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Où en est le syndicalisme en Chine ?

jeudi 25 août 2011, par Robert Paris

Où en est le syndicalisme en Chine ?

Devenu l’atelier du monde, la Chine connait des luttes ouvrières de grande ampleur, mais la Chine refuse toujours tout droit d’organisation aux travailleurs.

Malgré un développement capitaliste impressionnant, la Chine n’est toujours pas prête à sortir de son régime de dictature du parti unique et du syndicat unique. A cela une raison qui ne tient nullement au style stalinien mais uniquement à la crainte permanente d’un mouvement général d’un prolétariat jeune, dynamique et surexploité.

Les médias occidentaux ne sont pas avares en commentaires sur l’essor de l’économie
chinoise au cours des dernières années ; pourtant, ils restent bien plus discrets sur les
conditions de travail misérables des salariés chinois.

A cela plusieurs raisons : les profits du capitalisme mondial en Chine sont conditionnés par la stabilité du pouvoir chinois qui lui-même dépend essentiellement sur le calme social. Malgré un régime stalinien, le capitalisme mondial est amené à souhaiter sa stabilisation ! Et ce d’autant plus que la Chine est la clef de la dette américaine dont elle détient une grande part...
Contrairement à un discours mensonger, capitalisme développé n’est pas du tout synonyme de démocratie...
Le régime stalinien de Chine a toujours été le violent ennemi du prolétariat et il l’est toujours et c’est ainsi qu’il donne une relative garantie aux investissements capitalistes mondiaux. Rappelons nous qu’à Tienanmen, le régime se heurtait aux étudiants mais il n’a donné l’assaut qu’à partir du moment où les travailleurs ont rejoint massivement la lutte.

On mesure mieux le pouvoir de cette oligarchie stalinienne quand on constate que 98% des milliardaires chinois sont apparentés à des personnes qui tiennent ou ont tenu des fonctions ministérielles.

Trois des six plus grandes entreprises mondiales par leur capitalisation boursière sont chinoises, et appartiennent au secteur public. ce qui fait que la valeur des actions sur le marché excluant celle du gouvernement chinois est de 35% du PIB alors qu’elle est à 150% aux Etats-Unis ou même à plus de 100% en Inde.

La volonté politique de Pékin de développer l’intérieur et l’ouest du pays date d’une décennie. D’ici 2020, des investissements majeurs sont programmés pour moderniser les infrastructures et permettre aux entreprises de s’y installer. Entre autres, 12 000 km de voies ferrées à grande vitesse et 100 000 km de voies classiques. Les sociétés aux produits technologiques à forte valeur ajoutée qui ont besoin d’un personnel plus qualifié et mieux formé devraient rester sur la côte, de Hong Kong à Dalian.

L’ère des ouvriers chinois obéissants et mal payés touche à sa fin. Une étude du CNRS dans le Sud de la Chine montre une combativité nouvelle qui pourrait déboucher sur une grève générale.

Si le Sud de la Chine – particulièrement la province du Guangdong – est devenu l’atelier du monde, cela est dû à plusieurs raisons ; mais la plus mentionnée est celle de l’existence d’une main d’œuvre travailleuse, obéissante, et acceptant sans rechigner bas salaires et mauvaises conditions de travail.

Ces vingt dernières années, la croissance a été ininterrompue et les salaires ont peu bougé. Les statistiques officielles chinoises montrent même que ces salaires auraient plutôt diminué en proportion du produit industriel brut.

Le revenu moyen par tête entre 1990 et 2008 progresse de 160 à 200 % de la moyenne nationale dans les provinces du Jiangsu, du Zhejiang et de Shanghai, alors qu’il régresse de 80 à 68 % à l’ouest du pays, au Tibet, au Gansu, au Qinghai et au Xinjiang. Selon un responsable du syndicat officiel (ACFTU), la rémunération du travail n’a pas vraiment bénéficié du boom économique puisqu’elle est passée de 56,6 % du PIB en 1983 à 36,7 % en 2005.

