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Faire pression sur les réformistes, volà ce que nous proposent les syndicats, la gauche de la gauche et l’extrême gauche… Est-ce une manière pour la classe travailleuse d’améliorer le rapport de forces ?

mardi 14 mai 2013, par Robert Paris

Faire pression sur les réformistes, voilà ce que nous proposent les syndicats, la gauche de la gauche et l’extrême gauche… Est-ce une manière pour la classe travailleuse d’améliorer le rapport de forces ?

On entend souvent des syndicalistes, des militants de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche affirmer que le but des mobilisations de travailleurs serait de faire pression sur la gauche gouvernementale et ils semblent croire que ce serait évidemment le meilleur moyen d’action des milieux populaires et des travailleurs.

Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Quand les réformistes sont au pouvoir en période d’effondrement, les travailleurs ont souvent voulu faire pression sur un gouvernement de gauche comme cela a été le cas en 1936, pensant ainsi le faire pencher de leur côté plus facilement qu’ils ne l’auraient fait pour un gouvernement de droite. Et ils se sont trompés car c’est une question de classe et non une question gauche/droite. Plus que jamais, en période d’effondrement du système, il est nécessaire aux capitalistes de démolir politiquement et moralement les travailleurs. C’est dans ce but que des gouvernements de gauche peuvent être nécessaires aux capitalistes dans de telles périodes, là où les mêmes actions par des gouvernements de droite pourraient risquer de provoquer davantage de réactions sociales que si ces actes anti-sociaux sont commis par des gouvernements de droite, plus éloignés des appareils syndicaux et semant moins d’illusion dans les milieux syndicalistes sinon dans les milieux populaires…

Loin de pousser à gauche ces gouvernements ou de les pousser du côté des travailleurs, la montée de colère et des mouvements sociaux ne peut que les pousser VERS LA DROITE…

Le caractère de classe de la participation de la gauche est sans confusion : il est intégralement du côté des classes possédantes. Il ne représente nullement les travailleurs et n’introduit en aucune manière les intérêts ouvriers dans les considérations gouvernementales.

Si en plus la situation se tend, qu’il y a une crise sociale, que les travailleurs bougent et se manifestent, l’écart entre travailleurs et gouvernement, loin de se restreindre, s’accroît. Les gouvernements de gauche ne sont pas plus indépendants que les autres des intérêts du capital. Ils doivent, davantage que les autres, démontrer qu’ils sont bien au service des classes dirigeantes qui les accuserait volontiers de complicité avec les organisations syndicales alors que celle-ci ne sert que les patrons.

La pire erreur serait de croire que l’Etat serait en bascule entre les classes et que la classe ouvrière devrait tenter de faire pencher la balance de son côté en « faisant pression ». Non ! L’Etat est exclusivement au service d’une classe sociale, quelle que soit la couleur politique de l’équipe gouvernante et les « pressions » des milieux populaires ou de la classe ouvrière.

C’est pourtant cet objectif fallacieux de « faire pression » sur les gouvernants qui est systématiquement donné en objectif numéro des luttes des travailleurs comme cela a été le cas lors du mouvement des retraites ou des luttes contre des fermetures d’usine et des licenciements. Les syndicats prétendaient vouloir obtenir de force le soutien du pouvoir d’Etat face à un patron ou imposer une politique de l’Etat moins favorable aux classes dirigeantes.

Si ces réformistes font ce choix, ce n’est nullement le fait du hasard ni d’une méconnaissance et il ne sert à rien de prétendre que l’on va pousser à gauche des réformistes. Si la situation mène des réformistes à gauchir leur discours, du fait d’un mécontentement explosif des masses, cela ne sera que pure démagogie pour mieux les tromper ensuite et ramener dans le giron des changements gouvernementaux les espoirs populaires soulevés.

Les liens de l’Etat avec les classes dirigeantes ne peuvent pas être remis en question par un revirement de l’opinion populaire vers la gauche ou la gauche de la gauche, contrairement à ce que des politiciens peuvent faire croire pour maintenir quelques illusions une fois qu’il est évident pour tous que la gauche gouverne dans le sens exclusif des intérêts de la bourgeoisie, comme la droite et même pire que la droite. Les politiciens ne sont que la partie visible de la gouvernance capitaliste qui comprend un personnel bien plus nombreux et qui n’est pas dépendant des élections : des généraux aux chefs de la police, des chefs de la justice aux chefs de la religion, des chefs des média aux chefs des trusts, des bourses, de la finance et des banques, des chefs des services spéciaux aux bandes armées occultes dont celles de l’extrême droite, aux assassins appointés qui servent essentiellement dans les périodes de crise mais sont entretenus aussi en période calme.

