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Le dialogue des deux hémisphères du cerveau
dimanche 13 novembre 2011, par
Nous avons affaire dans le cerveau à une situation typique de la logique dialectique : un combat entre forces opposées qui est sans cesse repris et renouvelé dans lequel les combattants n’ont jamais définitivement gagné. Les deux hémisphères se répondent et se contredisent, mais, si l’un finit toujours par l’emporter, il laisse le champ libre à l’autre pendant la nuit... Le plus frappant est que chacun a pénétré l’autre pour des zones particulières : un vrai jeu de go !!!
Le dialogue des deux hémisphères du cerveau
Comment le cerveau traite-t-il les informations ?
Les deux hémisphères procèdent différemment :
L’hémisphère droit traite préférentiellement les informations visuelles et spatiales qui permettent le repérage dans l’espace, les gestes et les actions sur les objets (les praxies), et il le fait sur un mode rapide, simultané, synthétique et global, avec une tonalité affective.
L’hémisphère gauche est mobilisé par les tâches de compréhension et de production du langage, il procède à un traitement analytique détaillé, séquentiel, plus lent et plus précis, « rationnel ».
Les deux hémisphères dialoguent constamment entre eux (les fibres qui les unissent constituent le corps calleux) et avec le « cerveau des émotions » ou lobe limbique, en rapport étroit avec la mémoire (l’hippocampe dans le lobe temporal). L’action décidée par le cerveau provient d’une rupture de symétrie dans le dialogue entre les deux hémisphères cérébraux. d’un seul coup, au bout d’un tel dialogue contradictoire, l’un des deux l’emporte. dans le cas inverse, on a encore à faire avec une maladie mentale. L’un des hémisphères a inhibé l’intervention de l’autre...
Les hémisphères ne sont pas parfaitement symétriques. Le langage en particulier, est principalement traité dans l’hémisphère gauche qu’on appelle alors hémisphère dominant (mais ce n’est pas systématique, car dans 3% des cas, le langage est traité par l’hémisphère droit). De nombreuses autres fonctions cognitives présentent une asymétrie cérébrale. Par exemple, les aptitudes visuo-spatiales (comme la rotation mentale) sont souvent mieux réalisées par l’hémisphère droit, de même la perception des visages semble davantage liée à l’hémisphère droit. A l’inverse, les processus impliqués dans la numération impliquent l’hémisphère gauche plus que le droit.
Cerveau gauche
On le dit analytique, logique, mathématique, séquentiel.
Il fonctionne de préférence à partir du détail, il s’en sert pour aller vers la complexité.
C’est le siège préférentiel du langage, mais pas exclusivement.
L’étude des aphasies (troubles du langage liés à une lésion cérébrale localisée) a permis de montrer qu’à une lésion localisée ne coïncident pas toujours les mêmes pathologies. Ainsi, environ un quart des gauchers ont une configuration hémisphérique opposée pour le langage. Remarquons de plus que la latéralisation n’est pas encore établie chez l’enfant, le cerveau est encore malléable jusque vers l’âge de 9 à 11 ans, certains disent jusqu’à l’adolescence, ce qui serait en accord avec le processus de myélinisation. D’autres exceptions peuvent encore être citées : les analphabètes (en effet, l’apprentissage de l’écriture renforcerait la dominance à gauche pour le langage), les bilingues et les polyglottes (l’hémisphère cérébral droit du droitier peut jouer un rôle dans l’acquisition d’une langue seconde, tout particulièrement lorsque l’apprentissage a lieu à l’âge adulte). Enfin, on observe une variabilité symptomatologique en fonction des structures propres à la langue des locuteurs (toutes les langues ne sont pas traitées de la même façon).
Cerveau droit
On le dit analogique, empirique, intuitif.
Il fonctionne plutôt sur la globalité, l’expérience et l’erreur, la déduction.
C’est le siège préférentiel du traitement de l’image et de la communication non verbale.
L’asymétrie du fonctionnement cérébral a été mise en évidence à la fois par l’étude des conséquences de lésions cérébrales accidentelles sur les facultés cognitives mais aussi, plus récemment, grâce aux techniques d’imagerie cérébrale qui montrent des activations asymétriques suivant les opérations mentales qu’effectue la personne dont on enregistre des indices de l’activité cérébrales.
Roger Wolcott Sperry (Prix Nobel de médecine en 1981) et Michael Gazzaniga ont démontré que les hémisphères cérébraux humain séparés (par callosotomie) pouvaient fonctionner de façon indépendante et aboutir à des raisonnements distincts à partir des informations auxquelles chacun de ces hémisphères avait accès. Sperry a même émis une hypothèse très débattue selon laquelle il y aurait des personnalités ou des formes de consciences distinctes au sein de chaque hémisphère.
Il existe une dichotomie très souvent utilisée pour caractériser les différences hémisphériques dans le traitement de l’information : l’hémisphère gauche serait plus efficace pour effectuer un traitement local et séquentiel de l’information tandis que l’hémisphère droit favorise un traitement holistique et parallèle. L’hémisphère droit serait aussi avantagé dans les traitements visuo-spatiaux et les émotions.
Cette hypothèse ne doit pas être comprise comme une opposition absolue dans le mode de fonctionnement des deux hémisphères, mais plutôt comme un biais en faveur de l’un ou l’autre hémisphère dans un contexte donné. Elle permet ainsi d’expliquer les différences observées dans de nombreuses expériences de psychologie. Par exemple, le fait que l’hémisphère droit est plus rapide à reconnaître un visage que le gauche s’interprète comme le résultat d’un avantage de l’hémisphère droit lié au traitement global de l’information présente dans l’image d’un visage. Toutefois, malgré cette implication préférentielle de l’un ou l’autre hémisphère dans certains processus cognitifs, le plus généralement, les deux hémisphères sont impliqués dans toute activité mentale.
