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La Chine et l’Afrique

jeudi 26 juillet 2012, par Robert Paris

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La Chine et l’Afrique

Matières premières contre infrastructures, sans conditions politiques concernant les régimes ni immixtion dans les affaires locales, tel est le deal du nouveau capitalisme de la Chine « communiste » pour l’Afrique. Les sommes investies localement par la Chine pour construire en Afrique des ponts, des routes, des autoroutes, des hôpitaux, des écoles, des stades dépassent déjà tous les investissements qui y ont été réalisés par les puissances occidentales. Le gouvernement chinois a annoncé encore 21 milliards de dollars d’investissements sur le continent africain.

C’est la première fois qu’un pays capitaliste prétend réellement remettre en question l’exclusivité des relations commerciales et économiques monopolisées par les grandes puissances occidentales, essentiellement Angleterre et France après la chute des empires coloniaux portugais ou belge. Les USA avaient bien déclaré, dans les années 1980, vouloir s’intéresser à développer leurs investissements en Afrique, mais c’est resté pour l’essentiel au niveau du discours. L’insuffisance des infrastructures existantes font que la seule exploitation des richesses minières est rentable. Elle seule a bénéficié à l’époque coloniale d’installations d’exploitation et de transport. Et depuis, pas grand-chose d’autre n’a été construit ni par les Etats nationaux, ni par les trusts qui exploitent les richesses des pays ni par les Etats des pays riches.

Les tentatives politiques d’interventions de l’impérialisme américain ont été d’ailleurs soldées par autant d’échecs parfois sanglants, comme au Libéria, au Soudan, au Yémen ou en Somalie. Les pressions sur le Zimbabwe ont été un échec et l’Afrique du sud s’est développée mais s’est rendue indépendante et elle-même a eu des ambitions de domination en Afrique. Les Etats-Unis n’ont donc pas réussi à s’implanter durablement nulle part, si tant est qu’ils l’aient véritablement souhaité, les résultats étant beaucoup plus faciles et rentables en Asie…

La Chine, est, mis à part l’Afrique du sud, le seul pays émergent qui ait des ambitions sur le continent africain. Les potentialités importantes de l’Afrique en termes de matières premières de toutes sortes est bien évidemment le but de la Chine. Car elle est quasiment le seul pays émergent à être fondé essentiellement sur une production industrielle de base et, comme telle, elle a grand besoin de ces matières premières. La Chine se doit donc de contester aux grands pays occidentaux leur mainmise impérialiste sur les matières premières du monde.

En fait, c’est la progression du commerce sino-africain, (294 % entre 2003 et 2007), qui impressionne. Pour la Chine, le continent noir est devenu un véritable réservoir de matières premières, comme les hydrocarbures et les minerais indispensables à sa croissance économique, et un débouché commercial pour sa puissante industrie manufacturière. L’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigeria, le Soudan, l’Égypte et l’Algérie figurent parmi les partenaires privilégiés de la Chine en Afrique. L’Afrique du Sud possède un sous-sol recélant de précieuses matières premières minières et comme l’Égypte et l’Algérie, constitue un vaste marché de consommateurs, un débouché pour les industriels chinois. L’Angola, le Nigeria et le Soudan détiennent des réserves en hydrocarbures significatives. La Chine se contente d’importer des matières premières, aggravant la dépendance des États africains envers les richesses minières et pétrolières (les hydrocarbures représentent à eux seuls, 71,7 % des importations de la RPC en provenance du continent noir et les métaux 14,1 %). Le pétrole constitue 94 % des exportations de l’Angola et 80 % pour le Soudan. Une situation qui rappelle les échanges inégaux de l’époque coloniale, puisque la Chine exporte pour sa part principalement des biens de consommation.

La Chine défend sa nouvelle implantation en prétendant aider au développement mais, comme tous les impérialismes, elle ne cherche qu’à faire fructifier son capital. La contrefaçon de marques de textile comme Uniwax (qui fabrique des pagnes) en Côte d’Ivoire ou de motocyclettes japonaises Yamaha, au Cameroun, comme la concurrence déloyale (le non paiement des taxes douanières, le dumping) ont des conséquences désastreuses pour les économies locales. La recherche de nouveaux gisements de matières premières exacerbe également les conflits locaux, conforte les régimes autocratiques, favorise la corruption et finalement ne concourt guère au développement durable et social des nations. La déforestation massive à laquelle se livrent les sociétés chinoises émeut de plus en plus les opinions publiques africaines et les ONG.

L’économie sud-africaine est l’une des plus fragilisées par la concurrence chinoise, particulièrement dans le textile et la confection. Le commerce entre l’Afrique du Sud et la Chine a été multiplié par trois depuis 2004, la Chine étant maintenant le 2e fournisseur du pays après l’Allemagne. Mais cette croissance est au détriment de l’Afrique du Sud, qui entre 2004 et 2007 a déploré un important déficit commercial. En 2008, l’Afrique du Sud a dégagé un léger excédent dans ses échanges avec Pékin, qui s’explique en partie par les cours élevés des métaux et du pétrole jusqu’à l’été 2008. Le seul pays d’Afrique qui puisse avoir des prétentions à accéder au stade impérialiste est donc surtout gêné par l’offensive chinoise.

