avec la victoire de leur chef Bart De Wever à Anvers et une poussée de son parti dans toute la région, et ce au détriment de tous les partis flamands de la majorité gouvernementale mais surtout du parti d’extrême droite le Vlaamse Blok (VB), complètement laminé.

    Bien qu’il s’agisse d’élections locales, Bart De Wever, le bouillant président de la NV-A , n’avait pas caché que s’il briguait le mayorat d’Anvers, celui-ci ne devait lui servir que de tremplin afin de renforcer les revendications confédéralistes de son parti.

    "Ce que nous avons fait aujourd’hui est un tournant historique", a martelé M. De Wever devant ses partisans qui l’ont ovationné, après la diffusion de premiers résultats du scrutin.

    "Cette élection montre que le gouvernement n’est plus soutenu par une majorité des Flamands", a d’ailleurs déclaré M. De Wever. "J’appelle Elio Di Rupo (Premier ministre belge, ndlr) et les hommes politiques francophones à prendre dès lors leurs responsabilités et engager avec nous une réforme confédérale" du pays, a-t-il lancé avant de se rendre à pied à l’hôtel de ville d’Anvers pour y célébrer sa victoire.

  • "Score monstre", "pari remporté", "sanction pour le gouvernement fédéral", la presse européenne constate lundi matin la victoire de la N-VA aux élections locales en Flandre et souligne que le succès des indépendantistes risque de compliquer singulièrement la tâche du gouvernement Di Rupo, voire de mettre un peu plus en péril l’avenir de la Belgique.

    Selon le journal français, en affirmant, dimanche soir, que "le gouvernement des impôts" d’Elio Di Rupo n’était plus soutenu par "une majorité de Flamands", M. De Wever "a dévoilé l’autre axe de sa stratégie pour les mois à venir", soit "démontrer que la coalition dirigée par un Wallon coûte cher à la population flamande et menace son bien-être".

    "Des propos que les trois partis néerlandophones présents au niveau fédéral vont s’attacher à démentir, ce qui pourrait rendre un peu plus complexe encore l’action de M. Di Rupo, contraint de procéder à une nouvelle opération budgétaire dans les semaines à venir", conclut le journaliste Jean-Pierre Stroobants.

    Dans Libération, Jean Quatremer observe que les indépendantistes flamands "ont remporté leur pari : rafler Anvers (...) et s’implanter localement en Flandre".

    "Les francophones de Belgique, qui espéraient avoir calmé les revendications flamandes en acceptant, en décembre 2011, une énième réforme de l’Etat donnant une plus grande autonomie aux trois régions du pays, qu’ils estimaient pourtant inacceptable quelques mois auparavant, en sont pour leurs frais", poursuit le journaliste, tout en estimant que "le gouvernement Di Rupo va être extrêmement fragilisé".

    "Il a l’air moins glouton, mais cela ne modère en rien son appétit : l’indépendantiste Bart De Wever a désormais le muscle électoral d’un nouvel assaut frontal sur le royaume, après avoir mis la Flandre à ses pieds", écrit de son côté Le Figaro.

    Pour le quotidien hexagonal, dix mois après avoir surmonté sa plus longue crise, la Belgique "s’expose à un nouveau coup de boutoir politique". Et Le Figaro d’avertir que les législatives de 2014 constitueront "la bataille décisive pour l’avenir de la Belgique".

    "Score monstre" pour De Wever ("Monsterzege De Wever"), titre, Outre-Moerdijk, De Telegraaf, pour qui "la Belgique fait un pas de plus vers une scission". S’il souligne que De Wever "est marié à une Néerlandaise", le journal néerlandais rappelle surtout que le leader de la N-VA, en exposant sa volonté d’indépendance avant les élections de 2010, avait provoqué une hausse des taux belges et se demande si les marchés obligataires auront la même réaction ce lundi.

    De Volkskrant, qui consacre également un portrait à Bart De Wever, juge quant pour sa part que "le résultat des nationalistes flamands est une sanction pour le gouvernement fédéral belge" et qualifie la prochaine échéance électorale de 2014 de "mère de toutes les élections". "Le grand perdant est le parti d’extrême-droite Vlaams Belang", selon De Volkskrant, qui jette aussi un oeil sur les résultats en Wallonie, "où aucun enjeu national n’était attaché aux élections" et où "les différents résultats varient fortement d’une commune à l’autre".

