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Le règne mensonger de l’opinion publique

vendredi 23 mai 2014, par Robert Paris

Le règne mensonger de l’opinion publique

L’opinion publique, tout est fait pour faire croire que c’est elle qui ferait la loi, qui dicterait leurs choix aux média, aux gouvernants, aux classes dirigeantes ne faisant que suivre le diktat de cette « opinion » soi-disant dominante dans nos sociétés occidentales….

Nous sommes l’objet de toutes les attentions pour savoir quelle serait « notre opinion » et ensuite on se charge de diffuser partout ce que le bon peuple pense et désire ou du moins ce qu’il est censé penser et désirer.

Il en résulte des adages officiels et indiscutables du genre : « les Français (ça commence toujours ainsi) sont d’accord pour l’austérité », « les Français souhaitent qu’on aide l’entreprise », « les Français soutiennent le plan Valls de sacrifices », « les Français sont hostiles aux étrangers », « les Français estiment que les Roms ne veulent pas d’intégrer », « les Français trouvent que la sécurité s’est dégradée », « les Français estiment qu’il n’y a pas assez de policiers », « les Français sont inquiets pour l’avenir économique de la France » et autres adages qui sont considérés comme des vérités indiscutables et qui déterminent soi-disant la politique des gouvernants. On ne peut pas « aller contre l’opinion », disent ceux-ci.

Ce n’est pas un simple effet médiatique ou politicien mais un mode de gouvernement qui consiste à faire croire que cela revient à une consultation permanente du peuple, la démocratie directe qui complèterait en somme l’élection des responsables politiques, une manière de faire pression sur eux pour les ramener dans le droit chemin.

On serait ainsi disposés à croire que l’Etat bourgeois et les classes dirigeantes capitalistes ne veulent qu’une chose : satisfaire l’opinion populaire, se plier aux souhaits de la majorité et souhaiter que celle-ci ait le maximum de moyens de l’exprimer. Et ce serait une distorsion de ce fonctionnement normal en démocratie qui ferait que le peuple ne serait pas assez écouté et suivi dans ses avis…

La réalité est exactement inverse : ce sont d’infimes minorités, les possesseurs de capitaux, qui font la loi, qui imposent leurs intérêts, qui sont les seules écoutées par les gouvernants, et dont les décisions sont exécutées partout dans le monde. Ce n’est pas lié à telle ou telle équipe gouvernementale, à la couleur politique des partis majoritaires ni aux débats dans l’opinion ni à aucun vote ni à aucune campagne médiatique. Les décisions importantes qui modifient profondément les choix sociaux et sociétaux ne se prennent pas en public, ne se tranchent pas en fonction des intérêts publics, n’en tiennent même aucun compte. C’est l’intérêt des capitalistes qui s’imposent totalement à tous ces choix et les politiques doivent seulement trouver une manière de donner à l’emballage du produit imposé une couleur à la mode, une allure qui attire ou qui ne repousse pas trop le grand public.

L’opinion publique, comme idéologie dominante, n’est pas un simple instrument de propagande mais carrément un instrument de combat des classes dirigeantes contre les travailleurs et les milieux populaires. C’est une manière pour la grande bourgeoisie de faire croire à la petite bourgeoisie qu’elle donne le ton, qu’elle fait la loi, qu’elle dicte ses choix aux gouvernants et aux classes dirigeantes.

C’est une manière de faire assumer à l’ensemble de la classe moyenne, y compris les salariés en fixe et les mieux payés, toutes les décisions prises en fait par le grand capital.

