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Face à la trahison de la révolution par la social-démocratie, au renforcement de la bourgeoisie et à la contre-révolution stalinienne, salut à l’opposition de gauche internationale ! C’étaient "les nôtres" !

jeudi 9 janvier 2014, par Robert Paris

Face à la trahison de la révolution par la social-démocratie, au renforcement de la bourgeoisie et à la contre-révolution stalinienne, salut à l’opposition de gauche internationale ! C’étaient "les nôtres" !

Appel des 22 aux membres de la conférence de l’Internationale Communiste

26 février 1922

Chers camarades !

Nous avons appris dans nos journaux que le comité exécutif de l’Internationale communiste discute du « front unique ouvrier » ; aussi considérons-nous de notre devoir de communistes de vous informer que dans notre pays le « front unique » est en mauvais état, non seulement au sens large, mais aussi dans son application au sein de notre parti.

Alors que les forces de la bourgeoisie nous pressent de tous côtés, alors même qu’elles infiltrent notre parti, favorisées en cela par sa composition sociale (40 % d’ouvriers et 60 % de non-prolétaires), nos centres dirigeants luttent implacablement contre tous ceux, et tout particulièrement les prolétaires, qui se permettent d’avoir leur opinion, appliquant toutes sortes de mesures répressives contre l’expression de ces opinions dans le Parti.

La tentative d’amener les masses prolétariennes plus près de l’Etat est qualifiée d’ « anarcho-syndicalisme », et ses partisans sont poursuivis et discrédités.

Dans le mouvement syndical, même tableau : suppression de l’initiative et de la spontanéité ouvrières, lutte recourant à tous les moyens contre l’hétérodoxie. Les forces unifiées de la bureaucratie du Parti et des syndicats, tirant profit de leur position et de leur pouvoir, ignorent nos mandats de congrès visant à bâtir les bases de la démocratie ouvrière. Nos fractions dans les syndicats, même nos fractions dans des congrès entiers sont privées du droit de manifester leur volonté dans l’élection de leurs directions. La tutelle et la pression de la bureaucratie en sont arrivées à ce point qu’il est exigé sous peine d’exclusion et d’autres mesures répressives que les membres du parti élisent non ceux que veulent les communistes eux-mêmes, mais ceux que les ignorants haut placés veulent. De telles méthodes de travail mènent au carriérisme, aux intrigues, et à la servilité, auxquelles les ouvriers répondent en quittant le Parti.

Partisans de l’idée du front unique des travailleurs tel qu’il est interprété dans le point 23 des thèses, nous faisons appel à vous, avec le souhait sincère d’en finir avec toutes ces anomalies, qui entravent l’unité de ce front, avant tout au sein de notre parti communiste russe.

La situation dans notre parti est si difficile qu’elle nous pousse à vous demander de l’aide pour écarter la menace imminente d’une scission en son sein.

Salutations communistes,

Membres du PCR :

M. Lobanov, membre du Parti depuis 1904

N. Kouznetsov, membre du Parti depuis 1904

A. Polosatov, membre du Parti depuis 1912

A. Medvedev, membre du Parti depuis 1912

G. Miasnikov, membre du Parti depuis 1906

V. Pliechkov, membre du Parti depuis 1918

G. Chokhanov, membre du Parti depuis 1912

S. Medvedev, membre du Parti depuis 1900

G. Brouno, membre du Parti depuis 1906

A. Pravdine, membre du Parti depuis 1899

I. Ivanov, membre du Parti depuis 1899

F. Mitine, membre du Parti depuis 1902

P. Borisov, membre du Parti depuis 1913

M. Kopylov, membre du Parti depuis 1912

Jiline, membre du Parti depuis 1915

Tchelychev, membre du Parti depuis 1910

Tolokontsev, membre du Parti depuis 1914

A. Chliapnikov, membre du Parti depuis 1901

M. Borouline, membre du Parti depuis 1917

V. Bekrenev, membre du Parti depuis 1917

A. Pavlov, membre du Parti depuis 1917

A. Tachkine, membre du Parti depuis 1917

Je soutiens [ cet appel ] : A. Kollontaï, membre du parti depuis 1898 ; et Zoïa Chadourskaïa.