Entre 2002 et 2008, les salaires minimums mensuels ont doublé. En 2010, ils ont progressé en moyenne de 20 %. Cette tendance haussière se poursuivra : 15 % par an d’ici 2015, selon M. Yang Zhiming, vice-ministre du travail. Augmentations importantes gommées en partie par l’inflation qui demeure incontrôlée.

Les « mingong » ou migrants ruraux de l’intérieur étaient dès la fin des années 1980, les soutiens du miracle de la croissance économique. Parmi les 225 millions qui ont quitté leurs terres, 140 millions avaient rejoint ce que l’on surnomma « l’usine du monde » établie dans les provinces de la côte Est.

Ils étaient encore 30 millions en 2008 dans la seule province du Guangdong. Les effets dévastateurs de la crise globale semblent avoir été brefs sur le marché de l’emploi. Après la faillite de leur entreprise, dix millions de migrants étaient rentrés chez eux et ne sont pas revenus. La pénurie de main-d’œuvre au Guangdong est aujourd’hui équivalente à 5 % du total des travailleurs de la province, soit environ un million de personnes. Ce phénomène est récurrent depuis le début du millénaire.

La Chine est devenue la seconde nation capitaliste et cependant les travailleurs chinois sont parmi les plus exploités au monde. Cela ne signifie pas qu’ils ne se battent pas !

En août 2011, les luttes ouvrières se sont encore développées. Plusieurs centaines d’ouvriers d’une usine de montres de la marque Citizen dans la province du Guangdong sont en grève. Ils protestent contre des horaires de travail trop long. Cette mobilisation s’inscrit dans un mouvement général de grogne sociale qui prend de l’ampleur. Des centaines d’habitants ont par ailleurs affronté les policiers la semaine dernière dans une autre ville de la province du Guangdong, après qu’un ouvrier a été blessé à l’arme blanche, en raison d’un conflit salarial. Des heurts ont aussi opposé plus de 1.500 personnes à la police jeudi à Lichuan, dans la province du Hubei (centre), pendant une manifestation de protestation contre la mort en garde à vue d’un élu local. « Des problèmes locaux ont tendance à dégénérer en raison de l’inquiétude croissante causée par d’autres questions comme l’inflation », explique à l’AFP Russell Leigh-Moses, analyste installé à Pékin. Des milliers de Chinois se sont violemment opposés à la police dans une ville du sud-ouest du pays, très irrités après que des gardes municipaux ont blessé une femme sur la voie publique. La foule en colère, qui a endommagé et brûlé des véhicules, s’est rassemblée jeudi soir dans le comté de Qianxi de la province du Guizhou et les affrontements ont fait dix blessés dans les rangs des policiers, a précisé l’agence officielle Chine nouvelle. Les manifestants ont bloqué les principales rues de la ville avec des camions, a indiqué la radio nationale chinoise sur son site internet. Des centaines de Chinois se sont violemment opposés à la police dans le sud-ouest du pays, après la mort d’un vendeur de rue qui aurait été battu par les forces de sécurité, ont rapporté les autorités et la presse officielle.

Une résistance ouvrière a toujours existé, mais elle a pris une nouvelle dimension à partir des années 1980 avec le retour au capitalisme, déguisé en « socialisme de marché », qui a fait perdre aux travailleurs la sécurité de l’emploi, aggravé les conditions de travail, réduit le pouvoir d’achat et affaibli la protection sociale.

Selon des sources officielles, il y avait 87’000 incidents « d’atteintes à l’ordre public » (manifestations, émeutes, grèves) en 2005 – certainement une sous-estimation. Toujours selon des sources officielles, il y aurait 260’000 détenus dans des camps de travail, dont 60% pour avoir « menacé l’ordre public ».

L’entrée massive d’investissements étrangers a transformé la Chine en « usine du monde ». Quelque 465’000 entreprises étrangères ou avec participation étrangère se sont installées en Chine, surtout dans les zones côtières ; en vingt ans, elles ont investi plus de 450 milliards de dollars. Au début des années 1990, leur production représentait 15% des exportations, en 2000 déjà 48%, et plus de 80% des exportations de produits de technologie avancée. En 2002, la Chine est devenue la première destination pour les investissements directs à l’étranger, devant les Etats-Unis.

