Accueil > 10- SYNDICALISME ET AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS - SYNDICALISM AND (...) > Quelque chose de pourri dans l’Idaho, Jack London

Quelque chose de pourri dans l’Idaho, Jack London

samedi 5 octobre 2013, par Robert Paris

Quelque chose de pourri dans l’Idaho, Jack London

A l’heure où nous écrivons il y a dans l’Etat de L’Idaho trois hommes qui croupissent en prison. Ils s’appellent Moyer, Haywood et Pettibone. Ils sont accusés du meurtre du Gouverneur Steunenberg. Soit dit en passant, ils sont accusés de trente, soixante et soixante-dix autres crimes atroces. Non seulement ce sont des leaders des travailleurs et des meurtriers, mais ce sont des anarchistes. Ils sont coupables et doivent être rapidement, immédiatement exécutés. On doit regretter qu’un châtiment plus sévère et plus douloureux que la pendaison ne les attende ; En tout cas, c’est une consolation de savoir que ces hommes seront sûrement pendus.
Ce qui précède résume les renseignements et convictions à la disposition de l’agriculteur moyen, de l’avocat, du professeur, du clergyman et de l’homme d’affaires des Etats-Unis ; Sa conviction est fondée sur les informations qu’il a pu réunir en lisant les journaux. S’il avait entre les mains des informations différentes, il aurait peut-être d’autres convictions. Le but de cet article est d’essayer d’apporter des informations qui sont tout à fait absentes de 99% des journaux des Etats-Unis.

Tout d’abord, Moyer, Haywood et Pettibone ne se trouvaient même pas dans l’Etat d’Idaho au moment où le crime dont ils sont accusés a été commis. En second lieu, ils sont à présent dans la prison de l’Etat d’Idaho parce que les hommes de loi ont commis des actes illégaux, depuis le chef des fonctionnaires de l’Etat jusqu’aux humbles shérifs adjoints – et cela en collusion avec les associations de propriétaires de mines et les compagnies de chemins de fer.

Il y a un complot avoué et ouvertement affiché. Et il s’agit de complot et de violation de la loi de la part des hommes mêmes qui prétendent essayer de punir les complots et les violations de la loi. C’est de l’inconséquence, pour ne pas dire davantage. On peut ajouter que c’est une inconséquence criminelle. Deux fautes n’ont jamais passé pour faire en s’additionnant un acte légal. Cependant les propriétaires de mines commencent leur prétendue croisade pour le bien en faisant le mal.

C’est un mauvais début qui justifie une investigation et une analyse des actes, mobiles et personnages en cause du côté des propriétaires des mines. Et, en passant, un examen du témoignage qu’ils prétendent avoir recueilli contre Moyer, Haywood et Pettibone.

Le témoignage contre ces leaders des travailleurs est contenu dans la confession d’un certain Harry Orchard. Au premier abord, l’impression est mauvaise quand un hommes confesse qu’à l’instigation d’un autre, et moyennant de l’argent remis par ce dernier, il a commis un meurtre. C’est ce que confesse Harry Orchard.

Mais ce n’est pas la première fois que ces mêmes leaders des travailleurs ont été accusés de meurtre ; et cette confession n’est pas la première qui les ait mis en cause. Le Colorado est un sol fertile en confessions. Moyer, en particulier, a été en prison bien des fois sous l’accusation d’autres meurtres. Cinq hommes au moins ont juré solennellement qu’ils avaient tué à son instigation. A présent, c’est une tradition que l’instrument avoue, l’instigateur est pendu.

Moyer fait mentir la tradition. En dépit de nombreuses confessions, il n’a jamais été reconnu coupable. Cela devrait donner une mauvaise impression desdites confessions. Non seulement cela fait paraître déplorable le principe même de la confession, mais à leur tour ces confessions font planer un doute sur la pureté et la qualité de la confession actuelle de Harry Orchard. Dans un pays connu pour produire en fait de confessions des fruits pourris, il serait vraiment extraordinaire de découvrir que ce dernier spécimen est net et sain.

Lorsque quelqu’un vient déposer devant la cour, il est bon de savoir de quel genre d’homme il s’agit, quels sont ses antécédents, s’il a ou non un intérêt personnel dans la cause. L’association des propriétaires de mines du Colorado et de l’Idaho viennent déposer contre Moyer, Haywood et Pettibone. Bon. Alors, quelle sorte de gens sont ces propriétaires de ? Qu’ont-ils fait dans le passé ?

