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Mille et un mensonges des statistiques

mercredi 5 octobre 2011, par Robert Paris

Tous les jours, nous sommes bombardés de statistiques. On compare sans cesse des chiffres entre eux et c’est très souvent au delà de la validité des comparaisons. Les pourcentages utilisés sont calculés faussement et les conséquences que l’on prétend en tirer sont erronées. Il ne suffit pas qu’on dispose de chiffres pour raisonner de manière juste. On fait semblant que les chiffres sont toujours scientifiques et indiscutables. En réalité, le choix des paramètres de comparaison démontre généralement... ce que l’auteur veut démontrer... Cela ne signifie pas que les statistiques ne soient pas une science - il y a même une physique statistique -, mais qu’elle est systématiquement manipulée par le pouvoir et les classes dirigeantes. Les patrons des grandes entreprises commandent régulièrement des statistiques de comparaison des salaires qui démontrent immanquablement que vous êtes payés correctement par rapport à ce qu’ils veulent... Quand il compare l’ensemble des salaires de l’entreprise, le patron fait la moyenne arithmétique de tous les bulletins de salaire. Son calcul est juste également en théorie, mais il intègre les quelques très hauts salaires de cadres supérieurs, car il sait qu’une moyenne doit être calculée sur la base de toutes les observations de la série. Ces forts salaires, à eux seuls, tendent à décaler l’identification du centre vers le haut. La notion de moyenne semble être un indicateur déterminant pour beaucoup de gens mais cela n’est pas nécessairement le cas.

Par exemple, la moyenne n’est pas un paramètre réel dans la plupart des raisonnements en climatologie et c’est donc une manipulation de l’utiliser pour comparer directement des époques climatiques. Une des raisons est l’importance des "effets de pointe’.
Que penser de la distribution suivante d’observations discrètes ? Quel est son "centre" ? Quel est le chiffre qui est significatif du "milieu de la série" ?
[ 2, 2, 2, 4, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 7, 7, 7, 8, 8, 9, 1000 ]

Si on calcule la moyenne, on trouve : 1104/19 = 58,1.

Est-il raisonnable de penser que le "milieu" de cette série de chiffres se situe significativement aux alentours de 58 ? Non, bien évidemment. Visiblement, "il y a un intrus" : le résultat 1000 n’est pas dans le même ordre de grandeur que les autres. Il provient peut-être d’une réponse erronée non décelée ou d’une erreur de saisie, mais il peut aussi tout simplement représenter une réalité "hors normes". A ce niveau de l’interprétation statistique, on ne peut plus modifier les résultats de l’enquête : elle a été rendue.

On n’a donc pas le droit de le supprimer sur la simple idée qu’il apparaît différent des autres.

En outre, les règles de la statistique stipulent1 que le calcul de quelque caractéristique que ce soit doit absolument dépendre de toutes les observations de la série. En effet, si l’on ne suivait pas cette consigne, on aboutirait à des échantillons "épurés" qui faciliteraient certainement l’obtention de splendides résultats, mais qui perdraient toute validité scientifique. Il serait donc faux et malhonnête de supprimer ce résultat 1000 - par là même, dans ce présent cas, le choix de la moyenne s’avère être un mauvais choix.

Il vaut mieux choisir la médiane qui, laissant 9 observations "avant", et 9 observations "après", se trouve être beaucoup plus significative. Le résultat médian est 6. On a utilisé ici toutes les observations de la série. C’est effectivement plus réaliste que 58,1, mais il n’en reste pas moins que ce dernier résultat ne peut en aucune manière être qualifié de faux : il est mal adapté, c’est tout. On peut remarquer que, dans cet exemple, le mode (valeur dominante) est égal à la médiane, ce qui peut renforcer le choix de 6 comme centre de la série.

Un autre exemple : les retraites

Le principale argument du Medef et de l’UMP a consisté à affirmer que la réforme était inéluctable en raison du vieillissement de la population.

Cet argument est asséné par les médias depuis le livre blanc de Rocard en 1991. Il est repris par les partis de gauche qui du coup approuvent le projet de loi de l’UMP. Cet argument est aussi accepté par les directions des confédérations syndicales. Qu’en est-il de sa pertinence ? Où prend-t-il sa source ?