En République populaire de Chine (RPC) une seule organisation syndicale est autorisée : la Fédération des syndicats de Chine (FSC, en anglais : All-China Federation of Trade Unions, ACFTU). Quel rôle joue-t-elle au « pays des travailleurs » ? En 2006, la FSC déclarait 150 millions de membres. Elle est cependant loin de représenter, même formellement, la majorité des 730 millions de salariés, auxquels il faut ajouter plus de 120 millions de travailleurs migrants, dont moins de 14% seraient syndiqués, et les migrants potentiels que sont les 150 millions de ruraux en état de sureffectif dans l’agriculture. La centrale syndicale unique est la courroie de transmission du Parti communiste, et toute velléité de syndicalisme indépendant y est farouchement combattue. L’All-China Federation of Trade Unions (ACFTU), le syndicat officiel, est à l’échelle de la Chine : un géant, avec 134 millions de membres ; 1,7 million d’organisations affiliées. Avec une telle structure, on imagine une formidable force de frappe. En fait, il s’agit largement d’un « syndicat de papier », bien plus chargé de préserver la sacro-sainte « stabilité sociale », ou, selon le slogan du jour, participer à la construction d’une « société harmonieuse », que de défendre les droits des travailleurs des secteurs public et privé, national ou étranger. Tous ceux qui ont tenté de s’organiser en dehors de l’ACFTU l’ont payé chèrement, à l’image de Yao Fuxin, dirigeant d’un mouvement ouvrier dans le nord-est de la Chine, condamné à une lourde peine de prison en 2003.

Les travailleurs ne veulent plus être les sacrifiés du néo-capitalisme aux couleurs chinoises. Ils s’organisent en marge du Parti et de ses syndicats officiels, avec l’aide d’anciens dissidents. Un mouvement qui se veut apolitique. Jusqu’à quand ?

La longue marche des syndicalistes chinois

Trois ans durant, avec ses compagnons venus de la région de Leiyang, Xu Zhihui a creusé, à coups de marteau-piqueur dans le roc, les fondations de ce qui allait devenir la gigantesque mégapole de Shenzhen, hérissée de gratte-ciels futuristes. « La paye était bonne, se souvient-il. Mais on faisait des journées très longues au fond de puits mal ventilés. Nos masques n’étaient remplacés que quand ils tombaient en pièces. Et personne ne nous a dit que la poussière épaisse que nous respirions à pleins poumons était un vrai poison ».

C’est vingt ans plus tard que Xu et ses amis vont s’en apercevoir. Dans les villages autour de Leiyang, les anciens ouvriers revenus au pays se mettent à mourir un à un, succombant à une maladie jusqu’alors inconnue dans ces campagnes : la pneumoconiose. Alors que le mal a déjà emporté quinze de ses camarades, Xu commence à son tour à tousser, à souffrir de fièvre, à s’essouffler au moindre effort. En mai 2009, profitant du peu de forces qui lui reste, il s’embarque avec 180 de ses camarades de peine dans un voyage de retour vers Shenzhen, bien décidé à obtenir des soins et des compensations.
Malgré la nature incontestablement professionnelle de la maladie, la tâche va se révéler très ardue. Tout d’abord, comme ils n’ont pas de document prouvant une embauche par une entreprise locale, aucun hôpital de Shenzhen n’accepte de leur faire passer les tests. C’est seulement après une grève de la faim devant la mairie que les « 180 de Leiyang » arracheront le droit de passer des radios. Les résultats ne laissent aucun doute : les poumons sont terriblement encrassés de silicose. Mais en l’absence de contrat de travail, les employeurs s’en lavent les mains, en toute « légalité ».

Du côté du syndicat officiel unique, aucun soutien à espérer : tout le monde sait que la FNSC (Fédération nationale des syndicats chinois) est un repaire d’apparatchiks dont le rôle consiste non pas à défendre les travailleurs, mais à veiller aux intérêts supérieurs du Parti - et par conséquent à ceux de ses alliés, ces néo-capitalistes qui font le succès de « l’économie socialiste de marché ». Pour éviter tout de même les désordres qu’une bande de paysans poussés à bout pourraient susciter, la ville de Shenzhen propose une aide de 30.000 yuans par personne (environ 3.000 euros). Une misère, qui ne couvre pas même les dettes contractées pour payer les soins.

