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Les contradictions de la révolution du monde arabe et du Magreb – rapide bilan d’étape de la vague révolutionnaire

lundi 18 mars 2013, par Robert Paris

Les contradictions de la révolution du monde arabe et du Magreb – rapide bilan d’étape de la vague révolutionnaire

Tout d’abord une contradiction déterminante : la révolution a été causée par l’effondrement économique initiée en 2007-2008 dans les grands pays capitalistes mais la vague ne les a pas touchés pour l’essentiel grâce à la politique économique d’aide massive des Etats qui a retardé une grande partie des effets sociaux de la chute économique dans cette partie du monde… momentanément !

Ensuite relevons les contradictions de la bourgeoisie arabe et maghrébine dues à leur dépendance sociale, économique et politique (militaire même) de l’impérialisme, contradictions de la grande bourgeoisie arabe face à la révolution car liée à l’impérialisme, se protégeant derrière les dictatures et en profitant, contradictions entre son prétendu modernisme et ses liens avec le féodalisme, même dépendance non dépassée avec la religion, contradictions de l’impérialisme dans ses liens avec l’islamisme dit modéré ou partisan de l’ordre, contradictions de l’attitude même de l’impérialisme vis-à-vis de la révolution arabe, contradictions des aspirations populaires par exemple de la paysannerie qui veut à la fois améliorer son sort et compte pour cela sur les bourgeois islamistes dans ce n’est nullement le but, contradictions des buts des masses ouvrières qui se tournent à la fois vers la révolution et vers les syndicats alors que ces derniers ne mènent pas l’action révolutionnaire, contradictions des buts des femmes qui se tournent les unes vers les islamistes pour les protéger des offenses de la modernité et les autres vers la modernité pour les protéger des offenses des islamistes alors que les deux voies sont bouchées, contradictions de la jeunesse qui elle aussi est déchirée entre ces deux faux pôles de la révolution puisqu’il n’y a rien de mieux à attendre des islamistes que des démocrates bourgeois ni en termes sociaux ni en termes politiques, etc, etc… Ces contradictions ne sont pas des malheurs, des tromperies, des bêtises, des erreurs à corriger, des défauts. Elles sont les éléments réels de l’affrontement qui continue de se dérouler et qui donne à la lutte son caractère dynamique et imprédictible… Tant pis pour les rationalistes qui croient que l’important serait d’avoir des solutions et d’en conscientiser les masses alors que l’important est l’action des masses elles-mêmes et les leçons que ces luttes leur permettent de tirer qui préparent le bond en avant suivant…

Ces contradictions correspondent chacune des classes et chacun des groupes sociaux de la société et elles ne sont pas les mêmes pour les diverses organisations sociales. N’en déplaise aux religieux, aux démocrates, aux formations politiques, dans leurs combats, ce qui détermine les grands groupes humains, dans le monde arabe et au Maghreb comme dans le reste du monde, ce sont des classes sociales. Certes, on peut retrouver des membres de toutes les classes sociales sur la place Tahrir, dans la rue, dans l’émeute, dans un groupe de démocrate comme dans un parti islamiste mais, collectivement, ils n’y sont pas pour les mêmes raisons, avec les mêmes buts ni avec le même effet social…. C’est déjà l’une des contradictions de la situation : une unité de façade contre la dictature, une unité politique de façade, pour ou contre les islamistes, pour ou contre les démocrates, etc, et derrière cette unité factice des intérêts de classe plus que jamais irréconciliables…

La révolution elle-même est l’explosion de ces contradictions de classe et pourtant elle se réalise par l’union des classes sous de multiples formes : dans la manifestation, dans l’association, dans la révolte, dans l’organisation politique soutenue et combattue, dans les revendications portées au public, etc…

La révolution n’a pas spontanément conscience de son caractère de classe ni de ses perspectives de classe…

Les classes sociales déterminent la naissance et le développement, les perspectives de la révolution mais les masses révolutionnaires sont très loin de considérer la révolution consciemment d’un point de vue de classe et croient même qu’il faut absolument le dépasser pour accéder à l’ « intérêt général », national, citoyen, démocratique, etc…

La révolution est le produit de l’éclatement et de l’impossibilité de l’unanimité sociale et politique mais elle n’a spontanément pas d’autre effet que de rechercher absolument de construire une nouvelle unanimité sociale et politique…