Au Bureau Politique du Comité Central du Parti Communiste de Russie

(Déclaration des 46)

15 octobre 1923

L’extrême gravité de la situation nous oblige (dans l’intérêt de notre parti, dans l’intérêt de la classe ouvrière) à vous dire ouvertement que la continuation de la politique de la majorité du Bureau Politique menace tout le parti de troubles graves. La crise économique et financière qui a débuté à la fin de juillet cette année avec ses conséquences politiques y compris au sein du parti a révélé de manière impitoyable les insuffisances de la direction du parti dans le domaine économique mais aussi et surtout dans celui des relations à l’intérieur du parti. L’étourderie, le manque de réflexion, le manque de méthode dans la décision du Comité Central - qui n’arrive pas à joindre les deux bouts dans le domaine de l’économie - ont conduit à ce qu’en présence d’incontestables progrès majeurs dans l’industrie, l’agriculture, les finances et les transports - progrès obtenus spontanément par l’économie du pays, non pas grâce, mais en dépit d’une direction défaillante ou plutôt en l’absence de toute direction - nous nous trouvions devant la perspective non seulement de l’arrêt de ces progrès, mais même devant une grave crise économique générale. Nous sommes confrontés à l’imminence d’un effondrement du tchervonets, spontanément devenu une devise de base avant la liquidation du déficit budgétaire, à une crise du crédit dans laquelle la Banque d’État ne peut pas sans risque de chocs sévères financer non seulement l’industrie et le commerce des biens industriels, mais aussi l’achat de céréales pour l’exportation, à l’arrêt de la commercialisation de produits manufacturés en raison de prix élevés qui sont expliquées d’une part par l’absence totale de direction planifiée de l’industrie, d’autre part par la mauvaise politique de crédit, à l’impossibilité de réaliser le programme d’exportations de céréales car il est impossible d’acheter des céréales, à des prix très bas pour les produits alimentaires qui ruinent la paysannerie et menacent d’une contraction de la production agricole, à des interruptions dans le paiement des salaires qui provoquent le mécontentement naturel des travailleurs, à un chaos budgétaire qui provoque à son tour le chaos dans l’appareil d’État - les techniques révolutionnaires de compression à fin de réduction du budget et de nouvelles compressions secrètes lors de sa réalisation se transforment de mesures transitoires en phénomènes constants qui perturbent l’appareil d’Etat et, du fait de l’absence de plan, le perturbent de façon aléatoire, spontanée. Ce sont là quelques-uns des éléments de la crise qui a déjà commencé dans le crédit et la finance. Si des mesures importantes,réfléchies, systématiques et énergiques ne sont pas prises immédiatement, si le manque actuel de direction se poursuit, nous serons confrontés à la possibilité d’un choc économique exceptionnellement sévère, inévitablement lié à des complications politiques intérieures et à l’extérieur à la paralysie totale de notre activité et de notre capacité d’agir. Tout le monde comprendra que nous avons besoin plus que jamais de cette dernière - d’elle dépend le sort de la révolution mondiale et de la classe ouvrière de tous les pays.

