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Où va l’Egypte post-Moubarak ?

mercredi 4 juillet 2012, par Robert Paris

Où va l’Egypte post-Moubarak ?

La révolution d’Egypte est-elle finie ou vient-elle seulement de connaître ses premiers épisodes ? Les grandes révolutions sociales n’ont-elles pas été riches en rebondissements bien avant d’atteindre leurs objectifs. La venue à la présidence des Frères Musulmans, un des courants qui appuyait la vague populaire contre Moubarak, signifie-t-elle que la révolution est terminée même s’il est évident qu’une grande partie de l’aile révolutionnaire ne s’estime nullement satisfaite ? Quelles autres perspectives sont encore possibles pour ceux qui ne désarment pas et d’abord quels sont les adversaires dans les luttes de classes et quels étaient les camps en présence dans la révolution d’Egypte ?

La première erreur consisterait à considérer le camp « révolutionnaire » comme un bloc, et le reste de la société aussi comme un bloc. Et aussi à oublier dans ce classement l’existence des classes sociales, au nom du fait que, par delà les classes sociales, les gens se sont retrouvés ensemble contre Moubarak, puis ensuite ensemble contre le conseil supérieur des forces armées. La dictature, ses exactions puis ses crimes contre le peuple ont certes soulevé contre eux une révolte générale, mais elles ne l’ont pas fait sur une perspective plus claire que la fin de la dictature de Moubarak et la démocratie. Il y a eu en fait plusieurs révolutions dans la révolution.

Cela ne veut pas dire que la révolution en Egypte ne soit qu’une fiction. La société n’a pas fondamentalement changé au sommet de l’Etat comme au sommet des classes sociales, mais elle a fondamentalement changé à la base. La résignation ne domine plus l’ensemble de la société. L’absence d’activité politique spontanée des masses populaires ne caractérise plus la situation en Egypte, comme elle l’avait caractérisé à l’époque Moubarak. Il n’y a plus d’intouchabilité du pouvoir militaire non plus. Les actions des travailleurs se sont multipliées. Tout cela n’est pas rien même si cela n’a rien à voir avec un véritable changement de société.

Pourquoi ce dernier ne s’est pas produit ? Il faut bien dire que, si Moubarak est tombé, ce n’est ni son régime politique ni son régime social qui ont chuté. L’Etat, son appareil militaire, policier, politique, religieux, judiciaire, n’a même pas véritablement changé de mains. Les richesses sont toujours aux mains des chefs militaires. Le seul changement qui ait véritablement été entériné est le changement de président dont l’élection a finalement, après une ostensible hésitation, été entérinée par le conseil militaire supérieur, le vrai pouvoir du pays.

L’apparente opposition des chefs militaires à la venue au pouvoir des Frères Musulmans, leur semblant d’hésitation, leur refus d’entériner le parlement islamiste, leur acceptation apparemment forcée du nouveau président, est indispensable à l’armée pour faire de cette opposition une véritable base de la société. C’est là le jeu des chefs militaires contre la révolution. Les Frères Musulmans sont, les militaires le savent, favorables aux classes dirigeantes, même s’ils ont une véritable base populaire et ils sont hostiles au prolétariat. Ils peuvent servir aux classes dirigeantes, en grande partie d’origine militaire, de paravent et détourner une partie du mécontentement populaire, du moins dans un premier temps. Ensuite, quand ils se seront suffisamment discrédités, les militaires estiment que la révolution sera assez découragée et déboussolée pour qu’ils puissent reprendre leur dictature sous une forme classique ou en remplaçant le président par une émanation de la caste militaire. Ils ne savent pas eux-mêmes si un tel stratagème sera vraiment suffisant pour calmer le volcan politique et social que représente l’Egypte post-Moubarak. Ils ne savaient pas hier s’il aurait suffi de lâcher le Raïs et aujourd’hui ils ignorent s’il suffira de développer un jeu à deux avec les islamistes.

Ce qui est certain, c’est qu’aucun des problèmes économiques, politiques et sociaux du pays ne peuvent être réglés dans le cadre que les islamistes sont appelés à gérer. Et ce pour plusieurs raisons fondamentales. La première est que la révolution d’Egypte n’est pas fondée seulement sur une hostilité à Moubarak ni même sur une simple aspiration à plus de liberté. Il y a une demande sociale profonde, et même prolétarienne, dans toute la révolution du Maghreb et du monde arabe et aussi une perte générale de confiance dans les perspectives offertes par les classes dirigeantes dans le cadre d’un capitalisme en crise.

Car la crise égyptienne comme la crise tunisienne ou syrienne ne sont pas à séparer de la crise générale de la domination capitaliste sur le monde issue de l’effondrement économique en 2008. Elles en sont, au contraire, le produit direct.

Certes, l’impérialisme a eu le temps de se ressaisir ensuite, de faire semblant d’approuver le combat pour la démocratie, avant de s’inviter lui-même à intervenir directement, de manière militaire dans les événements en Libye, laissant entendre une manipulation des révolutions arabes dans l’intérêt de l’ordre mondial dominé par les puissances occidentales. Mais, la réalité, c’est que les régimes qui sont tombés et sont menacés, l’impérialisme n’avait rien à redire contre eux, ne souhaitait nullement leur chute et n’a rien fait pour la favoriser, bien au contraire, contrairement à ce qu’ont prétendu quelques partisans de Ben Ali, Moubarak ou même de Khadaffi ou Assad.

