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Le texte par lequel le parti communiste a été fondé en France

lundi 2 janvier 2012, par Robert Paris

Résolution communiste du Congrès de Tours (25 au 30 décembre 1920)

Après quatre années de massacre mondial, et deux ans de prétendue paix, pendant lesquels la bourgeoisie n’a cessé de poursuivre une guerre contre-révolutionnaire et impérialiste contre le peuple russe et les peuples d’Asie opprimés, le Parti socialiste constate l’impossibilité où se trouve le capitalisme de survivre au bouleversement économique et social qu’il a provoqué.

Les insatiables appétits de la classe bourgeoise et l’évolution fatale du monde industriel ont engendré l’impérialisme ; et la concurrence des impérialistes rivaux suscite la guerre en permanence. Dans le sang de millions de prolétaires, la coalition impérialiste des Alliés a vaincu la coalition adverse et a cru s’assurer l’hégémonie mondiale. Maîtresse des colonies d’Asie et d’Afrique, elle impose sa volonté aux anciens États neutres, elle réduit en esclavage les peuples de l’Europe centrale par des traités consacrant le triomphe de sa force et son « droit » de spoliation, de pillage à outrance.

Mais la Russie révolutionnaire a mis en question l’omnipotence de la coalition impérialiste victorieuse. Refusant de subir la loi du capitalisme, elle a renversé le régime bourgeois, transmis le pouvoir au prolétariat, exproprié les expropriateurs, entrepris l’instauration de la société communiste. Elle a résisté victorieusement aux assauts de la contre-révolution internationale et, à son exemple, s’organise dans tous les pays la résistance à l’oppression du capital.

En même temps se développent les inéluctables conséquences de la guerre impérialiste. La rivalité des oligarchies capitalistes concurrentes disloque le faisceau des impérialismes associés. La ruine des Etats, le déséquilibre des budgets, l’inflation de la circulation fiduciaire, succédant à la destruction d’innombrables vies humaines et d’inappréciables richesses, portent à son comble le désordre économique. La paralysie des échanges internationaux, le tarissement de la production, la croissance irrésistible du coût de la vie, exaspèrent les antagonismes de classes. Les contradictions minant le capitalisme atteignent une virulence mortelle pour le vieux régime.

Dans le chaos général où la bourgeoisie aveugle continue de rechercher la domination et le profit, le prolétariat gagne chaque jour en clairvoyance, prend conscience de sa mission révolutionnaire et engage le combat libérateur contre ses maîtres.

Pendant quatre années, les peuples, aveuglés par de monstrueuses légendes, fanatisés par des haines factices, égarés par le mensonge et l’erreur, que la bourgeoisie a créés et entretenus grâce à la toute-puissance corruptrice de l’argent et à la toute-puissance coercitive de l’Etat, se sont entr’égorgés dans une lutte fratricide insensée. Trompés par les dirigeants de la IIme Internationale, en même temps que par les gouvernants bourgeois, ils ont cru, les uns et les autres, défendre une juste cause, leur patrie, la justice, le droit, la civilisation ; ils ont cru acheter de leur sang la paix perpétuelle et assurer, par leurs sacrifices, le salut des générations nouvelles.

Ils mesurent actuellement l’immensité de leur aberration. Ils comprennent que des dizaines de millions d’hommes sont morts pour la satisfaction des intérêts bourgeois. Ils n’aperçoivent ni paix, ni justice, ni civilisation ; ils ne voient que guerres, exploitation, barbarie. Et les générations nouvelles subissent le sort de celles qui ont cru les sauver.

Chaque prolétaire comprend aujourd’hui que son ennemi est dans son propre pays, et que la seule, l’unique guerre légitime est celle des exploités contre leurs exploiteurs. Dans chaque prolétariat, une élite consciente s’est organisée en parti politique, qui dirige la classe opprimée dans sa lutte contre la classe privilégiée. Ces partis socialistes ou communistes se sont groupés dans une nouvelle Internationale, sur l’initiative des socialistes clairvoyants, qui surent ne jamais renoncer à la lutte contre le régime capitaliste, et sous l’égide de la première révolution prolétarienne victorieuse.

Le Parti socialiste français proclame que cette nouvelle Internationale, l’Internationale Communiste, est l’interprète qualifié des aspirations des masses exploitées de toute la terre et le guide sûr, éprouvé, de l’avant-garde prolétarienne.