Les catégories sociales et politiques qui ont cours dans les révolutions spontanées n’ont nullement la même signification selon les classes et les couches sociales qui y adhèrent : la démocratie, l’islamisme, le développement économique, le nationalisme sont des objectifs qui ne signifient nullement la même chose pour les travailleurs des villes, pour les paysans, pour les petits bourgeois et pour la bourgeoisie, même si ces buts les amènent à soutenir ou à combattre les mêmes courant politiques et sociaux. Ainsi, les frères musulmans ou ceux qui les soutiennent dans ces diverses classes et couches sociales ont des raisons différentes et parfois diamétralement opposées de le faire. Cela entraîne de profonds contresens sur la nature des événements et des évolutions dans nombre d’analyses….

Certains en arrivent à dire que l’arrivée au pouvoir des islamistes a été l’aboutissement de la révolution du monde arabe et du Maghreb. En fait, aucun groupe, aucune classe sociale n’est intégralement pour ni intégralement contre les islamistes. Pas même l’impérialisme qui s’était dit violemment contre la venue au pouvoir des islamistes, prétendant mener des guerres contre elle et qui l’ont cependant soutenue pour parvenir à un retour à l’ordre et parce que la direction des islamistes dits modérés soutient à fond le maintien de la dictature de classe…

L’existence des contradictions dans la révolution sociale n’est pas un fait à regretter, le simple produit d’une tromperie, c’est la base même de l’événement révolutionnaire, au sens où ce sont ces contradictions qui produisent l’explosion sociale, qui unifient aussi le peuple et rendent la dictature politique renversable. Sans l’unité populaire sur des bases confuses mais dynamiques, pas de chute du tsar de Russie, de l’empereur d’Ethiopie ou d’Iran, du dictateur militaire du Mali, du Raïs d’Egypte ou de Ben Ali. Pas de chute non plus de la monarchie dans la Révolution française ou dans les révolutions bourgeoises en Europe. Pourtant, les buts des classes en lutte dans toutes ces révolutions étaient tout sauf convergentes si elles étaient exprimées en clair en termes de classe…

La signification de ces révolutions, la mesure de leur bilan, leurs perspectives ne peuvent être envisagées qu’en terme de classe même si aucun courant (social ou politique) ne les exprimait en ces termes.

Les réponses données par l’impérialisme, par la grande bourgeoisie, par la petite bourgeoisie comme par le prolétariat ne peuvent pas être appréciés en vertu de critères fallacieux qui négligent les classes comme le nationalisme, la démocratie, la religion ou d’autres idéologies interclassistes.

Par exemple, il était courant de dire que l’impérialisme occidental combattait virulemment et même violemment la venue au pouvoir de partis islamistes du type des frères musulmans et pourtant l’impérialisme occidental n’a soutenu la mise au pouvoir que des partis musulmans dans tous ces pays. Le drapeau anti-islamiste de l’impérialisme n’est donc qu’un affichage mensonger d’autres objectifs sociaux et politiques.

Le brouillage des cartes de la politique impérialiste est un élément important de la confusion sociale des révolutions. Ainsi, en cours de route, l’impérialisme occidental, qui avait été prise de cours par la révolution du monde arabe et de Maghreb, a fini par se présenter comme l’aile marchante de la démocratie dans la région en prenant la tête d’attaques contre des dictatures comme celle de Lybie et de Syrie, modifiant ainsi complètement la perception des objectifs, des risques et des perspectives de la révolution chez tous les peuples qui n’avaient pas encore été jusqu’à renverser le pouvoir.

L’impérialisme n’est pas le seul à brouiller les cartes. Même les couches opprimées se masquent à elles-mêmes leurs vrais objectifs ou acceptent qu’ils soient masqués par tous les courants politiques et sociaux, par l’Etat, le gouvernement, les partis comme les syndicats.

Les couches de la petite bourgeoisie sont les premières à rechercher l’influence populaire et à clamer des objectifs qui prétendent dépasser les buts de classe. Il n’y a pas meilleur défenseur des buts supra-classistes (comme la religion, la démocratie, la nation) que la petite bourgeoisie des villes et de ses milieux les plus populaires, particulièrement de sa jeunesse. Ce sont des éléments dynamiques qui, justement à cause de leur assurance que la société n’existe que pour leur réussite personnelle, les rendent d’autant plus actifs qu’ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir, les murs sociaux qui enferment la société.

