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Le FMI prévient de risques croissants contre le système financier chinois

dimanche 28 juillet 2013, par Robert Paris

Le rapport annuel sur la Chine du Fonds monétaire international (FMI), publié la semaine dernière, prévient que la deuxième économie la plus importante du monde est confrontée à des risques financiers sérieux.

Le FMI a indiqué des craintes très largement répandues sur le montant total des emprunts chinois, qui a grimpé de 129 pour cent du produit intérieur brut (PIB) à 195 pour cent depuis 2008. C’est le résultat de la réaction désespérée de Beijing au choc initial de l’effondrement de Wall Street cette année-là. Après que 23 millions de travailleurs chinois eurent perdu leur emploi, entraînant le risque d’une explosion sociale, Beijing avait fait voter un plan de relance massif de 4 000 milliards de yuans (493 milliards d’euros aujourd’hui).

Ce plan de relance est rapidement devenu un moyen permanent d’emprunter de l’argent au système bancaire public. Cependant, la majorité des crédits n’ont pas été dirigés vers la production, parce que les principaux marchés d’exportation aux États-Unis et en Europe étaient empêtrés dans une récession ; au lieu de cela, ils sont allés dans la spéculation immobilière. En 2010, la valeur totale estimée des biens immobiliers de Beijing dépassait le PIB de l’Amérique, ce qui évoque le genre de bulle immobilière qui avait entraîné le crash japonais au début des années 1990, suivi de vingt années de stagnation.

Dans ce contexte, le FMI a prévenu, « Pour le moment, les autorités ont encore des outils suffisants et une marge fiscale pour réagir à d’éventuels chocs. Cependant, si on ne change pas de trajectoire et qu’on n’accélère pas les réformes, le risque augmenterait d’un accident ou d’un choc pouvant déclencher une spirale négative. »

La « spirale négative » fait référence à l’éventualité dans laquelle le système financier et l’économie productive se font baisser l’un et l’autre dans une spirale qui se renforce mutuellement.

Le FMI a particulièrement relevé les 2 000 milliards de dollars douteux de « produits de richesse » qui se sont multipliés ces dernières années et qui offrent des retours sur investissements élevés, mais ne publient pas l’origine de leurs revenus. En fait, la plupart de ces produits sont des montages spéculatifs sur le marché immobilier. Ils sont devenus, dans les faits, un véritable deuxième budget caché des banques, qui « pourrait avec le temps devenir une menace systématique contre la stabilité financière ». Le FMI prévient qu’une soudaine perte de confiance pourrait « déclencher une ruée » et entraîner « un resserrement sévère du crédit. »

Si l’on prend en compte toutes les dettes créées pour financer les collectivités locales et autres dettes, la dette publique réelle atteignait 45 pour cent du PIB l’année dernière. Bien que ces niveaux soient toujours relativement bas, comparés aux divers pays européens très endettés, le ralentissement de la croissance économique en Chine signifie moins de recettes fiscales pour le gouvernement qu’il y a quelques années. Le FMI prédit que l’économie chinoise croîtra de seulement 7,75 pour cent cette année, et de 7,7 pour cent en 2014, soit bien en dessous du seuil traditionnel de 8 pour cent qui est considéré par le régime chinois comme nécessaire pour maîtriser le chômage.

Le véritable danger, écrit le FMI, vient d’une crise majeure due à la dépendance structurelle de la Chine des exportations et de l’investissement : « Les avancées concernant un rééquilibrage ont été limitées et deviennent de plus en plus urgentes. On n’est pas encore passé de façon décisive à une économie plus orientée vers les consommateurs. »

Avec des investissements qui représentent encore 48 pour cent du PIB (le taux le plus élevé au monde) et une consommation qui ne représente que 35 pour cent (parmi les plus bas), la Chine reste une plateforme géante de travail à bas prix, dépendante des exportations vers les marchés occidentaux, par l’intermédiaire des chaînes d’approvisionnement des groupes transnationaux. D’un autre côté, la précédente force motrice de l’expansion, c’est-à-dire la délocalisation des travailleurs ruraux vers les zones urbaines, est en train de s’achever. L’« armée de réserve du travail » actuelle de 160 millions de travailleurs sera épuisée à la fin de cette décennie.

Le FMI et les responsables chinois parlent souvent du besoin de « rééquilibrer » l’économie chinoise vers un profil « orienté vers la consommation ». La bureaucratie du Parti communiste chinois (PCC) a promis lors de son dernier Congrès national de novembre dernier qu’un nouvelle série de réformes économiques libérales aura pour conséquence de doubler le revenu par habitant en 2020 par rapport à 2010.