Damasio et les deux hémisphères
Le rôle de la latéralisation ou dissymétrie du cerveau humain
Les fonctions cognitives proprement humaines ont une particularité : celle d’être dissymétriques dans le cerveau contrairement aux autres fonctions vitales de l’homme. Soit elles n’existent que dans l’un des deux hémisphères, soit elles n’ont pas les mêmes zones des deux côtés ni la même importance ou le même rôle suivant les côté du cerveau. On le constate en cas de lésion d’une des zones en question. Cela souligne l’importance, pour l’homme, de la latéralisation ou, au moins, le fait que l’hominisation est contemporaine de la latéralisation du cerveau. Il ya très peu ou pas du tout de latéralisation chez les grands singes, nos cousins, et pas du tout chez les autres singes.
La latéralisation est une spécialisation mais elle n’est pas que cela. On constate que les deux hémisphères répondent en même temps à une sollicitation liée à une information, une sensation, une émotion ou à une action. Il en résulte un dialogue permanent entre les deux hémisphères, débat d’où découle au bout d’un certain temps une de l’hémisphère dominant. Le cerveau humain est fondé sur une symétrie brisée et également sur des contradictions dialectiques. IL ne s’agit pas de deux cerveaux (sauf dans le cas des personnes qui ont eu, artificiellement ou naturellement une rupture de la liaison, le corps calleux).
Lorsque vous cueillez une pomme sur un arbre, l’hémisphère droit associe la pomme à la tarte aux pommes, au souvenir de la tarte aux pommes de votre grand-mère ; il peut aussi l’associer à la belle saison, etc. De son côté, l’hémisphère gauche catégorise rationnellement la pomme comme un fruit rond de nos campagnes, proche en cela de la poire, recense ses différentes variétés, bref il se comporte comme un dictionnaire.
Si l’hémisphère droit ne s’exprime pas par la parole, il dispose de raison, et on lui attribue volontiers la puissance imaginative. C’est pourtant lui qui maîtrise les notions pragmatiques et intervient dans le rappel des souvenirs dont il organise la
séquence chronologique.
L’hémisphère gauche à la différence du droit a tendance à rationaliser tout. Il contrôle le langage, particulièrement la grammaire et l’expression parlée,
sur un mode logique. Théorique, féru de raisonnement, il cherche une explication à tout, notamment aux sensations perçues.
Chez une femme dont les deux hémisphères étaient intacts, mais ne communiquaient plus à cause d’une destruction de la bande des fibres nerveuses les
reliant, le corps calleux, l’expérience suivante a été effectuée.
Il a été présenté à cette patiente une photographie de jeune femme dévêtue, en lui demandant de fixer un point devant elle sur l’écran. La photographie était
présentée brièvement à droite de la ligne de vision définie par le point fixe. Ainsi l’image de la femme nue se projetait uniquement sur la partie gauche de
chaque rétine. Or, ces zones sont elles-mêmes reliées à l’hémisphère cérébral droit. C’est par conséquent, ce seul hémisphère droit qui « voyait » la femme nue.
L’hémisphère droit ne disposant pas des capacités linguistiques permettant de s’exprimer, la patiente n’a pas pu décrire l’image. En revanche, elle a eu une
réaction de gêne, a rougi, a ri nerveusement et a mis sa main devant sa bouche. L’image n’avait pas été perçue par l’hémisphère gauche mais ce dernier a
détecté les manifestations de la gêne et a « inventé » une explication : c’étaient les
machines utilisées par les expérimentateurs qui avaient provoqués ce sentiment de
confusion.
La nécessaire coopération entre les deux hémisphères Les exemples des deux patients cités au début de cet article suggèrent que la cohérence du
raisonnement, la prise en compte de certaines données « de bon sens »
(comme le fait qu’une ville ne peut pas être à deux endroits en même
temps, ou bien qu’il est impossible qu’un bras puisse s’évader à sa
guise) dépendent d’une nécessaire coopération entre les deux hémisphères.
L’hémisphère gauche cherche à tout prix à trouver des explications sans évaluer la probabilité que ces explications soient plausibles dans le monde réel.
L’ hémisphère droit tempère les exigences de l’hémisphère gauche et n’hésite pas à le contredire lorsqu’il s’égare dans des raisonnements spécieux.
Lorsque l’hémisphère droit ne fonctionne plus normalement parce qu’il a été lésé, l’hémisphère gauche cherche à démontrer tout, parfois par l’absurde.
Chez le premier patient, la lésion droite a détruit la face interne du lobe frontal et perturbé le sentiment de familiarité pour les lieux ainsi que le rappel des
informations mémorisées sur ces lieux. La ville de Paris n’évoque pas plus de familiarité qu’une autre. La destruction localisée dans l’hémisphère droit perturbe la cohérence des souvenirs.
La difficulté tient au fait que l’hémisphère gauche gère mal les souvenirs : si un
souvenir quelconque sur Amsterdam ou Aix-La -Chapelle revient au patient, il
l’intègre aussitôt dans sa perception immédiate, d’où la confusion entre les
souvenirs qu’il a de ces villes et de Paris où il se trouve effectivement.
Si on l’interroge, l’hémisphère gauche se lance dans des explications totalement
déconnectées de la réalité ; il utilise une rhétorique abstraite inappropriée. Il est ici
totalement dépourvu d’esprit critique, et l’hémisphère droit détruit ne peut le rendre
à l’évidence en le mettant face aux impossibilités matérielles qu’il ne perçoit plus.
Pour le second patient, la lésion touche le lobe pariétal droit. Cette région est essentielle dans la perception de la sensibilité du côté gauche du corps
et dans la représentation corporelle, c’est-à-dire le schéma mental du corps. Le membre supérieur est devenu insensible et il y a une perte de la familiarité
avec celui-ci. Chez cette personne, comme chez de nombreux autres patients ayant des lésions similaires, la perte de la familiarité avec le membre aboutit à des
confusions avec le membre de l’examinateur. Si celui-ci met son bras gauche à côté du bras gauche du patient, il ne reconnaît plus le sien, et croit sentir sa
main paralysée bouger quand l’examinateur agite les doigts.
Comment une telle confusion est-elle possible ?
