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Les fausses interprétations du marxisme

lundi 10 décembre 2012, par Robert Paris

Les fausses interprétations du marxisme

« Quand vous ne cessez de répéter que le « marxisme » est en grand discrédit en France, vous n’avez en somme vous même d’autre source que celle là du Malon de seconde main. Ce que l’on appelle « marxisme » en France est certes un article tout spécial, au point que Marx a dit à Lafargue : « Ce qu’il y a de certain, c’est que moi je ne suis pas marxiste ».

Lettre de Friedrich Engels à E. Bernstein -
2 novembre 1882

« Nous n’appartenons guère plus au parti allemand qu’au français, à l’américain ou au russe, et nous ne nous considérons pas plus liés par le programme allemand que par le programme « Minimum ». En fait, nous tenons à notre position particulière de représentants du socialisme international. »

Lettre de Engels à Edouard Bernstein, 28 février- 1er mars 1883

« Dans tous ces écrits, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste. Pour Marx, comme pour moi, il est absolument impossible d’employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre. »

Fr. Engels - Préface à la brochure du Volksstaat de 1871-1875.

« Depuis que messieurs les opportunistes pleurnicheurs se sont littéralement constitués en parti et disposent de la majorité dans la fraction parlementaire, depuis qu’ils se sont rendu compte de la position de force que leur procurait la loi anti-socialiste et qu’ils l’aient utilisée, je considère qu’il est doublement de notre devoir de défendre jusqu’à l’extrême toutes les positions de force que nous détenons - et surtout la position-clé du Sozialdemokrat. »

Engels à E. Bernstein, 5 juin 1884.

« Il vaut toujours mieux être momentanément en minorité pour ce qui est de l’organisation en ayant le vrai programme que d’avoir apparemment beaucoup de suivants pratiquement nominaux, sans programme. (…) Marx et moi n’entretenons même pas de correspondance avec Guesde. Nous ne lui avons écrit qu’à l’occasion d’affaires déterminées. Ce que Lafargue a écrit à Guesde, nous ne le savons que d’une manière générale, et nous sommes loin d’avoir lu tout ce que Guesde écrit à Lafargue. Dieu sait quels projets ont été échangés entre eux, sans que nous n’en sachions absolument rien. Marx, comme loi, a donné de temps en temps un conseil à Guesde par l’intermédiaire de Lafargue, mais c’est à peine s’il a jamais été suivi. Certes, Guesde est venu ici quand il s’est agi de d’élaborer le projet de programme pour le Parti ouvrier français. En présence de Lafargue et de moi-même, Marx lui a dicté les considérants de ce programme, Guesde tenant la plume (…) mais combien peu Guesde était le porte-parole de Marx ressort du fait qu’il a introduit sa théorie insensée du « minimum de salaires ». »

Engels à Bernstein, 25 octobre 1881.

« Du vivant de Lassalle, je ne me suis pas engagé dans son mouvement. Mais cela ne saurait m’empêcher de le défendre, après sa mort, contre des canailles comme ce braillard de Karl Blind, surtout quand des personnes qui lui étaient proches me le demandent. »

Lettre de Marx à L. Kugelmann - 29 novembre 1864

« Lassalle s’est engagé sur cette fausse route parce que c’était un pragmatique. »

Lettre de Marx à L. Kugelmann - 23 février 1865

« On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d’employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.
Il en va autrement aujourd’hui, et ce mot peut passer à la rigueur, bien qu’il ne corresponde pas davantage aujourd’hui à un parti dont le programme économique n’est pas seulement socialiste en général, mais directement communiste, c’est-à-dire un parti dont le but final est la suppression de tout État et, par conséquent, de la démocratie. »

Engels, préface de 1894 à Internationales aus dem Volksstaat, 1871-1875.

« Et l’on croit déjà avoir fait un pas d’une hardiesse prodigieuse, quand on s’est affranchi de la foi en la monarchie héréditaire et qu’on jure par la république démocratique. Mais, en réalité, l’État n’est rien d’autre qu’un appareil pour opprimer une classe par un autre, et cela, tout autant dans la république démocratique que dans la monarchie ; le moins qu’on puisse en dire, c’est qu’il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s’empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu’à ce qu’une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’État. Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l’air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat. »

F. Engels - Londres, pour le 20e anniversaire de la Commune de Paris.
18 mars 1891.


Les fausses interprétations du marxisme

Du vivant de Marx, il aurait été inattendu que ses thèses soient davantage salies par ses prétendus adeptes que par ses critiques tant il a été déversé d’attaques contre lui à l’époque… et pourtant !

Pourtant, il y avait déjà deux adeptes qui dérangeaient pas mal Marx : Guesde et Lafargue. Il y avait eu aussi la social-démocratie allemande, avec notamment Bebel et Liebnecht qui se revendiquaient publiquement de Marx, et dont lui et Engels avaient été plusieurs fois contraints de se démarquer publiquement aussi notamment dans « Le programme de Gotha ».

Il y a plusieurs sortes d’interprétations erronées du marxisme et elles ont été diffusées mondialement bien plus que ses vraies idées.

Nous ne renions nullement le droit, et même le devoir des adeptes des idées de Marx et Engels, de faire évoluer leurs idées en fonction des nouvelles connaissances, des nouveaux problèmes auxquels se heurte la société humaine et des nouvelles conceptions du monde qui en découlent. Une thèse vivante, comme la science, évolue ainsi et se remet sans cesse en question.

Cependant, cela ne signifie pas qu’il soit juste d’attribuer à ces auteurs des positions qui n’étaient pas les leurs….

C’est pourtant ce qui a été fait par les deux principaux courants du mouvement ouvrier : la social-démocratie et le stalinisme, précédant de peu les courants nationalistes radicaux du tiers monde.

C’est donc au point que le marxisme est moins connu que ces fameuses interprétations mensongères !

L’interprétation réformiste de Marx, le « marxisme » de Staline ou Mao sans parler de Che Guevara ou du PC sud-africain ont en commun certains points comme le nationalisme, l’étapisme, le progressisme, une vision de l’Histoire très loin de celle de Marx.

Philosophiquement aussi, les idées de Marx ont été maintes fois soutenues ou combattues sous formes de versions très loin de sa réelle conception.

De leur vivant, Marx et Engels combattaient déjà des auteurs qui prétendaient que le marxisme était un économisme sans philosophie, que le monde suivait un cours prédéterminé par l’économie, que tout se ramenait à l’économie autant qu’ils combattaient déjà les versions réformistes du socialisme à l’œuvre dans le mouvement ouvrier autant que chez les théoriciens.