Les intérêts des politiciens bourgeois suivent certes l’audimètre des opinions publiques mais pas les intérêts des classes dirigeantes ni les politiques gouvernementales. Une révolte populaire peut faire reculer une mesure gouvernementale impopulaire mais c’est reculer pour mieux sauter. Et, en période d’effondrement général du système, se contenter de s’attaquer à une mesure gouvernementale comme une politique d’austérité, c’est s’attaquer à une conséquence sans s’attaquer aux causes et donc se condamner à rester au sein même du mal.

Bien sûr, les politiciens n’ont pas d’autre choix mais les travailleurs en ont un autre.

Quelle autre politique que celle de la pression serait possible ? Eh bien, l’action directe des travailleurs contre les classes dirigeantes, action visant ouvertement à les frapper dans leurs intérêts vitaux et action directe aussi contre l’Etat et pas seulement contre l’une de ses équipes gouvernementales, action contre ses impôts, contre ses distributions d’argent aux capitalistes, contre ses remises d’impôts aux sociétés privées, contre ses ententes privé/public, contre ses emprunts à intérêt aux banques auxquelles on a prêté gratuitement leurs capitaux, etc..

La lutte de classe, voilà l’alternative. Et c’est celle-ci que les réformistes de gauche refusent catégoriquement, qu’il s’agisse des syndicalistes, de la gauche, des verts, de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche officielle. En se contentant de « faire pression », ils mènent les luttes de défaite en défaite.

Un autre point sur lequel ils se refusent aussi à la méthode lutte de classe est celui de l’auto-organisation. Ils refusent de proposer publiquement la mise en place dans toutes les entreprises et tous les quartiers de comités de travailleurs, de chômeurs et de jeunes qui seuls pourraient porter une perspective de contre-offensive des travailleurs et des milieux populaires, et qui seule pourrait relancer l’action de masse et réellement se faire craindre des classes dirigeantes et de l’Etat.

Ce sont les intérêts objectifs des classes dirigeantes qui donnent les orientations fondamentales de l’Etat bourgeois. Toute politique véritablement au service des travailleurs et des milieux populaire doit partir non seulement des aspirations des masses mais d’abord et avant tout de celles, opposées, des classes dirigeantes. S’y refuser, c’est faire comme si les intérêts objectifs des classes dirigeantes ne concernaient pas les travailleurs et c’est exactement le contraire. On ne peut comprendre la situation qu’en expliquant pourquoi la bourgeoisie a besoin de gouverner ainsi. C’est loin d’être une évidence et cette explication est le premier rôle de toute organisation politique ou syndicale prétendant offrir une perspective.

Il ne suffit pas de dénoncer les politiques menées, les intérêts des capitalistes, leurs aspirations à profiter sur le dos de la population. Il faut expliquer comment ces buts sont modifiés dans la situation présente et pourquoi.

Par exemple, il est très différent d’analyser la situation actuelle comme un affrontement entre des politiques d’austérité et des politiques sociales ou de l’analyser comme un effondrement du capitalisme. Dans un premier cas, on se contente de « faire pression » vers une politique plus sociale et contre l’austérité, contre les licenciements et la précarisation de l’emploi, mais on ne dirige pas ses coups contre la classe capitaliste dans son ensemble. Dans le deuxième, on comprend que l’effondrement capitaliste nécessite de détruire toute confiance des travailleurs en leur propre force, que les capitalistes n’ont fait que figer la situation en 2008 afin de se préparer à l’affrontement. Ils n’ont pas d’alternative économique et sociale et veulent seulement, en faisant durer l’effondrement, casser le moral de la classe prolétarienne et ses capacités d’entraîner à ses côtés la jeunesse et une fraction de la petite bourgeoisie qui sera paupérisée, éventuellement monter même cette dernière contre les travailleurs. L’échec des « luttes contre l’austérité » vise à fatiguer les grèves, effectuer des lâchés de vapeur, ramener les salariés derrière des appareils syndicaux qui puissent ainsi se recréditer de leur « opposition », démontrer aux couches petites bourgeoises que le prolétariat n’a pas d’autre perspective à offrir que la défense de ses intérêts corporatifs.