Habituellement, le sentiment d’appartenance d’un membre résulte de l’action concertée de plusieurs zones cérébrales. La « sensation » du bras est procurée
par des capteurs de pression et de tension situés dans les muscles, les tendons et la peau qui envoient des informations, via les nerfs sensoriels, jusqu’au cortex
somatosensoriel dans le lobe pariétal. En même temps, la vue du bras active le cortex visuel, dans l’aire occipitale. La mise en commun des activités pariétales (sensorielles) et occipitales (visuelles) se fait dans les zones associatives, à la limite entre le lobe
pariétal et occipital ; on voit un bras en même temps que l’on sent un mouvement. Or, lorsqu’on regarde le bras d’autrui, on ne sent pas son mouvement, c’est cette distinction qui permet de distinguer le bras d’un autre et le sien propre.
Chez ce patient, la zone pariétale est endommagée, de sorte que lorsqu’il voit un bras à proximité, il le prend pour le sien. Même lorsqu’il voit son propre bras en même temps, il affirmera que les deux sont à lui, car rien ne lui permet de distinguer l’un de l’autre.
Comment l’hémisphère gauche va-t-il tenter de justifier qu’il a deux bras gauches ?
L’ hémisphère gauche, l’hémisphère de la mauvaise foi.
Privé des informations sensorielles et du sentiment d’appartenance, le membre supérieur gauche semble un corps mort ou pire un corps étranger artificiellement rattaché au corps, sans vraiment lui appartenir. Mais l’hémisphère gauche veille et trouve toujours comment justifier de telles anomalies perceptives. Il sait trouver une explication sans exigence de bon sens et d’autocritique, mais avec une
apparence de cohérence qui tient parfois du sophisme.
S’il y a deux bras gauches devant lui, c’est que d’une manière ou d’une autre, ils sont liés avec son corps. S’il ne ressent pas de réelle familiarité avec son bras
gauche, eh bien c’est que son bras peut se désolidariser du reste de son corps : il sera selon les cas, robotisé, téléguidé, diabolisé...
Notons que ce phénomène et ces troubles du comportement et du jugement ne se produisent pas, du moins pas de façon aussi spectaculaire, lorsque la lésion touche la région identique de l’hémisphère gauche. Dans ce cas, si le patient peut s’exprimer, l’hémisphère droit fournit des informations suffisantes pour qu’il admette sa paralysie, ou le fait que son bras ne puisse pas être autonome, ou encore qu’il ne confonde pas son bras avec celui du médecin.
Les fabulations et les propos délirants ne sont généralement observés que chez les patients atteints de lésions cérébrales localisées dans l’hémisphère droit, lequel est en permanence en prise avec le monde réel : il fait appel au sentiment de familiarité et
aux données pragmatiques, dites de bon sens, il classe les souvenirs dans le temps, il inscrit le corps, les lieux et les personnes dans la réalité.
Il tempère les emportements de l’hémisphère gauche, qui cherche avant tout à relier les faits et les perceptions les uns aux autres, et qui, pour ce faire, use de toute forme de logique. Cet hémisphère ne possède pas le sens de l’autocritique et n’évoque jamais un possible dysfonctionnement de l’individu. Il fait appel à des explications externes (« On » a changé mon bras ; « On » a modifié le paysage).
Cette théorie de la complémentarité des hémisphères a été développée par le neurologue Vilayanur Ramachandran. Selon lui, l’hémisphère gauche organise les données affluant au cerveau en un système de croyances dotées d’une certaine
logique interne. Il assure une défense psychologique de l’individu, fut-ce au prix d’une négation de la maladie ou de l’organe malade. Si le rôle de l’hémisphère gauche est de bâtir un modèle et de le justifier à tout prix, celui de l’hémisphère droit est de déceler les anomalies et de critiquer ce modèle. Au delà d’un certain seuil d’improbabilité, l’hémisphère droit essaiera de contraindre le gauche à corriger ses hypothèses. Cette dialectique entre les deux hémisphères aux fonctions différentes est abolie en
cas de lésion droite. La faillite du raisonnement résulte, dans ce cas, du déséquilibre entre la rigidité d’un raisonnement spécieux conduit par l’hémisphère gauche et les tentatives de pondérations vouées à l’échec de l’hémisphère droit.