Certains auteurs ont également prétendu enlever un des éléments de l’œuvre de Marx/Engels comme la dialectique ou la révolution, comme si la conception de Marx pouvait se passer d’éléments aussi essentiels ! On trouve des gens qui pensent qu’on peut accepter « Le Capital » sans les conclusions révolutionnaires et sans la conception dialectique, comme si ces deux là n’existaient qu’en conclusion dans cette étude…

Les incompréhensions sont aussi fréquentes que les tromperies dans l’histoire des fausses interprétations de la conception de Marx. Lafargue ou Guesde sont dans ce cas. Bebel ou Liebnecht sont déjà dans la dérive opportuniste des idées marxistes. Les suivants seront carrément dans la trahison de ces idées… Et les courants staliniens et nationalistes sont en plus des adversaires résolus du prolétariat, même quand ils prétendent le contraire !

Il faut dire que le point de vue de Marx est tellement différent des conceptions classiques en philosophie, en histoire, en économie, en tout, qu’il n’est pas étonnant de faire des contresens.

Déjà la philosophie de Hegel revue dans un sens matérialiste par Marx est très peu connue et encore moins comprise. Pour bien des gens, le simple fait de se revendiquer de la dialectique, ce serait déjà de l’idéalisme. Parler de dialectique de la nature leur semble complètement religieux…

Il convient tout d’abord de comprendre que lire Marx sans étudier la philosophie de Hegel, c’est forcément commettre un contresens considérable.

Il convient ensuite de savoir que les préoccupations de Marx dans chacun de ses ouvrages sont aussi indispensables à connaitre que de lire l’ouvrage et ce n’est nullement évident car ils répondaient à des préoccupations de leur époque et pas de la nôtre. Je ne veux pas dire que la lecture de Marx soit inutile mais je tiens à souligner qu’elle n’est pas faite pour répondre directement aux problèmes que nous pouvons nous poser aujourd’hui. Prétendre que, parce qu’on est toujours sous le capitalisme, le monde n’aurait pas fondamentalement changé, est complètement faux. Nos connaissances, nos philosophies, nos mœurs, nos références historiques ne sont plus du tout les mêmes et il faut en voir conscience pour éviter ces contresens.

Par exemple, il est facile de lire « La question juive » de Marx comme s’il répondait à la préoccupation de répondre au problème qui s’est posé pour l’oppression des Juifs à l’époque récente et ce n’est pas du tout le cas. Certains seraient même capables de le lire comme s’il s’agissait d’une œuvre antisémite ! L’objectif de Marx dans ce texte est de développer, à partir de la critique de la position idéaliste de Bruno Bauer, sa propre conception matérialiste de l’histoire. La question de religion est secondaire pour Marx dans cette étude et il s’agit, au contraire, pour lui de montrer que l’esssentiel est ailleurs dans la position de classe, fondée sur le rôle économique au sein du système dominant.

Pour Marx, contrairement à Bauer, il n’y a pas de réalité à l’expression « le Juif » fondée seulement sur la religion. Il n’y a pas de « Juif » hors du temps, de l’espace, d’une situation sociale et historique précise. Là où Bauer pense que l’idéologie du Juif (sa religion) est déterminante, Marx considère que sa position dans l’Europe héritière du féodalisme chrétien est bien plus déterminante. C’est leur rôle dans le mécanisme du prêt d’argent, de la finance, qui joue un rôle fondamental dans la situation, et du coup la conception des Juifs et des non-Juifs dans les villes allemandes et autrichiennes. Et il ne s’agit nullement là de la situation de tous les Juifs du monde….

En fait, loin de faire la critique du rôle du Juif allemand ou autrichien, Marx fait celle de la finance, de l’argent…

Pour Bauer, il y a « l’homme » dans toute son abstraction comme il y a « le Juif » ou « le Chrétien » et « le Protestant ». Il n’y voit aucune relation sociale liée à une époque et à une société. Par contre, il discute du droit de l’individu, de son idéologie comme si cela planait au dessus de la société réelle…

Marx refuse de s’en tenir aux conceptions du droit, de la justice, de la nécessité d’assimilation, tous les beaux sentiments sur lesquels se fondent les raisonnements de Bauer, entre l’idéalisme d’Hegel et les conceptions des Lumières… Il pose le fondement de sa conception selon laquelle les hommes sont d’abord déterminés non par ce qu’ils pensent d’eux-mêmes mais par leur rôle dans l’économie, par leurs relations sociales, par les rapports au sein du mode de production qui leur attribue un rôle particulier.

Cependant, la conception de Marx ne signifie pas qu’il verse dans l’économisme. Des adeptes comme Guesde sont ainsi passés de l’autre côté du cheval, prenant la radicalité de Marx pour une thèse du tout ou rien : ou la lutte directe pour le communisme ou rien, pas d’intervention ouvrière, pas d’intervention de lutte, pas de combat politique si ce n’est directement pour le communisme, traduit Guesde du marxisme…

Même les études économiques de Marx ont été mal comprises. On se souvient de la « loi d’airain des salaires », de déformation de la baisse tendancielle du taux de profit interprétée comme une baisse permanente ou de la chute de la petite bourgeoisie dans le prolétariat interprétée comme une disparition définitive de la petite bourgeoisie, du rôle unique du prolétariat interprété comme l’existence d’ « une masse petite bourgeoise fatalement réactionnaire », etc, etc…

Lisons les rectifications de Marx et d’Engels

L’économie seul facteur de l’Histoire pour le marxisme ?
Lettre de Engels à Bloch :

« D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré.
Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. Ce sont des causes historiques et, en dernière instance, économiques, qui ont formé également l’Etat prussien et qui ont continué à le développer. Mais on pourra difficilement prétendre sans pédanterie que, parmi les nombreux petits Etats de l’Allemagne du Nord, c’était précisément le Brandebourg qui était destiné par la nécessité économique et non par d’autres facteurs encore (avant tout par cette circonstance que, grâce à la possession de la Prusse, le Brandebourg était entraîné dans les affaires polonaises et par elles impliqué dans les relations politiques internationales qui sont décisives également dans la formation de la puissance de la Maison d’Autriche) à devenir la grande puissance où s’est incarnée la différence dans l’économie, dans la langue et aussi, depuis la Réforme, dans la religion entre le Nord et le Sud. On parviendra difficilement à expliquer économiquement, sans se rendre ridicule, l’existence de chaque petit Etat allemand du passé et du présent ou encore l’origine de la mutation consonnantique du haut allemand qui a élargi la ligne de partage géographique constituée par les chaînes de montagnes des Sudètes jusqu’au Taunus, jusqu’à en faire une véritable faille traversant toute l’Allemagne.
Mais, deuxièmement, l’histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d’un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu’elle est par une foule de conditions particulières d’existence ; il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. Je voudrais, en outre, vous prier d’étudier cette théorie aux sources originales et non point de seconde main, c’est vraiment beaucoup plus facile. Marx a rarement écrit quelque chose où elle ne joue son rôle. Mais, en particulier, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est un exemple tout à fait excellent de son application. Dans Le Capital, on y renvoie souvent. Ensuite, je me permets de vous renvoyer également à mes ouvrages Monsieur E. Dühring bouleverse la science et Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, où j’ai donné l’exposé le plus détaillé du matérialisme historique qui existe à ma connaissance. C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c’est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et pouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents “ marxistes ”, et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières. »

