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L’Internationale Communiste aux I. W. W. (Travailleurs Industriels du Monde)

lundi 27 mai 2013, par Robert Paris

L’Internationale Communiste aux I. W. W. (Travailleurs Industriels du Monde)

Janvier 1920

Camarades et Frères ouvriers,

Le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste réuni à Moscou, au cœur de la Révolution russe, salue en les Travailleurs Industriels du Monde (I. W. W.) le prolétariat révolutionnaire d’Amérique.

Le Capitalisme, ruiné par la guerre mondiale, incapable de contenir plus longtemps les forces immenses qu’il a créées, est à son déclin.

L’heure de la classe ouvrière sonne. La révolution sociale est commencée et son premier combat d’avant-garde s’est livré en Russie.

L’histoire ne nous a pas demandé si nous le voulions ou non, si nous étions prêts ou non. L’occasion s’offre à nous. Saisissons-la et le monde appartiendra aux travailleurs ; laissons-la passer et des générations entières s’éteindront avant qu’elle se représente.

Il n’est plus temps de parler « d’édifier la société nouvelle dans les cadres de l’ancienne ». La vieille société brise son enveloppe. Il appartient aux travailleurs d’établir la dictature du prolétariat qui, seule, peut édifier la société nouvelle.

Un article publié par votre organe officiel One Big Union Monthly demandait : « Pourquoi devons-nous suivre les bolcheviks ? » L’auteur estimait que la révolution bolchevik n’avait « donné au peuple russe qu’un droit de vote ».

Ceci est naturellement faux. La révolution bolchevik a dépossédé les capitalistes des manufactures, des minoteries, des mines, des terres, des institutions financières et a tout transmis à la classe ouvrière.

Nous comprenons et nous partageons votre dégoût des principes et de la tactique des politiciens « jaunes » qui ont discrédité dans le monde entier le terme même de « socialisme ». Notre but est le même que le vôtre : une communauté sans État, sans gouvernement, sans classes dans laquelle les travailleurs administreront la production et la répartition dans l’intérêt de tous.

Nous vous adressons ce message, camarades ouvriers de l’Association Internationale des Travailleurs du Monde (I. W. W.) comme un témoignage de reconnaissance pour la part héroïque que vous prenez depuis si longtemps à la lutte des classes que vous avez fait naître dans votre pays, et afin de bien vous faire connaître nos principes communistes et notre programme.

Nous vous invitons, vous, révolutionnaires, à vous rallier à l’Internationale Communiste, née à l’aurore de la révolution sociale universelle.

Nous vous invitons à prendre la place à laquelle votre courage et votre expérience révolutionnaire vous donnent droit, au premier rang de l’Armée rouge prolétarienne combattant sous la bannière du communisme.
Le Communisme et les I. W. W.

La classe capitaliste américaine se révèle sous ses véritables couleurs.

La cherté croissante de la vie, le chômage de plus en plus grave, la répression impitoyable de tous les efforts faits par les ouvriers pour améliorer leur condition, la déportation et l’emprisonnement des « bolcheviks », les lois contre les grèves, contre le « syndicalisme criminel », contre le « drapeau rouge », contre toute propagande en faveur du « renversement par la violence du gouvernement et les atteintes à la propriété », — toutes ces lois et ces mesures ne peuvent avoir aux yeux du travailleur conscient qu’une signification.

L’esclavage industriel est aussi vieux que le capitalisme ; et les travailleurs ont connu avant lui d’autres formes d’esclavage.

Mais à présent les capitalistes du monde, — Américains aussi bien que Français, Italiens, Anglais, Allemands, etc. — nourrissent le dessein de réduire définitivement les travailleurs à une servitude absolue et sans issue.

Il n’y a pas d’autre alternative : ou cette servitude, ou la dictature de la classe ouvrière. Et les travailleurs doivent choisir maintenant.