Partagés entre le désespoir et la colère, Xu et ses camarades se tournent alors vers celui qui représente aux yeux d’innombrables travailleurs chinois l’ultime recours avant l’émeute : Han Dongfang, chef de l’ONG « China Labour Bulletin » (CLB) basée à Hong Kong. Cet ancien leader de Tiananmen est aujourd’hui une sorte de « syndicaliste sans syndicat » qui, bien qu’interdit de séjour en Chine, réussit à défendre de nombreuses victimes de patrons abusifs. Sa notoriété, il la doit à l’émission sur les droits des travailleurs qu’il anime sur Radio Free Asia (radio indépendante basée aux Etats-Unis). Trois fois par semaine, il dialogue à l’antenne avec les témoins des luttes incessantes qui secouent la Chine. Après avoir attentivement écouté leurs récits, Han analyse la situation à la lumière de la législation existante. Les ouvriers s’aperçoivent alors qu’ils ont des droits et pour commencer celui de se battre pour obtenir justice. Dès qu’un de ces « leaders naturels » est mûr pour se lancer dans la bataille judiciaire, Han fournit avocats et financement. Une stratégie payante : sur les 600 procès qui ont bénéficié en 2007 et 2008 de l’appui du CLB de Han Dongfang, 95% se sont soldés par une victoire !

Contacté par les révoltés de Leiyang, Han Dongfang suggère un changement de tactique. Plutôt que de s’acharner vainement sur les compagnies de BTP, pourquoi ne pas poursuivre carrément le Bureau du travail ? Après tout, ces fonctionnaires municipaux ont laissé les patrons indélicats violer tranquillement le droit du travail. C’est donc avec des tubes d’oxygène sous le bras et un solide dossier juridique préparé par Han que le groupe de Leiyang entame des pourparlers avec les édiles de Shenzhen. « Aidez-nous, sinon c’est vous que nous allons poursuivre », leur disent-ils en substance. « Ce dossier a fait l’effet d’une bombe, se souvient Robin Munro, membre du CLB. Les officiels de la ville se sont démenés pour dénicher les preuves d’emploi manquantes. Après quoi, ils ont proposé des indemnités assez généreuses, de 180.000 à 280.000 yuans, soit entre 18.000 et 28.000 euros. »

Une victoire d’autant plus éclatante qu’à l’époque, il n’existait pratiquement pas de mouvement de travailleurs en Chine. A peine quelques grèves sporadiques vite étouffées. La constitution de 1980 avait d’ailleurs purement et simplement aboli le droit de grève. Depuis 2009 et la victoire des « 180 de Leiyang », la « négociation collective » est devenue un passage quasi-obligé. Mieux, le pouvoir semble en prendre son parti. « Les grèves de 2010 dans les usines Honda ont montré que les jeunes ouvriers ont cessé d’avoir peur, explique Munro. Si les autorités tentent de les écraser, elles vont très vite se retrouver avec un Solidarnosc sur les bras... Autant lâcher du lest et accepter de discuter avec leurs représentants ». Han Dongfang, lui, n’hésite pas à affirmer : « On est au début d’une nouvelle page de l’histoire ».

Certes, la condition ouvrière en Chine reste accablante. Il suffit de faire un tour sur le site du CLB où sont présentés de nombreux cas traités par Han et ses équipes : les mesures de sécurité sont souvent inexistantes, tout comme les contrats de travail. Les employeurs se défilent d’une façon éhontée, appuyés par des médecins et des juges corrompus. Résultat, une marée d’abus, dont les plus scandaleux concernent les maladies professionnelles, pneumoconiose en tête, extrêmement répandues et rarissimement soignées. Pourtant, le code du travail accorde des droits importants aux salariés. Une loi actuellement à l’étude vise par exemple à simplifier le processus diabolique de diagnostic et d’indemnisation. En revanche rien n’est fait pour étoffer l’inspection du travail, notoirement insuffisante. Ainsi, l’agglomération de Shenzhen ne compte, pour ses 15 millions d’habitants, qu’une dizaine d’inspecteurs... Quant aux gouvernements locaux, leur plus grand souci est de rassurer les investisseurs, quitte à piétiner quelques articles de loi. De cette situation paradoxale découle un flot continu d’abus ainsi qu’une augmentation fulgurante de procès, dont le nombre a doublé en 2009. Quant aux grèves et autres conflits, ils sont désormais tellement fréquents et mobilisent des groupes tellement nombreux que la répression comme unique méthode de résolution des problèmes devient chaque jour plus impraticable.

