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Voleurs de révolutions...

samedi 21 juillet 2012, par Robert Paris

EDITORIAL

Voleurs de révolutions…

La Syrie a pris la suite de la Tunisie, de la Libye et de l’Egypte : une fois encore une dictature tente de plonger dans le sang une révolution démocratique. Le régime d’El Assad n’a jamais été autre chose qu’une dictature régnant par la terreur et favorisant quelques clans corrompus prêts à tout pour conserver le pouvoir. Comme en Libye, le régime s’est drapé dans un pseudo-radicalisme se disant anti-impérialiste, parlant d’unité arabe et s’opposant à Israël. Mais le véritable radicalisme de la famille El Assad a toujours été dirigé contre son propre peuple. Assad père n’avait-il pas écrasé sous les bombes un village où on avait envoyé des pierres sur la voiture du président ? Assad fils, malgré quelques bonnes relations débutées avec les grandes puissances occidentales, n’a pas fait mieux en écrasant dans le sang des manifestations pacifiques, convaincant lui-même l’opposition de se tourner vers la lutte armée ? Depuis, les centaines de morts se sont rajoutées aux centaines de morts et la dictature sanglante mène désormais des combats pour se maintenir jusque dans sa capitale, jusque dans ses palais…

Cependant, les exemples de la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye ne prouvent-ils pas justement qu’il ne suffit pas de faire tomber le dictateur pour en finir avec la dictature ? On est très loin dans ces trois pays d’avoir fait tombé celle-ci. L’armée qui y était au pouvoir est restée en place et le changement de quelques personnalités n’est nullement une garantie d’en finir avec la corruption, l’exploitation et les exactions. On le voit bien en Tunisie ou en Egypte où des apparences de pouvoir civil couvrent le maintien du pouvoir militaire. Or, en Syrie, derrière le parti unique, c’était une fois encore l’armée qui avait le pouvoir. Même si des fractions de cette armée se battent contre le reste de l’appareil militaire, rien ne prouve que de nouveaux chefs militaires ne soient capables de mettre en place une nouvelle dictature militaire. D’ailleurs, plus encore qu’en Tunisie ou en Egypte, l’affrontement confronte bien plus deux forces militaires qu’un peuple travailleur et une dictature. Il faut y rajouter les forces sociales qui dirigent ces luttes. Là où les travailleurs ne disposent d’aucune force politique, celles-ci étant uniquement dirigées par des factions bourgeoises du type des islamistes tunisiens, libyens ou égyptiens, ou des libéraux, des pseudo-démocrates, le changement social ne risque pas de tomber du ciel…

S’y rajoutent les manœuvres des grandes puissances occidentales. Ces impérialismes, après un petit temps d’effroi devant les révolutions du Maghreb et du monde arabe, s’étendant en partie en Afrique, ont repris le taureau par les cornes et vu la possibilité de mener leur propre politique au travers de ces révoltes. Du moment que ces révolutions n’étaient pas menées par des partis prolétariens conscients des perspectives sociales nécessaires pour sortir ces sociétés de l’impasse, conscients de l’état de décomposition du système capitaliste qui domine le monde, il leur était possible de s’entremettre pour en détourner le cours. On la vu en Libye et on le voit aussi en Syrie.

Ces deux régimes, pour dictatoriaux et corrompus qu’ils soient, n’étaient pas dans les petits papiers des impérialismes anglo-franco-américain et il leur donc été agréable d’aider à leur chute. Certes, l’opposition du bloc Chine-Russie-Iran les a empêchés d’intervenir militairement, de manière directe comme en Libye ou en Côte d’Ivoire, mais il ne faut pas croire qu’ils ne sont pour rien dans l’armement des forces qui attaquent en ce moment le dictateur syrien. Les impérialismes ne se contentent pas prétendre défendre la démocratie dans le monde : ils défendent leur ordre. On l’a bien vu en Tunisie et en Egypte. Contrairement à leur discours dans leur propre pays, on a bien vu aussi qu’ils ont soutenu les partis islamistes venus aux affaires à la faveur des révolutions. Ces partis apparaissent en effet les seules forces suffisamment liées aux plus démunis pour contrer la montée de la révolution sociale.