La classe ouvrière et la paysannerie sont d’autant plus lourds au changement qu’ils sont plus marqués par cette dictature sociale bien plus résistante que les régimes politiques… L’effondrement des dictatures a été principalement causé par leur entrée en mouvement. Mais, en même temps, cet effondrement a été causé par l’action des appareils militaires, policiers, bourgeois, impérialistes qui ont préféré essayer d’interrompre le cours révolutionnaire en se débarrassant du dictateur.

La révolution reste malgré tout en marche mais le prolétariat s’est replié, pour le moment et pour l’essentiel, sur ses revendications particulières plutôt que de se lancer dans la participation massive à la politique et dans la mise en place d’organisations politiques de masses, de conseils et de comités et d’y prendre des décisions politiques… Des organisations syndicales combatives ou des partis politiques radicaux ne peuvent nullement remplacer l’initiative autonome des masses au travers de comités qui est la condition de la marche en avant de la révolution autant que l’est l’extension à un nombre de plus en plus grand de pays, la conscience du caractère mondial de cette vague révolutionnaire et la conscience qu’elle va devoir emporter dans la tombe le système capitaliste mondial…

Profitant de cette première limitation sociale du mouvement, l’impérialisme y a donné son empreinte en prenant la tête de guerres impérialistes pour renverser des régimes dont elle souhaitait se débarrasser en Syrie et en Libye et montrer à toutes les classes bourgeoises arabes, d’Algérie comme du Liban, du Maroc comme des principautés pétrolières, qu’elles ne peuvent pas se libérer de l’emprise impérialiste en arguant de la menace révolutionnaire... L’impérialisme a ainsi endiguer la première phase de la révolution. On verra ce qu’il en sera de la seconde car il est évident que la révolution n’est pas finie ni en Egypte, ni en Tunisie, ni au Bahrein, ni en Arabie saoudite, ni en Algérie, même si les classes dirigeantes tentent d’y lâcher du lest sur le terrain politique, social ou sociétal...

L’avenir est à la révolution sociale et l’avenir de celle-ci est dans l’intervention directe des masses sur le terrain politique à l’aide de comités se fédérant et prenant les décisions et pas au travers de la démocratie bourgeoise...

Messages

  • Des dizaines de Tunisiens se sont rassemblés jeudi à Tunis et dans la région de Sidi Bouzid pour dénoncer l’assassinat d’un député d’opposition Mohamed Brahmi, accusant le parti islamiste Ennahda au pouvoir. "La Tunisie est libre, les frères dégagent", ont-ils scandé en référence au lien d’Ennahda avec la confrérie des Frères musulmans en Égypte. "Ghannouchi assassin", "Ennahda doit tomber aujourd’hui", "l’Assemblée constituante doit être dissoute", ont crié les manifestants en colère qui ont commencé à se rassembler sur l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis aussitôt la nouvelle de l’assassinat connue.

    "Les commanditaires de ce crime ont choisi le jour où les Tunisiens fêtent la République pour perpétrer un deuxième assassinat politique" après la révolution, a lâché un manifestant s’identifiant comme Mohamed B. "C’est un complot contre le pays et le gouvernement en assume la responsabilité par l’absence de vigilance", a renchéri Fethi Mouelhi. "Pourquoi ce coup de poignard durant le ramadan ? Quel message veut-on nous transmettre ?" s’interroge une femme en pleurs.

    Dans le même temps, des manifestations ont éclaté à Sidi Bouzid, ville natale de Mohamed Brahmi, où des centaines de personnes ont laissé éclater leur colère contre le chef du parti d’Ennahda, Rached Ghannouchi. "Ghannouchi assassin", "À bas le parti des frères (musulmans), à bas les tortionnaires du peuple", ont-ils scandé. Dans la même région, des milliers ont envahi les rues de Menzel Bouzaiene, avant de mettre le feu au siège local du parti Ennahda.

  • La répression violente qui frappe aujourd’hui les pays qui ont connu des révolutions « arabes », les actions de l’armée nationale, celle des armées étrangères, les bombardements des civils, le fascisme se couvrant de l’Islam pour mener des actions qui terrorisent les populations, tout cela démontre une chose : il n’y a pas de transition pacifique de la dictature féroce des classes dirigeantes vers une société plus juste. Il ne suffit pas pour la jeunesse, pour les milieux populaires, de manifester, de revendiquer, de se révolter. Il faut renverser le pouvoir d’Etat et les classes dirigeantes et pas le seul dictateur.

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