Accueil > 01 - PHILOSOPHIE - PHILOSOPHY > Chapter 02 : Is matter a suject of philosophy ? Matière à philosopher ? > Ce que Gödel nous apprend

Ce que Gödel nous apprend

dimanche 18 novembre 2012, par Robert Paris

Ce que Gödel nous apprend

Les deux théorèmes d’incomplétude de Gödel de 1931 sont une réponse aux ambitions formalistes de David Hilbert. Les contributions de Tarski concernent l’impossibilité de formaliser la notion de vérité, selon les exigences formalistes. Ces théorèmes n’ont, certes pas, rendu la pratique mathématique impossible, ils invalident la prétention hilbertienne, qui voudrait que la mathématique puisse résoudre tous les problèmes qui se présenteraient à elle.

Hilbert avait poursuivi le travail entamé deux cent cinquante ans plus tôt par René Descartes et Pierre de Fermat et développé une axiomatique formelle permettant de réduire la géométrie à l’arithmétique. L’enjeu – tel que l’a posé Hilbert dans sa célèbre allocution au Congrès des mathématiques de 1900 – était de prouver le caractère non contradictoire de l’arithmétique, question vitale pour l’ensemble des mathématiques, par la voie de la modélisation. L’avancement de la métamathématique dans les décennies suivantes fut considérable. Toutefois, elle arriva à un résultat négatif surprenant : les théorèmes de Gödel des années trente, en vertu desquels il est impossible de démontrer au moyen de ces méthodes la non-contradiction logique de toute théorie qui comprenne l’arithmétique.

Le siècle s’achevait quand, au congrès de mathématiques de Paris, Hilbert posa 23 questions, comme autant de défis à relever, aux mathématiciens du XXè siècle15. Pour Hilbert, il s’agissait d’asseoir les mathématiques, de montrer leur cohérence. La première question était consacrée à l’infini cantorien et la deuxième visait à démontrer que l’arithmétique était cohérente (consistante) c’est-à-dire, pour simplifier, démontrer qu’à partir d’un jeu d’axiomes on ne pouvait prouver une chose et son contraire, que nous étions bien dans un système où A est différent de non A, ce qu’on nomme aussi, dans la logique, le principe d’identité. La question était à peine posée que quelques méchants paradoxes ébranlaient l’édifice, obligeant notamment Frege à mettre un genou à terre ; ce qu’il fit avec un stoïcisme et une honnêteté intellectuelle des plus remarquables.

En 1928, au congrès de Bologne, Hilbert poursuivait sa demande18. Trois ans plus tard, un jeune mathématicien, Kurt Gödel, expédie la question de Hilbert. La réponse surprend le monde. A partir d’un jeu d’axiomes donnés, il est possible que des propositions soient indécidables, qu’elles ne puissent être ni prouvées ni infirmées. Il y a incomplétude. Nous nous trouvons dans une situation exclue à l’origine par la logique et qu’on nomme le principe du tiers-exclu (un système dans lequel nous avons soit A soit non A). Plus tard (Gödel -1938 à 1940 -, Cohen - 1963 -), il sera démontré que l’hypothèse de Cantor appartient à cette sphère des propositions indécidables.

La démonstration par Gödel sonnera le glas des ambitions de la logique formelle et favorisera le glissement de la pensée bourgeoise du matérialisme bourgeois (comme le positivisme) vers l’idéalisme, son adhésion à un tremblant probabilisme comme à renforcer l’idée que la connaissance était intrinsèquement hors de portée de l’homme De leur côté, les mathématiques, sous l’effet des diverses évolutions à l’oeuvre depuis la remise en cause de la géométrie euclidienne, s’enfonçaient dans une abstraction toujours plus grande en cherchant sans cesse à s’auto-légitimer. Plutôt que de s’ouvrir sur la société et de prendre en compte leurs limites, elles se renferment sur toujours plus d’abstraction. Dans ce mouvement, les axiomes évoluaient du rang de vérités évidentes à celui d’hypothèses pouvant être prises en considération du seul fait de leur fécondité.

La recherche d’un algorithme universel, c’est-à-dire un algorithme permettant de résoudre automatiquement n’importe quel problème, l’idée que tout problème avait une solution dans un algorithme et qu’il existait un algorithme universel pour régler tous les problèmes restait une des quêtes fondamentales des sciences mathématiques. Ouverte par Leibniz, la question était toujours pendante quand Hilbert posa sur la table la boîte de pandore des 23 questions.

A partir du moment où un système est cohérent et complet, on démontre qu’il est décidable, c’est-à-dire qu’il existe une procédure qui permet de dire si une assertion est vraie ou non. Mais avec Gödel, puis les travaux de Church (1936) ou de Turing (1936), s’envolaient la possibilité de réaliser un algorithme universel.

Bien avant que la logique formelle ne démontre que, même dans son cadre intellectuel étriqué, elle était rattrapée par la complexité de la réalité, la dialectique avait envoyé par le fond sa prétention à appréhender correctement l’ensemble du réel.

Certains auteurs poussent trop loin les conséquences du théorème de Gödel et d’autres démonstrations des limites de la logique formelle. L’un d’entre eux écrit par exemple que « Avec ce théorème, Gödel montre qu’il est tout simplement impossible de tout expliquer avec une théorie, ni même avec une superposition finie de théories. D’une certaine manière, il démontre l’existence des mystères. »Certains y ont même vu la preuve de l’existence de dieu !

Ils en déduisent à tort que l’univers est inconnaissable ou indéterministe. D’autres y voient une justification du mysticisme. voir ici

Il est plus exact de dire que l’univers n’obéit pas à la logique formelle (excluant les contradictions internes) mais à la logique dialectique (faisant des contradictions internes le moteur de la dynamique).