Plus l’effondrement est retardé, plus l’hostilité des deux pôles de la société, grande bourgeoisie capitaliste d’un côté et prolétariat de l’autre, ne peut que grandir, les classes dirigeantes voyant comme une véritable nécessité vitale de détruire le prolétariat comme force organisée, dans tous ses droits démocratiques. Du coup, même les politiciens bourgeois « de gauche » se doivent, à leur manière, de souscrire à cet objectif de destruction du prolétariat comme perspective sociale et politique. La gauche de la gauche, malgré ses discours parfois anticapitalistes, ne peut aller contre un but fondamental de la classe capitaliste et se doit donc de masquer les vrais enjeux.

Le « socialiste » Hollande, en parvenant que des syndicats se mettent au tour de la table pour participer à la destruction de tout l’édifice social, que ce soit le code du travail, le salaire fixe, la charge de travail fixe, les conventions collectives, les services publics (enseignement, recherche, santé, poste et transports), les allocations sociales et les retraites, quitte à ce que certains syndicats se démarquent gentiment dans la rue, est dans le cadre de cette offensive destructrice. Il parvient à faire passer la vague des licenciements massives de tous les trusts comme une lettre à la poste, sans réaction syndicale d’ensemble.

Détruire la lutte de classe dans les consciences est un but essentiel des classes dirigeantes auxquels tous les gouvernements bourgeois qui se succéderont devront collaborer activement, chacun à sa manière et en fonction de l’avancée des destructions… La gauche prend déjà sa part en suivant les destructions effectuées par la droite. L’extrême droite se prépare à être appelée aux affaires, en profitant de la capacité de la gauche à discréditer les perspectives prolétariennes…

C’est la gauche gouvernementale qui aura réussi à implanter l’idée qu’on ne peut « sauver les emplois » qu’en aidant les patrons français et à les victimiser. C’est elle qui aura réussi à présenter l’ « étranger » comme cause de régression, de fermetures d’usines, de chômage et de licenciements. C’est elle qui aura réussi à développer des sentiments d’extrême droite notamment par la propagande sécuritaire de son ministre de l’Intérieur contre les Roms, les sans-papiers, les immigrés, les syndicalistes combatifs, les jeunes de banlieue, etc… C’est le gouvernement le plus lié aux appareils syndicaux, allant jusqu’à intégrer au gouvernement deux responsables syndicaux de la CFDT, qui aura réussi à faire accepter « volontairement » au mouvement syndical des reculs historiques des droits des travailleurs en France.

Bien sûr, certains syndicats et certains partis de la gauche de la gauche vont parfois aller dans la rue pour dénoncer certaines contre-réformes mais ils ne vont jamais aller jusqu’à tirer des leçons des politiques bourgeoises au point d’expliquer aux travailleurs et au grand public ce qui est en jeu dans la situation actuelle. Sinon, ils couperaient la branche sur laquelle est assise leur politique. Ils montreraient eux-mêmes qu’ils n’ont aucune perspective puisque toutes leurs propositions se déroulent exclusivement dans le cadre d’une amélioration de cette société, amélioration tout à fait illusoire quand ce sont les fondations elles-mêmes de la société qui s’effondrent. On ne met pas un étage de plus à un bâtiment dont les fondations craquent !

Le rôle de la lutte des classes, en période de développement du capitalisme, peut être en partie de maintenir un certain rapport des forces pour monnayer certaines avancées sociales et économiques favorables aux milieux populaires. Le réformisme peut avoir un sens en une telle période.

En période d’effondrement du système, le réformisme (même celui honteux de l’extrême gauche officielle) ne sert qu’à s’accrocher à un navire qui coule… Dans une telle période, on ne peut se contenter de demander du boulot, de proposer aux patrons de nous exploiter, de continuer à faire fonctionner les usines que ces patrons veulent fermer. On ne peut pas défendre le système alors que ce sont les capitalistes eux-mêmes qui le détruisent et le font s’écrouler par leurs choix de désinvestissements. Quand le grand capital privé devient nécrophile, ce n’est ni les sacrifices des travailleurs ni leur refus des sacrifices qui peut empêcher les capitalistes de diriger leurs investissements dans un sens mortel pour le système, celui du désinvestissement massif des entreprises de production et de l’investissement dans tous les titres nocifs qui rongent le système, les titrisations de dettes par exemple.

Cela ne signifie pas qu’il faille de nouvelles luttes réformistes, seulement plus radicales, comme le suggère la gauche de la gauche, l’extrême gauche officielle et les syndicalistes combatifs qu’ils influencent. Radicaliser le réformisme, c’est seulement cacher un peu plus longtemps que le réformisme est complètement dans l’impasse quand le capitalisme est en échec.