Le capitalisme fait des efforts désespérés pour reconstruire son édifice ébranlé. Les travailleurs doivent, par un coup de force, s’emparer de l’Etat et reconstruire la société selon leurs intérêts.
Le nouvel esclavage

Avant la Guerre de Sécession, les esclaves nègres étaient, dans les États du Sud, attachés au sol. Les capitalistes industriels du Nord auxquels il fallait, pour fournir de main-d’œuvre leurs manufactures, une population flottante, proclamèrent l’esclavage, une offense à l’humanité, et l’abolirent par force. Or, les capitalistes industriels tentent aujourd’hui d’attacher les travailleurs à leurs manufactures.

Pendant la guerre, et dans tous les pays, les ouvriers perdirent pratiquement leur droit de grève et même relui d’interrompre le travail. Rappelez-vous les lois qui sévirent dans votre propre pays : travaille ou combats !

Et depuis que la guerre s’est terminée, que voyons-nous ? Le coût de la vie s’est accru de plus en plus, tandis que les capitalistes s’efforçaient de diminuer les salaires. Et, quand les ouvriers sont acculés par la faim à la grève, toutes les forces de l’État sont mobilisées contre eux pour les contraindre à reprendre le travail. Quand les cheminots cessèrent le travail en Californie, on les menaça de faire intervenir contre eux les troupes fédérales. Quand la Fraternelle des mécaniciens cheminots exigea une augmentation de salaires ou la nationalisation des chemins de fer, le président des États-Unis la menaça de toutes les rigueurs de la répression par les armes. Quand les mineurs américains quittèrent leurs puits, des milliers de soldats occupèrent les mines et la cour Fédérale adopta contre la grève les mesures les plus cyniques, défendant aux leaders d’ordonner la cessation du travail et interdisant le versement de secours aux grévistes. L’Attorney-Général des États-Unis finit par déclarer officiellement que le gouvernement ne tolérerait pas de grèves dans les industries « nécessaires à la communauté ».

Le juge Garry, qui se trouve à la tête du trust de l’acier, peut répondre par un refus au Président de la République qui lui demande de bien vouloir négocier avec un comité d’ouvriers. Mais quand les travailleurs de l’acier se mettent en grève, revendiquant un salaire qui leur permette de vivre et le droit élémentaire de se syndiquer, ils sont traités de bolcheviks et fusillés dans les ruée par les cosaques pennsylvaniens.

Et vous, camarades I. W. W., vous qui gardez les souvenirs amers d’Everett, de Tulsa, de Wheatland, de Centralia, où vos camarades furent massacrés ; vous dont des milliers de frères sont dans des geôles, vous qui accomplissez néanmoins le plus dur labeur dans les champs, dans les docks, dans les forêts, vous devez distinguer nettement le procédé grâce auquel les capitalistes tentent en se servant de leur arme éprouvée, l’Etat, d’instituer une société d’esclaves.

Le cri des capitalistes : « Produire plus ! Produire encore ! » retentit de toutes parts. En d’autres termes, les travailleurs ont à fournir plus de travail pour un moindre salaire, afin que leur sueur et leur sang monnayés servent à payer les dettes de guerre du monde capitaliste dévasté.

Pour qu’il en soit ainsi, les travailleurs doivent être privés du droit de quitter le travail ; ils doivent être empêchés de s’organiser afin d’arracher des concessions aux patrons ou de profiter de la concurrence entre ceux-ci. Le mouvement ouvrier doit être arrêté et brisé à tout prix.

Pour sauver le vieux système d’exploitation, les capitalistes doivent s’unir et enchaîner le travailleur à la machine.
La révolution sociale

Les capitalistes y réussiront-ils ?

Ils y réussiront à moins que les travailleurs ne déclarent la guerre au système capitaliste tout entier, ne renversent les gouvernements capitalistes et ne les remplacent par le gouvernement de la classe ouvrière qui doit détruire la propriété privée capitaliste et instituer la propriété commune de toutes les richesses.

C’est ce que les travailleurs russes ont fait et c’est la seule façon pour les ouvriers des autres pays de se libérer du servage industriel et d’organiser le monde, en sorte que le travailleur bénéficie du produit intégral de son travail et que nul ne puisse monnayer le travail d’autrui.