De la même façon, dans le domaine de la vie interne du parti, nous voyons la même défaillance de la direction, paralyser et diviser le parti, ce qui apparaît particulièrement clairement dans la période de crise actuelle. Nous n’attribuons pas cela à l’incapacité politique des dirigeants actuels du parti ; au contraire, quels que soient nos désaccords avec eux dans l’évaluation de la situation et dans le choix des mesures à prendre en vue de la changer, nous considérons que les dirigeants actuels ne peuvent pas ne pas être mis par le parti aux avant-postes de la dictature ouvrière dans toutes les circonstances. Nous l’expliquons par le fait que derrière la forme extérieure de l’unité formelle, nous avons en fait un recrutement et une orientation de l’activité unilatérales et adaptées aux idées et sympathies d’un cercle étroit. La direction du parti étant corrompue par de si étroites considérations, elle cesse dans une grande mesure d’être un collectif vivant, s’autorégulant, et qui capte avec sensibilité la réalité vivante, étant lié par des milliers de fils à cette réalité. Au contraire, nous voyons une division du parti qui progresse de plus en plus, que presque rien ne cache, entre la hiérarchie du secrétariat et les laïcs, entre les fonctionnaires professionnels du parti, choisis par en haut, et le reste de la masse du parti, qui ne participe pas à la vie publique. C’est un fait connu de chaque membre du parti. Les membres du parti qui n’approuvent pas telle ou telle décision du Comité Central ou même d’un Comité Régional, ayant tel ou tel doute, notant telle ou telle erreur, vicissitude ou irrégularité, ont peur d’en parler aux réunions du parti, et surtout ont peur d’en parler entre eux sauf si leur interlocuteur s’avère être une personne absolument fiable, c’est à dire discrète : la libre discussion au sein du parti a pratiquement disparu, l’opinion publique du parti s’est enlisée. Aujourd’hui ce n’est pas le parti, ce ne sont pas ses larges masses qui proposent des candidats et élisent les comités régionaux et le comité central du PCR. Au contraire, la hiérarchie du secrétariat du parti sélectionne de plus en plus la composition des conférences et des congrès, qui sont de plus en plus des réunions administratives de cette hiérarchie. Le régime établi à l’intérieur du parti est absolument intolérable, il tue l’auto-activité du parti, remplaçant celui-ci par un appareil bureaucratique trié sur le volet qui fonctionne sans encombre en temps normal, mais qui fait inévitablement des ratés dans les moments de crise, et qui risque d’être entièrement incapable d’action autonome lorsqu’il se trouvera en présence des graves développements qui menacent. Cette situation s’explique par le fait que, le régime de dictature fractionnelle à l’intérieur du parti qui s’est objectivement formé après le Xe congrès s’est perpétué. Beaucoup d’entre nous ont consciemment décidé de ne pas résister à ce régime. Le tournant de 1921, puis la maladie du camarade Lénine, exigeaient, de l’avis de beaucoup d’entre nous, la dictature au sein du parti comme mesure provisoire. D’autres camarades ont été dès le début sceptiques ou négatifs. Quoi qu’il en soit, au XIIe Congrès du parti, ce régime était devenu obsolète. Il commençait à montrer son revers. Les liens dans le parti faiblissaient. Le parti commençait à s’éteindre.

Dans le parti des mouvements d’opposition extrême, et même clairement malsains, ont commencé à acquérir un caractère anti-parti, car il n’y avait pas de discussion fraternelle à l’intérieur du parti sur les questions les plus brûlantes. Pourtant une telle discussion aurait facilement révélé le caractère malsain de ces tendances à la masse du parti comme à la majorité de leurs partisans. Le résultat a été la formation de groupes illégaux attirant des membres du parti en dehors de celui-ci, et le décrochage entre le parti et la masse des travailleurs. La crise économique en Russie soviétique et la crise de la dictature fractionnelle au sein du parti asséneront des coups sévères à la dictature ouvrière en Russie et au Parti Communiste Russe si la situation ne change pas radicalement dans l’avenir immédiat. Avec un tel fardeau sur les épaules, la dictature du prolétariat en Russie et son hégémon le PCR ne peuvent pas ne pas entrer dans la période des nouveaux chocs mondiaux qui s’annoncent autrement qu’avec la perspective d’un échec sur tous les fronts de la lutte prolétarienne. Bien sûr, ce serait à première vue la chose la plus simple du monde que de résoudre le problème en disant qu’à présent, du fait de la situation dans son ensemble, il n’y a pas lieu et il ne peut y avoir lieu de soulever la question d’un changement d’orientation du parti, de mettre à l’ordre du jour des tâches nouvelles et complexes, etc. Mais il est évident qu’une telle conception reviendrait à fermer officiellement les yeux sur la situation réelle, puisque tout le danger réside dans le fait qu’il n’y a pas de réelle unité de pensée et d’action face à une situation intérieure et extérieure extrêmement complexe. Plus la lutte dans le parti se fait en sourdine et dans le secret, plus elle est féroce. Si nous mettons cette question devant le Comité Central, c’est précisément afin de fournir le moyen le plus rapide et le moins douloureux pour résoudre les contradictions qui déchirent le parti et le mettre sans tarder sur des fondations saines. Nous avons besoin d’une unité réelle dans l’analyse et dans l’action. Les épreuves qui viennent nécessitent une action unie, fraternelle, tout à fait consciente, extrêmement énergique, extrêmement cohérente de tous les membres de notre parti. Le régime fractionnel doit être éliminé, et cela devrait être fait en premier lieu par ses artisans : il doit être remplacé par un régime d’unité fraternelle et de démocratie interne. Afin de réaliser tout ce qui précède et de prendre les mesures nécessaires pour surmonter la crise économique, la crise politique et la crise du parti, nous proposons au CC comme tâche première et urgente de convoquer une réunion des membres du Comité Central avec les cadres les plus importants et actifs, de sorte que la liste des invités comprenne un certain nombre de camarades qui ont des opinions sur la situation différente de l’opinion de la majorité du CC.

