Accueil > 08- LUTTE DES CLASSES - CLASS STRUGGLE > Le Bangladesh après l’effondrement du Rana Plaza

Le Bangladesh après l’effondrement du Rana Plaza

dimanche 3 novembre 2013, par Robert Paris

Les marques françaises sont elles aussi responsables

Bangladesh : après l’effondrement du Rana Plaza

Cet arti­cle est paru dans Echanges n°144

La pres­sion sur l’ensem­ble des tra­vailleurs de la confec­tion au Bangladesh est aujourd’hui d’autant plus forte que ce pays devient de plus en plus un des para­dis de la délo­ca­li­sation pour cette bran­che du capi­tal. Les trou­bles sociaux réc­urrents ne déc­ou­ragent pas ces trans­ferts – les inves­tis­se­ments étr­angers – tant les pers­pec­ti­ves de profit sont attrayan­tes. Dans « Une rév­olte ouvrière » (Echanges 118, automne 2006) et « Quelles suites aux émeutes de l’été 2006 ? » (Echanges 119, hiver 2006-2007), nous avions lon­gue­ment exposé la situa­tion du Bangladesh et des luttes (affron­te­ments vio­lents et émeutes des tra­vailleurs du tex­tile essen­tiel­le­ment). Peu de choses ont changé si ce n’est que la crise passe aussi pour ren­for­cer encore les condi­tions d’exploi­ta­tion – si c’est encore pos­si­ble.

Il nous semble impor­tant de rap­pe­ler quel­ques-unes des données de base per­met­tant de bien situer la condi­tion prolét­aire aujourd’hui dans ce pays dont les données géog­rap­hiques et le passé colo­nial for­ment le cadre de la situa­tion sociale.

Sur un ter­ri­toire comp­tant pour le quart de la France (envi­ron 22 dép­ar­tements français, moins que la Roumanie) vivent (on devrait dire sur­vi­vent pour l’immense majo­rité des habi­tants) 152 mil­lions d’habi­tants, deux fois plus que la popu­la­tion franç­aise ; ce qui donne une den­sité de popu­la­tion de 1 060 habi­tants au km² contre 120 en France, pres­que dix fois plus.

On pour­rait penser que ce pays sur­peu­plé recèle des riches­ses qui per­met­tent à tous d’y vivre hors de la misère. C’est tout le contraire. La plus grande partie du ter­ri­toire est à moins de 12 mètres au-dessus du niveau de la mer et 10 % en des­sous de ce niveau. On estime que si par l’effet de serre le niveau des mers s’élevait de 1 mètre, la moitié du pays dis­pa­raîtrait. Pour le présent, deux formes d’inon­da­tions sont une menace cons­tante : d’un côté les fleu­ves Gange et Bramapoutre des­cen­dant de l’Himalaya recou­vrent régul­ièrement les terres de leur delta commun, de l’autre, des typhons tro­pi­caux pous­sant les mers dans les terres dév­astent tout sur leur ­pas­sage.

Les chif­fres de cette insé­curité géog­rap­hique sont à la mesure du sur­peu­ple­ment : en 1970, 500 000 vic­ti­mes d’un cyclone ; en 1991, 130 000 ; en 1998 les inon­da­tions recou­vrent 70 % du pays lais­sant 30 mil­lions de sans-abri ; le 15 mai 2013 une autre inon­da­tion entraîne le dép­la­cement de 800 000 per­son­nes.

Sur ces cam­pa­gnes peu accueillan­tes vivent les deux tiers de la popu­la­tion dans une pau­vreté accen­tuée par ces dés­astres réc­urrents, ce qui a deux conséqu­ences : l’une la per­sis­tance des rela­tions socia­les quasi tri­ba­les, l’autre une forte émig­ration tant vers l’étr­anger (une bonne part dans l’ex-pays colo­ni­sa­teur, la Grande-Bretagne) que vers les villes et leurs indus­tries (Dacca la capi­tale compte 12 mil­lions d’habi­tants avec son envi­ron­ne­ment d’usines et de bidon­vil­les, le port le plus actif, Chittagong, 4 mil­lions).

La misère dou­blée d’une insé­curité et la per­sis­tance des par­fois ter­ri­bles règles de vie cou­tu­mières, notam­ment pour les femmes, peut faci­le­ment expli­quer que l’exode, même avec ses incer­ti­tu­des et les dures condi­tions d’exploi­ta­tion dans les bagnes de l’indus­trie tex­tile sont moins pénibles que la survie dans les cam­pa­gnes. Ces migrants de l’intérieur qui for­ment l’essen­tiel de la classe ouvrière, le plus sou­vent des femmes, ne dép­assent pas 4 à 5 mil­lions, soit à peine 3% de la popu­la­tion totale.