Mais si les travailleurs des autres pays ne s’insurgent pas contre leurs propres capitalistes, la révolution russe ne pourra tenir. Les capitalistes du monde entier, comprenant le danger que leur fait courir l’exemple de la Russie des Soviets, se sont coalisés pour la tuer. Les Alliés, oubliant à l’instant leur haine de l’Allemagne, ont invité les capitalistes allemands à se joindre à eux dans l’intérêt commun.

Et les travailleurs des autres pays commencent à comprendre. En Italie, en Allemagne, en France, en Angleterre, le flot de la révolution monte. En Amérique même les membres si conservateurs de l’American Federation of Labor se rendent compte que les grèves pour des augmentations de salaire et pour de meilleures conditions d’existence sont en réalité dépourvues de signification, le coût de la vie subissant une hausse constante. Ils ont proposé toutes sortes de remèdes à cette situation, réformes du « Plan Plumb », nationalisation des mines, etc. Ils ont fondé un soi-disant Parti du Travail (Labor Party) qui se donne pour but de réaliser la propriété municipale ou gouvernementale de l’industrie, un mécanisme électoral plus démocratique, etc.

Mais ces réformes, si même elles étaient accomplies, ne pourraient résoudre le problème. Tant que subsistera le système capitaliste, des hommes monnayeront le travail d’autrui. Toutes les réformes du système actuel ne font que leurrer le travailleur en lui faisant croire qu’il est un peu moins volé qu’auparavant.

La révolution sociale a commencé et sa première bataille se poursuit en Russie. Elle ne laisse pas aux travailleurs le temps d’expérimenter des réformes. Les capitalistes ont déjà détruit la république hongroise des Soviets. S’ils réussissent à juguler et briser le mouvement ouvrier dans les autres pays l’esclavage industriel sera fondé.

Avant qu’il soit trop tard, les travailleurs conscients doivent se préparer à repousser l’assaut du capitalisme, et à prendre à leur tour l’offensive pour le vaincre et l’extirper du monde.
L’État Capitaliste

La guerre et ses conséquences ont révélé avec une netteté saisissante les fonctions réelles de l’Etat capitaliste — de ses législations, de ses tribunaux, de ses polices, de ses armées, de sa bureaucratie.

L’État sert à défendre et affermir le pouvoir capitaliste et à brimer les travailleurs. Tout ceci est particulièrement vrai aux États-Unis, dont la constitution fut conçue par des négociants, des spéculateurs et des propriétaires fonciers dans le dessein de protéger leurs intérêts de classe contre la majorité du peuple.

Quant à présent, le gouvernement des États-Unis n’est évidemment qu’une arme des capitalistes contre les travailleurs.

Les I. W. W. doivent le comprendre mieux que quiconque, pour avoir été rageusement persécutés par le gouvernement, pour avoir vu leurs leaders emprisonnés, leurs journaux supprimés, leurs membres déportés ou emprisonnés sous des inculpations forgées de toutes pièces, leurs cautions refusées, leurs prisonniers torturés, mis au secret, leurs locaux fermés, leur propagande réduite dans certains États à devenir clandestine.

Les travailleurs voient cela. Le peuple élit les gouverneurs, les maires, les juges, les sheriffs ; mais en temps de grève, le gouverneur convoque la milice pour défendre les renards ; le maire ordonne à la police d’assommer et d’arrêter les militants dans les rues ; le juge les inculpe « d’avoir troublé l’ordre », les qualifie « émeutiers » et les emprisonne, et le sheriff salarie des malandrins qu’il délègue en qualité de briseurs de grève...

La société capitaliste tout entière présente aux travailleurs un front unique.

Le prêtre lui dit de se résigner ; la presse le maudit et le traite de « bolchevik » ; la police l’arrête ; le tribunal le condamne ; le sheriff le fait saisir pour dettes, et l’asile des pauvres accueille sa femme et ses enfants.

Pour détruire le capitalisme, les prolétaires doivent tout d’abord arracher aux capitalistes le pouvoir politique. Ils ne doivent pas se borner à s’en emparer ; ils doivent abolir entièrement le vieil état capitaliste.

Car l’expérience des révolutions a montré que les travailleurs ne peuvent pas s’emparer de l’État et s’en servir — comme les socialistes jaunes le soutiennent. L’État capitaliste est édifié pour servir le capitalisme ; il ne peut rien faire d’autre.