Dans « L’erreur de Descartes » Antonio Damasio, spécialiste en neurologie, écrit :
« Dans l’hémisphère droit (…) se trouve la carte du corps la plus complète et la plus synthétique sur l’état du corps à chaque instant, dont puisse disposer le cerveau. Le lecteur peur se demander pourquoi cette carte est restreinte à l’hémisphère droit au lieu d’être distribuée sur les deux hémisphères ; le corps n’est-il pas constitué de deux moitiés symétriques ? La réponse est que chez l’homme, de même que chez les animaux, les fonctions semblent être distribuées de façon asymétriques sur les hémisphères cérébraux, la raison étant probablement qu’il vaut mieux qu’il n’y ait qu’un centre de décision final lorsqu’il faut choisir une pensée ou une action. Si les deux côtés du cerveau devaient intervenir à égalité dans le déclenchement des mouvements, vous pourriez fort bien voir surgir un conflit – votre main droite pourrait interférer avec la gauche, et vous auriez beaucoup moins de chances d’avoir une bonne coordination des mouvements, dès que ceux-ci concerneraient plus d’un membre. Dans le cas de toutes sortes de fonctions, leur localisation restreinte à un hémisphère est certainement plus avantageuse ; les structures cérébrales les desservant sont alors dites dominantes. L’exemple de la dominance le plus connu se rapporte au langage. Chez plus de 80% des gens, y compris chez de nombreux gauchers, la fonction du langage dépend de structures situées dans l’hémisphère gauche. Un autre exemple de dominance, cette fois-ci se rapportant à l’hémisphère droit, concerne la perception des informations sensorielles en provenance du corps : la représentation de l’état fonctionnel des viscères, d’une part, et celle de l’état fonctionnel des muscles squelettiques des membres, du tronc et du visage, d’autre part, se combinent en une carte dynamique coordonnée. (…) La représentation de l’espace en dehors du corps, de même que les processus émotionnels, font l’objet d’une dominance hémisphérique droite. Cela ne veut pas dire que le corps ou l’espace n’est pas représenté dans les structures équivalentes de l’hémisphère gauche. Simplement, les représentations sont différentes : à gauche, elles sont probablement partielles, et ne font pas l’objet d’une intégration fonctionnelle.(…) Il existe une région dans le cerveau humain, constitué par un ensemble d’aires corticales somato-sensorielles situées dans l’hémisphère droit, dont la lésion perturbe en même temps les processus de raisonnement et de prise de décision, ainsi que ceux relatifs à l’expression et à la perception des émotions et, en outre, interrompt la perception des messages sensoriels en provenance du corps. (…) Il existe une conception classiquement entretenue, mais à tort, pour la plupart des auteurs qui essaient de se représenter le fonctionnement du cerveau : la façon unitaire dont l’esprit perçoit le monde sous ses divers aspects sensoriels – images et sons, goûts et arômes, textures et formes – signifierait que tout ceci fait l’objet d’un traitement final au sein d’une seule et unique structure cérébrale. (…) Ma raison principale de m’opposer à l’idée d’un site cérébral intégratif unique est qu’il n’existe aucune région dans le cerveau humain qui soit équipée pour traiter simultanément les représentations fournies par toutes les modalités sensorielles, lorsque nous percevons simultanément, par exemple, des sons, des mouvements, des formes et des couleurs en synchronisation temporelle et spatiale parfaite. (…) Il est sans doute préférable d’imaginer que l’intégration mentale globale, dont chacun de nous ressent si fortement l’existence, résulte d’une coopération entre systèmes de haut niveau, assurée par la synchronisation d’activités neuronales prenant place dans des régions cérébrales séparées. Et cette synchronisation est sans doute obtenue grâce à la coïncidence dans le temps des activités en question. En effet, si des activités prenant place dans des régions cérébrales anatomiquement séparées se produisent dans le même intervalle de temps, il est possible de les relier, comme depuis le derrière de la scène, et de donner l’impression qu’elles se déroulent toutes en un même lieu. »
Bernard Werber écrit dans "Nouvelle encyclopédie" :
« L’hémisphère gauche de notre cerveau est dévolu à la logique, c’est le cerveau du chiffre. L’hémisphère droit de notre cerveau est dévolu à l’intuition, c’est le cerveau de la forme. Pour une même information, chaque hémisphère aura une perception différente pouvant déboucher sur des conclusions absolument contraires. Il semblerait que, la nuit seulement, l’hémisphère droit, conseiller inconscient, par l’entremise des rêves, donne son avis à l’hémisphère gauche, réalisateur conscient…
Si l’on déconnecte les deux hémisphères cérébraux et si l’on présente un dessin humoristique à l’œil gauche (qui correspond à l’hémisphère droit) tandis que l’œil droit (correspondant à l’hémisphère gauche) ne voit rien, le sujet rira. Mais si on lui demande pourquoi il rit, le cerveau gauche n’en sachant rien et ignorant la blague, inventera une explication à son comportement et dira par exemple : « Parce que la blouse de l’expérimentateur est blanche et que je trouve cette couleur hilarante. »
Le cerveau gauche invente donc une logique de comportement parce qu’il ne peut pas admettre d’avoir ri pour rien ou pour quelque chose qu’il ignore. Mieux : après la question, l’ensemble du cerveau sera convaincu que c’est à cause de la blouse blanche qu’il a ri et il oubliera le dessin humoristique présenté au cerveau droit.
Durant le sommeil, le gauche laisse le droit tranquille. Celui-ci enchaine dans son film intérieur des personnages qui vont changer de visage durant le rêve, des lieux qui sont sens dessus dessous, des phrases délirantes, des coupures soudaines d’intrigues avec d’autres intrigues qui redémarrent, sans queue ni tête. Dès le réveil, cependant, le gauche reprend son règne et décrypte les souvenirs du rêve de manière à ce qu’ils s’intègrent à une histoire cohérente… qui, à mesure que la journée va s’écouler, va devenir un souvenir de rêve très « logique ».
En fait, même en dehors du sommeil, nous sommes en permanence en état de perception d’informations incompréhensibles, interprétées par notre hémisphère gauche.
L’humour est provoqué par un accident dans le cerveau. Une information bizarre ou paradoxale est reçue par les sens mais ne peut être digérée par le cerveau gauche (celui qui compte, raisonne et contient l’esprit logique). Pris de court, il se met automatiquement en panne et envoie l’information parasite au cerveau droit (intuitif, artistique, poète). Celui-ci, de son côté, ne sachant que faire de ce colis piégé, envoie un flash électrique qui neutralise le cerveau gauche et lui laisse le temps à lui, le cerveau droit, de trouver une explication artistique personnelle. Cet arrêt momentané de l’activité du cerveau gauche, toujours omnisurveillant, entraîne aussitôt un relâchement cérébral et l’émission d’endorphines (l’hormone qui est aussi émise durant l’acte amoureux). Plus l’information paradoxale est gênante pour le cerveau gauche, plus le cerveau droit va envoyer un flash puissant, qui provoquera une importante émission d’endorphine… Et cet accident est finalement l’une de nos plus curieuses sources de plaisir. Plus une personne rit, plus son état s’améliore. »
Rita Carter écrit dans "Atlas du cerveau" :
« L’immense majorité des fonctions mentales sont totalement ou partiellement latéralisées. L’origine de cette latéralisation est encore mal comprise, mais il semble qu’une fois arrivée dans le cerveau, l’information emprunte de multiples routes parallèles et reçoit un traitement légèrement différent selon le chemin suivi. Chaque hémisphère est davantage activé par l’information qui le concerne plus particulièrement… Chaque hémisphère choisit les tâches conformes à son style de fonctionnement, holistique ou analytique. Cette opposition de styles s’expliquerait en partie par une curieuse différence physique des hémisphères. Ceux-ci sont un mélange de substance grise et de substance blanche. La substance grise correspond aux corps centraux des cellules cérébrales et occupe principalement le cortex épais de quelques millimètres. La substance blanche, située en dessous, est composée de denses faisceaux d’axones – les prolongements émis par les corps cellulaires et transmettant l’influx nerveux.