Bien sûr, nous sommes accoutumés au discours des gouvernants selon lequel les islamistes sont dangereux pour l’occident, mais ce discours de propagande ne colle nullement avec la réalité de leur politique internationale. Ce sont les USA qui ont fondé le parti et l’armée de Ben Laden. Lors de la montée du FIS en Algérie en 1990, les USA poussaient la dictature militaire algérienne à les placer au gouvernement en acceptant l’issue des élections. Les USA ont soutenu des régimes islamistes en Indonésie et au Pakistan. Le régime qu’ils ont mis en place en Afghanistan est aussi islamiste que l’était le régime des Talibans et actuellement, ils négocient un retour au pouvoir de clans talibans acceptant de cesser les combats. Les partis islamistes sont des partis réactionnaires qui ont le mérite, aux yeux des impérialismes, de ramener le calme social et d’encadrer durement la population pauvre en régnant au nom de la morale… On a vu en Libye que les impérialismes n’ont pas craint de s’allier avec des forces armées islamistes pour faire chuter Kadhafi. L’une de ces armées est même passée au Mali sans susciter de réaction de ces impérialismes qui l’avaient pourtant bien vu passer… Et elle occupe maintenant tout le nord du Mali, menaçant de faire de toute la région (Niger, Mauritanie, Sénégal,..) un véritable nouvel Afghanistan.

Ces guerres locales, ces régimes réactionnaires sous couleur de l’islam ne gênent nullement les impérialismes et peuvent même servir de justification à des interventions directes de ceux-ci, servant à recoloniser des territoires ou à ramener à l’obéissance des régimes nationaux ayant des velléités d’indépendance…

Quant aux peuples, ils ne peuvent se libérer à la fois des forces sociales réactionnaires de leurs propres pays et de celles des impérialismes sans mettre en ouvre toute la force de la révolution prolétarienne mondiale. Les aspirations démocratiques, elles-mêmes, ne peuvent se développer dans le cadre mondial d’un capitalisme en pleine déconfiture. Il leur faut, pour gagner le plein succès de leurs aspirations à la liberté et au bien-être, mettre en place une véritable démocratie à la base fondée sur l’organisation en masse du peuple travailleur en comités sur la base des quartiers et des usines. Ces conseils, fédérés au niveau local, régional et national, élus démocratiquement, permettant à tous les partis, associations et syndicats d’y développer leurs perspectives mais laissant au peuple travailleur la décision, doivent devenir le nouveau pouvoir, ôtant tout pouvoir à l’armée et à la bourgeoisie nationale comme impérialiste. C’est la condition pour que la révolution commencée au Maghreb et dans le monde arabe prenne son essor, gagne le monde entier, et offre enfin une perspective sociale et politique à un monde bourgeois ayant atteint ses limites…

Travailleurs, femmes, jeunes, milieux populaires, nous devons cesser d’accepter que des forces sociales qui nous sont hostiles profitent de nos révolutions, les détournent dans un sens complètement opposé à nos objectifs et nos espoirs ! Pour cela, il est indispensable que les travailleurs s’organisent de manière indépendante et développent leurs propres perspectives !

Comme l’avait très bien dit le révolutionnaire français Sain-Just, « une révolution qui s’arrête à mi-chemin dévore ses enfants. » L’avenir de la révolution ne concerne pas seulement le Maghreb et le monde arabe. Quand on voit la montée inexorable de la misère et du chômage dans les pays riches eux-mêmes, il est évident que ce vieux monde ne va nulle part ailleurs que dans le mur. Il est plus que temps que les travailleurs s’organisent eux-mêmes pour préparer un autre avenir que le sang et les larmes que nous réservent les puissances capitalistes pour défendre un système social complètement dépassé.

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