En lieu et place de l’État capitaliste, les travailleurs doivent édifier leur propre état, la dictature du prolétariat.
La dictature du prolétariat

De nombreux membres de l’I. W. W. refusent d’en convenir. Ils sont adversaires de « tout État, de façon générale ». Ils se proposent de renverser l’État capitaliste et d’instituer immédiatement le Communisme industriel (Industrial Cornmonwealth).

Les Communistes sont aussi les ennemis de l’État. Ils veulent aussi l’abolir et substituer au gouvernement des hommes l’administration des choses.

Malheureusement la chose ne peut être faite sur-le-champ. La destruction de l’État capitaliste ne signifie pas que le capitalisme disparaît automatiquement et immédiatement. Les capitalistes ont d’autres armes qu’il faut leur arracher ; ils sont encore défendus par des légions de bons employés, d’administrateurs, de directeurs, d’habiles hommes d’affaires qui saboteront l’industrie — et qu’il faut persuader ou contraindre à servir la classe ouvrière ; ils ont des officiers qui peuvent trahir la révolution, des prêtres qui peuvent dresser contre elle les vieilles superstitions, des professeurs et des orateurs qui peuvent la déformer aux yeux des ignorants, des gredins que l’on peut stipendier pour la discréditer, des journaux qui peuvent tromper le peuple par de continuels mensonges, des socialistes jaunes et de soi-disant travaillistes qui préfèrent la démocratie capitaliste à la révolution. Leurs efforts doivent être sévèrement réprimés.

Jeter bas l’édifice de l’État capitaliste, briser la résistance de la classe capitaliste et la désarmer, confisquer ses propriétés et les transmettre à la communauté des travailleurs — ces tâches nécessitent un gouvernement, un Etat, la dictature du prolétariat au moyen de laquelle les prolétaires peuvent d’une main de fer, briser la classe ennemie.

C’est ce qui se passe actuellement en Russie.

Mais la dictature du prolétariat n’est que temporaire. Communistes nous voulons aussi l’abolition de l’Etat. L’Etat ne peut durer qu’autant que se prolonge la guerre des classes. La fonction de la dictature du prolétariat est d’abolir la classe capitaliste en tant que classe ; en fait de supprimer toutes distinctions de classes. Ce but atteint, la dictature du prolétariat, l’État disparaîtra automatiquement — cédant la place à une administration industrielle, vraisemblablement analogue au Bureau Exécutif Général de l’I. W. W.

Dans un récent article, Mary Marcy écrit que sans reconnaître théoriquement la nécessité de la dictature du prolétariat, les I. W. W. seront contraints de l’admettre en fait en temps de révolution, afin de vaincre la contre-révolution.

Voilà qui est vrai. Mais si l’I. W. W. se refuse à reconnaître par avance la nécessité de l’Etat ouvrier, la confusion et la faiblesse risquent de sévir dans ses rangs aux heures où la fermeté et la rapidité d’action lui seront impérieusement nécessaires.
L’État Ouvrier

Quelle sera la forme de l’État Ouvrier ?

Nous avons sous les yeux l’exemple de la République des Soviets russes dont il est peut-être utile d’indiquer ici la structure trop souvent déformée à l’étranger par des informations contradictoires.

L’unité de gouvernement est le Soviet local ou Conseil des députés ouvriers, soldats rouges et paysans.

Dans les villes, le Soviet est élu comme suit : chaque fabrique élit un délégué pour tant d’ouvriers et chaque syndicat local en élit un certain nombre d’autres. Ces délégués sont élus sur des listes de partis politiques ou à titre individuel, au gré des ouvriers.

Les députés de l’armée rouge sont élus par leurs unités.

Dans les campagnes, chaque village a son Soviet qui envoie des délégués aux Soviets des villes qui élit à son tour le Soviet du District. Ceux-ci forment de la même manière le Soviet de la province.

Quiconque exploite le travail d’autrui ne peut voter.

