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La face brutale du capitalisme mondial

dimanche 2 décembre 2012, par Robert Paris

La face brutale du capitalisme mondial

Par Peter Symonds

Le pire incendie d’usine de l’histoire du Bangladesh, qui s’est déclaré dans la nuit de samedi dans la zone industrielle d’Ashulia, expose les rouages abjects du capitalisme mondial.

Au moins 112 travailleurs sont morts dans l’incendie, soit par suffocation et brûlures, soit en sautant du bâtiment de huit étages en tentant désespérément de s’enfuir. L’incendie, qui a commencé au rez-de-chaussée, là où les tissus et les pelotes de fils inflammables étaient stockés, a bloqué les escaliers. Toutes les autres sorties étaient fermées à clef.

Des photographies du bâtiment calciné de l’entreprise Tazreen Fashions montrent des alignements d’espaces de travail incinérés où des centaines de travailleurs produisaient des vêtements pour les grandes entreprises européennes et américaines, dont les chaînes Walmart et C&A. Le manque de mesures de protection élémentaires contre les incendies allait de pair avec des temps de travail très longs, de mauvaises conditions, et un salaire de misère. Les survivants ont expliqué qu’ils n’avaient touché ni leurs salaires ni les primes prévues depuis trois mois.

Immédiatement après l’incendie, une manœuvre bien huilée a démarré à tous les niveaux pour camoufler la réalité. Le gouvernement, les autorités locales comme nationales, et les groupements d’employeurs ont versé quelques larmes de crocodile sur les morts, annoncé des enquêtes bidon et promis de maigres sommes en compensation aux familles des victimes. Tout cela vise à faire taire les critiques et à prévenir les troubles jusqu’à ce que le sujet ne fasse plus la une des journaux.

Dans le même temps, la police, les soldats et le Bataillon d’action rapide (BAR) très connu dans le pays, ont été déployés contre les familles éplorées et en colère sur les lieux de l’incendie et contre des manifestations de travailleurs qui ont éclaté lundi. Pour justifier l’accumulation des forces de sécurité dans la zone industrielle, le Premier ministre cheikh Hasina Wajed a déclaré au Parlement, sans en rapporter la moindre preuve, que l’incendie avait été « pré-arrangé » - c’est-à-dire, un acte de sabotage, - pour déstabiliser le gouvernement.

Toutes les grandes entreprises multinationales qui se fournissent au Bangladesh ont cherché à prendre leurs distances par rapport à cette tragédie. PVH, Nike, Gap, American Eagle, Outfitters et le français Carrefour ont publié des déclarations affirmant que leurs produits n’étaient pas fabriqués à l’usine textile Tazreen. Après que des étiquettes à sa marque ont été trouvées sur les lieux, Walmart a reporté la faute sur un fournisseur qui a sous-traité le travail à cette usine, prétendument sans son autorisation.

Dans des pays comme le Bangladesh, les multinationales, travaillant avec les syndicats et les organisations non gouvernementales, ont établi divers systèmes d’inspection pour la sécurité et les conditions de travail. Ces audits censés être indépendants sont une manœuvre de diversion pour protéger les noms des marques et les profits, ainsi que pour éviter toute responsabilité juridique. La chaîne de magasins européenne C&A, qui avait commandé des sweat-shirts à Tazreen Fashions, a reconnu que ses audits prétendument obligatoires n’avaient tout simplement pas été faits.

Aucune de ces grandes compagnies ne commet ce genre d’erreur quand il est question de passer en revue les quantités produites, la qualité et le coût des objets produits dans les usines de misère du Bangladesh. Elles savent toutes très bien que l’amélioration des conditions de travail, des mesures de sécurité et des salaires de misère ne feraient qu’augmenter le prix, et par conséquent elles ferment les yeux.

Les conditions de travail à Tazreen Fashions n’étaient pas une exception, mais la règle. L’incendie de samedi n’était que le pire des incendies qui ont coûté au moins 500 vies depuis 2006. L’industrie textile au Bangladesh s’est développée au cours des trente dernières années pour devenir la deuxième du monde, après la Chine, précisément parce que ses salaires sont les plus bas de toutes les plateformes de travail à bas coût.

Un commentaire dans le Financial Express du Bangladesh hier détaillait les conditions abominables dans le secteur du textile : « Seuls quelques propriétaires d’usines textiles payent les salaires mensuels et les heures supplémentaires à leurs ouvriers le jour dû […] Dans la plupart des usines, les propriétaires gardent délibérément au moins deux mois de salaires et d’heures supplémentaires en arriérés. La direction embauche et licencie les travailleurs au hasard et ceux qui sont renvoyés, dans la plupart des cas, ne touchent pas leur dû. De plus, en l’absence de jour de repos hebdomadaire, les travailleurs, leurs familles et leurs enfants sont tous sévèrement affectés mentalement et physiquement.

« La plupart des usines textiles du Bangladesh n’ont pas de mesures de sécurité élémentaires, pas même le nombre requis d’extincteurs. 227 usines rien qu’à Dhaka n’ont pas de sortie de secours. La plupart des usines ne font pas l’exercice d’évacuation mensuel obligatoire […] D’après les enquêtes nationales sur le travail, il n’y a que cinq inspecteurs pour toute cette industrie, soit autant que dans les années 1970, quand elle avait commencé à se développer. »

Après avoir décrit cette exploitation capitaliste d’une manière dévastatrice, ce journal du monde des affaires se contente de conclure par un appel futile aux employeurs et au gouvernement pour qu’ils « réparent notre secteur vestimentaire. » Cependant, la préoccupation du gouvernement, des employeurs comme des grandes entreprises, avec le soutien des syndicats, est de défléchir les critiques et la colère du public pour s’assurer que les usines restent ouvertes et que les profits de 19 milliards d’euros par an à l’export continuent à affluer.

Les entreprises du Bangladesh sont en compétition à couteaux tirés avec leurs rivaux des autres pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine pour les commandes et les bénéfices. Les conditions de travail et les mesures de sécurité imposées aux travailleurs de ces pays ne sont pas différentes de celles du Bengladesh.

En septembre, le pire incendie d’usine a eu lieu à Ali Enterprises, au Pakistan, faisant près de 300 morts, surpassant les 188 décès d’une usine de jouets en Thaïlande en 1993. L’histoire dans ces deux cas était la même : pas de sorties de secours, escaliers bloqués et portes fermées à clef, et aucune mesure anti-incendie en place, forçant les travailleurs à sauter par la fenêtre, parfois en se tuant ainsi. Une fois que la colère populaire s’était calmée, tout avait repris comme avant.

Loin d’améliorer les conditions et la sécurité, la crise économique mondiale impose aux entreprises de négliger ces points et de faire peser des fardeaux supplémentaires sur les travailleurs tandis que les entreprises luttent pour rester dans la compétition. Les salaires et les conditions de travail dans les économies dites en développement deviennent la norme pour les pays capitalistes avancés. Il y a déjà eu une érosion massive du niveau de vie dans les pays au cœur de la crise de la dette européenne – Grèce, Espagne, Portugal, et Italie.

Les tragédies du type de celle de l’usine Tazreen Fashions ne vont pas être arrêtées par des appels au gouvernement et aux entreprises multinationales. La seule voie pour mettre fin à de tels crimes est par la lutte unifiée des travailleurs du monde pour mettre fin au système d’exploitation barbare et réorganiser la société sur la base d’une économie mondiale socialiste planifiée.

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