L’Etat bourgeois toujours au service du développement capitaliste ?
Lettre à Conrad Schmidt -
F. Engels -
27 octobre 1890

« La répercussion du pouvoir de l’Etat sur le développement économique peut être de trois sortes. Elle peut agir dans la même direction, alors tout marche plus vite, elle peut agir en sens inverse du développement économique, et de nos jours, elle fait fiasco chez chaque grand peuple au bout d’un temps déterminé, ou encore, elle peut fermer au développement économique certaines voies et lui en prescrire d’autres — ce cas se ramenant finalement à l’un des deux précédents. Mais il est clair que dans les deuxième et troisième cas, le pouvoir politique peut causer un grand dommage au développement économique et produire un gaspillage massif de force et de matière. (...) Donc, lorsque Barth prétend que nous aurions nié toute réaction des reflets politiques, etc., du mouvement économique sur ce mouvement même, il ne fait que se battre contre des moulins à vent. Il n’a qu’à regarder Le 18 Brumaire de Marx où il s’agit presque uniquement du rôle particulier joué par les luttes et événements politiques, naturellement dans la limite de leur dépendance générale des conditions économiques. Ou Le Capital, par exemple le chapitre sur la journée de travail, où la législation, qui est bien un acte politique, agit de façon si radicale. Ou encore, le chapitre sur l’histoire de la bourgeoisie (le 24e chapitre). Pourquoi luttons-nous donc pour la dictature politique du prolétariat si le pouvoir politique est économiquement impuissant ? La violence (c’est-à-dire le pouvoir d’Etat) est, elle aussi, une puissance économique ! (...) Ce qui manque à tous ces messieurs, c’est la dialectique. Ils ne voient toujours ici que la cause, là que l’effet. Que c’est une abstraction vide, que dans le monde réel pareils antagonismes polaires métaphysiques n’existent que dans les crises, mais que tout le grand cours des choses se produit sous la forme d’action et de réaction de forces, sans doute, très inégales, — dont le mouvement économique est de beaucoup la force la plus puissante, la plus initiale, la plus décisive, qu’il n’y a rien ici d’absolu et que tout est relatif, tout cela, que voulez-vous, ils ne le voient pas ; pour eux Hegel n’a pas existé… »

Ce que Marx pensait du réformisme de la social-démocratie :

« La social-démocratie allemande est-elle réellement infectée de la maladie parlementaire et croit-elle que, grâce au suffrage universel, le Saint-Esprit se déverse sur ses élus, transformant les séances des fractions parlementaire en conciles infaillibles et les résolutions des fractions en dogmes inviolables ? (…)
A en croire ces Messieurs, le parti social-démocrate ne doit pas être un parti exclusivement ouvrier mais un parti universel, ouvert à « tous les hommes remplis d’un véritable amour pour l’humanité ». Il le démontrera avant tout en abandonnant les vulgaires passions prolétariennes et en se plaçant sous la direction de bourgeois instruits et philanthropes « pour répandre le bon goût » et « apprendre le bon ton ». (…) Bref, la classe ouvrière par elle-même, est incapable de s’affranchir. Elle doit donc passer sous la direction de bourgeois « instruits et cultivés » qui seuls « ont l’occasion et le temps » de se familiariser avec les intérêts des ouvriers. (…) Le programme ne sera pas abandonné mais seulement ajourné – pour un temps indéterminé. (…)
Ce sont les représentants de la petite-bourgeoisie qui s’annoncent ainsi, de crainte que le prolétariat, entraîné par la situation révolutionnaire, « n’aille trop loin ». (…)
C’est un phénomène inévitable, inhérent à la marche de l’évolution, que des individus issus de la classe dominante se joignent au prolétariat en lutte et lui apportent des éléments constitutifs. Nous l’avons dit dans « Le Manifeste communiste », mais ici deux observations s’imposent :
1°) Ces individus, pour être tuiles au mouvement prolétarien, doivent vraiment lui fournir des éléments constitutifs d’une valeur réelle (…)
2°) Lorsque ces individus venant d’autres classes se joignent au mouvement prolétarien, la première chose à exiger est qu’ils n’y fassent pas entrer les résidus de leurs préjugés bourgeois, petits-bourgeois, etc, mais qu’ils fassent leurs, sans réserve, les conceptions prolétariennes. (…)
Quant à nous, eu égard à tout notre passé, une seule voie nous reste ouverte. Nous avons, depuis presque quarante ans, signalé la lutte des classes comme le moteur de l’histoire le plus décisif et nous avons notamment montré que la lutte sociale entre la bourgeoisie et le prolétariat était le grand levier de la révolution sociale moderne. Nous ne pouvons donc, en aucune manière, nous associer à des gens qui voudraient retrancher du mouvement cette lutte de classes. Nous avons formulé, lors de la création de l’Internationale, la devise de notre combat : l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Nous ne pouvons, par conséquent, faire route commune avec des gens qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se libérer eux-mêmes. (…) »

« Il conviendrait d’abandonner tout ce bavardage (de la social-démocratie allemande) sur l’État, surtout après la Commune, qui n’était plus un État, au sens propre. Les anarchistes nous ont assez jeté à la tête l’État populaire, bien que déjà le livre de Marx contre Proudhon, et puis le Manifeste communiste, disent explicitement qu’avec l’instauration du régime social socialiste, l’État se dissout de lui-même et disparaît. L’État n’étant qu’une institution temporaire dont on est obligé de se servir dans la lutte, dans la révolution, pour réprimer par la force ses adversaires, il est parfaitement absurde de parler d’un État populaire libre : tant que le prolétariat a encore besoin de l’État, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’État cesse d’exister comme tel. »

« Il conviendrait d’abandonner tout ce bavardage sur l’État, surtout après la Commune, qui n’était plus un État, au sens propre. Les anarchistes nous ont assez jeté à la tête l’État populaire, bien que déjà le livre de Marx contre Proudhon, et puis le Manifeste communiste, disent explicitement qu’avec l’instauration du régime social socialiste, l’État se dissout de lui-même et disparaît. L’État n’étant qu’une institution temporaire dont on est obligé de se servir dans la lutte, dans la révolution, pour réprimer par la force ses adversaires, il est parfaitement absurde de parler d’un État populaire libre : tant que le prolétariat a encore besoin de l’État, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’État cesse d’exister comme tel. »
Engels, Lettre à August Bebel, 1875.

« Marx et Engels se sont toujours élevés contre l’idée qu’il fallait « déradicaliser » le parti pour accroître ses effectifs et son influence sur les masses prolétariennes. On connaît la formule de Marx selon laquelle la théorie devient une force matérielle en s’emparant des masses, et pour ce faire elle doit être radicale. Toute leur lutte contre l’ouvriérisme (qui veut élargir le parti à toute la classe), contre l’anarchisme (qui veut diluer l’organisation dans la masse hétérogène du peuple) et enfin contre le réformisme naissant de la social-démocratie témoigne de ce que, pour conquérir les masses, la théorie et le parti, qui revendique le programme dans son intégralité par-delà les situations contingentes, doivent être radicaux. »

Dangeville dans l’introduction au parti de classe de Marx/Engels

Le Capital, un ouvrage économique sans philosophie ni conclusions révolutionnaires ?