C’est ainsi que l’on peut lire dans le n°2 du men­suel de la CGT, Ensemble !, à la page 8 : « Le vieillis­se­ment de la popu­la­tion oblige à poser la ques­tion de la réforme des retrai­tes et de son finan­ce­ment. Aujourd’hui la France compte 13 mil­lions de retrai­tés pour 25 mil­lions d’actifs. Ils seront 16 mil­lions en 2020 et 18 mil­lions en 2030 ».
Ou encore :« notre sys­tème de retraite est confronté au défi majeur de son temps. Les besoins sont réels en raison du vieillis­se­ment démo­gra­phi­que. »

 Cette manière de pré­sen­ter les choses est erro­née, et ce, pour deux rai­sons :

*
o La première :

Elle laisse croire que les retrai­tes repo­sent uni­que­ment sur les coti­sa­tions sala­ria­les. Ce qui est faux. Les patrons coti­sent au régime géné­ral à hau­teur de 9.9 %. Du coup, dans les cons­cien­ces, cette repré­sen­ta­tion démo­gra­phi­que épargne la part contri­bu­tive des patrons dans le finan­ce­ment des retrai­tes.
Si bien que les patrons et leurs médias peu­vent poser le pro­blème comme uni­que­ment inhé­rent aux seuls sala­riés. Dés lors les patrons peu­vent pré­sen­ter comme seule solu­tion juste, équitable, l’allon­ge­ment de la durée des coti­sa­tions pour tous les sala­riés afin d’aug­men­ter les ver­se­ments.
C’est pour­quoi, les sala­riés en face de cette escro­que­rie, posée par patrons et syn­di­cats comme un axiome incontour­na­ble, sous­cri­vent bien malgré eux, à l’allon­ge­ment des coti­sa­tions au nom de l’« équité ».

*
o La deuxième raison :

Elle laisse enten­dre que les patrons ne sont pour rien dans les défi­cits et qu’il n’est pas pos­si­ble de les mettre à contri­bu­tion, d’aug­men­ter les coti­sa­tions patro­na­les. Ce qui est faux. La part patro­nale ne cesse de bais­ser et il est tou­jours pos­si­ble de l’aug­men­ter comme la Cour des comp­tes l’a sug­géré. Ou encore d’aug­men­ter son assiette à tous les reve­nus du capi­tal. C’est ainsi que la SNCF cotise à hau­teur de 33.4 % pour les che­mi­nots.
Les patrons s’épargnent ainsi avec cet alibi démo­gra­phi­que, typi­que­ment mal­thu­sien, toute contri­bu­tion finan­cière en lais­sant croire que les retrai­tes repo­sent sur les coti­sa­tions de seules acti­ves. La belle affaire en or.

L’équité vou­draient que les patrons soient aussi mis à contri­bu­tion. Or, on assiste au contraire. Depuis 30 ans les dif­fé­rents gou­ver­ne­ments avec les par­te­nai­res sociaux, se sont employés à for­te­ment dimi­nuer la part des coti­sa­tions patro­na­les et à aug­men­ter la part sala­ria­les, jusqu’à rendre les comp­tes des cais­ses géné­ra­les défi­ci­tai­res. Voilà quelle réa­lité masque l’argu­ment démo­gra­phi­que.

 C’est pour­quoi il faut com­bat­tre cet argu­ment mal­thu­sia­niste :

Malthus consi­dé­rait qu’il n’y a pas de riches­ses suf­fi­san­tes pour tout le monde et pré­ten­dait que c’est à cause du trop grand nombre d’indi­vi­dus sur terre. Il en concluait qu’une concur­rence était iné­vi­ta­ble et que seuls les plus forts, les plus intel­li­gents, les plus via­bles s’en sor­taient. Il jus­ti­fiait ainsi l’acca­pa­re­ment des riches­ses par une classe exploi­teuse.

Ce même type d’argu­ment nous est servi quand on nous parle de la faim dans le monde, on parle de sur­po­pu­la­tion. Pour les retrai­tes, on nous dit qu’il y aura trop de per­son­nes âgées et pas assez de jeunes au tra­vail, un « vieilli­se­ment ». Pour les sala­riés, le mépris en plus, on parle de dégrais­sage, sous-entendu qu’il y aurait trop de sala­riés inu­ti­les, qu’il faut se débar­ras­ser de la mau­vaise graisse.

Bref la vacuité de l’alibi démo­gra­phi­que est pro­fon­dé­ment réac­tion­naire. Elle laisse croire que les res­pon­sa­bi­li­tés repo­sent sur les indi­vi­dus eux-mêmes et jamais sur le sys­tème qui orga­nise la dis­tri­bu­tion des riches­ses pro­dui­tes. Et prône par consé­quent des solu­tions indi­vi­duel­les et égoïstes à l’encontre de l’inté­rêt géné­ral.

