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Comment Hegel résume lui-même l’ensemble de ses idées philosophiques

mardi 10 septembre 2013, par Robert Paris

Comment Hegel résume lui-même l’ensemble de ses idées philosophiques

Résumons d’abord nous-mêmes sa pensée dans un langage plus moderne.

Hegel est idéaliste en philosophie (rien à voir avec le fait d’avoir un idéal), ce qui signifie que, pour lui, l’Esprit prime sur la matière. Il estime que la pensée sur le monde n’est pas séparable de ce monde lui-même et que la logique de la pensée doit fonctionner sur le même mode que le monde lui-même, celui de l’auto-construction, et aussi celui des destructions et des constructions successives selon un mode dialectique. Il conçoit la compréhension humaine du monde selon une succession de cycles sans fin entre la conceptualisation, la connaissance sensible, le raisonnement. Chacun amène à chaque cycle une remise en question et une reconstruction. La connaissance n’est pas directe et expérimentale et n’est pas non plus savoir théorique séparé de la perception du monde, une logique formelle. Hegel récuse les philosophies de l’entendement séparées de l’auto-mouvement de la réalité. Il remarque que l’ancienne métaphysique disparaît mais récuse la construction d’une science sans pensée… Il estime que la raison ne doit pas se cacher derrière l’expérience et la perception sensible. La recherche d’une vérité universelle doit, pour Hegel, rester l’objectif de la pensée scientifique et que cette vérité n’est pas aussi palpable que la table. Elle est un produit de l’esprit humain et elle nécessite une compréhension du fonctionnement de l’esprit pour accéder à la vérité : la dialectique des contraires. Ce qu’Hegel reproche donc à l’ancienne métaphysique, c’est son absence de dynamique alors que le monde est dynamique, c’est-à-dire porté vers l’avenir par des contradictions internes qui produisent l’automouvement.

Michel Nodé Langlois écrit : « Pour Hegel, la métaphysique renouvelée portera le nom de « Logique », parce qu’il s’agit bien ici de connaître, et même de produire un savoir plus conscient de lui-même qu’il ne peut l’être dans les autres disciplines, mais de connaître en pensant, c’est-à-dire de trouver dans la nécessité interne des concepts la clé de l’explication de l’être en général. Cette logique n’est pas formelle, en tant qu’elle n’a pas pour objet les structures du raisonnement déductif, mais bien les termes intelligibles dont celui-ci est constitué. Elle est spéculative en ce qu’elle n’est ni empirique ni démonstrative, mais dialectique, trouvant sa médiation non pas dans un moyen terme qui assure la cohérence entre des prémisses et une conclusion, mais au contraire dans une contradiction qui tout à la fois affecte tout concept et toute proposition, et oblige à les dépasser. »

Hegel écrit dans la Préface à « Science de la Logique » :

« La mutation complète qu’a subie parmi nous la manière de penser philosophique depuis environ vingt-cinq ans, le point le plus élevé que la conscience de soi de l’esprit a atteint sur elle-même pendant ce laps de temps n’ont encore eu jusqu’à présent que peu d’influence sur la configuration de la logique.

Ce qu’avant cette période on appelait métaphysique a été pour ainsi dire extirpé radicalement et a disparu de la liste des sciences. Où les voix de l’ontologie d’antan, de la psychologie rationnelle, de la cosmologie, ou même de l’antique théologie naturelle se font-elles entendre ? Où leur est-il loisible de se faire entendre ? Par exemple, des investigations portant sur l’immatérialité de l’âme, sur les causes mécanique et finale, où pourraient-elles encore éveiller un intérêt ? Même les preuves de l’existence de Dieu qui avaient cours naguère ne sont plus alléguées que d’un point de vue historique ou en vue de l’édification et de l’élévation de l’âme. C’est un fait que l’intérêt soit pour le contenu soit pour la forme de l’ancienne métaphysique, soit pour l’un et l’autre à la fois, est perdu. S’il est étrange qu’un peuple découvre comme inutilisables par exemple la science de son droit étatique, ses coutumes et ses vertus éthiques, il est pour le moins aussi étrange qu’un peuple perde sa métaphysique, et qu’en lui l’esprit occupé de sa pure essence n’ait plus d’être-là effectif.