La faiblesse de la révolution du Maghreb et du monde arabe a été la même que celle de l’ensemble de la révolution mondiale contre le capitalisme, les longues années pendant lesquelles le prolétariat n’est pas apparu comme une force sociale indépendante à ses propres yeux et donc le faible crédit que les prolétaires eux-mêmes portent à la perspective qu’ils représentent et, a fortiori, le faible crédit que leur attribuent les fractions des couches petites bourgeoises ou de la jeunesse attirées par la révolution.

La deuxième raison qui laisse à penser que rien n’est fini dans la révolution égyptienne, c’est que la crise économique et sociale n’a fait que s’aggraver, que le partage des richesses est plus inégalitaire que jamais, que l’essentiel du capital est toujours entre les mains de la caste militaire qui représente la plus grande partie de la bourgeoisie égyptienne, que celle-ci reste incapable de remettre en question le partage inégalitaire des richesses avec l’impérialisme.

Un président Frère Musulman peut seulement changer de politique en façade, en termes de propagande, en termes de mœurs, en termes de religion ou de relations avec Israël. Il peut développer une démagogie en direction des couches populaires, mais sa marge, même dans ce domaine, est étroite. Dans toutes les questions clefs de la politique, du social et de l’international, il a une marge de manœuvre plus d’étroite.

La révolution égyptienne n’a pas été noyée dans le sang, n’a pas été écrasée, ni démoralisée. Mais elle est loin d’avoir atteint ses objectifs. Il y a fort à parier qu’on en entendra parler à nouveau et pas seulement de la place Tahrir mais des entreprises textiles, des entreprises pétrolières, bancaires et autres, c’est-à-dire de la classe des prolétaires, la seule capable d’aller jusqu’au bout du combat contre la bourgeoisie locale et impérialiste. La jeunesse, les chômeurs, les femmes qui veulent d’un changement radical ont tout intérêt à comprendre que la classe capable de porter leurs aspirations est le prolétariat de villes et des campagnes et ce dernier doit dépasser le cadre étriqué des actions syndicales purement économiques pour marquer la situation politique en constituant ses comités de travailleurs, de chômeurs, de jeunes de femmes, ses comités révolutionnaires et les fédérer à l’échelle nationale, dans un premier temps pour affirmer un programme radical des exploités et dans un deuxième temps pour imposer leur propre pouvoir.

Messages

  • Lundi matin, plus de 500 hôpitaux publics ont entamé une grève nationale illimitée. Le personnel exige, entre autres, que soit triplé le budget alloué au secteur de la santé publique. Mais, en Égypte, où les Frères musulmans ont développé un système de santé parallèle, le gouvernement islamiste ne semble pas vouloir faire du développement du secteur de la santé publique une priorité.

    Le personnel gréviste demande, notamment, une augmentation du budget de la santé de 5 % à 15 % du budget global de l’État, une amélioration des conditions de travail, la mise en place d’une grille de rémunérations et l’établissement d’un salaire minimum de 400 euros par mois, sachant que certains praticiens du public sont actuellement payés entre 10 et 20 euros par mois.

    Les services d’urgence, ainsi que le fonctionnement des centres hospitaliers universitaires, ne devaient pas être affectés par la mobilisation.

    Ces derniers jours, plusieurs personnalités politiques et organisations de la société civile ont exprimé leur soutien aux grévistes, parmi lesquels le chef de l’Union des médecins arabes et ancien candidat à la présidence, Abdel-Moneim Aboul-Fotouh.

    Deux mouvements de grève avaient déjà été organisés par les syndicats du secteur en mai et en septembre 2011 sans que les revendications des grévistes ne soient satisfaites.

  • Un tribunal égyptien a abandonné samedi l’accusation de complicité de meurtre de centaines de manifestants contre l’ex-président Hosni Moubarak, chassé du pouvoir en 2011 par une révolte, provoquant la colère de ses détracteurs mais la joie de ses partisans.

    En soirée, un millier de manifestants ont convergé vers la place Tahrir, scandant « Le peuple exige le renversement du régime », avant d’être dispersés par la police avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Une centaine de personnes ont été arrêtées, selon une source sécuritaire.

    Un homme a alors été tué par balle ou par tir de grenaille, selon un responsable au ministère de la Santé, entraînant des échauffourées éparses dans le centre du Caire, où on entendait des coups de feu.

    Hosni Moubarak, qui a par ailleurs été acquitté d’accusations de corruption dans une affaire séparée, restera néanmoins en détention dans un hôpital militaire où il purge une peine de prison de trois ans dans le cadre d’un autre jugement pour corruption.

    Celui qui a dirigé pendant trois décennies l’Egypte d’une main de fer était jugé pour son rôle dans la répression des manifestations massives pendant le soulèvement de janvier-février 2011 au cours duquel 846 personnes ont été tuées.

  • Les émeutes ne cessent pas au Caire deuxième jour, provoquées par le jugement d’acquittement de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak prononcé à la veille.

    L’ancien chef de l’Égypte, ainsi que l’ancien ministre de l’Intérieur Habib al-Adli, ont été reconnus non coupables par le tribunal samedi dans le cas de la mort des manifestants pendant la révolution du "25 janvier 2011".

    Cela a suscité un grand mécontentement non seulement de proches des victimes, mais aussi de nombreux représentants de la jeunesse libérale. Ils ont déclaré qu’ils continueraient les protestations jusqu’à ce que le verdict soit révisé.

  • La boucle est bouclée. Le régime militaire a blanchi Moubarak pour ses crimes !!! L’ex-président égyptien Moubarak acquitté pour la mort de manifestants en 2011 !!!

  • Moubarak sort de prison ! Le peuple égyptien y rentre !!!

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