Conscient du rôle historique qui lui incombe à l’heure où les destinées du prolétariat sont en jeu sur le front mondial de la lutte des classes, le Parti décide d’entrer dans l’Internationale communiste qui coordonne les efforts de toutes les organisations prolétariennes révolutionnaires et dirige leur action libératrice.

Le Parti se déclare pleinement solidaire de la République des Soviets, qui ne lutte pas seulement pour le salut des prolétaires de Russie, mais encore pour l’affranchissement du prolétariat mondial. Il affirme que le devoir primordial des travailleurs de tous les pays est d’assurer, par tous les moyens, la sauvegarde de la révolution sociale commencée en Russie, et d’entreprendre contre l’impérialisme, contre le régime capitaliste, une guerre sans merci, dont l’issue sera l’émancipation intégrale du travail.
THÈSES
I. — La prise du pouvoir par le prolétariat et la dictature prolétarienne

Le Parti, considérant l’impuissance du capitalisme à reconstruire le monde tombé en ruines, doit envisager les conditions dans lesquelles le prolétariat pourra se substituer à la bourgeoisie et fonder la société communiste.

L’expérience de l’Histoire et des révolutions en cours montre péremptoirement que la transformation sociale ne peut s’accomplir dans les cadres du régime actuel et dans la légalité établie par ce régime pour sa sauvegarde. S’il est vrai que l’embryon d’un système social naît et commence son développement au sein du système qu’il doit remplacer et dans lequel il puise sa première substance, cette coexistence devient impossible dès que les formes sociales naissantes rencontrent dans le milieu une entrave à leur évolution. La lutte de classes se poursuit alors hors de la légalité condamnée et pour l’élaboration de la légalité nouvelle.

La première phase de la lutte révolutionnaire revêt un caractère différent suivant la situation intérieure du pays, la forme et le degré de résistance des forces en présence mais son objectif invariable doit être la prise intégrale du pouvoir politique par le prolétariat. Tous les conflits sociaux tel que celui qui vient d’obliger le gouvernement italien à reconnaître le contrôle des ouvriers sur la production ne sont que des préludes à cet acte indispensable au développement de la révolution.

La valeur révolutionnaire de cette première réduction des privilèges de la bourgeoisie trouve rapidement ses limites dans le fait de l’existence d’une bourgeoisie toujours maîtresse de l’Etat, libre de s’organiser pour la résistance, d’exercer sa force corruptrice et appelée à codifier elle-même les mesures qui lui sont imposées.

Seule, la possession intégrale du pouvoir politique sans compromission avec les représentants du capital et du socialisme petit-bourgeois, permettra au prolétariat de fonder l’ordre social nouveau sur la propriété collective, le travail obligatoire et la suppression des classes.

La prise du pouvoir ne signifie nullement la substitution, dans les organismes de l’Etat capitaliste, des communistes aux bourgeois, mais bien la destruction de l’Etat bourgeois et son remplacement par un appareil essentiellement différent.

La mainmise sur l’Etat par le prolétariat donne à la classe ouvrière l’instrument de la domination bourgeoise ; elle ne supprime immédiatement ni la bourgeoisie ni les classes, ni par conséquent la lutte de classes qui prend au contraire sa forme la plus aiguë. Le prolétariat ne peut faire face aux nécessités de cette lutte et la mener victorieusement qu’en exerçant sa dictature sous le mot d’ordre : « Tout le pouvoir aux Conseils des travailleurs ».

La dictature du prolétariat n’est pas un régime, mais un moyen, le seul qui permette à la classe ouvrière de briser la résistance de la bourgeoisie et d’instaurer le régime communiste.

Le Congrès est d’accord avec l’Internationale communiste pour constater l’impossibilité de passer sans transition de l’Etat bourgeois au Communisme sans Etat.