Bon gré mal gré, la Chine est entrée dans l’ère de la négociation ouvrière. Le calamiteux syndicat officiel lui-même a compris qu’il avait intérêt à se pencher sur les enjeux qui préoccupent sa « base ». Ce sont par exemple les syndicalistes de la FNSC qui ont négocié, dans la foulée des grèves spontanées de 2010, la plupart des accords collectifs prévoyant de substantielles augmentations de salaire. Mais le moteur du mouvement se trouve à Hong Kong, refuge d’une demie-douzaine d’ONG qui fournissent un soutien crucial aux protestations ouvrières. Le CLB de Han Dongfang propose des stages de formation pour apprendre à gérer les conflits collectifs. Ses adhérents se rendent partout où éclate une grève, ils en identifient les leaders et leur enseignent toute la « grammaire » de la lutte sociale : comment exiger une négociation collective, comment lister les demandes, comment préciser les priorités, etc. « Les syndicats indépendants sont devenus en Chine des sortes d’écoles de démocratie où l’on apprend les rudiments de la négociation, de la représentation d’intérêts différents, de la capacité à s’organiser, estime un diplomate européen. Un phénomène que le gouvernement chinois voit d’un très mauvais œil, conscient du rôle joué par les syndicats dans la démocratisation de pays aussi divers que la Pologne, la Corée du Sud ou récemment les pays arabes ».

« Nous poussons de toutes nos forces pour que le système évolue vers plus de justice, affirme Han Dongfang. Nous faisons tout pour soutenir les militants et avocats emprisonnés. Mais nous avons choisi d’œuvrer au sein du système, pas contre lui. C’est la seule façon d’obtenir ici et maintenant des avancées réelles pour les travailleurs ». Selon son collègue Robin Munro, le gouvernement chinois pourrait même se faire à l’idée de syndicats indépendants, pourvu que ces derniers s’abstiennent de contester le pouvoir politique. C’est précisément ce à quoi s’efforce le CLB, et ce qui explique peut-être que ses membres aient les coudées étonnamment franches sur le terrain. Reste à savoir si la corruption galopante et la montée en flèche des abus qu’elle génère ne sont pas en passe de déclencher un rejet massif - dont on ne voit pas comment il pourrait éviter d’être politique.

Han Dongfang n’a pas le droit de mettre les pieds en Chine. Ayant fondé au printemps 1989 le premier syndicat indépendant de Chine, il avait été classé parmi les 21 « most wanted » jeunes leaders de Tiananmen. Après l’écrasement du mouvement, il choisit de se constituer prisonnier « pour assumer mes choix jusqu’au bout » explique-t-il. Son refus d’avouer ses « fautes » lui vaut d’être enfermé avec des malades. Il y contracte une grave tuberculose qui le mènera au bord de la mort. Libéré in extrémis, il part aux Etats-Unis où il subit une ablation du poumon. Il cherche à plusieurs reprises à rentrer en Chine, mais il est à chaque fois refoulé.
Chine : le syndicalisme et les droits syndicaux

Condition ouvrière et syndicalisme en Chine.

Les relations sociales deviennent de plus en plus tendues en Chine du sud et ce climat de tension sociale pourrait aboutir à une grève générale.

Depuis 1 an, on voit se multiplier les conflits du travail en Chine. Les salaires chinois augmentent et la main d’oeuvre chinoise devient de plus en plus chère. Les conflits sociaux dans les entreprises chinoises se font de plus en plus sentir, et certains parlent de la possibilité d’une grève générale en Chine du Sud.