Karl Marx dans sa lettre du 14 janvier 1858, par laquelle il rend compte de son travail préparatoire à la rédaction du « Capital » : « Dans la méthode d’élaboration du sujet, quelque chose m’a rendu grand service. J’avais refeuilleté, et pas par hasard, la « Logique » de Hegel. (…) Si jamais j’ai un jour du temps, j’aurais grande envie de rendre en un ou deux grands placards d’imprimerie accessible aux hommes de sens commun le fond rationnel de la méthode que Hegel a découverte, et en même temps mystifié."
"Sous sa forme rationnelle, la dialectique n’est, aux yeux de la bourgeoisie et de ses théoriciens, que scandale et horreur, parce que, outre la compréhension positive de ce qui existe, elle englobe également la compréhension de la négation, de la disparition inévitable de l’état des choses existant ; parce qu’elle considère toute forme sous l’aspect du mouvement, par conséquent aussi sous son aspect transitoire ; parce qu’elle ne s’incline devant rien et qu’elle est, par son essence, critique et révolutionnaire. »

Marx et Engels voulaient absolument diriger une organisation ?

Léon Trotsky dans "Moralistes et sycophantes contre le Marxisme" (1939) :

« Engels a écrit un jour que Marx et lui-même étaient restés toute leur vie en minorité et qu’ils s’en étaient toujours " bien trouvés ". Les périodes où le mouvement des classes opprimées s’élève au niveau des tâches générales de la révolution représentent les très rares exceptions de l’histoire. »

Des « versions » du marxisme diamétralement opposées à la conception de Marx

La social-démocratie, le stalinisme, le syndicalisme, le nationalisme radical et une certaine extrême gauche nous ont donné leur version du marxisme :

 l’internationalisme prolétarien remplacé par une solidarité entre nationalismes

 l’autonomie politique du prolétariat se basant sur des comités mis en place dans la montée de la lutte remplacée par un encadrement strict des organisations traditionnelles syndicales et politique

 l’Etat en voie de disparition de Marx remplacé par l’Etat en voie de renforcement sur le dos des prolétaires

 la conception historique de Marx, contradictoire, révolutionnaire, dialectique remplacée par la conception du progrès par étapes, réformiste, non dynamique, anti-historique

 la philosophie dialectique remplacée par le bon sens et le pragmatisme bourgeois ou petit bourgeois

 le marxisme transformé en religion

 le parti devenu le temple de cette religion

Pourquoi Marx estimait la dialectique indispensable pour comprendre l’économie ?

Marx et la dictature du prolétariat

Marx responsable du stalinisme et du maoïsme ?

Les interprétations opportunistes du marxisme

Autres lectures sur le marxisme

Messages

  • Engels eut à se prononcer sur ce point en traitant de l’inexactitude scientifique de la dénomination "social-démocrate".

    Dans la préface au recueil de ses articles des années 1870-1880, consacrés à divers thèmes, principalement "internationaux" (Internationales aus dem Volkstaat ), préface datée du 3 janvier 1894, c’est-à-dire rédigée un an et demi avant sa mort, il écrit que dans tous ses articles il emploie le mot "communiste", parce qu’à cette époque les proudhoniens en France et les lassaliens en Allemagne s’intitulaient social-démocrates.

    "Pour Marx comme pour moi, poursuit Engels, il y avait donc impossibilité absolue d’employer, pour exprimer notre point de vue propre, une expression aussi élastique. Aujourd’hui, il en va autrement, et ce mot ("social-démocrate") peut à la rigueur passer [mag passieren ] bien qu’il reste impropre [unpassend ] pour un parti dont le programme économique n’est pas simplement socialiste en général, mais expressément communiste, pour un parti dont le but politique final est la suppression de tout l’Etat et, par conséquent, de la démocratie. Au reste, les partis politiques véritables (souligné par Engels) n’ont jamais une dénomination qui leur convienne parfaitement, le parti se développe, la dénomination reste."

    Le dialecticien Engels, au déclin de ses jours, demeure fidèle à la dialectique. Marx et moi, dit-il, nous avions pour le parti un nom excellent, scientifiquement exact, mais il n’existait pas alors de parti prolétarien véritable, c’est-à-dire de parti prolétarien de masse. Maintenant (fin du XIXe siècle), il existe un véritable parti, mais sa dénomination est scientifiquement inexacte. N’importe, elle peut "passer" pourvu que le parti se développe, pourvu que l’inexactitude scientifique de sa dénomination ne lui échappe pas et ne l’empêche pas de se développer dans la bonne direction !

    Quelque plaisantin pourrait peut-être venir nous consoler à notre tour, nous autres bolchéviks, à la façon d’Engels : nous avons un parti véritable ; il se développe admirablement ; donc, ce nom absurde et barbare de "bolchevik" peut "passer", bien qu’il n’exprime absolument rien, sinon ce fait purement accidentel qu’au congrès de Bruxelles-Londres, en 1903, nous eûmes la majorité... Peut-être maintenant que les persécutions dont notre Parti a été l’objet en juillet-août 1917, de la part des républicains et de la démocratie petite-bourgeoise "révolutionnaire", ont rendu le mot "bolchevik" si honorable aux yeux du peuple : maintenant qu’elles ont en outre marqué l’immense progrès historique accompli par notre Parti dans son développement réel, peut-être hésiterais-je moi-même à proposer, comme je l’ai fait en avril, de changer la dénomination de notre Parti. Peut-être proposerais-je aux camarades un "compromis" : celui de nous appeler Parti communiste, tout en gardant, entre parenthèses, le mot "bolchéviks".

    Mais la question de la dénomination du parti est infiniment moins importante que celle de l’attitude du prolétariat révolutionnaire envers l’Etat.

    Dans les considérations habituelles sur l’Etat, on commet constamment l’erreur contre laquelle Engels met ici en garde et que nous avons signalée plus haut en passant ; on oublie constamment que la suppression de l’Etat est aussi la suppression de la démocratie, que l’extinction de l’Etat est l’extinction de la démocratie.

    Une telle assertion paraît, à première vue, des plus étranges et inintelligibles ; peut-être même certains craindront-ils que nous souhaitions l’avènement d’un ordre social où ne serait pas observé le principe de la soumission de la minorité à la majorité ; car, enfin, la démocratie n’est-elle pas la reconnaissance de ce principe ?

    Non. La démocratie et la soumission de la minorité à la majorité ne sont pas des choses identiques. La démocratie, c’est un Etat reconnaissant la soumission de la minorité à la majorité ; autrement dit, c’est une organisation destinée à assurer l’exercice systématique de la violence par une classe contre une autre, par une partie de la population contre l’autre partie.