Il est surtout remarquable et remarqué que les entreprises chinoises se refusent à employer la main d’oeuvre locale. le chômage étant le principal problème de l’Afrique, les travailleurs voient d’un très mauvais œil un développement qui se fasse sans donner du travail à la population ! Cela a été à la base de nombreux conflits et cela ne risque pas de s’atténuer avec l’aggravation de la crise...

L’exemple de l’Ethiopie

Dans le ronronnement continu des machines, une centaine d’ouvriers éthiopiens découpent sans relâche du cuir, enfilent des lacets et collent des semelles, sous la supervision de contremaîtres chinois.

Avec cette usine, des entrepreneurs chinois entendent bénéficier du faible coût de la main d’oeuvre africaine et de la matière première, le cuir, pour fabriquer des chaussures qui seront vendues en Europe et aux Etats-Unis.

L’usine de Huajian est installée à Dukem, à 30 km au sud d’Addis Abeba, dans une zone industrielle en plein développement, la première construite en Ethiopie par des capitaux chinois.

Après s’être concentrée sur la construction d’infrastructures et l’exploitation des matières premières, notamment le pétrole, en Afrique, la Chine commence à y chercher des coûts salariaux avantageux pour son industrie.

Quant à l’Ethiopie, elle y gagne une diversification bienvenue pour son économie largement agricole.

Un marché gagnant-gagnant, donc, selon Qian Guoqing, vice-directeur de la East Industry Zone : "les deux parties ont un engagement réciproque, elles disent +tu devrais avoir quelque chose, je devrais obtenir quelque chose".

Une fois achevée en 2014, pour un coût de 250 millions de dollars, la zone industrielle, dont la construction a commencé en 2009, doit regrouper plus de 80 usines et créer 20.000 emplois.
Pour l’heure, elle compte plusieurs rangées de bâtiments de trois étages abritant six usines à capitaux chinois, dont, outre celle de Huajian, une chaîne de montage automobile et une fabrique de plastique.

Huajian, un des plus importants fabricants chinois de chaussures, prévoit d’investir jusqu’à 2 milliards de dollars en Ethiopie pour fabriquer des souliers destinés à l’exportation vers l’Europe et l’Amérique du Nord

Afin d’attirer les investisseurs étrangers dans le cadre d’un "plan de croissance" destiné à faire de leur nation un pays à revenu intermédiaire d’ici 2025, les autorités éthiopiennes offrent quatre ans d’exonérations fiscales, des terrains bons marchés et l’électricité gratuite aux occupants de la zone industrielle.

Mais investir en Ethiopie "n’est pas une stratégie sans risque", prévient Stefan Dercon, économiste spécialisé dans le développement à l’Université britannique d’Oxford.

L’Ethiopie va devoir maintenir des taux de croissance élevés afin de rembourser les investissements de départ. "Si cela ne fonctionne pas, les espoirs vont s’évanouir très rapidement, les deux ou trois prochaines années sont donc cruciales pour le processus dans son ensemble", selon lui.

[Un ouvrier éthiopien assemble des chaussures à Addis Ababa]
Un ouvrier éthiopien assemble des chaussures à Addis Abeba
"Nous devons avancer rapidement, notre ennemi est la pauvreté", rétorque le ministre d’Etat éthiopien à l’Industrie, Tadesse Haile, "quiconque nous demande de ralentir accepte la pauvreté".
Avec un PIB par habitant estimé à 325 dollars par l’ONU, l’Ethiopie figure toujours parmi les plus pays africains les plus pauvres, en dépit d’une croissance parmi les plus dynamiques du continent (+11% au cours de chacune des six dernières années selon la Banque mondiale).
Les investissements étrangers "génèrent de la croissance, de l’emploi (...) cela nous permet aussi de fabriquer des produits pouvant être exportés, ce qui amène des devises et des transferts de technologie", soutient M. Tedesse.

Mais de nombreux problèmes subsistent : réseaux de télécommunications déplorables, bureaucratie pesante et absence de port dans ce pays enclavé, sans accès à la mer.

Paul Lu, directeur des ressources humaines de Huajian, recense, lui, les différences culturelles, la barrière de la langue et le manque de conscience professionnelle d’une bonne partie du personnel local. Mais ces obstacles sont compensés par l’abondance de matière première et de main d’oeuvre, peu chère alors que les salaires augmentent en Chine.

"Nous sommes venus fabriquer des chaussures et (...) l’Ethiopie produit beaucoup de cuir", poursuit-il devant l’entrée de l’usine où une vingtaine de personnes attendent pour un entretien d’embauche.
Dans l’usine, Teju Edek, 22 ans, contrôleur qualité, payé 30 dollars par mois, se plaint que "le salaire est trop bas". Il dit travailler ici surtout pour "développer ses connaissances technologiques" et ajoute que, s’il pourrait gagner plus dans des usines éthiopiennes, il n’y apprendrait pas autant.