 La clef du pro­blème : les coti­sa­tions patro­na­les

Il faut dénon­cer sans hési­ter la baisse des coti­sa­tions patro­na­les et reven­di­quer sans relâ­che l’aug­men­ta­tion des coti­sa­tions patro­na­les. La clef du pro­blème est là. Ce n’est qu’ainsi que les tra­vailleurs du privé peu­vent com­pren­dre qu’il est lar­ge­ment pos­si­ble de reve­nir au 37.5 annui­tés pour tous. Que les sacri­fi­ces consen­tis ne ser­vent, encore une fois, qu’à gros­sir les pro­fits des patrons du CAC 40.

Le but des patrons est de pour­sui­vre la baisse des coti­sa­tions patro­na­les jusqu’à extinc­tion et de les repor­ter sur les coti­sa­tions sala­ria­les par l’allon­ge­ment de la durée de coti­sa­tions DE TOUS LES SALARIÉS. Ce sont les patrons pyro­ma­nes de nos retrai­tes que le gou­ver­ne­ment charge d’éteindre l’incen­die qui consume nos pen­sions.

Affirmer que l’allon­ge­ment de durée de coti­sa­tion, leur « réforme », sert à sauver le sys­tème par répar­ti­tion est exac­te­ment le contraire. Car la dimi­nu­tion cons­tante de la part patro­nale revient à mettre en place un sys­tème par capi­ta­li­sa­tion où par défi­ni­tion les sala­riés finan­cent leur retraite avec leur seul salaire. Les coti­sa­tions des seules sala­riés ne peu­vent finan­cer un régime par répar­ti­tion.

Le Medef est gagnant sur tous les tableaux. D’un coté, les patrons dimi­nuent leur contri­bu­tion sociale aux retrai­tes et de l’autre, ils encais­sent l’argent des sala­riés qui devront se cons­ti­tuer une retraite par capi­ta­li­sa­tion, la fameuse épargne-sala­riale. À laquelle par­ti­ci­pent les confé­dé­ra­tions syn­di­ca­les dans leur ges­tion.

Toutes les publi­ci­tés des assu­reurs sur la cons­ti­tu­tion des retrai­tes décou­lent direc­te­ment de l’allon­ge­ment des annui­tés. On assiste à un retour au sys­tème exis­tant avant 1945 où les patrons ne coti­saient pas pour les retrai­tes des sala­riés. Un sys­tème à l’amé­ri­caine où les retrai­tés doi­vent tra­vailler jusqu’à la vieille de leur mort ou vivre dans la misère.

Ainsi, ce sont les plus riches, les pri­vi­lé­giés des yachts et de chez Fouquet’s, les patrons et les gros action­nai­res, qui encore une fois sont épargnés au nom de l’équité.

Quelques généralités

Dans statistiques, "Stat" signifie Etat.

Il s’agit donc au départ de chiffres de l’Etat...

C’est dire que cela prétend être sérieux mais que ce n’est nullement fiable car la neutralité de l’Etat est un mythe.

Disraeli, le premier ministre britannique du XIXe siècle, avait déclaré : "il y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques !" Statistiques, enquêtes, sondages, moyennes, indices... sont diffusés à longueur de colonnes dans les journaux écrits et télévisés. Ces travaux sont souvent, mais pas toujours, scientifiquement rigoureux. Les médias s’en font l’écho sous des formes très discutables : les illustrations graphiques relèvent parfois de la pure fantaisie. L’usage de la statistique devient abusif. Le grand public reste perplexe et en conclut : "on fait dire ce que l’on veut aux chiffres".

La statistique est d’un point de vue théorique une science, une méthode et une technique.

Les statistiques sont le produit des analyses reposant sur l’usage de la statistique.

La statistique comprend :

* la collecte des données ;

* le traitement des données collectées, aussi appelé la statistique descriptive ;

* l’interprétation des données, aussi appelée l’inférence statistique, qui s’appuie sur la théorie des sondages et la statistique mathématique.

* la présentation afin de rendre les données compréhensibles par tous

Ce domaine des mathématiques ne doit pas être confondu avec une statistique qui est un nombre calculé à partir d’observations. Pour un article (plus technique) sur une statistique consultez l’article statistique.

Cette distinction ne consiste pas à définir plusieurs domaines étanches. En effet, le traitement et l’interprétation des données ne peuvent se faire que lorsque celles-ci ont été collectées. La statistique a des règles et des méthodes sur la collecte des données, pour que celles-ci puissent être correctement interprétées.