    Nous nous assignons comme but final la suppression de l’Etat, c’est-à-dire de toute violence organisée et systématique, de toute violence exercée sur les hommes, en général. Nous n’attendons pas l’avènement d’un ordre social où le principe de la soumission de la minorité à la majorité ne serait pas observé. Mais, aspirant au socialisme, nous sommes convaincus que dans son évolution il aboutira au communisme et que, par suite, disparaîtra toute nécessité de recourir en général à la violence contre les hommes, toute nécessité de la soumission d’un homme à un autre, d’une partie de la population à une autre ; car les hommes s’habitueront à observer les conditions élémentaires de la vie en société, sans violence et sans soumission.

    C’est pour souligner cet élément d’accoutumance qu’Engels parle de la nouvelle génération "grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres" et qui sera "en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’Etat", de tout Etat, y compris celui de la république démocratique.

    signé Lénine

  • "La Commune, écrivait Marx, devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois."

    "Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante "devait représenter" et fouler aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d’ouvriers, de surveillants, de comptables pour ses entreprises."

    Cette remarquable critique du parlementarisme, formulée en 1871, est elle aussi aujourd’hui, du fait de la domination du social-chauvinisme et de l’opportunisme, au nombre des "paroles oubliées" du marxisme.

    Signé Lénine

  • En avril 1895, seulement quatre mois avant sa mort, Engels écrivit avec colère à Kautsky :

    « A mon étonnement, je vois aujourd’hui dans le Vorwaerts un extrait de mon introduction reproduit à mon insu, et arrangé de telle façon que j’y apparais comme un paisible adorateur de la légalité à tout prix. Aussi, désirerais-je d’autant plus que l’introduction paraisse sans coupure dans la Neue Zeit, afin que cette impression honteuse soit effacée. Je dirai très nettement à Liebknecht mon opinion à ce sujet, ainsi qu’à ceux, quels qu’ils soient, qui lui ont donné cette occasion de dénaturer mon opinion et qui plus est sans m’en avoir informé en aucune manière. »

    En octobre 1896, un peu plus d’un an après la mort d’Engels, Bernstein écrivit un article dont le sujet était « Problèmes du Socialisme » et qui marqua le début de sa répudiation ouverte du programme révolutionnaire du marxisme. Son article commençait par noter l’avancée rapide et l’influence croissante du mouvement socialiste en Europe. Même les partis bourgeois devaient prêter attention aux revendications avancées par les socialistes. Toutefois soutenait Bernstein, ces succès ne signifiaient pas que le socialisme était à la veille d’une victoire totale, il était certainement devenu nécessaire d’abandonner l’attitude largement négative prise par le mouvement socialiste à l’égard de la réalité existante. A la place, les socialistes devaient « aller de l’avant avec des propositions de réforme positive. »

    Comme Bernstein l’écrivit au congrès de Stuttgart du Parti social- démocrate en 1898 :

    « Je me suis opposé à la conception selon laquelle nous serions au seuil d’un effondrement imminent de la société bourgeoise, et à ce que la Social Démocratie puisse permettre que ses tactiques soient déterminées par, ou soit rendues dépendantes, de la perspective d’une catastrophe majeure prochaine de ce genre quelle qu’elle fût. Je maintiens cette conception dans tous les cas de figure. »

    Rosa Luxembourg, alors âgée de 27 ans, écrit Réforme sociale ou Révolution. Dans le premier chapitre de sa brochure, elle résume avec concision le problème fondamental que posait l’attaque du marxisme par Bernstein :

    « La théorie révisionniste est confrontée à une alternative : ou bien la transformation socialiste de la société est la conséquence, comme auparavant, des contradictions internes du système capitaliste, et alors l’évolution du système inclut aussi le développement de ses contradictions, aboutissant nécessairement un jour ou l’autre à un effondrement sous une forme ou sous une autre ; en ce cas, même les " facteurs d’adaptation " sont inefficaces, et la théorie de la catastrophe est juste. Ou bien les " facteurs d’adaptation " sont capables de prévenir réellement l’effondrement du système capitaliste et d’en assurer la survie, donc d’abolir ces contradictions, en ce cas, le socialisme cesse d’être une nécessité historique ; il est alors tout ce que l’on veut sauf le résultat du développement matériel de la société. Ce dilemme en engendre un autre : ou bien le révisionnisme a raison quant au sens de l’évolution du capitalisme - en ce cas la transformation socialiste de la société est une utopie ; ou bien le socialisme n’est pas une utopie, et en ce cas la théorie des " facteurs d’adaptation " ne tient pas. »

  • Un exemple qui montre que Marx ne raisonnait pas en en progressiste par étapes :

    Lire ici

  • « La social-démocratie allemande est-elle réellement infectée de la maladie parlementaire et croit-elle que, grâce au suffrage universel, le Saint-Esprit se déverse sur ses élus, transformant les séances des fractions parlementaire en conciles infaillibles et les résolutions des fractions en dogmes inviolables ? (…)

    A en croire ces Messieurs, le parti social-démocrate ne doit pas être un parti exclusivement ouvrier mais un parti universel, ouvert à « tous les hommes remplis d’un véritable amour pour l’humanité ». Il le démontrera avant tout en abandonnant les vulgaires passions prolétariennes et en se plaçant sous la direction de bourgeois instruits et philanthropes « pour répandre le bon goût » et « apprendre le bon ton ». (…) Bref, la classe ouvrière par elle-même, est incapable de s’affranchir. Elle doit donc passer sous la direction de bourgeois « instruits et cultivés » qui seuls « ont l’occasion et le temps » de se familiariser avec les intérêts des ouvriers. (…) Le programme ne sera pas abandonné mais seulement ajourné – pour un temps indéterminé. (…)

    Ce sont les représentants de la petite-bourgeoisie qui s’annoncent ainsi, de crainte que le prolétariat, entraîné par la situation révolutionnaire, « n’aille trop loin ». (…)

    C’est un phénomène inévitable, inhérent à la marche de l’évolution, que des individus issus de la classe dominante se joignent au prolétariat en lutte et lui apportent des éléments constitutifs. Nous l’avons dit dans « Le Manifeste communiste », mais ici deux observations s’imposent :

    1°) Ces individus, pour être tuiles au mouvement prolétarien, doivent vraiment lui fournir des éléments constitutifs d’une valeur réelle (…)

    2°) Lorsque ces individus venant d’autres classes se joignent au mouvement prolétarien, la première chose à exiger est qu’ils n’y fassent pas entrer les résidus de leurs préjugés bourgeois, petits-bourgeois, etc, mais qu’ils fassent leurs, sans réserve, les conceptions prolétariennes. (…)

    Quant à nous, eu égard à tout notre passé, une seule voie nous reste ouverte. Nous avons, depuis presque quarante ans, signalé la lutte des classes comme le moteur de l’histoire le plus décisif et nous avons notamment montré que la lutte sociale entre la bourgeoisie et le prolétariat était le grand levier de la révolution sociale moderne. Nous ne pouvons donc, en aucune manière, nous associer à des gens qui voudraient retrancher du mouvement cette lutte de classes. Nous avons formulé, lors de la création de l’Internationale, la devise de notre combat : l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Nous ne pouvons, par conséquent, faire route commune avec des gens qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se libérer eux-mêmes. (…) »

    Lettre circulaire de Karl Marx (1879)

    "Pour nous, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement."