De nom­breux conflits

Mais ce n’est pas tout. Les séqu­elles de la déco­lo­ni­sation lais­sent une situa­tion poli­ti­que inex­tri­ca­ble, et de vio­lents conflits poli­ti­ques et reli­gieux aggra­vent encore l’ensem­ble des condi­tions que nous venons d’évoquer.

Le Bangladesh était une partie intégr­ante de l’Empire bri­tan­ni­que des Indes com­por­tant un mél­ange reli­gieux d’hin­douis­tes (domi­nants) et de musul­mans (mino­ri­tai­res). Lors de la déco­lo­ni­sation en 1947, le colo­ni­sa­teur crut habile de séparer l’Empire des Indes en deux Etats : l’Inde à base hin­douiste et le Pakistan à base musul­mane. Ce der­nier était divisé en deux par­ties, le Pakistan occi­den­tal (le Pakistan actuel à domi­nante musul­mane) et le Pakistan orien­tal (l’actuel Bangladesh, avec une forte mino­rité hin­douiste). Quand le Pakistan occi­den­tal tenta d’impo­ser sa loi à la partie orien­tale, en 1971, la guerre civile a éclaté dans cette partie qui, avec l’appui de l’Inde, put acquérir son indép­end­ance en tant que Bangladesh.Cette guerre aurait fait entre 500 000 et 2 mil­lions de vic­ti­mes avec un cortège d’exac­tions, de mas­sa­cres, de viols et de pilla­ges ; plus de 10 mil­lions de per­son­nes émigrèrent en Inde. Après qua­rante ans, les plaies de cette guerre sont cons­tam­ment rou­ver­tes par l’affron­te­ment des deux prin­ci­paux partis ; le Bangladesh National Party (BNP), d’obédi­ence musul­mane, et la ligue Awami, d’obédi­ence hin­douiste, qui ont chacun séparément leurs extrém­istes.

Depuis l’indép­end­ance, ces deux partis se sont par­tagé alter­na­ti­ve­ment le pou­voir, mais entre­tien­nent lorsqu’ils sont dans l’oppo­si­tion une vio­lence per­ma­nente en lançant des journées de grève, les « har­tals », qui sont sans rap­port avec les grèves dont il sera ques­tion ci-des­sous mais qui lais­sent chaque fois un cortège de des­truc­tions et de morts. Actuellement, c’est la ligue Awami qui dis­pose du pou­voir et on peut sup­po­ser qu’elle a exhumé la hache de guerre pour mas­quer la vio­lence des conflits sociaux dans le tex­tile et par­fois dans d’autre bran­ches éco­no­miques. Quarante ans après les mas­sa­cres de la guerre civile, cer­tains res­pon­sa­bles restés impu­nis jusqu’alors ont été condamnés à mort : des émeutes des extrém­istes musul­mans ont fait plus de 60 morts.

On doit ajou­ter qu’éco­no­miq­uement le pays, agri­culture et indus­trie, a subi une muta­tion impor­tante depuis les années 1970 : la prospérité éco­no­mique était basée sur la pro­duc­tion et l’indus­tria­li­sa­tion du jute, lar­ge­ment uti­lisé en raison de sa rés­ist­ance, pour toute une série de pro­duc­tions tex­ti­les. L’irrup­tion des tissus syn­thé­tiques a tota­le­ment ruiné cette pro­duc­tion et indus­trie ; la conver­sion s’est faite prin­ci­pa­le­ment vers une autre indus­trie tex­tile, celle de la confec­tion.

La catas­tro­phe du 24 avril 2013

Une réc­ente conséqu­ence de cette surex­ploi­ta­tion de la force de tra­vail, pas la pre­mière, pas la der­nière, s’est passée à Savar, dans la ban­lieue de la capi­tale, Dacca : là, un immeu­ble de huit étages, le Rana Plaza, abrite une banque au rez-de-chaussée et cinq usines tex­ti­les où tra­vaillent 3 200 tra­vailleurs (une esti­ma­tion car la cor­rup­tion géné­ralisée fait que tout est sous-évalué), des femmes pour la ­plu­part. La cons­truc­tion de l’immeu­ble n’a été auto­risée que pour cinq étages, mais de telles infrac­tions cou­ver­tes par la cor­rup­tion sont fréqu­entes, de même que les ­mal­façons.