Que les propriétaires de mines aient violé la loi un nombre incalculable de fois, on ne se pose même plus la question. Qu’ils aient volé leur suffrage à des milliers d’électeurs, tout le monde le sait. Qu’ils aient légalisé l’illégalité, c’est un fait historique. Mais sur l’affaire en cause ces faits n’ont qu’une portée générale ;

En particulier, pendant et depuis le conflit du travail qui a pris naissance en 1903 au Colorado, les propriétaires de mines ont accusé les membres de la Fédération des Mineurs de l’Ouest de toutes sortes de crimes. Il y a eu bien des procès, qui se sont terminés par un acquittement. Les témoignages apportés à procès venaient de détectives payés et d’espions. Cependant les détectives et les espions, maîtres dans l’art de réunir les témoignages, n’ont pas réussi une seule fois à emporter la conviction du tribunal. Cela ne parait pas bon pour le genre de témoignage qui pousse sur le sol fertile du Colorado.

Mais c’est pire que cela. Tandis que les détectives et les espions se sont révélés comme de piètres cultivateurs de témoignages, ils ont démontré qu’ils étaient de bons criminels. Un grand nombre d’entre ex ont été condamnés par les tribunaux et envoyés en prison pour des crimes allant du vol à l’homicide sans préméditation.

Est-ce que les propriétaires des mines sont des citoyens respectueux des lois ? Croient-ils en la loi ? La font-ils observer ? « Au diable la Constitution », était leur déclaration clairement énoncée au Colorado en 1903. Leur agent militaire, le Général Sherman Bell, disait : « Au diable l’habeas corpus ! Nous leur donnerons à la place des autopsies ! » Le Gouverneur Gooding, le gouverneur actuel de l’Idaho, a dit récemment : « Au diable le peuple ! »

Il n’est donc que trop naturel de mettre en doute le civisme d’une organisation regroupant des hommes qui ont constamment et uniformément voué au diable la procédure de l’habéas corpus, le peuple et la Constitution. A Chicago, il y a quelques années, des hommes ont été pendus pour avoir tenu des propos incendiaires à moitié moins violents que ceux-ci. Mais c’étaient des travailleurs. Les propriétaires des mines du Colorado et de l’Idaho sont des haust fonctionnaires ou des capitalistes. On ne les pendra pas. Au contraire, ils jouissent de leur pleine liberté, une liberté dont ils se servent pour faire pendre d’autres hommes pour qui ils n’éprouvent pas de sympathie.

Pourquoi certains propriétaires de mines détestent-ils Moyer, Haywood et Pettibone ? Parce que ces hommes se trouvent entre les propriétaires des mines et un tas d’argent. Ces hommes sont les chefs du travail organisé. Ils aménagent et dirigent les efforts des travailleurs pour obtenir de meilleurs salaires et moins d’heures de travail. L’exploitation de leurs mines deviendra plus onéreuse. Plus les dépenses d’exploitation sont élevées, plus faibles sont les profits. Si les propriétaires de mines pouvaient démanteler la Fédération Occidentale des Mineurs, ils augmenteraient le nombre d’heures de travail, diminueraient les salaires et, de ce fait, gagneraient des millions de dollars. C’est là qu’est le gros magot.

Le magot est assez respectable. Judas a trahi le Christ pour trente deniers. Depuis cette époque la nature humaine n’a pas changé, et il se conçoit que Moyer, Haywood et Pettibone puissent être pendus pour quelques millions de dollars. Non pas que les propriétaires des mines aient personnellement quoi que ce soit contre Moyer, Haywood et Pettibone (Judas n’avait rien à reprocher au Christ), mais parce que les propriétaires des mines veulent le magot. Judas voulait les trente deniers.

Pour établir que ce qui précède n’est pas seulement surprenant, il serait bon de préciser que les propriétaires des mines ont fréquemment et publiquement annoncé que c’était leur intention d’exterminer la Fédération des Mineurs de l’Ouest. Leur mobile est ici clairement exposé et exprimé. Cela mérite d’être considéré par tout citoyen patriote et qui réfléchit.

En un mot, dans l’Idaho, la situation est actuellement celle-ci : à la suite d’un long conflit entre le capital et le travail, l’organisation capitaliste a fait mettre en prison les chefs de l’organisation des travailleurs. Elle essaie de les faire pendre. Elle avait déjà essayé antérieurement, mais ses témoignages et ses « confessions » étaient toujours trop suspects et dus manifestement à la corruption. Les espions et détectives privés stipendiés par elle ont été mis en prison pour avoir commis toutes sortes de crimes sans avoir seulement réussi à faire arrêter un seul chef des travailleurs.

L’organisation capitaliste a été incendiaire en paroles et, par des actes illégaux, s’est mise au niveau de ses discours. Elle profitera de l’extermination de l’organisation des travailleurs. L’organisation capitaliste est sans moralité. Elle n’a jamais reculé devant quoi que ce soit pour parvenir à ses fins. Elle s’est conduite d’une manière illégale, aussi bien en intentions qu’en actes, et les agents à sa solde ont fait de même. La situation dans l’Idaho ? Il ne peut y avoir qu’une seule conclusion : IL Y A QUELQUE CHOSE DE POURRI DANS L’IDAHO !

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.