  • « En outre, chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les Etats-Unis du nord de l’Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s’accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse :
    La terre et le travailleur. »

    Karl Marx Le capital Livre 1

  • « Le progrès est une idéologie, le devenir, une conception philosophique. Le « pro­­grès » dépend d’une mentalité déterminée, dans la constitution de laquelle en­trent certains éléments culturels historiquement déterminés ; le « devenir » est un con­cept philosophique, d’où peut être absent le « progrès ». Dans l’idée de progrès est sous-entendue la possibilité de mesurer quantitativement et qualitativement : plus et mieux. On suppose par conséquent une mesure « fixe » ou fixable, mais cette mesure est donnée par le passé, par une certaine phase du passé, ou par certains aspects mesurables, etc. (non qu’on pense à un système métrique du progrès). Comment est née l’idée de progrès ? Cette naissance représente-t-elle un fait culturel fondamental, important au point de faire époque ? Il semble que oui. La naissance et le développe­ment de l’idée de progrès correspondent à la conscience diffuse que l’on a atteint un certain rapport entre la société et la nature (y compris, dans le concept de nature, celui de hasard et d’ « irrationalité ») un rapport tel qu’il permet aux hommes, dans leur ensem­ble, d’être plus sûrs de leur avenir, de pouvoir concevoir « rationnellement » des plans embrassant l’ensemble de leur vie. Pour combattre l’idée de progrès, Leo­pardi doit recourir aux éruptions volcaniques, c’est-à-dire à ces phénomènes natu­rels qui sont encore « irrésistibles » et sans remède. Mais dans le passé, les forces irrésis­tibles étaient bien plus nombreuses : disettes, épidémies, etc. et, à l’intérieur de certai­nes limites, elles ont été dominées.

    Que le progrès ait été une idéologie démocratique, cela ne fait pas de doute, qu’il ait servi politiquement à la formation des États constitutionnels modernes, etc., de même. Qu’il n’ait plus aujourd’hui la même vogue, c’est vrai aussi ; mais en quel sens ? Non pas au sens où on aurait perdu la foi dans la possibilité de dominer ration­nel­le­ment la nature et le hasard, mais au sens « démocratique » ; c’est-à-dire que les « por­teurs » officiels du progrès sont devenus incapables de conquérir cette domina­tion, parce qu’ils ont suscité des forces actuelles de destruction aussi dangereuses et angoissantes que celles du passé (lesquelles sont désormais oubliées « socialement », sinon par tous les éléments sociaux, - car les paysans continuent à ne pas comprendre le « progrès », c’est-à-dire qu’ils croient être, et sont encore trop le jouet des forces na­tu­relles et du hasard, et qu’ils conservent donc une mentalité « magique », médié­vale, « religieuse ») comme les « crises », le chômage, etc. La crise de l’idée de progrès n’est donc pas une crise de l’idée elle-même, mais une crise des porteurs de cette idée, qui sont devenus « nature » à dominer eux aussi. »

    Gramsci

  • « Il n’est pas vrai que la situation économique est la seule cause active et que tout le reste n’est qu’un effet passif. Mais il y a une action réciproque sur la base de la nécessité économique qui finit toujours par l’emporter en dernière instance. L’État, par exemple, agit par la protection douanière, par le libre échange, par de bonnes ou de mauvaises finances, et même l’épuisement et l’impuissance mortelle des petits bourgeois allemands qui ressortait de la situation économique misérable de l’Allemagne de 1648 à 1830, qui se traduisit d’abord par le piétisme, puis par un sentimentalisme et par une servilité rampante devant les princes et la noblesse, ne fut pas sans effet économique. Ce fut un des plus grands obstacles au relèvement et il ne fut ébranlé que le jour où les guerres de la Révolution et de Napoléon eurent rendu aiguë la misère chronique. Il n’y a donc pas, comme on arrive parfois à se le figurer, une action automatique de la situation économique ; les hommes font eux-mêmes leur histoire, mais dans un milieu donné qui les conditionne, sur la base de rapports réels préexistants, parmi lesquels les rapports économiques, si influencés qu’ils puissent être par les autres rapports politiques et idéologiques sont en dernière instance les rapports décisifs et forment le fil conducteur qui permet seul de la comprendre.

    Les hommes font eux-mêmes leur histoire, mais jusqu’ici pas avec une volonté générale suivant un plan d’ensemble, même lorsqu’il s’agit d’une société donnée et tout à fait isolée. Leurs efforts s’entrecroisent et, justement à cause de cela, dans toutes ces sociétés domine la nécessité dont le hasard est le complément et la manifestation. La nécessité qui se fait jour à travers tous les hasards, c’est de nouveau finalement la nécessité économique. »

    Extraits d’une lettre de Karl Marx à Borgius (25 janvier 1894)

  • « Avant tout, il s’agit maintenir le véritable esprit international qui n’admet aucun chauvinisme patriotique et qui salue avec joie tout nouveau progrès du mouvement prolétarien, de quelque nation qu’il provienne. Si les ouvriers allemands continuent à agir ainsi, je ne dis pas qu’ils marcheront à la tête du mouvement — il n’est pas dans l’intérêt du mouvement que les ouvriers d’une seule nation quelconque marchent à sa tête... »

    Engels dans l’introduction à la guerre des paysans en Allemagne

  • « Tu es curieux de savoir d’où viennent les phrases obscures et confuses du programme ? Mais elles sont toutes l’incarnation de Liebknecht lui-même ; c’est à cause d’elles que nous nous disputons depuis des années avec lui et c’est devant elles qu’il est en extase. Au point de vue théorique, il a toujours eu des idées confuses et notre façon vigoureuse de formuler les choses reste pour lui une abomination. Comme ancien membre du Parti populaire, il aime aujourd’hui encore les phrases ronflantes qui permettent de penser ce qu’on veut, ou même de ne rien penser du tout. Si, à cette époque, des Français, des Anglais, des Américains à l’esprit confus parlaient de la « libération du travail » au lieu de la libération de la classe ouvrière, parce qu’ils n’en savaient pas plus long, si même dans les documents de l’Internationale, il fallait employer par ci, par là le langage de ces gens-là, Liebknecht y voyait une raison suffisante pour ramener de force la manière de s’exprimer du Parti allemand à ce même point de vue dépassé. Et, en aucune façon, on ne peut affirmer qu’il l’ait fait « en sachant que c’était faux », car, en fait, il n’en savait pas plus long et je me demande si ce n’est pas encore le cas à présent. En tous cas, aujourd’hui encore, il replonge à pleines mains dans cette vieille façon confuse de s’exprimer ; il faut reconnaître qu’on peut en tirer de meilleurs effets de rhétorique. Et comme il tenait aux revendications démocratiques fondamentales, qu’il croyait comprendre, au moins autant qu’aux principes économiques, qui n’étaient pas nets dans son esprit, il était certainement honnête quand il a cru avoir fait une affaire brillante en troquant les articles de l’arsenal démocratique contre les dogmes lassalliens. »