Signatures de la Déclaration au Politburo du Comité central du PCR sur la situation intérieure dans le parti du 15 octobre 1923

E. Préobrajensky, B. Breslav, L. Serebriakov

N’étant pas d’accord avec certains points de cette lettre sur les causes de la situation actuelle, considérant que le parti est confronté à des problèmes qui ne peuvent être réglés entièrement par les méthodes utilisées jusqu’à présent, je souscris pleinement à la conclusion finale de cette lettre.

A. Beloborodov

Entièrement d’accord avec les propositions, quoique je diverge sur certains considérants.

A. M. Rosengoltz, M. Alsky

Je suis d’accord avec le sens fondamental de cet appel. Le besoin d’aborder directement et franchement tous nos maux est devenu si urgent que je soutiens pleinement la proposition de convoquer la réunion mentionnée afin d’identifier les moyens pratiques qui peuvent nous tirer hors des difficultés accumulées.

Antonov-Ovseïenko, A. Benediktov, I.N. Smirnov, Y. Piatakov, B. Obolensky (Ossinsky), N. T. Mouralov, T. Sapronov

La situation dans le parti tout comme la situation internationale sont telles qu’elles nécessitent plus que jamais un effort extraordinaire et l’unité des forces du parti. Tout en m’associant à la déclaration, je la considère uniquement comme une tentative de reconstituer la cohésion du parti et de le préparer pour les événements à venir. Il est évident qu’à l’heure actuelle il ne peut être question de lutte au sein du parti, sous quelque forme que ce soit. Il est nécessaire que le Comité central évalue sobrement la situation et adopte des mesures urgentes afin de remédier au mécontentement au sein du parti ainsi qu’à celui des masses sans-parti.

A. Holtzman, V. Maximovsky, D. Sosnovsky, Danichevsky, P Mesyatsev, T. Khorechko

Pas d’accord avec un certain nombre d’appréciations dans la première partie de la déclaration, pas d’accord avec certaines caractérisations sur la situation au sein du parti. En même temps profondément convaincu que l’état du parti nécessite des mesures radicales, parce que les choses ne sont pas bonnes dans le parti actuellement. Je suis entièrement d’accord avec la proposition pratique.

A. Boubnov, A.Voronsky, B. Smirnov, E. Bosch, V. Kossior, F. Lokatskov

Absolument d’accord avec l’évaluation de la situation économique. Je considère l’affaiblissement de la dictature politique à l’heure actuelle comme dangereuse mais une régénération est nécessaire. Je trouve que la conférence est absolument indispensable.

Kaganovitch, Drobnis, P. A. Kovalenko, A. E. Minekine, V. Yakovleva

Entièrement d’accord avec la proposition pratique.

B. Eltsine

Je signe avec la même réserve que le camarade Boubnov.

M. Levitine

Je signe avec les mêmes réserves que Boubnov, sans partager ni la forme ni le ton, ce qui me convainc d’autant plus d’être d’accord avec la partie pratique de la déclaration présente.

I. Palioudov, O. Chmidel, N. Vaganian, I. Stoukov, A. Lobanov, Rafaïl S. Vassiltchenko, Mikh. Jakov, A. M. Pousakov, N. Nikolaev

Étant donné que je me suis tenu un peu à l’écart des travaux du centre du parti ces derniers temps, je m’abstiens de porter un jugement sur les deux premiers paragraphes de la partie introductive ; je suis d’accord avec le reste.

Averine

Je suis d’accord avec avec la partie sur la situation économique et politique du pays. Je pense que dans la partie où est décrite la situation dans le parti, le trait a pu être forcé. Il est impératif de prendre des mesures immédiates pour préserver l’unité du parti.

