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Qu’est-ce que l’épigénétique ?

jeudi 19 avril 2012, par Robert Paris

Connaissez vous la plante Arabidopsis thaliana ? Vous risquez d’en entendre parler ! Elle est en train de révolutionner la conception du vivant et de son évolution !

Qu’est-ce que l’épigénétique ?

L’épigénétique, ce n’est pas le contenu matériel des gènes et leur effet pour produire un type d’être vivant, mais le pilotage de leur activation ou leur inactivation par du matériel biochimique non génétique (ni ADN, ni ARN, ni protéines). Les phénomènes épigénétiques peuvent donc être définis dans un sens restreint comme les phénomènes de modification du patron d’expression des gènes sans modification de la séquence nucléotidique.

Nous disposons de 20.000 gènes dans le génome humain et cela n’est pas suffisant à expliquer toutes les différences de situations héréditaires des cellules de l’être humain et il en va de même des autres animaux ou des plantes. C’est qu’il existe bien d’autres phénomènes que le changement du contenu moléculaire des gènes.

A l’origine de l’ « épigénétique », il y a la découverte du fait que l’hérédité n’est pas entièrement contenue dans les molécules d’ADN, d’ARN et de protéines. En effet, les gènes situés dans l’ADN peuvent être inactivés ou activés à des moments différents pour des raisons qui ne sont pas inhérentes au contenu moléculaire de l’ADN ou d’autres molécules cités précédemment. Un exemple : le mode d’enroulement de l’ADN autour des histones, qui sont des protéines, peut modifier les gènes de l’ADN qui sont activés et ceux qui sont inactivés. Tant que les histones ne se détachent pas de l’ADN, les gènes sont inactivés et leur activation dépend donc du type de liens entre histones et ADN, types qui sont héréditaires. Deuxième exemple d’hérédité épigénétique : la méthylisation de l’ADN au niveau des cytosines. Troisième exemple : des petits ARN dits non codants qui interviennent dans l’état d’activation des gènes. Quatrième exemple de l’importance de l’épigénétique dans le mécanisme cellulaire : toutes les cellules d’un même individu contiennent le même ADN et pourtant elles sont spécialisées, les unes étant neuronales, les autres musculaires ou sanguines. Ce qui les différencie n’est pas le contenu génétique mais le fonctionnement épigénétique du mode d’expression de tels ou tels gènes et pas tels autres au sein de la bibliothèque des gènes que représente l’ADN. Aucun gène qui n’y figure pas ne peut s’exprimer. Par contre, la plupart des gènes est naturellement inactivé s’il n’est pas activé par les protéines et encore faut-il que celles-ci puissent y accéder en fonction de la disposition de l’ADN dans l’espace et de son enveloppement par les molécules de protection spécialisées. Il y a des marqueurs épigénétiques (des enzymes) qui indiquent que tel ou tel gène est activé et tel ou tel autre inactivé. Et, lors de la division cellulaire, ces propriétés sont transmises également : l’épigénétique fait donc partie de l’hérédité.

Les mécanismes de régulation des gènes homéotiques interviennent dans les trois dimensions de l’espace. Expliquons l’importance de la forme des protéines, également en trois dimensions. En effet, les molécules auxquelles elles peuvent se lier pour jouer le rôle d’enzyme des réactions sont celles qui ont une forme volumique où la protéine s’emboîte exactement. Or, on constate que les protéines ont une surface fractale, propriété démontrée par Michelle Lewis et exposée dans un numéro du magazine américain « Science » datant de 1985. Ce phénomène est épigénétique c’est-à-dire en surface du génétique. Cela signifie que ce qui compte n’est pas seulement le contenu chimique des gènes mais la forme des macromolécules. On se trouve en présence d’une cascade d’interactions entre différenciation et forme : une différenciation entraîne une modification de la forme qui produit une nouvelle différenciation, etc... C’est un contrôle épigénétique du développement. Cette interaction avec influence de la forme est une régulation topo-biologique, comme le dit Edelman. On est très loin de l’idée de programmation du type ordinateur qui avait été utilisée pour représenter l’ADN. Un programme informatique est quelque chose de figé et qui n’évolue pas. Le processus est programmé parce qu’il agit sous la dépendance de gènes. Pourtant il est fondé sur un processus aléatoire à un niveau différent, celui des interactions cellulaires et moléculaires. Avec la diversification, le même ADN, le même programme génétique peut produire des cellules diverses suivant les messages reçus des autres cellules. Donc l’histoire suivie par les cellules n’est pas strictement déterminée par les gènes.