John Tukey disait qu’il y a deux approches en statistiques, entre lesquelles on jongle constamment : les statistiques exploratoires et les statistiques confirmatoires (exploratory and confirmatory statistics) :

* on explore d’abord les données pour avoir une idée qualitative de leurs propriétés ;

* puis on fait des hypothèses de comportement que l’on confirme ou infirme en recourant à d’autres techniques statistiques

Quelques erreurs proviennent d’erreur de compréhension dans les calculs de proportion et de pourcentage sont à la source de multiples erreurs de raisonnement statistique.

Par exemple, la plupart des gens, y compris des statisticiens, sont persuadés à tort :

 qu’une quantité, qui augmente de 80% puis diminue de 80%, n’aurait en fait pas changé ! C’est totalement faux : il a diminué de 64% !!!

- qu’une quantité, qui augmente de 80% puis encore de 80%, aurait finalement augmenté de 80%. C’est totalement faux : il a augmenté de 224% !

 qu’une quantité qui augmente dix fois de suite de 80% aura finalement augmenté de 800%. C’est totalement faux : il a augmenté de 35700% !!!!

Ces erreurs de pourcentage proviennent du fait qu’on additionne des pourcentages qui ne sont pas des parties de la même quantité ou d’une quantité qui elle-même varie.

Il y a d’autres types d’erreurs statistiques, liés à l’a priori du continu. On suppose qu’une évolution, démographique par exemple, va continuer de manière linéaire. Du coup, on prévoit que la population du globe va croitre exponentiellement et c’est faux…

Ainsi, les démographes des années 70 ont raisonné sur les chiffres mondiaux de 60-70 qui donnaient une croissance démographique mondiale de 2% et ils ont supposé que cela resterait à 2%... En 2006, le taux d’accroissement démographique de la population mondiale serait de 1,14% annuellement.

Une des utilisations des mensonges statistiques sur la démographie a été la "réforme des retraites". Le gouvernement affirme que « la véritable cause du déséquilibre de nos régimes de retraites est la démographie ». C’est doublement faux. Le Conseil d’orientation des retraites a indiqué dans son rapport d’avril 2010 que la principale raison de l’aggravation des déficits sociaux était la crise financière : en 2006, donc avant la crise, le déficit de l’ensemble du système de retraite était de 2,2 milliards d’euros ; en 2008, il atteignait 10,9 milliards et il devrait être de 32,2 milliards en 2010.

D’autre part, l’allongement de l’espérance de vie ne devient une catastrophe que si on refuse de mettre en débat la richesse produite, sa nature, son évolution et la manière dont elle est répartie.

En climatologie, on va également fonder des analyses sur des statistiques de température, alors que cette dernière n’est pas une cause mais un effet. Les prévisions actuelles des experts fondées sur ces moyennes et ces statistiques ont une marge d’erreur de 300% : la dernière fourchette en date proposée par le GIEC pour l’augmentation de la température au XXIe siècle se situe entre 1,4 et 5,8 °C, soit 300% d’incertitude...

Les mensonges statistiques en démographie

Les mensonges statistiques en climatologie

Quelques références

La première erreur classique en statistiques consiste à souligner une corrélation qui ne comprend aucun lien de causalité entre les deux faits. Ou encore une corrélation qui est absurde d’un point de vue logique.

Exemple du premier cas : des gens d’un quartier mangent plus de frites que ceux d’un autre. Ils prennent aussi moins de médicaments contre l’obésité. Conclusion statistique fausse : les frites protègent contre l’obésité. Il a des chances que le premier quartier soit plus pauvre et qu’il consomme moins de médicaments de toutes sortes, y compris ceux qui n’ont rien à voir avec l’obésité. les apparences statistiques sont trompeuses.

Exemple du deuxième cas : les élèves de premier cycle réussissent moins bien en moyenne que les élèves de deuxième cycle. Solution : faire passer directement les élèves en deuxième cycle ! Bien entendu, les élèves ont été sélectionnés entre les deux cycles et donc les meilleurs restent...

Il en va de même dans les statistiques de réussite des établissements scolaires : le premier établissement a meilleur réputation. On vérifie l’année suivante : il réussit mieux. Nécessairement ! Son recrutement est meilleur puisqu’il est bien classé. Donc il recrute les bons élèves !