I. Bogouslavsky

Pas tout à fait d’accord avec la première partie, qui traite de la situation économique du pays, cette dernière est très grave et exige une attention extrême, mais jusqu’à maintenant, le parti n’a pas mis en avant des personnes plus capables de diriger que celles qui ont dirigé jusqu’à présent. Sur la question de la situation interne du parti je crois que dans tout ce qui a été dit il y a une part importante de vérité,et je considère qu’il est nécessaire de prendre des mesures urgentes.

F. Soudnik

Déclaration des 13

Opposition bolchévique unifiée

Juillet 1926

Aux membres du Comité Central et de la Commission Centrale de Contrôle du Parti.

Des faits visiblement menaçants, de plus en plus fréquents dans le Parti ces temps derniers, nécessitent un jugement attentif et consciencieux ; malgré toutes les tentatives faites d’en haut pour séparer des masses ouvrières une certaine portion du Parti et lui faire abandonner les méthodes propres à celui ci, nous croyons inébranlablement au maintien de l’unité. C’est précisément pour cette raison que nous voulons, en toute franchise, netteté et même violence, exposer ici notre avis sur les phénomènes malsains qui menacent le Parti, sans rien passer sous silence, rien atténuer, rien voiler.

Le Bureaucratisme, source des fractions

La cause directe, qui rend les crises du Parti de plus en plus aiguës, c’est le bureaucratisme, monstrueusement développé pendant la période suivant la mort de Lénine. Ce bureaucratisme continue à gagner du terrain.

Le CC d’un parti gouvernemental, pour agir sur celui ci, dispose non seulement de moyens idéologiques et administratifs inhérents aux partis, mais encore de moyens étatiques et économiques. Lénine a toujours tenu compte du danger de la concentration du pouvoir administratif entre les mains des fonctionnaires du Parti, celle ci entraînant une pression bureaucratique sur ce dernier. C’est précisément pour cette raison que Lénine a eu l’idée d’une commission de contrôle qui, sans avoir le pouvoir administratif, aurait néanmoins entièrement celui de combattre le bureaucratisme, pour défendre le droit des membres du Parti d’exprimer librement leur opinion et de voter selon leur conscience sans avoir à redouter de représailles.

« A l’heure actuelle, une tâche particulièrement importante incombant aux commissions de contrôle, dit la décision de la conférence du Parti de janvier 1924, est de combattre la déviation bureaucratique de l’appareil du Parti et de ses mœurs, de faire rendre compte de leur attitude aux fonctionnaires du Parti ayant entravé l’application de la démocratie ouvrière dans la vie quotidienne des organisations, le libre exposé des opinions dans les réunions et ayant limité le principe électif dans des cas non prévus par les statuts. »

Pourtant, en fait, et il faut le dire dès l’abord, la CCC elle même est devenue un organe purement administratif ; elle aide les autres organes bureaucratiques à faire pression en exécutant pour eux des représailles, en persécutant toute pensée autonome dans le Parti, toute voix de critique, tout murmure d’inquiétude quant au sort de celui ci, toute remarque critique contre certains dirigeants du Parti.

La résolution du X° Congrès dit : « Par démocratie ouvrière dans le Parti, on entend une forme d’organisation assurant, dans l’application de la politique du Parti, une participation active de tous les membres, y compris les plus arriérés, à la discussion de toutes les questions posées, et à leur solution, ainsi qu’une participation active à la construction du Parti. La démocratie ouvrière exclut toute nomination aux fonctions en tant que système ; elle se manifeste par le principe électif largement étendu à toutes les institutions de la base au sommet, par l’obligation pour ces institutions de rendre des comptes et de se soumettre au contrôle, etc. ».

Seul un régime pénétré de ces principes peut protéger le Parti contre la formation de fractions, incompatible avec les intérêts vitaux du prolétariat. Séparer la lutte contre les fractions de la question du régime effectif du Parti est une déformation essentielle du travail à accomplir, crée des déviations bureaucratiques et par suite, des fractions.