L’Etat est un appareil de classe au service de la classe dominante ; il ne peut disparaître qu’avec les classes elles-mêmes. La substitution des rapports de production socialiste aux rapports de production capitaliste n’est pas immédiate. C’est l’œuvre d’un laps de temps au cours duquel l’existence d’un Etat prolétarien est inévitable et nécessaire. La dictature du prolétariat s’exerce pendant cette période pour l’établissement des nouveaux rapports sociaux qui feront automatiquement disparaître, avec la dictature elle-même et les classes, l’Etat qui est, pendant la période transitoire, l’instrument de domination de la classe ouvrière.
II — Le Parti Communiste et la révolution prolétarienne

Le Congrès, d’accord avec la IIIe Internationale, rejette de la façon la plus catégorique la conception d’après laquelle le prolétariat peut accomplir sa révolution sans posséder son parti politique indépendant. Toute lutte de classe est une lutte politique. Le pouvoir politique ne peut être pris, organisé et dirigé autrement que par un parti politique. C’est seulement lorsque le prolétariat possède comme guide un parti organisé et expérimenté, ayant des buts strictement définis et un programme concret d’action politique intérieure et extérieure, que la conquête du pouvoir politique devient autre chose qu’un épisode accidentel et sert de point de départ à la longue élaboration de la société communiste.

Le Parti socialiste ou communiste est nécessaire à la classe ouvrière, non seulement jusqu’à la conquête du pouvoir, mais pendant toute la période de la dictature et jusqu’à la disparition totale des classes.
III. — Le Parlementarisme

Le Parti considère le Parlement comme un appareil essentiellement bourgeois, « une machine d’oppression et d’asservissement entre les mains du capital dominateur », absolument incompatible avec le régime prolétarien, dont la forme est la République des Conseils de travailleurs. La prise du pouvoir politique ayant pour objet, non la conservation des rouages de l’Etat bourgeois fonctionnant sous la direction des communistes, mais la destruction totale de tout le mécanisme d’Etat du capitalisme, le Parlement disparaîtra avec la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière. De même doivent disparaître, pour faire place aux institutions prolétariennes, toutes les institutions communales ou régionales de la bourgeoisie.

Ainsi la IIIe Internationale, le Parti, repousse le parlementarisme comme forme de la dictature de classe du prolétariat ; il nie la possibilité de conquérir les Parlements pour réaliser la Révolution.

Le Parti considère que, dans certaines conditions déterminées, notamment dans la période pré-révolutionnaire et au début de l’agitation révolutionnaire, à la condition expresse que les élus soient placés sous le contrôle efficace et la dépendance totale du Parti, la tribune du Parlement bourgeois peut être utilisée pour la propagande révolutionnaire du Parti. Les communistes entrent au Parlement non pour y faire un travail organique, mais pour y démasquer les ennemis du prolétariat, sans crainte de transgresser les règlements établis et d’encourir les sanctions disciplinaires prévues.

Envoyés au Parlement pour aider de l’intérieur à la destruction du régime capitaliste, ils ne sauraient se laisser influencer par le reproche de ne faire qu’une action négative et de ne rien opposer de concret au travail législatif de la bourgeoisie. Ils ne sont pas des législateurs parmi d’autres législateurs, mais des porte-paroles communistes envoyés dans le camp ennemi. Ils ne s’inspirent, en toutes circonstances, que des décisions du Parti qu’ils ne sauraient enfreindre sans être exclus.

La campagne électorale doit être menée, non pour la recherche du maximum de mandats parlementaires, mais pour la mobilisation des masses autour des mots d’ordre de la révolution prolétarienne.

Tout en reconnaissant que, dans les conditions ainsi définies, l’entrée des socialistes au Parlement bourgeois est nécessaire, tout en déclarant que les socialistes français peuvent actuellement utiliser cette tactique, le Congrès estime que la situation révolutionnaire d’un pays peut faire apparaître comme inutile l’action au sein du Parlement. Cela a lieu, par exemple, lorsque l’action révolutionnaire extérieure se développe au point où l’influence du Parlement sur les événements devient nulle, et notamment lorsque existent les conditions nécessaires au passage immédiat à la lutte ouverte pour le pouvoir.

La IIIe Internationale rappelle justement que l’importance de cette question du parlementarisme est relative et ne saurait être en aucun cas un motif de schisme communiste.
IV. — Le Parti et les Syndicats

L’organisation syndicale est, pour la classe ouvrière, une impérieuse nécessité, soit qu’on envisage les intérêts matériels immédiats de cette classe et sa lutte contre le patronat, soit que l’on songe à l’organisation de la révolution dont la grève générale est un des moyens.