Corrélation sans causalité : cherchez la variable cachée

Exemple 1. Dans les communes d’Alsace, il a été observé une étonnante corrélation entre le nombre de naissances et celui des cigognes. Les villages où il est né le plus d’enfants sont ceux où l’on a recensé le plus de cigognes sur les cheminées. Est-ce à dire que les enfants alsaciens ont été apportés par les cigognes ? Bien entendu, il y a ici une variable cachée : le nombre des maisons, ie la taille du village.

Exemple 2. Les services de santé ont observé une corrélation positive entre le taux d’utilisation de crème solaire et le risque de cancer de la peau. Qu’est-ce à dire ? Les crèmes solaires seraient-elles cancérigènes ? En ce cas, la variable cachée est bien sûr « l’exposition au soleil ».

Exemple 3. La plupart des gens en sont convaincus : les antibiotiques fatiguent. De fait, il y a bien une corrélation avérée entre la fatigue du patient et la prise d’antibiotiques. Mais la relation s’explique entièrement par l’intervention d’une variable de confusion : la maladie.

Exemple 4. Si l’on en croit les statistiques de la sécurité routière, la moto est plus dangereuse que la voiture. Par km parcouru, le risque est en effet beaucoup plus grand d’avoir un accident à moto qu’en voiture. Mais n’y aurait-il pas une variable cachée ? Après tout, motards et automobilistes sont très différents quant à l’age, au sexe, et plus encore, à la personnalité. Toutes choses égales par ailleurs, on rencontre plus de casse-cous, de fous de vitesse chez les motards que chez les automobilistes. Rien ne dit qu’une mère de famille tranquille courre plus de risques sur sa moto qu’en prenant sa voiture.

Source des exemples 3 et 4 : Nicolas Gauvrit : Statistiques, méfiez-vous ! Ellipses Paris, 2007, 16 euros.

Le sens de la causalité : démêlez la cause et l’effet

Exemple 1. 70 % des gens meurent au lit... Donc, ne vous couchez pas !

Dans cet aphorisme célèbre de Pierre Dac, la cause et la conséquence sont inversées ! Si je compare, aujourd’hui à midi, les gens couchés et debout, les deux séries ne diffèrent pas seulement par la position horizontale ou verticale : la première comporte davantage de malades.

Daniel Schwarz, "Statistique et vérité", Journal de la Société de statistique de Paris, 2e trim. 1984

Exemple 2. Fêter les anniversaires est bon pour la santé. La preuve ? Les statistiques démontrent que plus on en fête, plus on devient vieux ! (Den Hartog)

Exemple 3. Les victimes de la psychanalyse

Longtemps, la Psychanalyse a rendu les mères responsables de l’autisme infantile. Le Livre Noir de la Psychanalyse donne de nombreux exemples des errements auquel leur foi a pu conduire les psychanalystes. Pour prouver leur thèse, certains n’ont pas hésité à proférer des énormités qu’on peut résumer ainsi : « les mères d’enfants autistes sont souvent dépressives. L’autisme de l’enfant est donc probablement une conséquence de la dépression de la mère ». Il n’est pas venu à l’esprit de ces ignorants que la maladie de la mère pouvait résulter de celle de leur enfant, et du sentiment de culpabilité qu’elles éprouvaient parce que la psychanalyse les rendait responsable de l’état de leur enfant.

Source des exemples 2 et 3 : Nicolas Gauvrit : Statistiques, méfiez-vous ! Ellipses Paris, 2007, 16 euros.

Exemple 4. Les chercheurs du Ministère de l’Education nationale viennent de faire une découverte : les élèves redoublants sont moins bons que les autres ! Plus précisément, les élèves qui ont redoublé réussissent moins bien que ceux n’ayant jamais redoublé ; et c’est d’autant plus vrai que le redoublement est plus précoce. Ainsi, moins de 10 % des élèves qui ont redoublé leur CP obtiennent le Bac, contre 75 % des redoublants de seconde, et 83-84 % des redoublants de Première & Terminale… Et Le Monde de titrer : « Le redoublement accroît le risque d’échec scolaire » ! Il n’est pas venu à l’esprit des auteurs que c’est plutôt l’échec scolaire qui augmente le risque de redoublement…

Education et formation, n° 66, juillet-décembre 2003, Dix-huit questions sur le système éducatif, DEP

Exemple 5. Le mécanisme de « la prophétie créatrice »