Tous les six mois, les Soviets des villes et des provinces élisent des délégués qu’ils mandatent au Congrès Panrusse des Soviets qui est, dans le pays, l’autorité suprême. Le Congrès décide pour six mois des principales mesures politiques et choisit les deux cents membres du Comité Exécutif Central, chargés d’appliquer les mesures édictées par le Congrès. Le Congrès élit aussi un Cabinet — celui des Commissaires du Peuple.

Les mandats de ces derniers sont révocables à tout moment par le Comité Exécutif Central. Les membres des Soviets peuvent de même être rappelés par leurs commettants.

Ces Soviets ne sont pas seulement des organes législatifs mais aussi des organes exécutifs. Contrairement au Congrès américain ils ne se bornent pas à confectionner des lois que le Président est ensuite chargé de promulguer et d’appliquer ; et il n’y a pas de cour suprême chargée de décider si la mesure adoptée est ou non « constitutionnelle ».

Dans l’intervalle entre les réunions du Congrès Panrusse des Soviets le pouvoir suprême appartient en Russie au Comité Exécutif Central. Ce comité se réunit au moins tous les deux mois et dans l’intervalle la direction des affaires est remise au Conseil des Commissaires du Peuple, tandis que les membres du Comité Exécutif Central travaillent dans leurs régions respectives.
Organisation de la production et de la répartition des produits

Les travailleurs sont en Russie organisés en syndicats, tous les ouvriers d’une industrie appartenant à leur syndicat. Ainsi, les charpentiers et les peintres travaillant dans une usine métallurgique font partie du Syndicat des Ouvriers Métallurgistes. Chaque usine constitue un syndicat local et son Comité de fabrique (Shop Committee) élu par les travailleurs a le rôle d’un Comité Exécutif.

Le Comité Exécutif Central Panrusse des Syndicats Fédérés est élu par le Congrès annuel des Syndicats. Un Comité spécial élu par ce même congrès établit le barème des salaires.

A peu d’exceptions près la plupart des grandes usines russes ont été nationalisées et sont en ce moment propriété de la communauté ouvrière. La tâche des syndicats n’est donc plus de combattre le capitalisme mais bien de diriger l’industrie.

Le Commissariat du Travail du gouvernement des Soviets travaille en plein accord avec les Syndicats. Il n’est d’ailleurs élu par le Congrès des Soviets qu’avec l’approbation des Syndicats.

Un Conseil Supérieur de l’Économie populaire élu a la charge de diriger la vie économique du pays. Il est divisé en sections, telles que celles des métaux, de l’industrie chimique, etc., chacune ayant à sa tête des techniciens et des ouvriers désignés par le Conseil Supérieur avec l’approbation des Syndicats.

La production est, dans chaque usine, dirigée par un Comité de trois membres : un représentant du Comité de Fabrique, un représentant du Comité Exécutif Central des Syndicats et un représentant du Conseil Supérieur de l’Économie populaire.
Centralisation démocratique

Les Syndicats forment ainsi une branche du gouvernement et ce gouvernement est le plus hautement centralisé qu’il y ait.

C’est aussi le gouvernement le plus démocratique que l’histoire connaisse. Car tous les organes du gouvernement sont en contact permanent avec les masses ouvrières et sous leur influence directe. Les soviets locaux jouissent, en outre, dans la Russie entière, d’une complète autonomie qui leur permet de diriger comme ils l’entendent les affaires locales à la condition de se conformer à la politique nationale du Congrès des Soviets. D’ailleurs, le gouvernement des Soviets, ne représentant que les ouvriers, ne peut pas ne pas agir dans leur intérêt.

De nombreux membres de l’I. W. W. sont adversaires de la centralisation parce qu’ils n’admettent pas qu’elle puisse être démocratique. Mais où il est question de grandes masses, enregistrer les volontés individuelles n’est plus possible ; la volonté des majorités peut seule être notée et la Russie des Soviets est administrée dans l’intérêt commun de la classe ouvrière.

La propriété privée de la classe capitaliste, pour devenir propriété sociale des travailleurs, ne peut pas être remise à des individus ou à des groupes d’individus ; elle doit devenir la propriété de la communauté entière et une autorité centralisée est nécessaire pour accomplir cette transformation.