Pendant une période de l’Histoire, ce syndicalisme est réformiste, il recherche des compromis qui laissent intactes les bases du régime capitaliste et les privilèges essentiels des exploiteurs du travail, mais au fur et à mesure que se précise l’impuissance du réformisme et que le prolétariat sent davantage l’oppression de l’appareil social, il évolue et doit évoluer vers les concepts révolutionnaires.

Le syndicalisme français, après avoir été réformiste pendant la presque totalité du XIXe siècle, s’affirmait révolutionnaire au début du XXe. Il croyait atteindre ses objectifs par l’action directe et la grève générale. Il visait en somme au même but que le socialisme : la suppression du salariat. Mais un revirement, qui avait commencé avant la guerre, s’est accentué pendant celle-ci, et le syndicalisme a subi la même régression que le socialisme.

L’afflux dans les syndicats de vastes contingents de travailleurs encore inéduqués, la constitution d’un fonctionnarisme permanent plus enclin aux pratiques de la diplomatie industrielle qu’à celles de la force révolutionnaire, la tendance des nouveaux syndiqués à ne parer au renchérisse ment de la vie que par le relèvement des salaires, tout cela a contribué à ramener le syndicalisme français dans les voies du réformisme.

Cette déviation s’est manifestée par des actes d’indéniable collaboration de classe, pendant la guerre, lors de l’acceptation de « l’union sacrée », et depuis, par la participation à des entreprises dirigées par les Etats capitalistes, telles que la Conférence de Washington et le Bureau du Travail de Genève.

Mais les événements accentuent de jour en jour la faillite d’une telle politique. De jour en jour, les prolétaires syndiqués comprennent mieux que la classe possédante est incapable de remettre en marche, au lendemain du cataclysme mondial, l’appareil de la production ; de jour en jour, ils discernent mieux que leur misère devient plus profonde malgré les majorations de salaires toujours inférieures au renchérissement de la vie. De jour en jour, ils saisissent mieux qu’ils forment une classe, que cette classe ne se libérera qu’en ruinant tout l’édifice capitaliste et que le syndicalisme ne renferme pas en soi tous les éléments et toutes les possibilités de la société communiste.

Le syndicalisme doit redevenir ce qu’il a été déjà en France, un facteur réel de révolution. Il n’y aboutira qu’en œuvrant toujours plus largement aux idées communistes et qu’en coopérant avec le Parti socialiste à la conquête du pouvoir politique et à la formation de l’Etat prolétarien.

Par son adhésion à l’Internationale syndicale de Moscou, il marquera qu’il veut collaborer avec l’Internationale politique, coordonner son action avec l’action de cette dernière, poursuivre la même œuvre avec les masses d’ouvriers qu’il recrute. En pénétrant dans ses organismes, en gagnant à leurs idées les travailleurs qui y sont déjà, les communistes préparent cette indispensable et indissoluble alliance.
V. — La Solidarité internationale

Le Parti déclare que la tâche primordiale du prolétariat, à l’heure présente, est d’imposer aux gouvernements bourgeois la paix immédiate avec la République des Soviets.

Le sabotage de l’entreprise militaire dirigée depuis trois ans contre la Russie révolutionnaire est le plus sacré des devoirs. La fabrication et le transport des armes, munitions, approvisionnements de toutes sortes, destinés aux ennemis des Soviets, doivent être paralysés par tous les moyens. A l’immensité du crime perpétré contre le peuple russe doit correspondre l’immensité de l’effort de solidarité prolétarienne internationale, propre à sauvegarder les conquêtes révolutionnaires du prolétariat russe dont bénéficiera le prolétariat mondial.

Cette préoccupation essentielle doit dominer toutes les autres. La presse et les orateurs du Parti doivent lui accorder la place principale dans leur propagande, et intensifier l’agitation qui engendrera l’action des masses. Les socialistes doivent exiger que cette question soit inscrite en tête de l’ordre du jour de chaque assemblée syndicale afin que chaque groupement ouvrier envisage l’application de moyens efficaces pour étouffer l’action contre-révolutionnaire de la bourgeoisie.

