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Témoignages sur la grève de mai 68
vendredi 1er mars 2013, par
Ce qui est remarquable en 1968, c’est qu’il n’y a pas eu des grèves, entreprise par entreprise, mais UNE grève !
La grève à Citroën
La presse témoigne à sa manière
Mai 68 à Renault (film d’archive)
La reprise du travail aux usines Wonder (le film)
La reprise du travail à Renault Billancourt
Mai 68 à Nantes - Le centre n’était pas forcément à Paris
La grève de Rhodiaceta en 1967
Mai-Juin 1968 à Peugeot Sochaux
La grève de Mai - juin 1968 chez Alsthom en banlieue parisienne racontée par un gréviste
1968, mai-juin 68 Creusot-Loire en lutte !
1968 : la mobilisation trahie
En mai 1968, tout en organisant de fait la grève générale afin d’empêcher de se laisser déborder par le mouvement spontané, la CGT a dans le même temps démobilisé en s’opposant à l’occupation massive et effective des usines comme en juin 1936. Du coup, il ne lui a pas été trop difficile de faire reprendre le travail malgré la minceur des concessions patronales et gouvernementales, malgré aussi l’échec politique puisque le ras-le-bol du régime gaulliste qui était pour une bonne part dans le déclenchement de la révolte n’eut aucun débouché immédiat. Qui a donné un coup d’arrêt à la grève générale ouvrière de mai-juin 1968 ? Les syndicats et, en premier, la CGT.
En 1967 et pendant les premiers mois de 1968, une série de grèves, d’occupations et de confrontations avec les forces de l’ordre" montra que la classe ouvrière devenait de plus en plus combative.
En février 1967, à l’usine Rhodiaceta de Besançon, 3200 travailleurs firent grève contre les menaces de chômage ; le mouvement s’étendit rapidement aux autres usines Rhodia, notamment à Lyon, et aux filiales Cellophane et Nordsyntex. La majorité des grévistes refusa un accord avec le patronat et maintint la grève. 300 gardes mobiles occupèrent alors l’usine.
A la rentrée de la même année, des grèves éclatèrent au Mans et à Mulhouse en protestation contre les ordonnances et le chômage. Au Mans les CRS encerclèrent la ville. A Mulhouse, la préfecture fut attaquée par les manifestants.
En janvier 1968 à Caen, les 4800 travailleurs de l’usine SAVIEM se mirent en grève pour une hausse de salaires, passant rapidement à l’occupation de l’usine. Armés de frondes et de matraques, les jeunes travailleurs (la moyenne d’âge était de 25 ans) participèrent à plusieurs affrontements avec les CRS. Liée au soutien massif venu d’autres travailleurs de la ville, cette volonté de lutte montra clairement que des sections de la jeunesse ouvrière étaient prêtes à en découdre avec le patronat.
En 1966, les salaires des travailleurs français étaient les plus bas de la CEE, les semaines de travail les plus longues (jusqu’à 52 heures dans certaines branches !), et les impôts les plus élevés.
Pour mieux faire face à la fin des "trente glorieuses" qui s’annonçait à l’échelle mondiale, notamment lors de la crise de l’étalon-or, de la dévaluation de la livre britannique en 1967, et de la levée des contrôles douaniers au sein de la CEE prévue pour juillet 1968, le gouvernement Pompidou prépara de nouvelles attaques.
A partir de mars 1967, il commença à rédiger des ordonnances pour faire passer les pires attaques, notamment contre la Sécurité Sociale et l’emploi.
Les syndicats montrèrent à plusieurs reprises leur capacité à mobiliser les travailleurs, notamment autour de la Sécurité Sociale. Ainsi, le 13 décembre 1967, des millions de travailleurs participèrent à une journée d’action organisée par toutes les centrales syndicales pour protester contre le chômage et les attaques.
Malgré le succès de cette journée, la quatrième protestation du genre, les syndicats ne proposèrent rien, sinon une nouvelle journée d’action... en mai 1968.