L’idée de créer en Chine sous le capitalisme une économie florissante, orientée vers les consommateurs, est un doux rêve. Les travailleurs chinois reçoivent des salaires de misère, qui sont eux-mêmes limités par la compétition des autres plateformes de travail à bas prix, comme le Vietnam et l’Inde.

Pour autant que la consommation en Chine a augmenté, cela ne concerne qu’une petite couche des classes moyennes supérieures, des fonctionnaires corrompus et des hommes d’affaires, poussant le pays à devenir, ces dernières années, l’un des plus grands marchés de produits de luxe. Leur richesse croissante, accumulée pendant que la grande majorité des travailleurs urbains et des pauvres des campagnes restent embourbés dans la pauvreté, n’a pas suffi à créer un marché intérieur capable d’absorber la production industrielle de la Chine.

Le véritable agenda du FMI et du PCC n’est pas d’élever le niveau de vie des masses chinoises, mais d’accroître la productivité et d’ouvrir aux capitaux privés le reste des secteurs dominés par l’Etat. Cela ne peut que provoquer des réductions d’emplois massives, l’accélération des rythmes de travail, et la réduction des salaires déjà très bas.

Depuis son arrivée au pouvoir en novembre dernier, la direction du PCC sous le président Xi Jinping et le premier ministre Li Kequiang a pris les devants pour mener ce projet, qui figurait au départ dans un rapport rédigé en commun avec la Banque mondiale, « Chine 2030 », l’an dernier. Cependant, les manœuvres pour intégrer le système financier chinois dans les centres financiers mondiaux se déroulent dans un environnement international à haut risque, qui pourrait rapidement produire des chocs imprévisibles.

En juin, dans le contexte d’une fuite des capitaux depuis l’Asie, suite aux commentaires du conseil d’administration de la Réserve fédérale américaine qui a décidé de mettre fin à sa politique d’« assouplissements quantitatifs », la nouvelle a déclenché un resserrement du crédit en Chine, faisant monter les taux d’emprunt interbancaires à des niveaux records. La Banque centrale chinoise, qui avait initialement cherché à réduire son intervention pour diminuer la fièvre sur les prêts, a dû, à nouveau, injecter des milliards de dollars pour éviter la crise.

D’après les calculs du FMI publiés lundi, une suppression rapide des contrôles sur les capitaux pourrait produire une sortie nette de capitaux chinois de l’ordre de 1350 milliards de dollars, soit 15 pour cent du PIB. Cela pourrait représenter un effondrement majeur similaire à la crise financière asiatique de 1997-98. La sortie de capitaux pourrait se produire très rapidement soit comme une réaction de panique face à l’agitation des travailleurs chinois, soit face à une confrontation militaire entre la Chine et les États-Unis ou leurs alliés.

Vendredi dernier, dans une autre démarche en vue de réformes financières, la Banque de Chine a déclaré qu’elle allait supprimer le taux minimal auquel les banques pouvaient accorder des prêts commerciaux. Cette démarche est censée augmenter la compétition sur les marchés, rendant les crédits peu coûteux plus accessibles aux petites et moyennes entreprises privées. Cependant, contrairement aux attentes, la banque centrale n’a pas supprimé le taux d’intérêt maximal sur les dépôts, du fait des craintes sur l’instabilité financière que cela pourrait engendrer. Cette libéralisation des taux d’intérêt est considérée depuis longtemps comme essentielle pour rendre le yuan convertible à l’international.

Une étude publiée lundi par l’entreprise de recherche ChinaScope installée à Shanghai, qui est partiellement détenue par l’agence de notation internationale Moody’s Corp, a prévenu que la fin du taux de prêt minimal pourrait entraîner un déclin des revenus nets que les banques tirent des prêts, forçant les banques chinoises à emprunter plus de 100 milliards de dollars sur les deux prochaines années pour maintenir leurs capitaux actuels. Cependant, d’après le Wall Street Journal, « Signe que les investisseurs pensent que des tensions supplémentaires attendent les banques chinoises, de nombreux fonds spéculatifs [hedge funds] et autres fonds alternatifs s’en tiennent à des paris très lourds contre les banques chinoises inscrites à Hong Kong. »

Les investisseurs seraient inquiets de l’affaiblissement de la croissance économique de la Chine, son énorme surcapacité industrielle et l’exposition générale des banques à des emprunteurs peu fiables comme les promoteurs immobiliers.

Source : John Chan - WSWS

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