Le mardi 23 avril, des fis­su­res sont cons­tatées dans les murs du bâtiment et les tra­vailleurs en sont évacués : le pro­priét­aire, convo­qué, déc­lare que c’est sans danger. Le len­de­main matin, la banque reste fermée mais les patrons des ate­liers de confec­tion contrai­gnent les tra­vailleurs à rega­gner leur poste. Quelques heures après l’immeu­ble s’écr­oule tota­le­ment : on reti­rera des déc­ombres plus de 1 200 corps et plus de 1 000 blessés, plus ou moins séri­eu­sement. On ne saura jamais les chif­fres exacts car les effec­tifs n’ont pas été enre­gis­trés. Le fait que l’immeu­ble se soit ainsi effon­dré comme un château de cartes et les photos du tas de gra­vats qui sont les seuls déc­ombres confir­ment que l’immeu­ble de béton a été cons­truit pra­ti­que­ment sans arma­ture mét­al­lique. L’effon­dre­ment a pu être causé par les tré­pi­dations des machi­nes à coudre et il a été si sou­dain qu’aucun des tra­vailleurs n’a eu le temps de gagner une sortie.

La dimen­sion meur­trière de la catas­tro­phe entraîne une méd­ia­ti­sation mon­diale, une stig­ma­ti­sa­tion des don­neurs d’ordre (mul­ti­na­tio­na­les de la confec­tion et de la dis­tri­bu­tion) et une réaction vio­lente de tous les tra­vailleurs du sec­teur tex­tile du pays. Un coin du voile est levé sur les condi­tions d’exploi­ta­tion de ces tra­vailleurs ce qui n’était guère connu aupa­ra­vant. Mais plus que sur l’ensem­ble de ces condi­tions, l’accent est mis sur­tout sur l’insé­curité qui n’est pas due tant aux matériaux uti­lisés (tein­tu­res, sol­vants..) qu’aux locaux : sor­ties blo­quées pen­dant le tra­vail pour éviter les sor­ties et/ou les vols, pas d’auto­ma­tis­mes anti-incen­dies, extinc­teurs en nombre réduit ou hors d’usage, aucun contrôle ou contrôles arrangés par la cor­rup­tion.

Depuis 2005 plus de 700 tra­vailleurs ont été brûlés vifs dans des incen­dies. Un des der­niers en date, le 24 novem­bre 2011, a tué 112 tra­vailleurs et blessé 150 autres, le patron ayant retardé l’évac­uation malgré l’alerte incen­die. Le 8 mai 2013, un autre incen­die a fait huit morts, la plu­part asphyxiés par les vapeurs toxi­ques des tissus enflammés.

Répliques ouvrières et rép­liques du capi­tal

Dans les heures qui ont suivi l’effon­dre­ment de l’immeu­ble, les tra­vailleurs de toutes les usines (essen­tiel­le­ment tex­ti­les) de la zone indus­trielle concen­trée autour de Dacca se sont mis en grève. Les grév­istes, comme sou­vent, se sont rép­andus autour des usines, blo­quant les axes rou­tiers, s’affron­tant avec les flics de l’unité spéc­iale anti-émeutes le Rapid Action Battalion (RAB), incen­diant voi­tu­res, camions et usines. Cela dura près d’une semaine bien que le gou­ver­ne­ment, pour pré­venir des trou­bles plus impor­tants, eût ordonné la fer­me­ture des usines de la zone.

Parallèlement, le gou­ver­ne­ment tente de calmer le jeu mais cela ne peut aller bien loin car plus du tiers des mem­bres du Parlement et du gou­ver­ne­ment sont eux-mêmes patrons ou liés de près à cette indus­trie tex­tile. Pour satis­faire en appa­rence au mou­ve­ment de rév­olte, des pour­sui­tes sont engagées contre quel­ques têtes, res­pon­sa­bles directs de la catas­tro­phe : le pro­priét­aire de l’immeu­ble est arrêté alors qu’il ten­tait de gagner l’étr­anger ainsi que six patrons ou res­pon­sa­bles des entre­pri­ses tex­ti­les concernées ; gageons qu’ils retrou­ve­rons leur liberté lors­que cette tempête sera calmée. Le syn­di­cat patro­nal du tex­tile (BGMEA, Bangladesh Garment Manufactures and Exporters Association) décide que les salai­res seront payés de toute façon et offre une indem­ni­sa­tion d’un mois de salaire (30 euros) pour com­pen­ser le pré­ju­dice phy­si­que et/ou moral. Le gou­ver­ne­ment décide de fermer imméd­ia­tement pour des rai­sons de sécurité seize usines... sur 5 400 du sec­teur, et de pour­sui­vre des enquêtes de sécurité dans les autres (vu ce que don­naient ces enquêtes pré­céd­emment, on peut se douter de ce qu’elle seront). Les mul­ti­na­tio­na­les de la confec­tion et/ou de la dis­tri­bu­tion dév­ersent dans les médias leurs bonnes inten­tions et leurs pro­tes­ta­tions d’igno­rance des condi­tions d’exploi­ta­tion de la force de tra­vail qui pro­duit cette manne de pro­duits au meilleur coût et leur permet d’engran­ger la plus grande partie de la plus-value.