C’est la lutte des étudiants qui allait démontrer que le pouvoir fort dont parlaient les syndicats pour refuser d’entrer en lutte était un mythe. Le 11 mai, le général De Gaulle cédait au mouvement étudiant.
Le 13 mai entre 600.000 et 1 million de manifestants défilèrent dans une énorme manifestation de solidarité entre syndicats et étudiants. Partout dans le pays, des millions de travailleurs firent grève, suivant les mots d’ordres des centrales syndicales. Le mouvement, d’abord limité aux seuls étudiants, devint un mouvement de classe et un mouvement national.
Cela aurait pu être la fin de l’histoire. Les dirigeants syndicaux espéraient utiliser l’élan des étudiants pour renforcer leur campagne contre les ordonnances sur la Sécurité Sociale, mais sans chercher à se servir des moyens politiques d’occupation et de manifestation employés par les jeunes. Loin de là. C’est sous la forme d’une pétition que les syndicats lancèrent leur campagne, le 15 mai !
Pourtant, à Sud-Aviation (Nantes), où un conflit salarial qui devrait duré plusieurs mois, les travailleurs, encouragés par la victoire étudiante décidèrent d’en découdre. Le 14 mai, ils lancèrent une occupation et enfermèrent le directeur et ses sbires dans leurs bureaux.
Le lendemain la grève éclatait à Renault Cléon. Le 16 mai, c’était le tour de Renault Billancourt, à l’époque le symbole de la classe ouvrière autant que celui de sa direction stalinienne. Encore une fois, ce furent les jeunes travailleurs qui lancèrent le mouvement, contre la pression des dirigeants syndicaux.
Très rapidement, la classe ouvrière presque toute entière se mit en grève. Parmi 15 millions de travailleurs, près des deux-tiers firent grève. Plus de 4 millions pendant trois semaines, plus de 2 millions pendant un mois.
Les revendications étaient diverses : hausses de salaires, contre l’autoritarisme des patrons, pour la défense de la Sécurité Sociale. La grève toucha toutes les couches de la société.
Puis, Michelin, Peugeot, Citroën, les ports et les mines déclarèrent la grève totale. Les journaux, puis l’ORTF, l’Opéra, l’Odéon, les chauffeurs de taxi et même les laboratoires du Commissariat à l’Energie Atomique de Saclay où des conseils ouvriers furent organisés, se mirent de la partie. De même, certains secteurs paysans soutinrent la grève.
Pompidou entama les négociations de Grenelle. Les dirigeants syndicaux se sentaient à l’aise. Ils comprenaient bien le sens de la négociation, et, eux aussi, voulaient qu’elle aboutisse, pour mieux retrouver leur emprise sur les travailleurs et leur rôle d’interlocuteur auprès du gouvernement.
A partir du 27 mai, la tâche des dirigeants syndicaux fut de vendre l’accord. A Billancourt, Séguy, dirigeant de la CGT, fut hué par les jeunes travailleurs qui rejetèrent la pauvre augmentation de 7% et le retrait de certaines attaques contre la Sécurité Sociale ou l’âge de la retraite, fruits pourris des compromissions des directions syndicales.
Partout ce fut la même histoire : la reprise ne se faisait pas. Craignant le débordement, le 29 mai, le PCF et la CGT appelèrent une nouvelle fois à manifester. 600.000 personnes descendirent dans la rue, scandant "gouvernement populaire".
Cela signifiait que la gauche et les syndicats indiquaient que la voie n’était pas dans la grève générale ouvrière mais dans les élections... C’était surtout la voix de salut pour le pouvoir !
La première urgence était d’assurer le contrôle des travailleurs sur leur propre mouvement, pour faire barrage à toute tentative de la bureaucratie ouvrière de vendre la grève. Il fallait lutter pour des assemblées générales dans les entreprises et pour l’élection de comités de grève, élus et révocables. (extrait de P.O.)