Dans son manuel, Robert Merton rapportait l’exemple suivant. « Apparemment, les faits semblent durs et froids. Les Noirs arrivés récemment d’un Sud non encore industrialisé, ignorent la discipline traditionnelle des syndicats. Le Noir est considéré comme un "briseur de grève". La statistique prétend en effet que le Noir ne participe pas aux grèves ni n’adhère aux syndicats : "avec son niveau de vie inférieur", on nous dit qu’il accepte sans discussions de très bas salaires. En un mot, le Noir est un "traître à la classe ouvrière" et l’on doit donc l’exclure des syndicats. Voilà comment un syndicaliste blanc tolérant mais entêté voit les faits en s’appuyant dit-il sur des statistiques... Il ne se rend évidemment pas compte que lui et les siens ont créé les "faits" qu’il observe. Car définissant la situation (les Noirs en opposition irréductible au principe du syndicalisme) et excluant les Noirs des syndicats, il provoque une série de conséquences rendant difficile, sinon impossible, à nombre de Noirs de n’être pas des "jaunes". Sans travail après la 1ère Guerre mondiale et rejetés des syndicats, des milliers de Noirs n’ont pu résister aux patrons, qui, gênés par la grève, insistaient pour leur ouvrir la porte de l’usine. (...) Les faits ont montré que les Noirs étaient des briseurs de grève parce qu’ils étaient exclus des syndicats (et de toute une série de travaux), et non le contraire.

D’après Robert K. Merton : Eléments de théorie et de méthode sociologique, 1956.

Corrélation et nuages de points

On représente souvent une corrélation sur un diagramme de dispersion. Un nuage de points apparaît, que l’on ajuste souvent au moyen d’une droite de régression. Mais gare aux interprétations hâtives. La corrélation globale ainsi mise en évidence peut n’être due qu’à un petit nombre d’individus.

Exemple. Prélèvements obligatoires et croissance économique

Dans un rapport au Conseil économique et social (« Prélèvements obligatoires : efficacité économique et justice sociale », 2005), Jean Gadrey soutenait qu’ « on ne peut conclure ni à un impact positif ni à un impact négatif (sur la croissance) d’un niveau plus élevé de prélèvements obligatoires, au moins pour les 20 pays les plus développés ». A l’appui de ses dires, il proposait un graphique montrant que la corrélation est quasi-nulle.

Las ! comme l’indiquait le professeur Jean-Marie Hommet dans une communication à la liste InterEs, "le graphique et son interprétation par les auteurs du rapport est un exemple à suivre ou à ne pas suivre selon qu’on veut éclairer ou manipuler l’opinion publique. Le problème est connu en économétrie sous l’appellation de "problème des données influentes", qui se pose particulièrement dans le cas des "petits" échantillons sur des données en coupes transversales. Nous sommes dans ce cas ». En effet, continue JM Hommet, « quand un échantillon est de "petite" taille, une valeur extrême exerce un effet d’attraction disproportionné sur la droite de régression. Or, il y a bien ici deux valeurs extrêmes dont on peut raisonnablement supposer qu’elles perturbent le comportement de la droite et "faussent" l’estimation des coefficients de détermination et de régression, c’est-à-dire rendent inintelligible l’analyse des écarts à la moyenne ».

Il suffit d’exclure la Norvège et le Japon de l’échantillon pour modifier radicalement la conclusion qu’on peut tirer de ce graphique. Il y a, du reste, de bonnes raisons de ne pas inclure ces deux pays. Le premier bénéficie à plein de la rente pétrolière, le second a connu onze années de déflation pendant la période considérée (1990-2001). Par exemple, « l’exclusion de la seule Norvège suffit pour que le coefficient de régression devienne négatif et statistiquement significatif au seuil de signification de 5%. En revanche, l’exclusion de 15 autres pays sur 19 n’exerce qu’un effet marginal sur la mesure de la corrélation, en deçà d’un écart-type ». On trouvera ci-dessous le graphique construit à partir de l’élimination des données relatives à la Norvège et au Japon.

Messages

  • Cette manière de pré­sen­ter les choses est erro­née, et ce, pour deux rai­sons :

    * o La première :

    Elle laisse croire que les retrai­tes repo­sent uni­que­ment sur les coti­sa­tions sala­ria­les. Ce qui est faux. Les patrons coti­sent au régime géné­ral à hau­teur de 9.9 %. Du coup, dans les cons­cien­ces, cette repré­sen­ta­tion démo­gra­phi­que épargne la part contri­bu­tive des patrons dans le finan­ce­ment des retrai­tes. Si bien que les patrons et leurs médias peu­vent poser le pro­blème comme uni­que­ment inhé­rent aux seuls sala­riés. Dés lors les patrons peu­vent pré­sen­ter comme seule solu­tion juste, équitable, l’allon­ge­ment de la durée des coti­sa­tions pour tous les sala­riés afin d’aug­men­ter les ver­se­ments. C’est pour­quoi, les sala­riés en face de cette escro­que­rie, posée par patrons et syn­di­cats comme un axiome incontour­na­ble, sous­cri­vent bien malgré eux, à l’allon­ge­ment des coti­sa­tions au nom de l’« équité ».