Les industries qui fournissent aux besoins de la population entière ne concernent pas seulement les ouvriers qu’elles occupent mais intéressent la communauté entière et doivent être administrées au bénéfice de tous. L’industrie moderne est, au reste, si complexe, ses branches sont tellement interdépendantes qu’il faut, pour obtenir avec le maximum d’économie le rendement le plus fort, qu’elle soit soumise, selon un plan d’ensemble, à une direction unique.

La révolution doit être défendue contre les assauts formidables des forces coalisées du capitalisme mondial. De grandes armées doivent être levées, entraînées, équipées, dirigées. Ceci veut dire : centralisation. La Russie des Soviets a pendant deux ans soutenu seule les attaques répétées du monde capitaliste. Eût-il été possible e former une armée rouge forte de plus de deux millions d’hommes sans une autorité centrale directrice ?

La classe capitaliste a une organisation fortement centralisée qui lui permet de jeter toutes ses forces contre les groupements divisés et dispersés de la classe ouvrière. La lutte des classes est une guerre. Pour renverser le capitalisme les travailleurs doivent constituer une armée pourvue d’un état-major, — mais d’un état-major élu et contrôlé par les ouvriers.

En temps de grève tout travailleur sait qu’il faut un comité de grève — un organe centralisé chargé de diriger l’action et dont les ordres doivent être obéis — élu et contrôlé par la masse ouvrière. La Russie des Soviets est en grève, face à face avec le monde capitaliste tout entier. La révolution est une grève générale contre le système capitaliste. La dictature du prolétariat est le comité de grève de la révolution sociale.

Les révolutions prolétariennes qui approchent en ce moment en Amérique et dans d’autres pays susciteront probablement de nouvelles formes d’organisation. Les bolcheviks ne prétendent pas avoir dit le dernier mot de la révolution sociale. Mais l’expérience de deux années de gouvernement ouvrier en Russie est naturellement de la plus haute importance et doit être étudiée de près par les travailleurs des autres pays.
Politique

Le mot politique agit sur nombre de membres de l’I. W. W. comme la vue d’un drapeau rouge agit sur le taureau — ou sur le capitaliste. Politique signifie pour eux « politicien » et, d’habitude, évoque à leurs yeux l’image du socialiste jaune qui brigue leurs suffrages dans l’espoir d’obtenir un confortable fauteuil où il lui sera possible d’oublier confortablement l’existence même des travailleurs.

Nos camarades ouvriers « anti-politiciens » sont opposés aux communistes qui, à leur avis, constituent un parti politique et qui, en effet, prennent part dans certains cas aux luttes politiques.

C’est user du mot politique dans un sens bien trop étroit. L’un des principes sur lesquels s’est fondée l’association des I. W. W. est exprimé dans ces mots de Karl Marx : « Toute lutte des classes est une lutte politique ». C’est dire que toute lutte des travailleurs contre les capitalistes est une lutte pour le pouvoir politique — pour celui de l’Etat.

Et c’est dans ce sens que les communistes se servent du mot « politique ».

Les socialistes jaunes s’imaginent pouvoir conquérir progressivement le pouvoir politique en se servant du mécanisme même de l’État capitaliste pour obtenir des réformes, et quand ils auront obtenu la majorité au Congrès, dans les assemblées législatives, quand ils auront élu le président, le maire et le sheriff, ils croient pouvoir se servir de l’appareil législatif de l’État bourgeois pour abolir pacifiquement le capitalisme et instituer de même la communauté du travail.

Ceci les induit à prêcher diverses réformes du système capitaliste, à ouvrir leurs rangs aux petits capitalistes, aux aventuriers politiques de toutes espèces et finalement à conclure des marchés et à faire des concessions variées.

Les I. W. W. ne l’admettent pas plus que les communistes.

Communistes, nous ne croyons pas qu’on puisse s’emparer du pouvoir gouvernemental au moyen du mécanisme de l’État capitaliste. L’État étant l’arme particulière de la classe capitaliste, son mécanisme est naturellement conçu de manière à défendre et affermir le pouvoir du capitalisme. Le contrôle capitaliste de toutes les institutions qui font l’opinion publique — presse, écoles, églises, tribunes — le contrôle capitaliste de l’attitude politique des ouvriers par le contrôle de leurs moyens d’existence, rendant extrêmement improbable la possibilité pour les travailleurs d’élire jamais « légalement » sous le régime capitaliste démocratique, un gouvernement dévoué à leurs intérêts.