La densité relative de ces deux substances n’est pas constante dans le cerveau : l’hémisphère droit contient plus de substance blanche, tandis que l’hémisphère gauche contient plus de substance grise. Bien qu’infime, cette différence est importante car elle signifie que les axones du cerveau droit sont plus longs et relient donc des neurones qui, en moyenne, sont plus dispersés… Cela suggère que le cerveau droit est mieux équipé que le cerveau gauche pour activer simultanément plusieurs modules cérébraux,(…) ce qui expliquerait l’inclination de cet hémisphère à produire des concepts généraux. (…) Le cerveau droit, doté d’une trame neuronale plus dense, est en revanche mieux équipé pour effectuer des tâches complexes, minutieuses, dépendant de la coopération étroite et constante de cellules pareillement spécialisées. (…) Les décisions conscientes, si elles semblent l’œuvre d’un seul partenaire dominant, reposent en fait sur les informations recueillies par les deux hémisphères. Mais ce dialogue connaît parfois des accrocs. L’hémisphère dominant peut ignorer l’information transmise par son partenaire et prendre une décision unilatérale. Cela peut se traduire par un trouble émotionnel difficile à justifier. Inversement, l’hémisphère non dominant peut passer outre au contrôle exécutif de son partenaire (…) Si quelques millièmes de secondes suffisent au corps calleux pour transmettre une énorme quantité d’informations entre les deux hémisphères, il arrive parfois qu’une information particulièrement importante pour un hémisphère s’attarde dans l’hémisphère émetteur et ne soit que faiblement enregistré par l’hémisphère récepteur. »
Extrait de "Le nouvel inconscient" de Lionel Naccache :
"Les élucubrations d’un hémisphère déconnecté
Voyageons par la pensée en 1977. Nous sommes dans un laboratoire de psychologie américain dans lequel sont assis le chercheur Michael Gazzaniga, et face à lui un patient neurologique présentant une déconnexion inter-hémisphérique (Gazzaniga, LeDoux et Wilson, 1977). Ce patient présentait une épilepsie réfractaire aux traitements médicamenteux disponibles à l’époque. Afin de diminuer le nombre et l’importance de ses crises d’épilepsie, ce patient subit une intervention neurochirurgicale au cours de laquelle le corps calleux, cet épais faisceau de fibres blanches qui relie nos deux hémisphères, fut sectionné sur toute sa longueur. Suite à une telle intervention, les deux hémisphères d’un même cerveau ne sont plus capables de communiquer et d’échanger des informations entre eux.
Cette situation donne naissance à des symptômes rares mais bien connus par les neuropsychologues cliniciens : par exemple, si ce patient avait les yeux fermés e qu’on lui tendait un briquet de la main gauche, il parvenait à saisir très correctement le briquet, il pouvait l’allumer, et tout dans le comportement de la main gauche laissait supposer que le sujet savait qu’il tenait un briquet. Pourtant, dès qu’on lui demandait ce qu’il tenait dans sa main gauche, il était absolument incapable de répondre correctement ! (…) Les seules informations concernant cet objet étaient les informations tactiles envoyées par sa main gauche à son hémisphère droit. L’hémisphère droit de ce patient était parfaitement capable d’identifier cet objet, de le reconnaître et de mettre en branle les gestuelles adaptées pour manipuler le briquet. Cet hémisphère droit manifestait d’ailleurs une conscience du briquet, mais il était par contre incapable de le dénommer. En effet, les capacités linguistiques de l’hémisphère droit sont extrêmement limitées, et lorsque nous nous exprimons, ce sont les réseaux cérébraux du langage lovés dans notre hémisphère gauche qui sont à l’œuvre chez la majorité d’entre nous. (…) Parfois, un « patient calleux » ou callotomisé – tel que le dénomment les neurologues – présente ainsi deux comportements volontaires simultanés contradictoires.
(…) Gazzaniga élabora ensuite une surprenante expérience. Il demanda au patient de fixer un écran qui était situé droit devant lui. Soudain, sans en avoir averti le patient, un verbe apparut quelques dixièmes de seconde à la gauche de l’écran : « MARCHEZ ! » Cet ordre verbal présenté dans le champ visuel gauche du patient n’avait été reçu que par les régions visuelles de son hémisphère droit. Cet hémisphère droit était capable de comprendre sans pouvoir le prononcer cet ordre qui tenait en un mot. Gazziniga resta silencieux. Le patient se leva, se mit à marcher et commença à se diriger vers la porte de la pièce. Arrivé au pas de la porte, Gazzaniga interpella soudain le patient, c’est-à-dire son hémisphère gauche qui savait parler mais qui ignorait ce que savait et ce que faisait son hémisphère droit, et lui demanda : « Où allez-vous ? » Le patient lui répondit du tac au tac : « Je vais à la maison chercher un jus de fruit. »
Que nous révèle cette expérience répétée sous de multiples formes chez de nombreux patient callotomisés depuis 1977 ? Elle nous apprend que lorsque l’hémisphère gauche de ce patient prenait conscience d’un comportement qui affectait son corps – ici le fait de marcher vers la porte de la pièce -, il élaborait aussitôt une interprétation consciente qui lui permettait d’attribuer une signification à ce comportement. Plutôt que de répondre à Gazzaniga : « Je suis en train de sortir de cette pièce mais je ne sais pas du tout pourquoi, comme c’est curieux tout de même ! », le patient apporta sa propre réponse avec une force de conviction déconcertante. Le patient construisit immédiatement une interprétation de son comportement, au moment même où il prit conscience de ce comportement, mais sans se rendre compte que cette interprétation en était une.