La doctrine exotérique de la philosophie kantienne, - savoir que l’entendement n’a pas le droit de passer outre aux bornes de l’expérience, autrement la faculté de connaissance devient raison théorique qui n’engendre pour soi que des chimères, a justifié scientifiquement le renoncement au penser spéculatif. Au-devant de cette doctrine populaire vinrent les clameurs de la pédagogie moderne, cette misère des temps, qui dirige le regard sur le besoin immédiat ; selon elle, de même que pour la connaissance, l’expérience est ce qui est premier, ainsi pour le savoir-faire dans la vie publique et privée une vue théorique pénétrante va jusqu’à être nocive, alors que l’exercice et la culture pratiques sont après tout l’essentiel, ce qui seul est profitable. – La science et le sens commun se renforçant ainsi l’un l’autre pour provoquer le déclin de la métaphysique, cela parut entraîner le spectacle étrange d’un peuple cultivé dépourvu de métaphysique, - comme il en irait d’un temple doté par ailleurs d’ornements variés, mais privé de sanctuaire. – La théologie qui, au temps jadis, était la gardienne des mystères spéculatifs ainsi que de la métaphysique, quoique celle-ci fût dépendante, les avait abandonnés pour des sentiments, pour du practico-populaire, et pour l’historique en sa dimension d’érudition. A tel changement répond le fait que disparurent ces solitaires qui furent sacrifiés par leur peuple et séparés du monde dans le but de rendre présentes ma contemplation de l’éternel et une vie au seul service de cette contemplation, non pas pour utilité mais en vue de la bénédiction, - un disparaître qui, dans un contexte autre, peut être considéré, selon l’essence, comme le même phénomène que celui qui a été évoqué ci-dessus. – De sorte que, après dissipation de ces ténèbres, terne commerce avec soi-même de l’esprit tourné vers soi, l’être-là parut être converti dans le monde serein des fleurs, où, comme on le sait, il n’en est point de noires.

La logique n’a pas été aussi mal servie que l’a été la métaphysique. Que par elle on apprenne à penser, chose que l’on tenait autrefois pour son utilité, et partant pour son but – comme si l’on devait passer par l’étude de l’anatomie et de la physiologie pour apprendre à digérer et à se mouvoir -, ce préjugé s’est perdu depuis longtemps, et l’esprit qui relève du domaine pratique ne lui a pas réservé un meilleur sort. Néanmoins, vraisemblablement à cause de quelque utilité formelle, on lui laissa un rang parmi les sciences, bien plus elle fut même maintenue comme objet de l’enseignement officiel. Ce sort meilleur ne concerne pourtant que le destin extérieur ; car sa configuration et son contenu sont demeurés les mêmes, un contenu tel que le lui transmit une longue tradition, mais qui pourtant s’amenuisa et s’amaigrit toujours plus en cette transmission ; l’esprit nouveau qui s’est levé pour la science non moins que pour l’effectivité ne s’y est pas encore fait sentir. Mais quand la forme substantielle de l’esprit est passée en une autre figure, il est définitivement vain de vouloir maintenir les formes de la culture antérieure ; ce sont des feuilles fanées que chassent les bourgeons nouveaux déjà formés à leur base.

On commence peu à peu, et jusque dans le domaine de la science, à sortir d’un état d’ignorance à propos de cette universelle mutation. Sans qu’il y paraisse, même aux adversaires les autres représentations sont devenues familières, et ont été adoptées par eux ; et si, face à leur source et à leurs principes, ils ne cessent de faire la fine bouche et adoptent à leur égard une attitude qui les contredise, ils en ont en contrepartie accepté les conséquences, et n’ont pu se défendre de leur influence ; à leur comportement négatif toujours plus insignifiant ils ne réussissent à donner une importance positive et un contenu qu’en se mettant à l’unisson des nouvelles représentations.

Par ailleurs, il semble que le temps de la fermentation, qui inaugure une création nouvelle, soit passé. Lorsqu’elle apparaît pour la première fois, une telle création adopte communément une attitude d’hostilité fanatique à l’égard de la systématisation largement répandue du principe antérieur ; tantôt elle appréhende de se perdre dans l’extension du particulier, tantôt elle craint le travail qu’exige la formation scientifique, et, quand cette formation fait défaut, elle recourt tout d’abord à un formalisme vide. L’exigence d’une élaboration et d’une formation du matériau n’en devient alors que plus pressante. Il y a une période, dans la culture d’un temps comme dans la culture d’un individu, où l’on a surtout affaire à l’acquisition et à l’affirmation du principe dans son intensité non développée. Mais l’exigence supérieure vise à ce que ce principe parvienne à la science.