Jusqu’à présent, les grèves étaient très difficiles à organiser en Chine, du fait de la pression de l’Etat chinois.

Le revenu moyen des ouvriers chinois est 10 fois supérieur à celui des paysans chinois. Mais le rythme de travail des ouvriers chinois ne cesse de croitre, à cause de la demande toujours en augmentation.
Aujourd’hui, beaucoup de Chinois ont changé de discours par rapport à il y a quelques années… Il y a encore 4 ou 5 ans, les chinois se moquaient des travailleurs européens, trop paresseux à leurs yeux… Mais avec la charge de travail qui a fortement augmenté pour les ouvriers chinois, ils ont finalement changé leur fusil d’épaule et souhaitent maintenant voir leur rythme de travail réduit.

Les salaires des ouvriers chinois n’ont pas augmenté au rythme de la croissance économique chinoise. Ils restent des salaires de pays du tiers-monde dans une région qui arrive au PIB par habitant des pays européens les moins aisés.

Aujourd’hui, les ouvriers chinois ont entendu parler des salaires obtenus dans d’autres usines à la suite de grèves, ne craignent pas le chômage, et commencent donc à être tentés de faire grève à leur tour, mais ne savent pas vraiment comment s’y prendre pour l’instant.
Maintenant, les patrons chinois se retrouvent face à des ouvriers qui discutent ouvertement des salaires et cela est nouveau pour eux.
Depuis quelques mois, les dirigeants d’entreprises occidentales se rendent compte que même les augmentations de salaires, ou les avantages concédés, ne suffisent plus à calmer les discussions des ouvriers chinois dans les ateliers. Une situation nouvelle en Chine.
Face à des ouvriers chinois qui n’ont pas peur des conflits sociaux, le pouvoir est beaucoup plus divisé sur la question du risque social.
Le monde des pouvoirs chinois est traversé par des débats très vifs sur les politiques à mettre en œuvre. Cela est particulièrement visible en matière de gestion des conflits du travail.

Le pouvoir central intervient assez peu sur ces conflits sociaux mais ne nie pas pour autant la croissance du nombre de conflits sociaux. Depuis 2 ans, le pouvoir note une augmentation constante du nombre de conflits sociaux et s’attend à d’autres conflits sociaux encore plus grands.

Généralement, ce sont les autorités municipales qui ont à charge d’intervenir sur les conflits du travail. Ce sont elles qui gèrent la vie quotidienne des Chinois. Elles gèrent notamment les droits sociaux qui varient considérablement d’une ville à l’autre. Le salaire minimum est généralement fixé ville par ville. Le syndicat apparaît dans les faits comme une autorité municipale.

Dans les conflits, les autorités municipales seront plutôt sensibles aux arguments des employeurs plutôt qu’à ceux des ouvriers. Ainsi, les villes peuvent envoyer la police, ou mobiliser le syndicat pour terminer un conflit social.

Les salariés chinois n’ont actuellement aucun véritable mode de représentation du fait de la répression violente de toute organisation visant à représenter les salariés. Cette situation rend particulièrement difficile la gestion des conflits sociaux, les directions devant deviner pourquoi il y a conflit social sans pouvoir rencontrer de représentants des personnes en conflit.

Dans la constitution chinoise, le syndicat est d’abord un organe de propagande du Parti tourné vers les salariés. Une grande partie de l’action syndicale chinoise consiste en diverses campagnes d’éducation sociale. Le syndicat ne représente pas les salariés, il les défend en cherchant ce qui peut améliorer la situation ouvrière.
Depuis un an, le syndicat chinois se voit assigner une nouvelle mission par le pouvoir central : il s’agit d’aider à réduire les tensions sociales. La première conséquence est d’augmenter la présence du syndicat chinois dans les entreprises. En fait, le syndicat chinois est surtout présent dans les entreprises d’Etat et dans les Joint-Ventures.
Actuellement, le syndicat chinois cherche à entrer dans les entreprises 100% étrangères. Ces dernières n’y sont en général pas très favorables dans la mesure où elles perçoivent le syndicat comme une instance bureaucratique qui alourdit le fonctionnement de l’entreprise, augmente les coûts sociaux, sans vraiment faire baisser les tensions sociales dans les entreprises. Le syndicat est pratiquement absent des entreprises privées chinoises. Le syndicat peut même devenir une nuisance en cas de conflit social.