    Lettre de F. Engelsà A. Bebel
    (extraits)

    1° mai 1891

  • « La nationalité du travailleur n’est pas française, anglaise, allemande, elle est le travail, le libre esclavage, le trafic de soi-même. Son gouvernement n’est pas français, anglais, allemand, c’est le capital. L’air qu’il respire chez lui n’est pas l’air français, anglais, allemand, c’est l’air des usines. Le sol qui lui appartient n’est pas le sol français, anglais, allemand, c’est quelques pieds sous la terre. »

    (Karl Marx, « Critique de l’Économie nationale » 1845)

  • Marx : « Mais si je voulais réfuter tout ce qui a été dit ou écrit à mon sujet, il me faudrait employer vingt secrétaires. »

  • Kautsky à propos du projet du nouveau programme du parti social-démocrate autrichien :

    "Beaucoup de nos critiques révisionnistes imputent à Marx cette affirmation que le développement économique et la lutte de classe, non seulement créent les conditions de la production socialiste, mais engendrent directement la conscience(souligné par K.K.) de sa nécessité. Et voilà que ces critiques objectent que l’Angleterre, pays au développement capitaliste le plus avancé, est la plus étrangère à cette science. Le projet de programme donne à croire que la commission a élaboré le programme autrichien partage aussi ce point de vue soi-disant marxiste orthodoxe, que réfute l’exemple de l’Angleterre. Le projet porte : "Plus le prolétariat augmente en conséquence du développement capitaliste, plus il est contraint et a la possibilité de lutter contre le capitalisme. Le prolétariat vient à la conscience de la possibilité et de la nécessité du socialisme". Par suite, la conscience socialiste serait le résultat nécessaire, direct, de la lutte de classe prolétarienne. Et cela est entièrement faux. Comme doctrine, le socialisme a évidemment ses racines dans les rapports économiques actuels au même degré que la lutte de classe du prolétariat ; autant que cette dernière, il procède de la lutte contre la pauvreté et la misère masses, engendrées par le capitalisme. Mais le socialisme et la lutte de classe surgissent parallèlement et ne s’engendrent pas l’un l’autre ; ils surgissent de prémisses différentes. La conscience socialiste d’aujourd’hui ne peut surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique. En effet, la science économique contemporaine est autant une condition de la production socialiste que, par exemple, la technique moderne, et malgré tout son désir, le prolétariat ne peut créer ni l’une ni l’autre ; toutes deux surgissent du processus social contemporain. Or, le porteur de la science n’est pas le prolétariat, mais les intellectuels bourgeois (souligné par K. K.) : c’est en effet dans le cerveau de certains individus de cette catégorie qu’est né le socialisme contemporain, et c’est par eux qu’il a été communiqué aux prolétaires intellectuellement les plus développés, qui l’introduisent ensuite dans la lutte de classe du prolétariat là où les conditions le permettent. Ainsi donc, la conscience socialiste est un élément importé du dehors (Von Aussen Hineingetragenes) dans la lutte de classe du prolétariat, et non quelque chose qui en surgit spontanément (urwüchsig).Aussi le vieux programme de Hainfeld disait-il très justement que la tâche de la social-démocratie est d’introduire dans le prolétariat (littéralement : de remplir le prolétariat) la consciencede sa situation et la conscience de sa mission. Point ne serait besoin de le faire si cette conscience émanait naturellement de la lutte de classe. Or le nouveau projet a emprunté cette thèse à l’ancien programme et l’a accolée à la thèse citée plus haut. Ce qui a complètement interrompu le cours de la pensée..."

    Neue Zeit 1901-1902,

    Cité par Lénine dans "Que Faire ?"

  • Les socialistes falsificateurs de Karl Marx

    La campagne du cinquantième anniversaire de la mort de Marx se déroule chez les socialistes sous le signe du « retour à Marx ». La C.A.P., d’abord avec la Fédération de la Seine, organise une fête commémorative à Paris. Dans le Populaire, Amédée Dunois consacre à Marx toute une « Vie du Parti » qui est adressée à tous les membres du parti socialiste. Des réunions sont prévues aussi dans La province.

    Les socialistes veulent, ainsi faire croire aux masses qu’ils sont un parti marxiste.

    Les temps ont bien changé… Il y a à peine trois ou quatre ans que les députés socialistes, Montagnon, Déat, après le député socialiste Moch, ont « réfuté, et enterré » Marx.

    « Marx reste un grand bonhomme. Mais la plupart de ses déductions apparaissent fausses. Il s’est trompé dans ses prévisions » — écrivait Montagnon en 1929.

    « Que reste-t-il des conceptions marxistes si les crises peuvent, par la rationalisation cartellisée, être surmontées ou, tout au moins, efficacement contrebattues » — écrivait un an après Déat.

    Moch, lui, démontrait tout simplement en 1927, salué par Blum, que les crises sont presque impossibles dans le « nouveau » régime capitaliste.

    « Il est aussi difficile de parler de crises de surproduction en régime rationnel (sic !) que d’en concevoir en régime socialiste ».

    Comme conclusion de leurs attaques contre Marx, les révisionnistes proposaient le rejet de la conception de Marx, de sa théorie de la dictature du prolétariat, c’est-à-dire de l’âme même du marxisme.

    « Il conviendrait, peut-être, que nous en finissions avec une autre routine, inattendue, paradoxale, et plus malfaisante qu’elles toutes : la routine révolutionnaire » — écrit Déat.

    Montagnon posa le problème d’une façon particulièrement nette :

    « Il s’agit de savoir si le jeu des forces économiques doit amener fatalement la transformation révolutionnaire de la société capitaliste en société socialiste. Eh bien ! Nous ne croyons plus à cette fatalité. »

    Dans ce cas, l’expression même de révolution est à rejeter. « Si l’on constate qu’on n’est pas, qu’on ne peut pas être révolutionnaire, pour quoi, répéter si souvent cette expression imprécise et dangereuse ? »

    Il est utile de mettre ces quelques extraits — on pourrait les multiplier à l’infini — pour leur montrer quelle est l’attitude du parti socialiste de ses dirigeants, envers Marx : nulle part ces idées contre-révolutionnaires ne furent désavouées et condamnées par ce parti « marxiste ».

    Mais la crise économique mondiale a brisé en morceaux les prévisions et les conceptions des apologistes du capital de la S.F.I.O. sur la « fin des crises » et sur le passage pacifique au socialisme.