Quels qu’aient été les résultats auxquels on est parvenu à d’autres égards en ce qui concerne le contenu et la forme de la science, reste que la science logique, qui constitue la métaphysique proprement dite ou la pure philosophie spéculative, s’est vue jusqu’à présent encore très négligée. Ce que j’entends plus précisément par cette science et le point de vue qui est sien, je l’ai indiqué en première approche dans l’Introduction (introduction à Science de la Logique). Bien qu’un travail de nombreuses années n’ait pu donner à cet essai une plus grande perfection, il est souhaitable que ceux qui en jugent équitablement aient égard à la nécessité qui s’imposait de reprendre cette science à son début, à la nature de l’objet même, et à la carence en travaux préparatoires qui auraient pu être utilisés. – Le point de vue essentiel tient en ce que l’on a affaire en somme à un concept nouveau du traitement scientifique. La philosophie, en tant qu’elle doit être science, ne peut pas à cet effet, ainsi que je l’ai rappelé ailleurs, emprunter sa méthode à une science subordonnée comme l’est la mathématique, pas plus qu’elle ne peut en rester aux affirmations catégoriques de l’intuition intérieure, ou se servir du raisonnement fondé sur la réflexion extérieure. Mais c’est seulement à la nature du contenu qu’il revient de se mouvoir dans le connaître scientifique, en tant que c’est cette réflexion propre du contenu qui seulement pose et produit à la fois sa détermination même.

L’entendement détermine et fixe les déterminations ; la raison est négative et dialectique, parce qu’elle réduit à rien les déterminations de l’entendement ; elle est positive parce qu’elle produit l’universel, et subsume en lui le particulier. De même que l’on a coutume de prendre l’entendement comme quelque chose de séparé de la raison en général, de même aussi a-t-on coutume de prendre la raison dialectique comme quelque chose de séparé de la raison positive. Mais dans sa vérité la raison est esprit, et celui-ci est supérieur à l’un et à l’autre, il est une raison d’entendement ou un entendement de raison. Il est le négatif, ce qui constitue aussi bien la qualité de la raison dialectique que de l’entendement ; - il nie ce qui est simple, et c’est ainsi qu’il pose la différence déterminée de l’entendement ; il dissout tout autant cette différence, et c’est ainsi qu’il est dialectique. Pourtant il ne se maintient pas dans le néant de ce résultat, mais en lui il est aussi bien positif, et ainsi il a établi par là le premier terme simple, mais comme un universel ; sous cet universel n’est pas subsumé un particulier donné, mais dans ce déterminer et dans sa réduction le particulier s’est déjà co-déterminé. Ce mouvement spirituel, qui dans sa simplicité se donne sa détermination et dans celle-ci son égalité avec lui-même, et qui est donc le développement immanent du concept, est la méthode absolue du connaître, et en même temps l’âme immanente du contenu lui-même. – C’est seulement en suivant ce chemin qui se construit lui-même que la philosophie, je l’affirme, est capable d’être science objective, démontrée. – C’est de cette manière que j’ai essayé de présenter la conscience dans la « Phénoménologie de l’Esprit ». La conscience est l’esprit comme objet concret ; mais le mouvement par lequel elle se meut vers l’avant repose uniquement, comme il en va du développement de toute vie naturelle et spirituelle, sur la nature des essentialités pures qui constituent le contenu de la logique. La conscience, en tant qu’elle est l’esprit se manifestant, qui se libère sur son chemin de son immédiateté et de sa concrétude, parvient au niveau du savoir pur qui a pour objet ces essentialités pures elles-mêmes, telles qu’elles sont en et pour soi. Ce sont les pensées pures, l’esprit qui pense son essence. Leur auto-mouvement est leur vie spirituelle, il est ce par quoi la science se constitue et ce dont elle est la présentation… »

Lire sur la pensée de Hegel

PETIT LEXIQUE HÉGÉLIEN

Subsumer = englober un ensemble de propriétés dans une unité

Sursumer = construire une entité contenant un terme et son contraire

Auto-mouvement = contrairement au principe d’identité, l’auto-mouvement suppose qu’un élément change sans action externe mais sous les contradictions internes

Métaphysique = classement en termes figés en abstractions dénuées d’expression concrète, en termes opposés n’ayant aucune capacité de passer de l’un à l’autre

suite du lexique

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