La résolution du 5 décembre 1923, adoptée à l’unanimité, montrait que le bureaucratisme, en opprimant la liberté d’appréciation, en tuant la critique, pousse inévitablement des militants de borne foi dans la voie de l’isolement ou de la création de fractions. Les événements de ces derniers temps, particulièrement l’affaire des camarades Lachévitch, Bielenky, Tchernychov, etc. [1] confirme entièrement et pleinement l’exactitude de cette remarque. Représenter cette affaire comme la conséquence du mauvais vouloir d’une personne isolée ou d’un certain groupe à l’égard du Parti serait un aveuglement criminel. En réalité, nous sommes en présence d’une conséquence évidente et incontestable des méthodes officielles qui font que l’on ne peut parler qu’au sommet, tandis qu’à la base on pense à part, en gardant ses pensées sous le boisseau. Ceux qui ne sont pas contents, qui ne sont pas d’accord, qui ont des doutes, craignent de faire entendre leur voix dans les réunions du Parti. La masse de celui ci n’entend jamais que les discours des autorités, d’après les mêmes éternels clichés. Les liens se relâchent, la confiance dans la direction décline.

L’esprit officiel et l’indifférence qui en résulte irrémédiablement règnent dans les assemblées du Parti. Au moment du vote, il n’est pas rare qu’il ne reste qu’une minorité insignifiante ; les assistants se hâtent de partir pour ne pas être obligés de voter des décisions dictées d’avance. Toutes les résolutions sont toujours et partout adoptées à « l’unanimité ».

Ces faits se répercutent douloureusement sur la vie interne du Parti. Les membres craignent d’exprimer tout haut leurs pensées les plus chères, leurs désirs, leurs exigences. Voilà la cause de l’affaire Lachévitch et autres.
Cause de la croissance du bureaucratisme

Il est tout à fait évident que les centres directeurs ont d’autant plus de difficulté à appliquer leurs décisions selon les méthodes de la démocratie du Parti que l’avant garde de la classe ouvrière considère de moins en moins leur politique comme sienne.

La divergence entre la direction de la politique économique et celle des sentiments et des pensées de l’avant garde prolétarienne renforce inévitablement le besoin d’une pression et donne à toute la politique un caractère administratif et bureaucratique.

Toutes autres explications de la croissance du bureaucratisme ne se rapportent qu’à des points secondaires et n’atteignent pas le fond de la question.

Le développement insuffisant de l’industrie, par rapport au développement économique du pays dans son ensemble, correspond, malgré l’augmentation du nombre des ouvriers, à une diminution de l’influence du prolétariat dans la société. L’influence de ce développement insuffisant sur l’économie rurale et la croissance rapide des koulaks réduisent dans les campagnes le rôle des journaliers et des paysans pauvres, ainsi que leur confiance envers FËtat et envers eux mêmes. L’augmentation insuffisante des salaires, comparée au relèvement du niveau de vie des éléments non prolétariens des villes et des. privilégiés des campagnes, diminue, pour le prolétariat, la certitude politique et culturelle d’être classe dirigeante. De là, en particulier, le recul évident de l’activité des ouvriers et des paysans pauvres dans les élections aux Soviets ; ce fait est un avertissement des plus sérieux à notre Parti.
La question des salaires

Au cours de ces derniers mois, on flétrissait du nom de démagogie l’idée de garantir, par tous les moyens, pendant la période des difficultés écono­miques, le maintien des salaires réels, afin de pouvoir, dès la première amélioration, passer à un nouveau relèvement de ceux ci. Pourtant, c’était pour l’État ouvrier le devoir le plus élémentaire que de poser ainsi la question. La masse du prolétariat, dans son noyau décisif, est assez mûre pour comprendre ce qui est possible et ce qui est irréalisable. Quand, pourtant, elle entend dire chaque jour que nous nous développons au point de vue économique, que notre industrie prend de l’extension rapidement, que toutes les affirmations sur l’insuffisance de l’allure du développement de l’industrie sont fausses, que le développement du socialisme est garanti d’avance, que toute critique de notre direction économique est basée sur le pessimisme, le manque de foi, etc. ; quand,. d’autre part, on répète à cette masse que la revendication du maintien du salaire réel avec son relèvement systématique dans l’avenir est de la démagogie, les ouvriers ne peuvent pas comprendre comment l’optimisme officiel au sujet des vues d’avenir et d’ensemble peut aller de pair avec le pessimisme sur les salaires.