    L’approfondissement de la crise économique dans les pays capitalistes et les succès simultanés de l’édification, socialiste en U.R.S.S. obligent les socialistes à modifier, leur attitude envers le marxisme qui est ainsi confirmé brillamment dans tous ces points. Le chômage et la misère accrue des masses, l’aggravation des antagonismes de classe, la poussée révolutionnaire créent un milieu par trop défavorable aux théories révisionnistes ouvertes, à l’apothéose du « nouveau capitalisme organisé » et de ses bienfaits. C’est pour retenir les masses sous leur influence que les chefs socialistes adoptent à nouveau des formules révolutionnaires et se présentent comme disciples de Marx.

    Dans la dernière période, les déclarations de fidélité au marxisme abondent dans le parti socialiste. Paul Faure remplit de ses condamnations du capitalisme et du révisionnisme les colonnes du « Populaire » ; ses déclarations voisinent d’ailleurs avec des articles participationnistes les plus plats. Lebas part en guerre contre le « néo-socialisme » de Déat, Marceau Pivert menace le capitalisme de la dictature du prolétariat.

    Enfin, pour coordonner ce travail d’escamotage et de duperie démagogique, Séverac lance « Le Parti socialiste, ses principes et ses tâches ».

    Par contre, Séverac veut être orthodoxe marxiste à 100 p. 100.

    « Je voudrais qu’on ne trouvât rien dans ce petit livre qui fût nouveau ; rien qui ne fût fidèle aux idées maîtresses de ce socialisme marxiste, duquel toi (Paul Faure) et moi nous nous obstinons à nous réclamer ».

    Mais déjà, dans ce désir de ne rien ajouter de neuf au marxisme se manifeste l’abandon du marxisme par Séverac et tous les autres. Séverac se refuse à voir de profondes modifications survenues dans le capitalisme, sa nouvelle phase impérialiste, il se détourne de la révolution russe, de l’édification socialiste dans l’Union soviétique.

    Dans son exposé « marxiste », Séverac traite de tout : on y trouve des dissertations sur la morale, sur la religion, sur l’avenir des coopératives, sur le luxe, sur l’art, sans parler de la dédicace où Séverac considère comme indispensable de nous faire connaître en détails sa biographie jusqu’au moment de l’éclosion de son manuel.

    Seulement, la place lui a manqué pour parler de la révolution prolétarienne et de l’édification socialiste en U.R.S.S. Or, Marx considérait le problème de la révolution comme problème « central » de sa doctrine, mais le marxiste Séverac a « oublié » exactement cette partie des enseignements de Marx.

    De la même façon, l’autre « marxiste, » ; Durnois ne trouve pas de place dans son exposé du marxisme, pour la théorie marxiste de l’État.

    Ce n’est pas un hasard, c’est une méthode de falsification du marxime. Ils ne font qu’imiter le vieux renégat. Kautsky, démasqué et cloué au pilori par Lénine dans son pamphlet génial : « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky »

    Il ne fait qu’imiter son véritable maître, le renégat Kautsky.

    Tout ce que Lénine écrit sur Kautsky s’applique parfaitement à Séverac et à Dunois et à tous les assassins.

    « Du marxisme, Kautsky prend ce gui est admissible pour les libéraux, pour la bourgeoisie (critique du moyen âge, rôle historique utile du capitalisme, en général, et de la démocratie capitaliste, en particulier), et jette par-dessus bord, passe sous silence ou laisse dans l’ombre ce qui, dans le marxisme, est « inadmissible » pour la bourgeoisie (violence révolutionnaire du prolétariat contre la bourgeoisie jusqu’à l’anéantissement final de cette dernière. Voilà pourquoi, par la position qu’il occupe en fait, et quelles que puissent être ses conditions subjectives, Kautsky est inévitablement un laquais de la bourgeoisie. »

    L’Humanité, 14 mars 1933

  • Mais alors que dit vraiment Marx dans « La Question juive » ?

  • Leó Frankel l’explique dans « Karl Marx, penseur et agitateur » :

    Dans son travail intitulé : De la question juive, qui est une critique de l’étude de Bruno Bauer sur la même question, et dans celui intitulé : De l’aptitude des juifs et des chrétiens d’aujourd’hui à s’affranchir. Marx, contrairement à Bauer, considère la question juive non comme religieuse ou théologique, mais bien comme laïque.
    La religion est d’après Marx la conscience qu’a l’homme de soi-même. Ce n’est pas la religion qui fait l’homme, mais au contraire l’homme qui fait la religion. L’homme en tant qu’être collectif, c’est-à-dire la société, l’Etat « produisent la religion, une conscience du monde intervertie, parce qu’ils constituent eux-mêmes un monde renversé ». (Introduction à la critique de la philosophie de Hegel). La religion est donc considérée par lui non comme la cause, mais comme la manifestation de l’étroitesse d’esprit universelle. « L’émancipation politique de l’homme religieux consiste par suite à émanciper l’Etat de la religion. L’Etat en tant qu’Etat s’émancipe de la religion en s’émancipant de la religion d’Etat, c’est-à-dire en ne reconnaissant en tant qu’Etat aucune religion. »
    « Quel est le fond temporel du judaïsme, demande Marx ? » Et il répond : « C’est le besoin matériel, l’intérêt personnel. Le judaïsme atteint son apogée dans l’achèvement de la société bourgeoise, dont le principe est également le besoin matériel, l’égoïsme, mais la société bourgeoise n’arrive à son expression complète que dans le monde chrétien. »
    Le christianisme est sorti du judaïsme mais a été absorbé de nouveau par lui. Le chrétien fut tout d’abord le juif théorisant, c’est pourquoi le juif est un chrétien pratique, et le chrétien est redevenu juif. Non seulement dans le Pentateuque ou dans le Talmud, mais encore dans la société actuelle, nous retrouvons l’essence du juif contemporain, non seulement dans l’étroitesse du juif, mais aussi dans l’étroitesse juive de la société. La nationalité chimérique du juif, c’est la nationalité du marchand, et en général de l’homme d’argent.
    Marx ne dit pas comme Bruno Bauer, qu’à moins de s’émanciper radicalement du judaïsme les juifs ne pourront s’émanciper politiquement, il prétend que précisément parce qu’ils peuvent s’émanciper politiquement sans dépouiller complètement le judaïsme, l’émancipation politique en elle-même ne sera pas l’émancipation de l’homme. « L’émancipation sociale du juif, écrit Marx, en terminant la Question juive, se fera le jour où la société se libérera du judaïsme. »

  • La social-démocratie se prétendait marxiste. Dès ses débuts, Marx a rectifié ce mensonge.

    L’un des ouvrages fondamentaux de Karl Marx où l’on voit clairement comment il combattait les illusions petites bourgeoises dans le programme du Parti Ouvrier allemand :

    Karl Marx, dans « Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand »

    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500a.htm

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