Et, à l’heure actuelle, tandis que la classe capitaliste du monde entier poursuit avec l’acharnement du désespoir sa campagne de répression contre les organisations du prolétariat conscient dans le monde entier, celle hypothèse est tout bonnement inadmissible.

Mais si même il était possible aux travailleurs de conquérir par le moyen du mécanisme politique l’État capitaliste, ce dernier ne pourrait pas servir à fonder la communauté industrielle. La source réelle du pouvoir capitaliste est dans la propriété et le contrôle capitaliste des moyens de production. L’État capitaliste n’existe que pour étendre et défendre cette propriété, ce contrôle. Il ne peut donc pas servir à les abolir.

Jusqu’ici les I. W. W. et les communistes sont d’accord. L’État capitaliste doit être attaqué par l’action directe. Cette action, dans la signification correcte des termes est aussi politique, car elle a un but politique — la conquête du pouvoir gouvernemental.

Les I. W. W. se proposent d’atteindre ce but par la grève générale. Les communistes vont plus loin. L’histoire indique assez que la grève générale n’est pas suffisante. Les capitalistes ont des armes et l’expérience des gardes blanches en Russie, en Finlande, en Allemagne prouve qu’ils ont suffisamment d’expérience et d’entraînement pour se servir de leurs armes contre les travailleurs. Ils ont en outre des stocks d’aliments qui leur permettent de tenir plus longtemps que les travailleurs toujours talonnés par le besoin.

Les communistes, eux aussi, comptent sur la grève générale, mais ils pensent qu’elle doit se transformer en insurrection armée. La grève générale et l’insurrection sont des formes de l’action politique.
Parlementarisme révolutionnaire

S’il en est ainsi, si les communistes ne pensent pas pouvoir s’emparer de l’État par le bulletin de vote, pourquoi les partis communistes participent-ils aux élections et présentent-ils leurs candidats ?

La question de savoir si les communistes participeront ou non aux élections est secondaire. Certaines organisations communistes y participent ; d’autres non. Mais les premières ne le font que dans un but de propagande. Les campagnes politiques donnent aux révolutionnaires l’opportunité de parler à la classe ouvrière, de leur montrer le caractère de classe de l’État et quel est l’intérêt véritable des travailleurs. Elles leur permettent de souligner la futilité des réformes, de démontrer les intérêts réels qui dominent les partis politiques capitalistes et socialistes jaunes et de souligner pourquoi il faut renverser le système capitaliste tout entier.

Les communistes élus au Congrès ou dans les assemblées législatives ont pour tâche de faire de la propagande ; de montrer sans cesse la nature réelle de l’État capitaliste, de s’opposer aux actes du gouvernement capitaliste et de révéler leur caractère de classe ; de montrer la futilité des réformes et des mesures capitalistes. Au sein des assemblées législatives, du haut des tribunes de la nation, les communistes peuvent stigmatiser les brutalités capitalistes et appeler les travailleurs à la révolte.

Karl Liebknecht a montré ce qu’un communiste peut faire au Parlement. Ses discours au Reichstag retentirent dans le monde entier.

D’autres, en Russie, en Suède (Höglund) et dans d’autres pays, ont fait la même chose.

L’objection la plus commune à l’envoi de militants dans les assemblées législatives capitalistes, c’est que quelle que soit leur valeur révolutionnaire, ils seront invariablement corrompus par leur entourage et amenés à trahir les travailleurs.

Cette croyance est le produit d’une longue expérience, faite surtout avec les politiciens et les beaux parleurs socialistes. Mais, communistes, nous affirmons qu’un parti vraiment révolutionnaire n’élira que de vrais révolutionnaires et saura les garder sous son contrôle.