Quand le grand capital a intérêt à chercher à faire venir le maximum de travailleurs étrangers, il prétend que la population veut s’ouvrir. Quand il ne veut pas ou quand il cherche un ferment de division du fait du risque social, il affirme que la population ne veut plus des étrangers. Quand il veut développer sa participation au marché international, il affirme que la population aime l’abaissement des frontières. Quand les licenciements et les fermetures frappent la classe ouvrière, il sème dans la population (en le faisant sortir des sondages d’opinion) l’idée d’en accuser l’abaissement des frontières… Le nationalisme exacerbé, momentanément combattu le temps de fonder l’Europe, de se lier aux USA et de participer au marché mondial, est relancé parce que cette relance intéresse le grand capital, pour détourner la colère populaire vers la xénophobie et le fascisme et la violence vers la guerre…

Jamais les guerres ne sont décidées par les peuples qui ne sont en aucune manière consultés en la matière mais cela n’empêche pas des sondages d’arriver à point pour faire dire « aux Français » qu’ils sont « pour la guerre de Sarkozy contre le dictateur libyen ou ivoirien » ou « pour la guerre d’Hollande contre le terrorisme au Mali » ou encore « pour la guerre de Hollande pour sauver le peuple syrien de son dictateur sanglant ».

La prétendue dictature de l’opinion publique est habilement activée et maniée par des campagnes et des diffusions de sondages, posant les questions de façon calculée, présentant les problèmes de manière tendancieuse, diffusant la partie qui leur convient dans les résultats. Il s’agit de jouer sur les peurs, sur les menaces, sur les craintes, sur les haines pour les attiser, pour présenter les nouveaux pièges comme des demandes populaires.

Ces campagnes sont clairement des moyens d’attiser l’opinion petite bourgeoise, les classes moyennes, les milieux les plus installés de la classe ouvrière contre la classe ouvrière et ses intérêts politiques et sociaux.

C’est ainsi que les objectifs de la classe capitaliste de destruction des retraites, des services publics, de la sécu, de la santé, des emplois de fonctionnaires ont été enrobés dans la propagande des partis et des syndicats réformistes sous la propagande intitulée « pour une bonne réforme » qui a servi à s’attaquer aux droits sociaux de même que les attaques contre le code du travail, contre le contrat CDI, contre le salaire minimum sont emballés sous l’étiquette « lutte contre le chômage ». Ces objectifs (emploi et réforme) ont été soutenus par des campagnes d’opinion prouvant soi-disant que la population soutenait ces buts.

Même le combat pour contrer l’attaque contre les retraites a été mené par l’intersyndicale avec le but affiché de « gagner la bataille de l’opinion » et les directions syndicales ont prétendu avoir gagné cette bataille face à Sarkozy. Il est possible que Sarkozy ait perdu par le fait que les syndicats réformistes ont appelé à voter contre lui. Par contre, « bataille de l’opinion » gagnée ou pas, la bataille des retraites a tellement été perdue qu’Hollande, qui a succédé à Sarkozy, non seulement n’a pas effacé les décisions de ce dernier contre les retraites mais à a aggravé l’attaque…

L’idée d’une bataille pour gagner l’opinion a surtout servi pour justifier de ne pas mener un véritable combat contre les classes dirigeantes et l’Etat à son service, en faisant croire que ce n’était pas une lutte de classe, nécessitant la grève générale et l’organisation autonome des travailleurs, mais une concertation pour une réforme débattue, négociée, avec des efforts mutuels et autres blablas réformistes…

L’idée d’une opinion publique est surtout un moyen de combattre celle d’une lutte des classes sociales aux intérêts opposés. Celui qui irait contre cette opinion publique serait immédiatement taxé de défendre des intérêts corporatistes égoïstes contre la volonté populaire.

Tous les réformismes et autres opportunismes ont refusé de dénoncer ce diktat mensonger qui dit : on est tous pour la réforme, on est tous pour l’emploi, on est tous pour la sécurité, on est tous pour la France, on est tous contre le terrorisme, on est tous contre la dictature, on est tous pour la paix, on est tous pour diminuer la dette de l’Etat, on est tous pour sortir le pays de la récession, etc.

La réalité est inverse : sur aucune question nous ne sommes tous du même bord. Il y a deux classes sociales qui représentent des perspectives potentielles diamétralement opposées et le mythe d’un intérêt commun, d’un accord possible entre ces deux pôles est une propagande de la classe capitaliste en direction des classes moyennes contre la classe laborieuse.