Le mouvement ouvrier doit se diriger vers d’autres voies qui supposent sont action politique de masse et son organisation politique de masse. Personne ne peut dire quelle lutte, quelle occasion, quelle attaque mènera à la reprise de la l’offensive ouvrière mais il est certain qu’il n’y a de perspective prolétarienne qu’à ce prix.

La plupart des travailleurs pense que la politique est ce qui est pourri dans le système, a cru à la propagande qui explique que la corruption des politiciens serait à l’origine de tous les problèmes. C’est complètement faux : la politique bourgeoise n’est qu’un camouflage des classes capitalistes. Par contre, l’absence d’intervention politique directe du prolétariat est la cause même de la catastrophe. Que le capitalisme s’effondre historiquement n’est nullement un drame. L’Histoire avance. Le système d’exploitation a atteint les limites de son propre succès. Même avec l’aide des centaines de milliards injectés dans l’économie par tous les Etats, même en remplaçant le capital privé dans les trusts et les banques, on ne peut sauver le capitalisme. Par contre, les prolétaires, eux, ont des perspectives sociales à défendre mais il leur manque une chose pour en prendre conscience et pour les défendre : leur organisation en comités de travailleurs, de précaires et de chômeurs, sur des bases de classe. Le seul fait de se réunir en assemblées dans les quartiers et les entreprises, pour débattre de la situation, pour discuter et voter des motions du peuple travailleur, face à la catastrophe économique, sociale et politique, et les diffuser dans le pays serait une nouvelle avancée historique comme l’a été la Commune de Paris de 1871. Tant que la classe ouvrière n’est pas organisée politiquement, ne se réunit pas pour débattre de la situation et des perspectives, le prolétariat restera désarmé. Bien entendu, il ne suffit pas d’assemblées car, au sein même des assemblées, la lutte reprendra entre perspectives réformistes et révolutionnaires. Mais c’est le premier pas en avant indispensable et le premier critère aussi pour distinguer ceux qui militent en révolutionnaires de ceux qui militent en réformistes.
Le sens de l’action prolétarienne n’est pas dans la radicalisation des objectifs réformistes. Ce n’est pas la généralisation des luttes localisées des réformistes qui fait le stratégie révolutionnaire. Pas plus que l’internationalisme n’est la généralisation des nationalismes imposés par les réformistes. Solidariser les isolements dans des manifestations nationales n’a jamais rompu l’isolement des luttes.

Le rôle des révolutionnaires n’est pas non plus de radicaliser les mots d’ordre. Ce n’est pas en parlant d’interdiction des licenciements que l’on sauve le syndicalisme. En effet, si l’intérêt objectif de la bourgeoisie capitaliste est de se désinvestir, on ne peut pas réclamer l’interdiction sans ôter aux capitalistes la propriété des usines. Et on ne peut pas prétendre que cette deuxième « revendication » viendra ensuite d’elle-même car ce n’est pas une revendication !

Mais, rétorquent les groupes de l’extrême gauche officielle, Trotsky défendait dans « Le programme de transition » la nécessité des revendications transitoires comme l’interdiction des licenciements, le partage du travail entre tous, l’ouverture des livres de compte, le contrôle ouvrier. C’est vrai mais Trotsky comme Lénine précisaient toujours que dans aucun texte et dans aucune situation on ne devait séparer la revendication en question de la nécessité de l’organisation en soviets ou conseils ouvriers et la nécessité également de leur prise du pouvoir. Sans quoi ces revendications étaient des coquilles vides ne servant qu’à couvrir le réformisme.

La perspective ne peut pas consister à défendre l’ancienne société définitivement morte. En effet, à l’heure où les fonds publics font fonctionner l’ensemble de l’industrie privée, il ne manque plus qu’un pas à faire : supprimer l’appropriation privée des grands moyens de production capitalistes. Même si les travailleurs ne sentent pas, pour l’heure, prêts à cette tâche historique, elle est imposée par les circonstances objectives et cette prise de conscience est indispensable pour mener les luttes actuelles vers autre chose que des impasses… Même les luttes qui ne réunissent pas une force suffisante doivent être orientées par la perspective historique de la période. Le manque de combativité ou de mobilisation sert toujours d’argument aux réformistes (ouverts ou hypocrites) mais cela ne doit pas nous impressionner. Une perspective ne signifie pas un objectif immédiat mais une direction et un sens de l’action.

La seule perspective des luttes sociales actuelles est la révolution prolétarienne et le premier pas en avant est la formation de soviets !

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