Le rôle de l’ADN, en tant que programme, se trouve très relativisé au profit de l’épigénétique, impliquant des interactions moléculaires et tissulaires. Cela change l’histoire des tissus, entraîne l’apparition d’une forme, d’une morphogenèse en trois dimensions conçue comme brisure spontanée de symétrie. On appelle brisure de symétrie l’apparition d’une nouvelle dimension dans un phénomène. C’est par exemple le cas dans la segmentation du corps embryonnaire. C’est encore le cas lors de l’apparition des bras puis des doigts qui sont des brisures de symétrie. C’est ce qui explique comment dans la multiplication cellulaire apparemment identique dans toutes les directions, une orientation particulière est donnée à la forme.

L’épigénétique rajoute aux habituelles molécules génétiques (ADN, ARN et protéines) d’autres molécules influentes elles aussi dans les procédures héréditaires : chromatine, cytosine, histones, etc, qui ne contiennent aucun élément génétique et qui sont déterminants pour savoir si un gène peut ou ne peut pas être accessible à des enzymes appelés « facteurs de transcription » et sans lesquels les gènes ne s’expriment pas même s’ils sont en bon état et présents au bon endroit dans l’ADN.

Jean Pascal Capp écrit ainsi dans « Le cancer sous l’emprise du milieu » : « Les changements épigénétiques ne touchent pas les séquences des gènes elles-mêmes, mais leur expression, par le jeu de modifications chimiques et structurales de la chromatine, le filament ressemblant à un collier de perles formé par la molécule d’ADN et les protéines qui lui sont liées. Par exemple, des gènes suppresseurs de tumeurs ou impliqués dans la réparation de l’ADN sont ainsi inhibés. La cellule a alors encore moins de latitude pour contrôler ses divisions ou empêcher les mutations. Dans d’autres cas, ces modifications réactiveraient des gènes inactifs, ce qui contribuerait à la prolifération des cellules dans la tumeur. L’instabilité épigénétique serait aussi importante dans la cancérogenèse que l’instabilité épigénétique. Toutefois, les changements épigénétiques sont transitoires et soumis à des variations aléatoires rapides. Cela contribue à ce que les cellules tumorales présentent des caractéristiques variables au sein d’une même tumeur. (…) L’équipe de Ana Soto et Carlos Sonnenschein, de l’Université Tufts, à Boston, a découvert en 2004 qu’un agent mutagène agissant uniquement sur le stroma, le tissu de soutien des cellules épithéliales, déclenche des cancers d’origine épithéliale alors que les mutations ne touchent pas directement ces cellules. Les cellules épithéliales deviendraient malignes parce que les interactions des cellules du stroma et des cellules de l’épithélium sont perturbées, et non directement à cause d’altérations génétiques. (…) Le développement cancéreux relève non seulement d’une division cellulaire anarchique mais aussi d’un processus nommé différenciation cellulaire. En effet, au départ d’un cancer, des cellules se « transforment » en cellules ayant des caractéristiques de différenciation anormales (qui varient selon les cancers et entre cellules d’une même tumeur). La notion de différenciation signifie qu’une cellule emprunte, en exprimant certains gènes et en réprimant d’autres, un « chemin » qui lui donne un type particulier. Ce chemin est influencé par les « signaux » moléculaires que la cellule reçoit de son environnement, selon une séquence temporelle précise. (…) La différenciation peut être vue comme un processus aléatoire découlant de l’expression aléatoire des gènes. Selon ce modèle, les cellules souches et progénitrices d’un tissu (non différenciées ou seulement partiellement différenciées) expriment aléatoirement des combinaisons différentes de gènes. Celles qui expriment par hasard la bonne combinaison de gènes au bon endroit sont stabilisées par les interactions cellulaires, c’est-à-dire maintenues sur la bonne voie de différenciation ou dans leur état différencié, tandis que les autres continuent à exprimer leurs gènes de façon aléatoire ou meurent."

Quelle importance au niveau de la théorie de l’évolution ?

Dans une conception purement génétique de l’hérédité, tout changement d’espèce provient nécessairement d’une modification (mutation) d’un gène ou de plusieurs gènes en termes de contenu moléculaire du message génétique codé en adénine, guanine, thymine, cytosine alternés.

L’existence d’une influence épigénétique de l’hérédité est un changement considérable car l’épigénétique n’est pas indépendante de l’environnement.