Ceux qui pensent que l’Afrique était leur chasse gardée et qui voient d’un mauvais œil le renforcement des relations sino-africaines au jour le jour sont désormais fixés.

Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Zhai Jun a réfuté jeudi les critiques à l’encontre de la politique africaine de la Chine, affirmant que le renforcement des relations sino-africaines ne portait pas atteinte aux intérêts d’autres pays.

Il ne faut ni céder à la propagande anti-chinoise qui monte partout au nom du nationalisme ni faire de l’angélisme. Il est évident que la Chine est devenue un concurrent dangereux pour tous les anciens impérialismes et un concurrent aussi impérialiste qu’eux !!!

La suite

Messages

  • Communiqué de la Chine :

    La Chine est prête à travailler avec la Tanzanie pour établir un partenariat global de coopération caratérisé par les bénéfices mutuels et les résultats gagnant-gagnant et porter leurs relations à un niveau plus élevé, a dit le président Xi.

    Notant que les deux pays font face tous les deux à la tâche de développement national, M. Xi a dit qu’ils devraient renforcer leur confiance, se soutenir et poursuivre le développement en commun.

    Les deux pays devraient maintenir les contacts et échanges, continuer à se soutenir sur les questions concernant leurs intérêts fondamentaux et leurs préoccupations majeures, et renforcer leur coordination et coopération sur les affaires régionales et internationales, a ajouté le président chinois.

    La Chine est prêt à continuer à soutenir le développement socio-économique de la Tanzanie et à encourager les entreprises chinoises à investir en Tanzanie, a dit encore M. Xi.

    M. Xi a annoncé à cette occasion que la Chine allait ouvrir un centre culturel en Tanzanie pour renforcer les échanges humains et l’amitié traditionnelle entre les deux pays.

    Parlant de la situation en Afrique, le président Xi a dit que l’Afrique est un continent de plein espoir et a un bel avenir malgré de nombreux difficultés auxquelles elle fait face.

    Le président tanzanien a remercié la Chine pour son soutien à long terme à son pays, promettant de continuer à soutenir la Chine sur les questions fondamentales relatives à la souveraineté et à l’intégrité territoriale.

    Il a dit que la Tanzanie souhaitait renforcer la coopération avec la Chine dans le cadre bilatéral et le cadre du Forum de coopération Chine-Afrique dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, des infrastructures, de la lutte contre la pauvreté et des ressources humaines.

    Les deux présidents ont assisté à la signature de plusieurs accords de coopération entre les deux pays après leur rencontre.

    Le président Xi est arrivé dimanche à Dar es Salaam pour une visite d’Etat en Tanzanie, la deuxième étape de sa tournée dans quatre pays, qui l’avait conduit en Russie, et le conduira également en Afrique du Sud et au Congo.

    Lors de son séjour en Afrique du Sud, le président chinois participera au 5e sommet des pays des BRICS qui aura lieu les 26 et 27 à Durban.

  • La Chine « déferle dans l’arachide » : c’est le titre choisi par Jeune Afrique dans son édition économique. Au port de Dakar, 53 000 tonnes d’oléagineux étaient en instance de départ mi-mars. « Assez pour que huiliers et opérateurs privés stockeurs (les intermédiaires), tirent la sonnette d’alarme ». Ils demandent que la filière soit mieux encadrée pour « préserver l’industrie locale » mais aussi pour « constituer un stock semencier pour le prochain hivernage ».

    Jeune Afrique raconte que les opérateurs sénégalais stockeurs n’ont pas atteint leurs objectifs de récolte. Ces opérateurs sont d’ailleurs court-circuités par les négociants chinois. Contrairement aux autres étrangers, ceux de l’Empire du milieu « viennent avec leur argent et opèrent au bord du champ ou avec l’aide de rabatteurs locaux ». Les opérateurs trépignent, mais le journal souligne dans sa version en ligne que les paysans, eux, tirent leur épingle du jeu. « Les négociants, surtout chinois, proposent jusqu’à 270 FCFA le kilogramme d’arachide en lieu et place des 190 FCFA officiels. Du jamais vu ! »

  • L’impérialisme japonaix vient de se lancer à la poursuite de l’impérialisme chinois... en Afrique !
    Le gouvernement japonais a mis les petits plats dans les grands pour séduire le continent africain lors de ces deux jours de conférence nippo-africaine. Premier symbole, l’événement s’est tenu pour la première fois dans un pays africain, à la différence des cinq éditions précédentes (depuis 1993). Cette conférence qui a à l’origine pour but de promouvoir le dialogue entre dirigeants politiques et économiques de l’Afrique et du Japon s’était cette fois-ci clairement transformée en une opération séduction de la part des élites nippones.

    Les grandes firmes industrielles nationales (Toyota, Mitsubishi, Honda ou encore Canon) était présentes pour la première fois afin de promouvoir leurs produits. Une ouverture au secteur privé qui dénote par rapport aux éditions précédentes davantage axées sur l’investissement public et l’aide humanitaire.

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