Chez ces patients au cerveau divisé (split-brain), nous découvrons donc que leur hémisphère gauche doté des facultés de langage ne cesse d’élaborer consciemment des scénarios qui donnent sens au réel. Cette faculté de scénarisation du réel revient ainsi à considérer ces productions mentales conscientes comme d’authentiques œuvres de fiction ! Plutôt que de recueillir dans un premier temps les données objectives de son propre comportement, puis de discuter raisonnablement telle ou telle hypothèse afin d’essayer de l’expliquer, le patient façonne sans aucun recul une cause fictive de son propre comportement, et ne démord plus de cette explication qui a force de croyance ! Tiens donc, le patient split-brain nous met ainsi sous les yeux ce que nous avions fini par retenir de l’inconscient freudien : la dimension fictive de nos constructions mentales conscientes ! (…) Ce que nous isolons chez de tels patients à l’aide de ces petites expériences n’est rien d’autre qu’un accès privilégié à certains pas de leur « réalité psychique », pour reprendre les termes de Freud. Cette réalité psychique nous apparaît ici parfaitement dissociée de la réalité objective : ce qui fait véritablement sens pour le patient c’est une construction mentale fictive. Cette fiction qui est parfaitement contredite par la réalité objective n’en demeure pas moins une construction mentale d’une puissance autrement plus tangible et plus forte pour l’économie mentale du patient que la réalité "expérimentale" dont il est pourtant l’objet. A n’y pas douter, ces fictions sont les véritables habitants de la pensée consciente de ces patients.
Ce résultat spectaculaire, qui indique l’omniprésence et la prégnance des fictions dans notre pensée consciente, se rencontre dans bien d’autres syndromes neurologiques.
Nous avons eu l’occasion d’évoquer le syndrome d’héminégligence gauche, autre ment plus fréquent que les rarissimes disconnexions calleuses. dans ce syndrome, les patients n’ont malheureusement plus conscience de la moitié gauche de l’univers
(…) La négligence est, par excellence, une maladie de la conscience qui se caractérise par la perte de la conscience de l’existence du « côté gauche » (…) L’équipe d’Edouardo Bisiach à Milan, et celle de Luigi Pizzamiglio, à Rome, découvrirent il y a quelques années que cette « disparition » concernait également les images mentales générées depuis l’intérieur.
(…)
Dans ce syndrome, les patients n’ont malheureusement plus conscience de la moitié gauche de l’univers, y compris parfois la moitié gauche de leur propre corps, qui est souvent paralysée du fait des lésions cérébrales en cause. Il est ainsi classique de confronter ces patients à leurs déficits moteurs ou à la partie gauche de leur propre corps afin de déterminer s’ils sont encore capables de les analyser correctement. (…) Tout comme chez les patients au cerveau divisé, ces patients héminégligents construisent des représentations mentales conscientes qui ont la force de conviction d’une croyance, quitte à violer les contraintes du réel.
Le patient voit sa main gauche, mais sa négligence l’empêche de l’identifier comme sienne. Plutôt que de dresser un état objectif de la situation à partir des données du réel qu’il sait recueillir, ce patient intègre immédiatement ces données dans un scénario. (…) Le patient reste enfermé dans son scénario proclamé avec la conviction d’une évidence certaine : « Ceci n’est pas main ! » Pourtant, l’ensemble des données objectives et des connaissances nécessaires sont accessibles consciemment au patient. (…) Ceci ne l’empêche pas d’adhérer avec force à sa conviction fictive. Tout comme le patient au cerveau divisé, la « réalité psychique » dépasse le réel. La fiction structure la conscience.
Dans l’amnésie observée chez les patients atteints du syndrome de Korsakov, on trouve très souvent un phénomène tout aussi spectaculaire. Il révèle également la prégnance de la fiction dans la vie consciente.
Ces patients, dans les formes les plus sévères, peuvent présenter une amnésie antérograde majeure, c’est-à-dire l’incapacité totale à retenir le moindre souvenir conscient du cours actuel de leur existence. Ainsi, si vous entrez dans la chambre d’un tel patient et que vous le saluez, il vous répondra sans problème (…) Le patient n’aura conservé aucun souvenir conscient de votre visite et, si vous revenez quelques minutes après chez lui, il vous saluera comme la première fois. Le patient atteint d’un tel syndrome est enfermé dans un perpétuel présent dont il ne conserve aucune trace consciente. (…) Lorsque vous les interrogez sur ce qu’ils ont fait la veille au soir, plutôt que de vous répondre quelque chose comme « Tiens, hier soir je n’ai aucune idée de ce que j’ai bien pu faire. » (…) ces patients confabulent, c’est-à-dire qu’ils se mettent à vous raconter, et à se raconter à eux-mêmes, des histoires vraisemblables : « Hier soir, je suis allé dîner dans ce bon restaurant près du palais Garnier avec quelques amis. » Ces narrations n’ont qu’une faille : elles son totalement fictives. Le patient était dans sa chambre d’hôpital, là même où il réside depuis plusieurs jours, parfois depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, voire des années.
Une autre situation neurophysiologique, plus rare, nous permettra d’illustrer à nouveau cette faculté interprétative. Certains malades sont victimes d’une lésion cérébrale qui empêche les régions corticales impliquées dans le codage des visages de communiquer normalement avec les régions qui sous-tendent le codage émotionnel de nos perceptions. Que se passe-t-il lorsqu’un patient atteint d’une telle lésion rencontre un être familier comme son conjoint, l’un de ses enfants ou un ami proche ? L’espace de travail conscient de ce patient reçoit des informations contradictoires, le visage de l’individu perçu est reconnu sans peine et l’ensemble des connaissances qui lui sont associées sont activées et accessibles au patient : « C’est mon épouse », « j’aime son sourire », « nous nous sommes mariés en 1954 », « l’année dernière, j’ai organisé une fête surprise pour son anniversaire »…
(…) Les informations de familiarité, qui sont normalement associées à l’identification d’un être qui nous est émotionnellement et affectivement cher, font défaut. Le sujet ne reçoit pas ces informations qui lui sont normalement accessibles dès qu’il reconnaît le visage de sa femme. Comment se comporte-t-il alors ? (…) Dans une telle situation, ce patient va produire une incroyable interprétation consciente : il va déduire que la femme qui est en face de lui est en réalité un imposteur qui ressemble trait pour trait à son épouse mais qui n’est évidemment qu’un sosie. (…) Ce malade ne connaît pas la circuiterie de ses émotions et de ses perceptions, il ignore la vraie cause de son trouble, mais cela ne l’empêche pas de construire un scénario fictif qui a pour lui la saveur du réel."