En cas de grève, le syndicat chinois n’hésite pas à prendre l’initiative pour renvoyer des salariés grévistes, ou embaucher des non-grévistes. Cela peut désorganiser les ateliers, tout en créant un ressentiment contre l’entreprise. Il n’est pas rare que le syndicat envoie des milices pour taper sur les grévistes.

Il existe des syndicalistes cantonais qui estiment qu’ils doivent se placer résolument du côté des travailleurs contre les patrons. Cette position est plus facile à tenir quand le patron est étranger.

Il existe aussi des militants de la condition ouvrière qui échappent au syndicat et se battent pour l’amélioration du sort des ouvriers. Certains agissent dans le cadre d’ONG de formation ou de conseil. Ce sont souvent des étudiants qui décident de passer un peu de leur temps à aider les ouvriers à s’en sortir.

Leur action consiste essentiellement à informer les ouvriers chinois de leurs droits et des institutions qui peuvent prendre leur défense en cas d’abus.

Les autorités reconnaissent parfois l’utilité de leur action qui se maintient généralement dans un cadre légal. Ainsi, le syndicat peut exiger qu’un employeur les paie pour donner à leurs salariés une formation sur leurs droits.

Il existe d’autres activistes plus décidés à défendre les droits des travailleurs, y compris par des grèves. Ces activistes sont pourchassés par les autorités.

Leur action n’est pas très difficile car ils tiennent un discours assez proche des opinions d’une grande partie des ouvriers chinois. Ils expliquent aux autres ouvriers qu’ils sont exploités et que leur situation peut s’améliorer par la lutte sociale. Et surtout, ils donnent le départ du conflit.

Le pic des conflits sociaux n’a pas encore été atteint en Chine, il reste de la marge pour les augmentations de salaires. Tous ces éléments font prévoir que les salaires vont monter rapidement dans le Sud de la Chine.

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  • A cela plusieurs raisons : les profits du capitalisme mondial en Chine sont conditionnés par la stabilité du pouvoir chinois qui lui-même dépend essentiellement sur le calme social. Malgré un régime stalinien, le capitalisme mondial est amené à souhaiter sa stabilisation ! Et ce d’autant plus que la Chine est la clef de la dette américaine dont elle détient une grande part... Contrairement à un discours mensonger, capitalisme développé n’est pas du tout synonyme de démocratie... Le régime stalinien de Chine a toujours été le violent ennemi du prolétariat et il l’est toujours et c’est ainsi qu’il donne une relative garantie aux investissements capitalistes mondiaux. Rappelons nous qu’à Tienanmen, le régime se heurtait aux étudiants mais il n’a donné l’assaut qu’à partir du moment où les travailleurs ont rejoint massivement la lutte.

    On mesure mieux le pouvoir de cette oligarchie stalinienne quand on constate que 98% des milliardaires chinois sont apparentés à des personnes qui tiennent ou ont tenu des fonctions ministérielles.

  • Ils s’organisent en marge du Parti et de ses syndicats officiels, avec l’aide d’anciens dissidents.

  • Des éditeurs de Hong Hong ont disparu, certainement enlevés par le pouvoir chinois au moment où ils allaient éditer des ouvrages sur le président Xi Jinping. Officiellement, ils se sont mystérieusement volatilisés !!!

  • Détenu dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine Guo Feixiong, avocat des drots de l’homme, cet homme de 49 ans, Yang Maodong de son vrai nom, a cessé de s’alimenter pour protester contre les humiliations endurées par les prisonniers politiques en Chine. Selon son avocat, sa tête a été rasée de force, avant qu’il ne subisse un examen rectal, et il a été contraint de « ramper comme un insecte » devant les gardiens de prison. Armé d’un courage quasi suicidaire, Guo réclame aussi une réforme de la Constitution, la conversion à un système démocratique, l’abolition de la torture aux électrochocs dans les prisons chinoises, l’amélioration des conditions d’incarcération ...

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