La propagande en vue d’éclairer le prolétariat quant aux conséquences désastreuses de son apathie et aux responsabilités qu’il assume en alimentant la guerre contre-révolutionnaire ne peut s’adresser exclusivement aux travailleurs des fabriques d’armes, des usines de munitions, des poudreries, des transports, qui ne sauraient réaliser le boycottage des agresseurs de la Russie soviétique sans l’appui actif de l’ensemble des organisations ouvrières. C’est la classe ouvrière tout entière qui, s’inspirant des exemples de la classe ouvrière italienne, doit entreprendre le sabotage systématique du concours matériel apporté par nos gouvernants aux assassins du peuple russe.

Le groupe socialiste parlementaire doit publier, du haut de la tribune de la Chambre, les horreurs de la guerre et du blocus contre-révolutionnaires. La presse socialiste doit, par une campagne retentissante, susciter l’indignation et la colère publiques contre l’attentat sans nom dont un peuple de 180 millions d’âmes est la victime. Les sections et fédérations du Parti doivent entretenir une agitation sans répit. Toutes les formes de protestation doivent être utilisées, afin de créer une atmosphère favorable aux actes qui acculeront le gouvernement français, principal bourreau de la Russie, à renoncer à ses entreprises scélérates.

En même temps que seront mis en œuvre tous les moyens pratiques de paralyser la fabrication et le transport du matériel de guerre, le Parti envisagera toute autre mesure susceptible de manifester la volonté de paix de la classe ouvrière, comme par exemple le refus collectif de payer l’impôt, et tels moyens que suggéreront les circonstances. Le Parti proclame sa résolution d’organiser une lutte implacable contre l’impérialisme et la contre-révolution qui supplicient plus de la moitié de l’Europe et achèvent de la ruiner,
VI. — La question agraire

La question agraire se présente en France sous un aspect particulier, du fait de l’extrême morcellement de la propriété foncière. Le Parti doit la traiter sans esprit dogmatique, et tracer sa ligne de conduite à l’égard de la population paysanne avec la préoccupation d’en gagner à la révolution la fraction la plus déshéritée, et d’en neutraliser la majeure partie.

La socialisation des moyens de production agricole ne saurait être réalisée suivant le même processus que celui des moyens de production industrielle. Le mode d’exploitation du sol en commun ne peut être imposé par contrainte, et ne se généralisera que sous l’influence de l’exemple offert par les expériences du travail collectif accomplies sur de grands domaines agricoles.

La grande propriété terrienne exploitée par un personnel de techniciens et de salariés, au service de propriétaires capitalistes, est seule destinée à être expropriée au lendemain de la prise du pouvoir par le prolétariat. Ces grandes propriétés, ainsi que les domaines de l’Etat, des départements, des communes, seront exploitées et gérées en commun par les Conseils des travailleurs agricoles. Par l’utilisation des méthodes et de l’outillage modernes perfectionnés, elles atteindront une productivité qui sera la meilleure propagande par le fait en faveur de la généralisation du système de culture collective. L’Etat prolétarien prodiguera ses concours de toute nature pour aider, encourager et soutenir toutes les entreprises de culture en commun, les coopératives de production agricole, les communes agraires.

L’extinction de la propriété moyenne, celle des exploitants employant quelques salariés, sera progressivement réalisée par la force des choses à mesure que s’intensifiera la production collective. La monopolisation des moyens de répartition et d’échange par l’Etat prolétarien, en privant les propriétaires moyens de la possibilité de spéculer, en fixant le prix des denrées, supprimera peu à peu la raison d’être de la propriété moyenne en réduisant les avantages qui y sont attachés. L’attraction qui s’exercera inévitablement des grandes entreprises collectives modèles sur le prolétariat agricole privera graduellement de ses salariés la propriété moyenne, qui perdra son caractère d’exploitation capitaliste et jusqu’à la possibilité de prolonger son existence sous la forme où elle aura survécu.

Les petits propriétaires, fermiers et métayers n’employant pas de salariés, et le prolétariat agricole proprement dit, devant être les bénéficiaires immédiats de la révolution, forment la couche de la population rurale la plus accessible à la propagande socialiste. Les premiers, qui auront dans le régime capitaliste à supporter le poids toujours croissant des servitudes fiscales, le coût toujours plus élevé du matériel et des engrais, seront attirés au socialisme par la perspective de l’abolition d’un régime de spoliation et de confiscation, dépouillant le travailleur des fruits de son travail, et de la création d’un nouvel ordre social leur garantissant la jouissance des biens qu’ils produisent. Les propriétaires ruraux, comme ceux des villes, viendront au socialisme pour en finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme, pour abroger la loi d’airain des salaires, pour assurer à leur vie le bien-être et la sécurité.