Messages
1. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 13 novembre 2011, 17:27, par MOSHE
Si on l’interroge, l’hémisphère gauche se lance dans des explications totalement déconnectées de la réalité ; il utilise une rhétorique abstraite inappropriée. Il est ici totalement dépourvu d’esprit critique, et l’hémisphère droit détruit ne peut le rendre à l’évidence en le mettant face aux impossibilités matérielles qu’il ne perçoit plus.
2. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 13 novembre 2011, 23:20, par F. Kletz
L’hémisphère gauche cherche à tout prix à trouver des explications sans évaluer la probabilité que ces explications soient plausibles dans le monde réel.
L’ hémisphère droit tempère les exigences de l’hémisphère gauche et n’hésite pas à le contredire lorsqu’il s’égare dans des raisonnements spécieux.
Lorsque l’hémisphère droit ne fonctionne plus normalement parce qu’il a été lésé, l’hémisphère gauche cherche à démontrer tout, parfois par l’absurde.
C’est pour ça que je ne suis jamais d’accord avec moi-même !!!!??
Bien sûr que oui, bien sûr que non...
3. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 29 décembre 2011, 14:19
Pour les scientifiques se voulant matérialistes (les Britanniques disent « naturalistes »), la métaphysique ne consiste pas à faire intervenir des entités ou des facteurs explicatifs qui sortiraient du champ de la recherche expérimentale. La tentation est grande, chez certains de ceux qui s’essayent à la métaphysique, de remettre en cause le monisme que postule la science matérialiste. Souvent, impressionnés par les contenus pénétrants de leurs propres intuitions, ils n’en attribuent pas le mérite à la puissance de leur propre esprit. Ils envisagent que ces contenus puissent leur être suggérés par l’intervention d’un Esprit non observable expérimentalement, qui interviendrait ainsi dans le cours de leur pensée. Malheureusement, cette supposition se révèle contraire à la démarche prudente qui doit être celle du scientifique à l’égard de ses propres hypothèses : si c’est une entité quasi divine qui parle par ma bouche, l’auto-critique n’est plus de mise. Elle devient en quelque sorte sacrilège.
Tout au contraire, pour les matérialistes, éclairés par les découvertes récentes des neurosciences, l’intuition, ou plus exactement la formulation d’hypothèses que le sujet doit ensuite vérifier, constitue la base même de la démarche cognitive. Le système nerveux en général, le cerveau en particulier, sont des machines à formuler des hypothèses intuitives. Ce processus est réparti dans toutes les aires cérébrales et s’accomplit en permanence et à grande vitesse. On montre que, dès le niveau des aires sensorielles, les neurones qui ne reçoivent du monde extérieur que des impulsions électromagnétiques, les assemblent en patterns au sein desquels peuvent apparaître des régularités. Ne sont conservées que les patterns hypothétiques correspondant, soit à des expériences antérieures validées par l’histoire du sujet, soit à des mises à l’épreuve nouvelles s’étant révélées utiles à la survie de celui-ci.
De proche en proche, ceci jusqu’au niveau du cortex associatif, on peut ainsi constater l’apparition (ou émergence) d’hypothèses de plus en plus larges résultant des conflits darwiniens internes au cerveau correspondant à la multiplication des hypothèses et de leurs vérifications expérimentales. Très vite aussi apparaissent des hypothèses qui cessent d’être immédiatement vérifiables, soit qu’elles excèdent les capacités des appareils sensori-moteurs, soit qu’elles engagent le passé ou le futur. Ces hypothèses, bien qu’invérifiables immédiatement, sont vitales pour l’adaptation du sujet à un environnement extérieur changeant en permanence. Mais elles sont traitées selon des procédures particulières. Elles sont mémorisées dans des registres spécifiques, pour être évoquées si le besoin s’en faisait sentir en cas de changement dans le milieu ou dans les modes de vie du sujet.
Notons que pour prendre les décisions relatives à la conservation ou à la mise à l’écart de ces hypothèses, le cerveau ignore ce que nous appelons les processus rationnels, inspirés de la logique formelle. Nous avons mentionné, dans des articles précédents, les travaux montrant que le cerveau utilise des logiques décisionnelles proches de celles utilisées par le calcul quantique. Ceci bien évidemment se fait inconsciemment.
Le même processus se déroule au plan collectif. Chaque individu formule des hypothèses sur le monde et les verbalise par le langage. Ces dernières entrent en compétition darwinienne au sein du groupe. Celles correspondant à des expériences collectives avérées sont mémorisées et le cas échéant enseignées. Les intuitions plus générales suivent le même parcours. Ainsi un groupe génère en permanence des intuitions collectives : par exemple celles relatives à des ressources ou des dangers cachés, se trouvant au delà de l’horizon. Les groupes les mieux adaptés exploreront les territoires jusqu’alors invisibles, afin de tirer partie de ce qui pourrait s’y trouver.
Mais là encore les humains croient plus volontiers à l’intercession de divinités extérieures qu’au travail créatif de leurs propres cerveaux. De nos jours encore, les hypothèses invérifiables, mais résultant de processus intuitifs particulièrement créateurs, seront généralement reçues comme émanant de puissances ou d’esprits extérieurs au groupe.. Ce seront ces puissances qui seront honorées, au lieu que ce soit les individus ayant eu un cerveau suffisamment inventif pour s’affranchir des lieux communs.