Ces pro­tes­ta­tions, comme aupa­ra­vant, res­te­ront lettre morte et il n’est pas inu­tile de voir com­ment dans ce domaine du tex­tile, comme dans d’autres, sur un plan mon­dial, se dér­oule le pro­ces­sus de pro­duc­tion au moin­dre coût en éludant l’ensem­ble des contrain­tes éventu­elles éta­tiques dans le domaine social et/ou envi­ron­ne­men­tal. Les don­neurs d’ordre, ache­teurs ini­tiaux, sont les mul­ti­na­tio­na­les (dans le tex­tile, les mar­ques comme Adidas, Benneton, H&M, Gap, etc.) ou les chaînes de dis­tri­bu­tion (Walmart, Carrefour, C&A...). Ces entre­pri­ses lan­cent un appel d’offre pour un pro­duit défini à des condi­tions pré­cises et don­nent le marché au mieux offrant, où qu’il soit, sou­vent dans le tex­tile des firmes taï­wan­aises, coré­ennes, japo­nai­ses... rare­ment loca­les. Ces sociétés qui ont pris la com­mande possèdent des usines dans différents pays, le plus sou­vent dans tout le Sud-Est asia­ti­que. Pour tenir les prix, elles peu­vent, ou dép­lacer les usines là où la force de tra­vail peut être exploitée dans les pires condi­tions (le Bangladesh est bien placé au bas de l’éch­elle des condi­tions d’exploi­ta­tion), ou sous-trai­ter tout ou partie du tra­vail concerné en ne conser­vant que la partie finale de la confec­tion ; sou­vent les contrôles ne sont effec­tués que dans cette partie finale alors que la masse des sous-trai­tants y éch­appe. Une pra­ti­que cou­rante pour faire face aux aléas de la pro­duc­tion et aux réactions ouvrières consiste à fermer l’usine et à en ouvrir une autre ailleurs sous un autre nom mais avec les mêmes condi­tions.

Pour garan­tir leur répu­tation, les diver­ses mul­ti­na­tio­na­les citées ont dû aller au-delà des prét­endus audits antérieurs. Le 12 mai, les prin­ci­paux don­neurs d’ordre européens signent avec des fédé­rations syn­di­ca­les inter­na­tio­na­les, sous l’égide d’ONG, un accord qui ne change rien aux condi­tions de tra­vail par lequel les entre­pri­ses signa­tai­res s’enga­gent à mettre en place, dans les 45 jours à venir , un plan pour protéger les tra­vailleurs du tex­tile contre les incen­dies, l’effon­dre­ment des bâtiments avec la mise en œuvre de moyens « garan­tis­sant un niveau rai­son­na­ble de santé et de sécurité ». Cet accord ne couvre même pas toute l’indus­trie tex­tile. Les mesu­res concernées ne seront sévè­rement appli­quées qu’à un tiers des usines, le der­nier tiers ne pâtis­sant que d’un mini­mum de contrain­tes. De plus, qua­torze des plus gran­des sociétés amé­ric­aines du tex­tile et de la dis­tri­bu­tion ont refusé de signer cet ­ac­cord.

On peut penser que fina­le­ment, au-delà de cet effet d’annonce, peu de choses chan­ge­ront ; sur­tout, peut-être avec plus de sécurité, l’essen­tiel des condi­tions d’exploi­ta­tion (salai­res temps et rythme de tra­vail) sub­sis­tera. Les salai­res res­tent à envi­ron 30 euros par mois (quand ils sont payés) pour dix à quinze heures quo­ti­dien­nes (exten­si­bles sans contre­par­tie) six jours sur sept.