En organisant systématiquement une inlassable propagande inspirée de ce programme, le Parti déjouera les tentatives bourgeoises visant à dresser la paysannerie contre la classe ouvrière. Il réalisera l’unité spirituelle du prolétariat des villes et des campagnes, gage de la victoire de la révolution communiste.
VII. — L’organisation des femmes et des jeunes

Le Parti doit accorder une attention spéciale à la partie la plus déshéritée du prolétariat, le prolétariat féminin. La guerre, en accroissant considérablement cette catégorie de prolétaires, a créé la possibilité d’y recruter pour le socialisme des contingents importants. Une propagande particulière, s’adressant aux femmes prolétaires, doit être entreprise par des méthodes appropriées, pour faire comprendre aux exploitées que le socialisme seul les libérera, en réalisant leur affranchissement économique, pour les grouper, les organiser et les éduquer politiquement. Le plan de cette propagande et les moyens de la faire pénétrer dans les milieux du travail féminin devront être établis par une conférence nationale des femmes socialistes, déléguées par les Fédérations. Le Comité central du Parti devra convoquer cette assemblée, qui élira un organisme permanent chargé de diriger la propagande socialiste parmi les femmes, et auquel le Parti donnera son concours moral et son appui matériel.

Le Parti s’attachera aussi à fortifier l’organisation des Jeunesses socialistes qui doivent devenir une pépinière de militants. Il prendra toutes dispositions propres à donner aux jeunes l’éducation doctrinale qui fera d’eux des propagandistes et les rendra aptes à former de nouveaux cadres pour le prolétariat. Des écoles socialistes seront créées, d’après les expériences fructueuses réalisées dans d’autres pays, afin de ne pas laisser les jeunes livrés à des études de hasard, et de mettre à leur portée les travaux des éducateurs socialistes.
VIII. --- Les conditions d’admission

Le Parti considère comme légitimes et indispensables les conditions posées par l’Internationale communiste pour éviter l’affiliation d’éléments anti-communistes.

Il ne suffit pas, en effet, de déclarer qu’on est d’accord sur les principes généraux du socialisme marxiste. Il importe aussi d’être d’accord sur la tactique à suivre pour mettre ces principes en application, en tenant compte, conformément à la condition 16, des circonstances de temps et de lieu où est placé le Parti. En formulant avec l’autorité et l’expérience que donnent au communisme russe plusieurs années de pratique révolutionnaire les règles essentielles de cette tactique, la IIIe Internationale a pesé clairement les bases de cet accord.

Comme le 2e Congrès de l’Internationale communiste, le Parti pense qu’une propagande vraiment communiste doit, par tous les moyens, être systématiquement portée partout où il y a des prolétaires. La nécessité de la dictature du prolétariat doit nettement ressortir de cette propagande, qui doit dénoncer avec une égale vigueur le régime capitaliste et le réformisme avoué ou masqué. La diffusion des idées communistes doit être assurée avec un soin tout particulier dans les campagnes.

Tout ce qui porte l’estampille officielle du Parti (journaux, brochures, etc.) doit être rédigé par des communistes sûrs. La presse et les services d’éditions doivent dépendre du Comité central du Parti.

Le Parti doit être constitué d’après le principe de la centralisation démocratique. La discipline la plus stricte, acceptée par tous ses membres, doit y régner. Les organes directeurs doivent y détenir une autorité incontestée basée sur la confiance des militants. Tous les éléments non encore acquis au communisme doivent être écartés de ces organismes et, d’une façon générale, des postes comportant des responsabilités.

L’expérience a démontré que la collaboration des communistes et des réformistes est incompatible avec l’action révolutionnaire. L’Internationale communiste a justement rappelé ce que cette collaboration a coûté à la République des Soviets de Hongrie. Aucune direction n’est praticable lorsque ceux qui doivent exercer cette direction sont irréductiblement divisés. La direction rationnelle d’un Parti n’est possible que si la confiance des militants place à sa tête des hommes entièrement et loyalement d’accord sur la charte doctrinale et tactique de ce Parti.