L’idée d’épigénétique et la découverte de mécanismes héréditaires de ce type sont plutôt anciens, mais la découverte de mécanismes de spéciation dus à l’épigénétique est récente. En février 2012, des biologistes de l’Institut Pierre Bourgin et de l’INRA ont mis en évidence une spéciation de la plante Arabidopsis thaliana, mécanisme d’apparition d’une frontière d’espèce dû à un mécanisme épigénétique : une différence dans l’expression des gènes et non dans leur contenu. Des chercheurs de l’INRA ont caractérisé, chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, un mécanisme qui pourrait participer à leur mise en place. Ils ont montré qu’une incompatibilité entre deux souches naturelles d’Arabidopsis est due à l’inactivation d’un gène par des modifications dites « épigénétiques », des modifications transmissibles à la descendance mais qui ne changent pas la séquence de l’ADN.

Ces résultats sont publiés dans la revue Current Biology du 26 janvier 2012. Chez la majorité des espèces végétales, tous les croisements ne sont pas fertiles. Des scientifiques de l’Inra de Versailles-Grignon ont étudié la descendance du croisement entre deux souches naturelles d’Arabidopsis thaliana, Columbia (Col) et Shahdara (Sha). Certaines plantes issues de ce croisement arborent des quantités réduites de pollen et de graines, ce qui affecte fortement leur capacité de reproduction au sein de la population. Les chercheurs ont découvert que ceci correspond à une incompatibilité entre deux régions chromosomiques de Col et de Sha. Cette incompatibilité concerne des gènes nommés AtFOLT, impliqués dans le transport des folates. Chez tous les organismes, les folates interviennent dans la biosynthèse des constituants des protéines et du matériel génétique et leur absence affecte la formation des cellules reproductrices ainsi que les étapes précoces du développement embryonnaire. La nouveauté de ce mécanisme réside dans sa nature épigénétique qui a la capacité d’accélérer l’apparition de conséquences délétères dans la descendance d’un croisement. L’importance des phénomènes épigénétiques dans l’évolution commence à être reconnue, mais l’origine des variations ainsi que leur impact dans la nature restent encore à découvrir.

Ces résultats suggèrent que des modifications épigénétiques naturelles provenant de variations structurelles peuvent jouer un rôle important dans la mise en place rapide d’incompatibilités génétiques entre individus d’une même espèce. Ils contribuent probablement à expliquer les mortalités observées lors de certaines hybridations entre variétés ou entre espèces et à comprendre la mise en place de la séparation des espèces. En outre, ces phénomènes peuvent avoir des conséquences majeures dans le domaine de l’amélioration des plantes en limitant les fragments chromosomiques qui peuvent être introduits par croisement d’une variété dans une autre.

On sait maintenant que la chromatine, structure d’empaquetage de l’ADN dans le noyau des cellules eucaryotes, dicte en grande partie l’activité du génome, notamment au travers des nombreuses modifications dont font l’objet les histones, les protéines au coeur même de l’organisation de la chromatine. Par quels mécanismes, différents états chromatiniens sont-ils établis, maintenus ou effacés et comment modulent-ils l’activité du génome sont des questions majeures au centre des travaux de l’équipe animée par Vincent Colot, qui mène ses recherches sur l’espèce Arabidopsis thaliana. Cette plante à fleur constitue un excellent modèle pour l’étude de l’organisation et de la dynamique de la chromatine dans la mesure où son génome est totalement séquencé et où l’on dispose de vastes collections de mutants affectant la chromatine.

Ces dernières années, les généticiens se sont aperçus que l’environnement (l’alimentation, les conditions climatiques, le stress…) pouvait laisser des traces dans le génome des plantes et des animaux sous forme de modifications de l’expression des gènes. Elles sont transmissibles et réversibles et elles ne s’accompagnent pas de changements dans le support génétique, c’est-à-dire au niveau de l’ADN.

Des chercheurs de l’Institut Max Planck (Allemagne) ont étudié ces modifications sur la plante Arabidopsis, l’arabette des Dames, couramment utilisée pour les études génétiques. Ils ont fait pousser à partir de plantes mères 30 générations de plantes et observé les modifications génétiques et épigénétiques (les épimutations) entre chaque génération et entre les plantes mères et les descendants finaux.

Parmi ces modifications les chercheurs ont étudié la méthylation, un processus dans lequel certaines bases de l’ADN peuvent être modifiées par l’addition d’un groupement méthyle, CH3. Après 30 générations, ils ont constaté 30.000 méthylations, environ 1000 fois plus que les mutations directes sur l’ADN.