De nombreux membres de l’I. W. W. sont les adversaires acharnés de l’emploi des assemblées législatives ou de toutes autres institutions gouvernementales dans un but de propagande. Mais l’organisation des I. W. W., souventes fois, n’a pas dédaigné ces moyens. Lors de la grève de Lawrence en 1912, les I. W. W. se servirent même du sénateur socialiste Victor Berger qui porta à la tribune de la Chambre des Représentants les revendications des grévistes et des I. W. W. William D. Haywood, Vincent St John et bien d’autres leaders des I. W. W. témoignèrent volontiers devant la Commission Industrielle du gouvernement des Etats-Unis, profitant de cette occasion pour diffuser les idées de leur organisation. Mais l’exemple le plus frappant de l’usage du mécanisme politique de l’Etat dans un but de propagande nous fut donné en 1918 quand la Cour Fédérale de Chicago où l’on jugeait cent leaders de l’I. W. W. devint pour trois mois un véritable meeting de propagande ouvrière.

Tels sont les cas d’usage du mécanisme politique de l’État capitaliste dans un but de propagande parmi les masses. Ces méthodes doivent être employées selon les circonstances — de même que l’action parlementaire. L’usage de nulle arme ne doit être absolument condamné.

La tache particulière des I. W. W. est de préparer les travailleurs à s’emparer de l’industrie et à la diriger. La fonction spéciale du parti politique communiste est de préparer les travailleurs à la conquête du pouvoir politique et à, l’exercice de la dictature du prolétariat. Tout travailleur doit être à la fois membre du syndicat révolutionnaire de son industrie et du parti politique qui combat pour le communisme.
La révolution sociale et la société future

Le but des I. W. W. est de « bâtir une société nouvelle au sein de l’ancienne ». Ce qui veut dire : organiser si complètement les travailleurs que le système capitaliste finisse, à un moment donné, par être brisé et par faire place à la Communauté Industrielle déjà pleinement développée.

Un acte semblable exige l’organisation et la discipline de la majorité des travailleurs. On pouvait, avant la guerre, croire possible l’accomplissement de cette tâche, bien que malgré leur activité de quatorze ans les I. W. W. n’aient pu organiser qu’une minime fraction des travailleurs américains.

A présent ce dessein n’est qu’utopique. Le capitalisme est à son déclin, la révolution est à nos portes et l’histoire n’attendra pas que la majorité des travailleurs soit organisée — 100 % — d’après le plan des I. W. W. ou de toute autre organisation. Nous n’avons plus la perspective d’un long développement industriel normal qui, seul, eût permis la réalisation d’un semblable dessein. La guerre a jeté les peuples du monde dans un immense cataclysme et ils doivent songer à l’action immédiate et non à l’élaboration de savants projets dont l’accomplissement exigerait des années.

La nouvelle société ne sera pas bâtie, comme nous le pensions naguère, au sein de l’ancienne. Nous ne pouvons l’attendre. La révolution sociale est là. Quand les travailleurs auront renversé le capitalisme, quand ils auront écrasé toutes les tentatives faites pour le rétablir, ils pourront à loisir, au sein de leur état soviétiste, bâtir librement la nouvelle société.

En présence de la révolution sociale, quelle est la grande tâche immédiate des Travailleurs Industriels du Monde (I. W. W.) ?

Constituant en Amérique la plus importante organisation syndicaliste révolutionnaire, il leur appartient de prendre l’initiative de fournir une base unique à l’unification de tous les syndicats d’un caractère nettement révolutionnaire, de tous les travailleurs qui acceptent le principe de la lutte des classes. Tels sont la Grande Union Unique (One Big Union), la W. I. I. U. et certains syndicats dissidents de l’American Federation of Labor.

Le moment n’est pas aux petites querelles de noms ou de menues questions d’organisation. La tâche essentielle c’est de grouper tous les travailleurs capables d’une action révolutionnaire de masses en temps de crise.

Révolutionnaires, ils ne peuvent repousser les invitations des communistes américains désireux de conclure un accord avec eux en vue d’une action révolutionnaire commune. Le parti politique et l’organisation économique doivent marcher d’un même pas vers le tout commun — vers l’abolition du capitalisme par la dictature du prolétariat et par les Soviets, vers la disparition des classes et de l’État.

L’Internationale Communiste tend aux I. W. W. une main fraternelle.

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