  • Des sections de plus en plus importantes de travailleurs, de lycéens et d’étudiants belges réagissent avec colère au programme d’austérité du gouvernement de droite. Les syndicats y répondent en faisant tout pour isoler les nombreuses grèves et manifestations et pour y mettre fin.

    Le mois dernier, des conducteurs de train de la société ferroviaire nationale SNCB ont commencé une grève sauvage. HR Rail [employeur juridique du personnel ferroviaire belge] cherche à supprimer les jours de rémunération pour les périodes de maladie ou de vacances et prône un accord d’augmentation de la productivité. La grève a principalement affecté le sud francophone du pays, bien que les travailleurs du syndicat flamand ACOD aient également été impliqués dans le nord.

    Après que la grève a été terminée le 3 juin, la Confédération des syndicats chrétiens (CSC/ACV) et la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB/ABVV) discutent à présent d’une période de négociation pour l’accord de productivité. La Centrale générale des services publics (CGSP) et les syndicats CSC Transcom et ACOD ont ordonné à leurs membres de retourner au travail la semaine dernière. Le syndicat ferroviaire chrétien a déclaré qu’il n’avait même jamais appelé à une action.

    La CGSP avait annoncé une semaine d’action à partir du 12 juin. La menace a ensuite été brandie d’étendre l’action jusqu’au 26 juin. Mais le 9 juin, le négociateur des cheminots de la CGSP, Serge Piteljon, a dit à la presse : « Il faut protéger nos membres. Mais, à ce stade, il n’est pas encore question d’une grève effective de deux semaines ». Le lendemain, le syndicat a demandé à ses membres de ne pas faire grève comme prévu – « pour le moment ». Il a annoncé qu’il avait rédigé une liste de propositions à négocier. Michel Abdissi le président de la CGSP a appelé ceci « un dernier rameau d’olivier » tendu à la direction, affirmant que le syndicat espérait que « ce geste sera apprécié ».

  • Les syndicats ont déjà annulé des grèves dans les dépôts de bus à Charleroi et à Liège. Le 10 juin, l’annonce que la grève des éboueurs à Mons-Borinage avait pris fin est intervenue avant la réunion proprement dite au cours de laquelle les syndicats devaient trouver un accord avec la société, Hygea.

    Les éboueurs avaient reçu un large soutien. De même, les étudiants et lycéens francophones et néerlandophones ont exprimé leur solidarité avec les cheminots en grève, rejetant les tentatives faites par certaines organisations étudiantes d’utiliser des perturbations dans les transports pendant les examens comme argument contre la grève. Les étudiants ont également exprimé leur soutien aux enseignants grévistes des écoles primaires et secondaires publiques à Mons cette semaine.

    Le syndicat FGTB-CGSP avait appelé à ces grèves contre l’abolition de l’indexation des salaires sur l’inflation, mais d’autres syndicats n’avaient pas soutenu l’appel, permettant aux écoles de rester ouvertes.

    D’autres mouvements sociaux apparaissent dans tout le pays.

    Des piquets de grève ont été mis en place autour des centres de tri à partir de dimanche soir pour une grève de 24 heures chez B-Poste, contre le manque de personnel, les demandes d’augmentation de productivité et l’utilisation de personnel indépendant.

    La semaine dernière a vu l’arrêt total pendant 30 minutes du système judiciaire dans tout le pays contre le projet de transfert du contrôle du budget d’une commission élue à un inspecteur du comité des Finances. Le budget de la justice sera réduit d’environ 20 pour cent.

    Une grève des gardiens de prison est en cours. Trois prisons reprendront le travail la semaine prochaine, mais les conflits continuent à Forest, Ittre, Jamioulx, Namur, Andenne et Tournai. Deux syndicats ont appelé à la reprise du travail ; le SLFP signera les nouveaux contrats acceptés par les syndicats flamands l’été dernier.

    On ne peut laisser la direction de la lutte contre l’austérité aux syndicats qui ont prouvé à maintes reprises que leur seule préoccupation était leur statut d’organismes de négociation au sein du capitalisme. Pour les syndicats, le mot-clé est l’appel du ministre de l’Emploi Peeters au « dialogue social ». En 2014, Peeters avait dit qu’on l’avait « chargé de prendre contact discrètement avec les syndicats. » Ceux-ci ont loué son offre de négocier et Marie-Hélène Ska de la CSC l’a décrite comme « une initiative visant à rétablir la confiance. » En avril de cette année, les syndicats ont écrit à Peeters et à Michel, les suppliant d’apporter une attention renouvelée à ce « dialogue social ».

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