Vouloir, sous prétexte de représentation proportionnelle, imposer la collaboration entre communistes et non-communistes, c’est vouer d’avance le Parti à l’inaction et à l’impuissance, c’est faire d’un instrument de lutte de classes et de révolution un agglomérat amorphe de plus en plus soumis à l’influence bourgeoise. L’âpre lutte qui met aux prises, dans tous les partis socialistes du monde, les communistes et les réformistes ne peut être considérée comme une divergence d’opinion secondaire et momentanée, pouvant se résoudre par la confrontation des idées.

Le Parti, en plein accord avec l’Internationale communiste, se déclare donc résolu à suivre une politique exclusivement communiste. Il appliquera immédiatement cette résolution en désignant des représentants de même tendance au Comité central et aux journaux du Parti.

Le Parti est pleinement d’accord avec l’Internationale communiste pour dénoncer l’impérialisme colonial et pour prendre activement le parti des populations subjuguées par le capitalisme européen dans leur lutte contre l’oppression sous toutes ses formes.

Le Parti est résolu à observer les décisions de l’Internationale communiste et de son Comité exécutif, dont tous les documents seront publiés par ses soins. S’il est vrai que chaque parti est, dans son propre pays, le meilleur juge de la situation intérieure de ce pays et des possibilités d’action de son prolétariat, qu’il est de ce fait le plus qualifié pour former le jugement de l’Internationale communiste sur ce point, il est non moins vrai que chaque parti n’est qu’une des unités des forces prolétariennes mondiales étroitement solidaires, que l’Internationale doit diriger si elle veut être autre chose qu’un simple appareil enregistreur. A la garantie que toute décision n’est prise qu’en pleine connaissance de cause doit nécessairement correspondre la garantie du respect et de l’exécution des décisions prises.

Le Parti décide de placer sous la direction de son Comité central ses représentants élus dans les assemblées de l’Etat bourgeois. Il retient la suggestion donnée par le 2e Congrès de l’Internationale communiste en ce qui concerne le contrôle à exercer en tout temps pour que les éléments étrangers au communisme ne puissent séjourner dans le Parti.

Le Parti considère que les exceptions prévues à l’article 20 des conditions « en ce qui concerne les représentants de la tendance centriste nommés à l’article 7 » doivent s’appliquer au Parti français dans les circonstances présentes. Ces exceptions valent également pour les délégués au Congrès visés à l’article 21 qui déclareront s’incliner devant les décisions du Parti.

Comme l’Internationale communiste enfin, le Parti décide d’entreprendre une propagande persévérante dans toutes les organisations prolétariennes (syndicats, coopératives et autres groupements) en vue de les gagner au communisme.

C’est par la coordination de toutes les forces ouvrières sous l’impulsion du communisme que s’organisera l’action des masses pour la prise du pouvoir.

Ainsi, le problème des rapports du Parti avec les syndicats trouve sa solution logique. Le Parti groupe les militants de toutes les organisations prolétariennes qui acceptent ses vues théoriques et ses conclusions pratiques. Tous, obéissant à sa discipline, soumis à son contrôle, propagent ses idées dans les milieux où s’exercent leur activité et leur influence. Et lorsque la majorité, dans ces organisations, est conquise au communisme, il y a entre elles et le Parti coordination d’action et non assujettissement d’une organisation à une autre.

Le Parti considère que l’Internationale syndicale d’Amsterdam, qui pratique la collaboration de classes et participe à l’œuvre contre-révolutionnaire de la Société des Nations capitalistes, et dont la politique s’identifie à celle de la IIe Internationale, est historiquement condamnée au sort de celle-ci. Les communistes lutteront énergiquement pour arracher à son influence les syndicats révolutionnaires et pour contribuer à la formation de la nouvelle Internationale syndicale de Moscou.

Mais, d’accord avec le 2e Congrès de l’Internationale communiste, le parti condamne toute tentative de scission syndicale. Ce sont les Centrales syndicales elles-mêmes qui devront, en abandonnant l’Internationale d’Amsterdam, entrer dans l’Internationale syndicale de Moscou.

A dater du Congrès, le Parti se nommera « Parti socialiste, Section française de l’Internationale communiste ». Il fera valoir, auprès du Comité exécutif de l’Internationale communiste, les raisons qui militent pour l’acceptation provisoire de ce titre.

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