Ils ont donc naturellement conclu que le nombre de mutations de type méthylation est d’environ 1000 par génération. Mais l’étude des mutations entre chaque génération révèle un taux trois à quatre fois supérieur. De nombreuses méthylations ne sont donc pas stables et disparaissent après quelques générations.

Pour Jörg Hagmann, un des auteurs de l’étude : « Ces expériences montrent que les méthylations sont souvent réversibles. Une nouvelle épimutation doit donc avoir un fort avantage évolutif pour être conservée. »

L’épigénétique a de nombreuses différences avec les mécanismes génétiques : intervention de l’environnement, non fixité des caractères héréditaires, possibilités d’hérédité de certains caractères acquis par un individu au cours de son existence.

En 2005, les chercheurs Marcus E Pembrey et Lars Olov Bygren ont montré que les habitudes alimentaires des grands-parents pouvaient avoir des conséquences sur... leurs petits-enfants. Pour y parvenir, les deux chercheurs ont décortiqué les registres paroissiaux de la petite ville suédoise de Överkalix sur plusieurs générations. Ils ont ainsi découvert que les hommes qui avaient connu la famine avaient des petits-enfants moins susceptibles de développer des problèmes cardio-vasculaires que ceux dont les grand-pères n’avaient pas connu de période de famine. En d’autres termes, des modifications biologiques issues de l’environnement (ici, une situation de carence alimentaire) ont eu des répercussions biologiques sur les hommes de cette époque... lesquelles se sont ensuite transmises aux générations suivantes. Le tout sans passer par le biais de la mutation génétique "classique". On parle donc ici de "mutation épigénétique" (ou encore d’"épimutation").

Par quoi sont causées ces modifications héritables d’une génération à l’autre, si ce n’est pas via mutation génétique ? "Ces modifications sont issues de phénomènes chimiques qui affectent la façon dont les gènes de notre ADN s’expriment, explique Nicolas Bouché (Inra / Institut Jean-Pierre Bourgin, à Versailles) au Journal de la Science. Parmi ces phénomènes chimiques, il y a par exemple la méthylation de la cytosine. Soit la fixation d’un groupement méthyl, composé de 3 atomes d’hydrogène et d’un atome de carbone, sur la cytosine [ndr : la cytosine est l’un des 4 éléments qui composent l’ADN]. Or, la fixation de ce groupement méthyl sur la cytosine a pour effet de diminuer, voire de stopper totalement, l’expression de cette partie de l’ADN. Comme si, au fond, cette partie de l’ADN devenait muette".

Résultat ? Cette zone de l’ADN cesse de coder les protéines qu’elle produisait jusqu’alors. Ce qui peut engendrer des modifications biologiques importantes chez l’être vivant (plante, animal) qui est le siège d’un tel phénomène.

Or, une étude menée par des chercheurs américains du Salk Institute for the Biological Studies (La Jolla, Etats-Unis) sur la plante Arabidopsis thalania vient de montrer que ces mutations épigénétiques se produisent... encore plus fréquemment que les mutations génétiques "classiques". Un résultat publié le 15 septembre 2011 par la revue Science.

Pour parvenir à ce résultat, le Pr. Joseph Ecker et son équipe ont analysé l’évolution de 30 générations successives de plantes Arabidopsis thalania, toutes issues d’un seul et même spécimen (donc d’un seul et même ADN). Plus précisément, pour chaque plante, les chercheurs ont scruté les zones de l’ADN où des groupements méthyl étaient susceptibles de venir se fixer.

Résultat ? A chaque génération, l’ADN de Arabidopsis thalania a subi des mutations épigénétiques sur plusieurs centaines d’endroits différents de son ADN. Soit des mutations 5 fois plus nombreuses que les mutations génétiques classiques observées dans le même temps.
Les mutations épigénétiques facilement réversibles

Un résultat important car il suggère que la mutation épigénétique permettrait aux plantes Arabidopsis thalania -et peut-être aussi à d’autres êtres vivants, comme l’homme- de s’adapter aux modifications environnementales d’une façon plus souple et plus réactive que les mutations génétiques classiques.