Gödel et sa vie

Gödel et ses non-interprétations

Le théorème de Gödel

Gödel et les limites de la raison

Que dit vraiment le "Théorème d’incomplétude dans les systèmes formels" du logicien Kurt Gödel (1931)

L’itinéraire de Gödel

Gödel et les limites de la logique

La philosophie de Gödel

Gödel déchiré

L’explication du théorème de Gödel dans wikipédia

Messages

  • L’importance du théorème de 1931 n’est pas tant dans l’habileté de la démonstration – bien que celle-ci dépende d’avancées techniques avec la définition exacte des fonctions primitives récursives ou le codage de la métamathématique dans l’arithmétique élémentaire –, ou dans ses conséquences en logique, que dans le fait que l’existence de propositions indécidables dans l’arithmétique élémentaire pose immédiatement des questions philosophiques. C’est bien dans cette perspective que le théorème d’incomplétude est reçu et compris par Gödel lui-même (cf. Les démons de Gödel, p.20). Autrement dit, le théorème d’incomplétude et les notions qui y interviennent sont d’emblée pris dans un contexte disons d’abord philosophique où ils prennent une signification plus large que leur usage technique. Ma thèse, de façon très générale, serait que les énoncés scientifiques sont toujours pris dans un contexte qui leur donne une signification plus large que leur simple usage dans la théorie à laquelle ils appartiennent. Il n’y a pas de science, et il n’y a pas de logique sans un tel contexte.

    • Oui, d’autant plus que comme Godel les mathématiciens qui travaillaient dans le domaine des fondements comme Cantor, Russell avaient des motivations autant philosophiques que mathématiques. Le fait que dans l’enseignement en France Godel ne fasse pas partie du tronc commun scientifique comme Freud ou Darwin est un symptôme de l’hostilité philosophique que Godel crée encore, y compris dans une extrême gauche qui se contente souvent de redonner la version de la science donnée par l’"école de la République" qui lycée compris enseigne les mathématiques ... d’avant 1800 ! Souvent, c’est la dialectique de Hegel qui est l’ennemi combattu sans être nommé.

  • Les contributions de Tarski concernent l’impossibilité de formaliser la notion de vérité

    • Le schéma de Tarski définit la vérité comme correspondance entre la signification d’un énoncé (et de ses éléments constitutifs) avec l’état du monde réel qu’il décrit. Cette définition se rapproche de la conception courante de ce qui est vrai et de ce qui est faux, tout en rendant cette conception formellement précise. Ce qui paraît important dans la notion de vérité logique, ce n’est pas la dichotomie vrai/faux, mais les conditions dans lesquelles un énoncé reste vrai après substitution d’une partie de ses éléments. La solution de Tarski évite cet inconvénient en introduisant les notions de variable, de fonction prédicative et de satisfaction dans un modèle. Elle permet de définir le concept d’un énoncé « vrai dans le modèle... » ou « vrai dans le monde possible... », qui est la notion de « vérité logique » utilisée dans la théorie des modèles. Cette dernière est fortement ancrée dans un contexte mathématique ensembliste. C’est le prix à payer pour permettre une quantification sur les mondes possibles. Cette quantification est nécessaire pour définir la notion de conséquence logique, qui est le véritable concept-clé de la formalisation de la notion de preuve en logique mathématique. Henri Volken

  • C’est effectivement à Alfred Tarski (1902-1985) que revient le mérite historique d’avoir rendu possible l’extension de l’analyse aux énoncés quantifiés (‘Tous les hommes sont mortels’, ‘Il n’existe pas de nombre plus grand que tout nombre pair’) quelle qu’en soit la complexité, et à avoir fourni une méthode de détermination des conditions de vérité des énoncés simples plus facilement applicable au langage naturel. Ces deux résultats sont, dans une certaine mesure, un corollaire de la théorie de la vérité de Tarski (Tarski, 1933).

  • La vérité, pour Tarski comme déjà pour Aristote, est une propriété des énoncés d’un langage. Mais en quoi cela consiste ? Plus précisément : quelles conditions devons-nous satisfaire, en définissant une propriété d’énoncés, pour pouvoir dire que ce que nous avons défini est la vérité (et non une autre propriété) ? Outre une condition d’adéquation formelle, selon laquelle la définition ne doit pas engendrer de contradictions, Tarski propose une condition d’adéquation matérielle d’une définition de vérité (c’est-à-dire comme condition dont nous pouvons dire, l’ayant satisfaite, que nous avons défini la vérité).

  • Que la vérité définie formellement ne puisse pas servir de description de la réalité signifie que le vrai et le faux ne peuvent pas être diamétralement opposés et incompatibles. C’est la base même de la logique dialectique.

  • Les mathématiques peuvent-elles trancher elles-mêmes sur la validité de leurs présupposés philosophiques ?

    Lire ici

  • Et pourtant on peut lire des affirmations incroyables du style :

     Gödel nous apprend donc que toute théorie physique est indécidable

     Gödel nous apprend que dieu existe

     Gödel nous apprend que la science bute sur une impasse

     Gödel nous apprend que l’imagination dépassera toujours le raisonnement

    Et rares sont ceux qui s’en tiennent à :

    Le Théorème de Gödel dit que, dans certaines circonstances, on ne peut démontrer par la logique formelle qu’une assertion est vraie ou fausse, au sens toujours de la logique formelle.

  • Formellement, le théorème de Gödel dit : dans tout système formalisé, il existe au moins une (et en fait une infinité de) propriété vraie, qui n’est pas démontrable (explicable) avec les règles du système.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.