Le Bangladesh a encore la répu­tation d’avoir les salai­res les plus bas du monde : sur la base 100 en 1996, ces salai­res de base ont été mul­ti­plié par 6 en Chine et seu­le­ment par 3 au Bangladesh, même après leur dou­ble­ment en 2010 ; ces bas salai­res expli­quent que malgré les trou­bles poli­ti­ques et sociaux qui inter­rom­pent sou­vent la pro­duc­tion, les com­man­des conti­nuent d’affluer de la part des mul­ti­na­tio­na­les. Il y a bien ces salai­res mini­mum blo­qués depuis quatre mois, mais il faut sou­vent des grèves pour les faire appli­quer. Sur le papier les tra­vailleurs peu­vent former un syn­di­cat (c’est encore confirmé dans l’accord que nous venons d’évoquer) mais dans la pra­ti­que, toute ten­ta­tive est dure­ment réprimée, tout mili­tant est imméd­ia­tement viré, sou­vent avec l’appui des auto­rités. En 2012, un mili­tant syn­di­cal qui s’était plaint du harcè­lement des forces de sécurité a été assas­siné et son corps aban­donné sur une ­au­to­route.

Les usines fermées à cause de grèves ou sur ordre gou­ver­ne­men­tal rou­vrent toutes après envi­ron une semaine d’arrêt et le tra­vail reprend, avec des tra­vailleurs sans doute excédés parce que rien n’est résolu des condi­tions de leur exploi­ta­tion, mais poussés par l’impéri­euse néc­essité de pour­voir au quo­ti­dien que leur apporte cette exploi­ta­tion éhontée.

La lutte de classe conti­nue

Depuis la mi-mai 2013, des mil­liers de tra­vailleurs de dou­zai­nes d’usines de la ban­lieue de Dacca conti­nuent de mani­fes­ter pour les salai­res et la sécurité sui­vant le schéma habi­tuel : bar­ra­ges rou­tiers vio­lence poli­cière... Le 27 mai, 20 000 tra­vailleurs de la confec­tion à Ashulia blo­quent l’auto­route proche : 50 blessés. Le 15 juin, 5 000 tra­vailleurs de l’entre­prise Utah Fashion à Tej­gaen, dans la ban­lieue de Dacca, trou­vent la porte fermée suite à des reven­di­ca­tions de pause et de primes. Ce lock-out décl­enche la réaction habi­tuelle : blo­cage rou­tier, répr­ession poli­cière, des­truc­tion de véhi­cules et dép­rédations sur les usines. Même scé­nario le même jour, indép­end­amment, à Gazipur contre Uni Gears, suite à une reven­di­ca­tion de salai­res.

Jusqu’à quand ? pour­rait être la ques­tion. Comme nous venons de le mon­trer, pour autant que les deux tiers de la popu­la­tion de ce pays conti­nue­ront de subir les ter­ri­bles pres­sions géog­rap­hiques, cou­tu­mières et poli­ti­ques, des mil­liers de Bengalis cher­che­ront à y éch­apper dans l’exil incer­tain vers l’étr­anger ou dans la dure exploi­ta­tion capi­ta­liste. Cela peut rela­ti­ve­ment paraître comme une évasion vers un « meilleur » et, notam­ment pour les femmes, un moyen d’éch­apper aux ter­ri­bles cou­tu­mes plus ou moins tri­ba­les. Le capi­tal peut conti­nuer à puiser dans ce rés­ervoir d’escla­ves sala­riés, d’autant plus que, pour impor­tante éco­no­miq­uement qu’elle soit pour le Bangladesh, cette acti­vité dans l’indus­trie tex­tile n’emploie que 3% de la popu­la­tion totale. Mais, émancipés des tutel­les des struc­tu­res des cam­pa­gnes, ces migrants n’en devien­nent pas moins des prolét­aires assu­jet­tis à la dure loi de l’exploi­ta­tion de leur force de tra­vail. Ils lut­tent doré­navant comme prolét­aires pour obte­nir de meilleu­res condi­tions de tra­vail et, dans le contexte à la fois de la prés­ence quo­ti­dienne de la vio­lence, de la loi d’airain des capi­ta­lis­tes locaux et de la cor­rup­tion, doi­vent uti­li­ser eux-mêmes cette vio­lence.

Mais un autre dilemme se pose dans cette lutte : les capi­ta­lis­tes mon­diaux doi­vent protéger l’énorme plus-value qu’ils dégagent de cette surex­ploi­ta­tion et, dans la mesure où ces luttes garan­ti­raient de meilleu­res condi­tions de tra­vail, elles amoin­dri­raient cette plus-value ; d’où une migra­tion des ­in­ves­tis­se­ments vers des lieux d’exploi­ta­tion, en Asie ou en Afrique, offrant de « meilleu­res » (pour le capi­tal) condi­tions d’exploi­ta­tion. C’est le dilemme qui se pose à tous les exploités du monde et que seule rés­oudra la fin du système capi­ta­liste.

H. S.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.