Pour Nicolas Bouché, "c’est un très beau résultat. Car il vient apporter la preuve d’une intuition que les chercheurs en épigénétique avaient depuis quelques années, mais qu’ils n’étaient jusqu’à présent jamais parvenus à démontrer. En effet, on sait depuis quelques années déjà que les mutations épigénétiques sont labiles, c’est-à-dire qu’elles sont facilement réversibles [ndr : lire ce compte-rendu du CNRS pour mieux comprendre cette question la laibilité des épimutations]. Cette labilité suggèrait que les épimutations surviennent plus fréquemment que les mutations génétiques. Le résultat de Joseph Ecker et de son équipe vient confirmer cela".

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  • Pour parvenir à ce résultat, le Pr. Joseph Ecker et son équipe ont analysé l’évolution de 30 générations successives de plantes Arabidopsis thalania, toutes issues d’un seul et même spécimen (donc d’un seul et même ADN). Plus précisément, pour chaque plante, les chercheurs ont scruté les zones de l’ADN où des groupements méthyl étaient susceptibles de venir se fixer.

    Résultat ? A chaque génération, l’ADN de Arabidopsis thalania a subi des mutations épigénétiques sur plusieurs centaines d’endroits différents de son ADN. Soit des mutations 5 fois plus nombreuses que les mutations génétiques classiques observées dans le même temps. Les mutations épigénétiques facilement réversibles

  • L’épigénétique, c’est d’abord cette idée que tout n’est pas inscrit dans la séquence d’ADN du génome. "C’est un concept qui dément en partie la "fatalité" des gènes", relève Michel Morange, professeur de biologie à l’ENS. Plus précisément, "l’épigénétique est l’étude des changements d’activité des gènes - donc des changements de caractères - qui sont transmis au fil des divisions cellulaires ou des générations sans faire appel à des mutations de l’ADN", explique Vincent Colot, spécialiste de l’épigénétique des végétaux à l’Institut de biologie de l’Ecole normale supérieure (ENS-CNRS-Inserm, Paris).

  • Lire ici : Plus étonnant que le boson de Higgs, la découverte de la censure épigénétique

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  • Présentées comme la première carte exhaustive de l’épigénome d’un grand nombre de cellules humaines, les données figurent dans une vingtaine d’études publiées simultanément dans la revue scientifique Nature par des chercheurs participant au vaste programme Epigenomics. Celui-ci a été lancé en 2006 par les instituts nationaux de santé américains.

    Après avoir séquencé le génome de l’Homme, qui reste globalement identique tout au long de la vie, les scientifiques ont voulu comprendre comment l’activation des gènes pouvait être influencée par notre régime alimentaire ou notre environnement.

    Le mécanisme passe par l’épigénétique : certaines régions de l’ADN sont en effet prises pour cibles, notamment par le biais d’un processus appelé « méthylation » qui aboutit à diminuer voire à éteindre l’expression d’un gène. De nombreuses incertitudes subsistent toutefois autour des processus impliqués mais les chercheurs sont de plus en plus persuadés qu’ils jouent un rôle important dans des pathologies comme le cancer, l’autisme, la maladie d’Alzheimer ou dans le vieillissement.

    Les études publiées mercredi 18 février ont notamment décrit l’épigénome de 111 types de cellules cardiaques, musculaires, hépatiques, dermatologiques et fœtales. Les gènes représentent à peine 1,5 % du génome humain. Le reste a longtemps été considéré comme de l’ADN non codant. Des découvertes récentes ont toutefois permis de montrer que cet ADN, hâtivement qualifié d’« ADN poubelle », pouvait en réalité jouer un rôle essentiel dans la régulation de l’activité des gènes.

    « Il s’agit d’un progrès majeur dans les efforts en cours pour comprendre comment les trois milliards de lettres figurant dans le livre de l’ADN d’un individu peuvent entraîner des activités moléculaires très diverses », relève Francis Collins, chef de l’Institut national de santé américain (NIH) qui participe au programme Epigenomics.

    Des chercheurs de la Harvard Medical School du Massachusetts, aux États-Unis, ont pour leur part montré que la signature génétique unique d’une cellule cancéreuse pouvait être utilisée pour identifier la cellule d’origine d’une tumeur. D’autres chercheurs ont exploré la piste épigénétique dans la maladie d’Alzheimer chez des souris tandis que des chercheurs de l’Imperial College de Londres, au Royaume-Uni, ont identifié 34 gènes jouant un rôle dans l’asthme et dans les allergies.

    « Il n’y a pas que le code génétique qui puisse influencer la maladie », souligne William Cockson, professeur à l’Imperial College, estimant que la manière dont les gènes sont lus pourrait jouer un rôle encore bien plus important.

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