    * o La deuxième raison :

    Elle laisse enten­dre que les patrons ne sont pour rien dans les défi­cits et qu’il n’est pas pos­si­ble de les mettre à contri­bu­tion, d’aug­men­ter les coti­sa­tions patro­na­les. Ce qui est faux. La part patro­nale ne cesse de bais­ser et il est tou­jours pos­si­ble de l’aug­men­ter comme la Cour des comp­tes l’a sug­géré. Ou encore d’aug­men­ter son assiette à tous les reve­nus du capi­tal. C’est ainsi que la SNCF cotise à hau­teur de 33.4 % pour les che­mi­nots. Les patrons s’épargnent ainsi avec cet alibi démo­gra­phi­que, typi­que­ment mal­thu­sien, toute contri­bu­tion finan­cière en lais­sant croire que les retrai­tes repo­sent sur les coti­sa­tions de seules acti­ves. La belle affaire en or.

    L’équité vou­draient que les patrons soient aussi mis à contri­bu­tion. Or, on assiste au contraire. Depuis 30 ans les dif­fé­rents gou­ver­ne­ments avec les par­te­nai­res sociaux, se sont employés à for­te­ment dimi­nuer la part des coti­sa­tions patro­na­les et à aug­men­ter la part sala­ria­les, jusqu’à rendre les comp­tes des cais­ses géné­ra­les défi­ci­tai­res. Voilà quelle réa­lité masque l’argu­ment démo­gra­phi­que.

    C’est pour­quoi il faut com­bat­tre cet argu­ment mal­thu­sia­niste :

    Malthus consi­dé­rait qu’il n’y a pas de riches­ses suf­fi­san­tes pour tout le monde et pré­ten­dait que c’est à cause du trop grand nombre d’indi­vi­dus sur terre. Il en concluait qu’une concur­rence était iné­vi­ta­ble et que seuls les plus forts, les plus intel­li­gents, les plus via­bles s’en sor­taient. Il jus­ti­fiait ainsi l’acca­pa­re­ment des riches­ses par une classe exploi­teuse.

  • Des raisonnements faux pullulent dans les affirmations liées à des pourcentages :

     40% des accidents de la route sont provoqués par des conducteurs ayant absorbé trop d’alcool. Il y a donc plus d’accidents provoqués par des personnes sobres. Conclusion : on a plus de chance d’avoir un accident si on est sobre…

     Sur dix ans, un prix a augmenté de 80% puis diminué de 80% dans les dix années suivantes. On penserait qu’il s’est globalement maintenu. Faux : il a diminué de 64% !

     Cent pourcent des gagnants ont tenté leur chance, donc vous avez intérêt à jouer…

     Soixante pourcents des élèves de troisième réussissent au bac alors que 80 pourcent des élèves de première y réussissent. Conclusion : passez directement en première augmente vos chances…

     Les taux de variation de la production sont année par année de 3,8 ; 7,5 ; 9,4 ; 10,4 ; 8,3 ; 7,4 ; 6,2 ; 4,9 ; 2,8 ; 1,5. On dirait volontiers que la production a d’abord augmenté puis a diminué, alors qu’elle n’a pas cessé d’augmenter…

    Maintenant que vous avez tout compris, un petit problème.
    Sachant qu’il y a 105 naissances de garçons pour 100 naissances de filles, quelle chance a une naissance de faux jumeaux d’un garçon et d’une fille ?

  • L’application d’une nouvelle méthodologie de l’Insee a fait augmenter la richesse annuelle produite. Mais uniquement sur le papier. Explications.

    "On peut faire dire n’importe quoi aux chiffres." Ce scepticisme des Français quant à la fiabilité des statistiques économiques risque encore de s’accentuer jeudi.

    Depuis ce matin, la France s’est officiellement réveillée plus riche qu’elle ne l’était hier. Le produit intérieur brut (PIB) hexagonal, indicateur de la richesse annuelle créée, a soudainement été relevé de 60 milliards d’euros en 2010. 61,8 milliards, pour être exact. Cela représente plus de trois points de richesse annuelle, plus que le coût des intérêts de la dette en 2013 !