Souvent, ces campagnes d’opinion surfent sur les craintes sociales de la petites bourgeoisie et des milieux moyens, crainte de chuter socialement, crainte d’être concurrencés par d’autres pays, crainte d’un recul du pays, crainte de l’insécurité, crainte des milieux les plus pauvres, notamment des jeunes de banlieues. On présente ainsi à la population un monde qui semble n’être divisé qu’entre policiers et bandits, entre voleurs et volés.

On présente les plus pauvres comme des profiteurs du système qui détourneraient les aides sociales afin de contraindre les milieux moyens à payer plus d’impôts et de taxes. On présente les fonctionnaires comme des nantis qui voleraient les fonds publics. On présente les salariés comme des gens trop gourmands qui nuisent à la compétitivité des entreprises françaises. On présente les chômeurs eux-mêmes comme des profiteurs du système qui se débrouilleraient pour frauder et détourner l’argent des systèmes sociaux. On présente les populations d’origine étrangère comme profiteurs des logements sociaux, empêchant les nationaux de bénéficier de ces logements alors qu’on n’en construit pas.

Sur toutes ces questions, il suffit de faire semblant de donner la parole à l’opinion publique.

Bien entendu, il n’est jamais question de donner la parole à une opinion ouvrière. Pas une fermeture d’usine, pas une grève où la parole médiatique appartienne à des salariés du rang au lieu des bureaucrates des syndicats réformistes.

Le but est de détruire le prolétariat en tant que classe consciente de ses intérêts et de sa force.

C’est en cela que les mythes démocratiques petits bourgeois se transforment, avec la crise du système capitaliste, en armes de combat du fascisme.

Le pouvoir de l’opinion publique, présenté comme un acquis de la démocratie, se transforme en moyen de destruction des droits et libertés démocratiques, en présentant le droit syndical comme destructeur pour l’entreprise, le service public et l’emploi, en présentant les travailleurs d’origine étrangère comme des ennemis dangereux, en présentant les communautés d’origine maghrébine ou africaine comme des suppôts de la djihad islamique, en présentant les Roms comme des dangereux intrus à expulser, en présentant les jeunes de banlieues comme des bandits en puissance, en poussant les citoyens à se constituer en « groupes de vigilants », en dénonciateurs des jeunes islamistes.

Les organisations réformistes qui dominent la classe ouvrière sont les premiers artisans des mythes démocratiques qui sont en train de se transformer en autant de poisons fascistes. Ils sont tout à fait incapables par conséquent de combattre cette transformation. Leurs liens avec les classes dirigeantes et avec l’Etat bourgeois les empêchent totalement de se démarquer des politiques des classes dirigeantes. Même quand ils se donnent l’air de protester, ils participent toujours à toutes les concertations et négociations, accompagnent toutes les politiques criminelles, ne les démontent nullement publiquement. Ils continuent à en propager tous les mythes comme celui de l’intérêt national des travailleurs, de la défense de l’entreprise, de la concertation, de la bonne réforme, du rôle d’intermédiaire pacificateur de l’Etat entre patrons et salariés, de la démocratie nationale, de la « défense de l’emploi par la puissance publique » et autres baratins servis à la fameuse opinion publique dont ces syndicats prétendent agir pour conquérir les suffrages….

Dans la réalité, les intérêts prolétariens dans la lutte des classes ne sont absolument pas représentés par ces appareils réformistes liés par mille liens à la société bourgeoise dont ils ont parfaitement intégré les règles même aujourd’hui où celles-ci aboutissent à un mur.

Tant que la classe ouvrière ne se dotera pas de conseils de salariés pour se forger une opinion ouvrière, ce sera une tromperie de faire croire que l’opinion des travailleurs se reflète dans un quelconque vote ou sondage !

Messages

  • A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

    Karl Marx

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