Pour progresser dans l’analyse, il faut se persuader d’un point essentiel : les cerveaux ne sont pas capables de se représenter exactement la façon dont ils formulent leurs hypothèses sur le monde. Celles-ci sont produites au terme d’entrées sensorielles et informationnelles extrêmement nombreuses, suivi de processus interprétatifs encore plus nombreux. Le cerveau enregistre la plupart des flux correspondants, mais sa conscience de veille n’en est pas avertie. Tout au plus, après d’ailleurs des délais plus ou moins longs, une représentation globale tardive et synthétique peut émerger au niveau du cortex associatif siège des processus dits conscients, C’est elle qui est verbalisée et qui sert de support à des traitements cognitifs collectifs. Ces traitements peuvent aboutir, soit à des comportements individuels ou de groupe plus ou moins opportuns, soit à des intuitions ou des croyances restant dans l’ordre du symbolique avant d’être à leur tour mise à l’épreuve de l’expérience.
4. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 12 avril 2013, 19:07, par marie
très mauvaise façon de décrire ce qui se passe réellement dans le cerveau : il n’y a JAMAIS contradiction, guerre, ou jeu de quelque nature que ce soit !
vous vous représentez les deux hémisphères comme deux entités ayant chacune leur personnalité ! alors que c’est de la matière cérébrale identique de partout dans laquelle des zones vont se spécialiser suivant les expériences de vie appliquées aux "obligations " logiques (c’est à dire que la zone de réception et premier traitement des infos véhiculées depuis la rétine se trouve dans la ligne la plus courte derrière l’oeil )
toutes les zones spécialisées sont obligées de fonctionner en synergie, synchronicité : cad pile le contraire de ce que vous annoncez au début de l’article. ce qui gère en bout de course le traitement final n’est pas localisé à droite plus qu’à gauche(la prise de décision n’est pas du tout un bouton sur lequel on appuierait, et avec lequel on serait né !!!!) On connait assez aujourd’hui la plasticité du cerveau et l’on sait que des zones abimées peuvent transférer leur compétence à des zones voisines.
1. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 9 décembre 2013, 11:45, par Robert Paris
Bien sûr, vous avez parfaitement raison : on ne peut nullement séparer les deux entités qui sont interdépendantes, interconnectées, avec des zones de l’une dans l’autre, etc... Si j’ai donné l’impression de penser le contraire, honte sur moi. La contradiction entre deux hémisphères est dialectique et cela signifie justement cette interdépendance. Elle n’est pas diamétrale ce qui signifierait que les deux se contentent de s’opposer alors qu’elles s’opposent et se composent.
« Il est difficile de couper un homme en son milieu et de se servir toujours de la même moitié. »
John Steinbeck, « A l’Est d’Eden »
2. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 2 mai 2015, 05:52, par Robert Paris
Attention, quand nous parlons de contradictions, il s’agit de contradictions dialectiques c’est-à-dire que les contraires sont inséparables, imbriqués à l’extrême, interdépendants, se transformant l’un dans l’autre et se situant même l’un dans l’autre. Les deux hémisphères cérébraux nous semblent correspondre parfaitement à cette situation et à cette dynamique des contradictions dialectiques.
3. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 10 mai 2015, 21:14, par benDuc
Bonjour. Je réalise mon TFE en pédagogie primaire sur l’asymétrie cérébrale, les intelligeances multiples et la surdouance. Je trouve votre remarque pertinante et j’aimerais en connaître plus sur le sujet de manière rigoureuse et scientifique. La quntité d’info que j’ai trouvé à présent n’est pas assez objective et j’aimerais discuter avec des personnes plus au courant de ce qui est vérifiable. Je suis moi-même un neuro-droitier mais je sais qu’il est très facile de faire croire n’importe quoi qundceci n’est pas vérifié.
Merci
5. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 16 septembre 2014, 15:08, par Robert Paris
Albert Meynard écrit dans « Le sexe du cerveau » :
« L’hémisphère droit ressent le monde en images, le gauche le met en mots. La culture, le sens, la conscience, la notion de temps, c’est lui. La logique, le calcul, la déduction, les stratégies, la vitesse d’exécution, la lecture de la musique, c’est toujours lui… A l’opposé, l’hémisphère droit est un lambin, esthète et épicurien. Il prend son temps pour contempler, apprendre, voire il sait perdre son temps. Dans leur majorité, les hommes sont plus à droite et les femmes plus bilatérales… 60% des gauchers sont des hommes. »
1. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 7 septembre 2016, 00:26
Désoler mais elle manque de clarté qui fait quoi ?????
2. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 7 septembre 2016, 07:25, par Robert Paris
Aucun hémisphère ne fait quelque chose seul, sauf en cas d’accident : quand les deux hémisphères sont séparés.
6. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 8 mars 2019, 08:54
C’est vrai qu’on ressent qu’il y a sans cesse un dialogue contradictoire entre nos sentiments et notre pensée...
7. Le dialogue des deux hémisphères du cerveau, 19 avril 2019, 07:38, par K.
Il semblerait que, la nuit seulement, l’hémisphère droit, conseiller inconscient, par l’entremise des rêves, donne son avis à l’hémisphère gauche, réalisateur conscient…
Une étude publiée dans la revue JNeurosci a montré que notre cerveau droit serait à l’origine des cauchemars susceptibles de nous assaillir durant la nuit. Des disparités dans l’activité cérébrale ont été identifiées : le côté droit du cerveau serait davantage le siège de sentiments négatifs et de colère que le côté gauche.
En cause le déséquilibre entre les deux parties du cerveau est plus connu sous l’appellation scientifique d’asymétrie frontale alpha (FAA). Les personnes qui présentaient une plus grande activité cérébrale du côté droit pendant leur sommeil ressentaient plus de colère dans leurs rêves.
L’équipe de recherche explique que la fabrication des cauchemars serait notamment liée à la gestion de nos émotions. Les personnes à forte émotivité témoigneraient d’une asymétrie frontale alpha significative.