    Mais les conséquences sur les chiffres de l’économie française vont bien au-delà. Car nombre d’indicateurs-clés, comme la dette ou le déficit, sont calculés en pourcentage du PIB. En 2013, l’endettement a finalement atteint 91,8 % du PIB, au lieu de 93,5 % comme annoncé précédemment, et ce, malgré l’intégration partielle de la dette de Réseau ferré de France, l’entreprise qui gère le réseau ferroviaire hexagonal. Et pourtant, en valeur absolue, la dette française se monte à 1 939,7 milliards d’euros, contre 1 925,3 milliards, selon des chiffres annoncés pas plus tard que le 31 mars dernier ! En revanche, le déficit, lui, n’a presque pas bougé, passant de 4,3 à 4,2 %.

    La réalité n’a pourtant pas changé, mais la méthode de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour mettre les comptes de la nation en chiffres, si !

  • « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. »

    Mark Twain

  • pourquoi un site révolutionnaire se préoccuperait de statistiques ? parfois le parti pris universaliste de ce site m’étonne !

  • Ce n’est pas aussi étonnant qu’il y paraît. Sais-tu, cher lecteur critique, que Karl Marx est l’un des premiers à avoir expliqué que l’économie et la sociologie avaient un grand besoin de cette nouvelle science des statistiques (nouvelle à son époque). C’est au milieu du XIXe siècle que le statisticien belge Adolphe Quételet a proposé les statistiques comme mode d’étude des évolutions sociales et humaines dans un ouvrage de 1835 intitulé « Sur l’homme et sur le développement de ses facultés », où il suggérait que les statistiques pouvaient s’appliquer utilement à la criminalité. Remarquons qu’il y déclarait : « La société prépare le crime et les coupables ne sont que les instruments de son exécution. » !!! Il comparait également ce qu’il appelait la « physique sociale » à la thermodynamique. C’est en 1842 que Karl Marx découvrait cet ouvrage et adoptait immédiatement le point de vue statistique. En 1869, dans une lettre à Ludwig Kugelmann, Marx écrivait : « Quételet a rendu d’éminents services en démontrant que même les incidents apparemment aléatoires de la vie sociale possèdent une nécessité interne de par leur récurrence périodique et leur incidence moyenne… En revanche, Quételet n’a jamais été en mesure d’interpréter cette nécessité. Il n’a pas progressé sr ce point, se contentant de développer le matériel qui lui permettait d’améliorer ses observations et calculs. » Dans « Le Capital », Karl Marx faisait explicitement référence à Quételet et à l’emploi de la méthode statistique.

  • comment peuvent-ils utiliser la statistique pour faire passer des mensonges pour des vérités ?

  • La première méthode consiste à poser des questions orientées.

    Par exemple, un statisticien cite ce genre de résultats :

     à la question « les différences de revenus sont nécessaires au pays », il y a 62% de réponses défavorables.

     à la question « les inégalités ne bénéficient qu’aux riches et aux puissants », il y a 80% de réponses favorables.

     à la question « les inégalités sont nécessaires à la communauté », il y a 57% de personnes défavorables.

     à la question « les inégalités sont inévitables », il y a 43% de réponses défavorables.

    Pourtant, on pourrait croire que ce sont à peu près les mêmes résultats que l’on devrait trouver, celles des gens défavorables aux inégalités mais les résultats aux questions posées différemment varient de 43% à 80% !

  • Un autre exemple de faux raisonnement consiste à souligner une corrélation qui ne correspond pas à un véritable lien de causalité.

    Par exemple, on effectue la statistique comparée des personnes ayant une grande pointure de chaussures et celle des personnes condamnées pour faits graves et on remarque que les personnes ayant une très grande pointure de chaussures correspondent à un pourcentage plus important de délinquants ou de criminels. C’est une corrélation mais pas un lien causal. Par exemple, cela provient du fait que les femmes ont des pieds plus petits et qu’il y a moins de femmes que d’hommes parmi les personnes arrêtées pour délits ou crimes. La véritable relation causale n’est donc pas révélée par la statistique.

  • Les Européens ont toujours su manger trop et être gros mais ils n’avaient pas un grand nombre d’obèse car l’obésité est un signe de détraquement du métabolisme et pas de grosse bouffe…

    C’est les USA qui ont démarré la vague d’obésité dans le monde occidental car ils ont les premiers développé la nourriture industrielle.

    La malbouffe industrielle capitaliste contient des produits qui cassent le métabolisme et provoquent des grossissements très particuliers, même pour ceux qui ne mangent pas trop en quantité mais trop mal en qualité.

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