Pour les masses, de pareils discours semblent inévitablement faux ; ils ébranlent la confiance dans les sources officielles et font naître une sourde inquiétude. La méfiance envers les réunions offi­cielles, les rapports et les votes provoque, chez des militants parfaitement disciplinés, une tendance à se renseigner sans passer par l’appareil du Parti et les renseignements ainsi obtenus font palpiter les masses ouvrières. Il y a là un danger des plus graves. Mais il ne faut pas frapper les symptômes de la maladie, mais aux racines du mal et, en particulier, à l’attitude de la bureaucratie relativement aux salaires.

Le rejet, au Comité central d’avril d’une proposition des plus légitimes et indispensables tendant à garantir le maintien du salaire réel fut une erreur nette, évidente qui amena, en fait, une baisse des salaires. L’imposition d’une partie des salaires par l’impôt agricole entraîna une nouvelle aggravation. L’influence de ces faits sur la vie quotidienne se trouva encore renforcée par l’application erronée du « régime des économies » et l’état d’esprit des ouvriers en fut également aggravé, La lutte, en elle même absolument nécessaire, pour arriver à disposer plus prudemment et plus consciencieusement des ressources de l’État, créa une pression mécanique de haut en bas et amena finalement une pression sur les ouvriers, surtout sur les plus mal payés, ceux dont le sort est le moins assuré ; cette pression eut pour cause l’erreur radicale commise lors de l’organisation de cette lutte et le fait que celle ci fut menée sans le contrôle de l’ouvrier et du paysan. Cette triple faute dans le domaine des salaires, de l’impôt agricole et du régime des économies, doit être résolument corrigée et sans retard. Il faut, dès maintenant, faire les préparatifs pour accorder, en automne, une certaine augmentation des salaires en commençant par les plus défavorisés, Cela est parfaitement possible, étant donnée l’envergure de notre économie et de notre budget et en dépit de toutes les difficultés présentes et à venir. Mais il y a plus : précisément pour triompher de ces difficultés, il est avant tout indispensable de stimuler l’intérêt actif qu’ont les masses ouvrières à voir s’accroître la puissance de production de l’industrie d’ État. Toute autre politique serait, au plus haut degré, non seulement au point de vue politique, mais également dans le domaine économique, une politique à courte vue.

Il est donc impossible de ne pas reconnaître une très grande faute (refus du Comité, central de juillet de mettre à son ordre du jour la question de la situation des ouvriers en général, ainsi que de donner des directives précises pour la construction des habitations ouvrières, d’importance exceptionnelle).
La question de l’industrialisation

Cette année démontre de nouveau, en toute clarté, que le développement de l’industrie d’État retarde sur celui de l’ensemble de l’économie nationale ; la nouvelle récolte nous surprend encore une fois sans réserves de marchandises.

Pourtant l’avance vers le socialisme n’est garantie que si le développement de l’industrie ne retarde pas sur l’ensemble de l’économie, mais l’entraîne en rapprochant systématiquement le pays du niveau technique des pays capitalistes les plus avancés. Tout doit être subordonné à cette tâche, vitale aussi bien pour le prolétariat que pour la paysannerie. Ce n’est qu’à condition de développer avec suffisamment de puissance l’industrie qu’il est possible d’assurer à la fois le relèvement des salaires et les bas prix des marchandises dans les campagnes. Ce serait une absurdité que de baser des projets relativement vastes sur les concessions étrangères auxquelles nous ne pouvons accorder non seulement une place prépondérante, mais même, en général, une place importante sans porter atteinte au caractère socialiste de notre industrie. Le problème consiste donc à établir, au moyen d’une juste politique d’impôts, de prix, de crédits, etc., une répartition de l’accumulation dans les villes et les campagnes permettant de triompher, avec la plus grande rapidité possible, de la disproportion entre l’industrie et l’agriculture.

Si la partie riche des campagnes a pu garder les céréales de l’année passée jusqu’au printemps, réduisant les exportations comme les importations, augmentant le chômage, faisant monter les prix de détail, cela signifie que la politique des impôts et de l’économie en général qui rend possible une telle attitude envers les ouvriers et les paysans est erronée. Une juste politique des impôts parallèlement à une juste politique des prix constitue, dans ces conditions, une des parties les plus importantes d’une direction socialiste de l’économie.

Les quelques centaines de millions de roubles accumulées et concentrées dès maintenant dans les couches supérieures des campagnes servent à l’oppression, par l’usure, des paysans pauvres. Dans les mains des commerçants, intermédiaires et spéculateurs, plus d’un milliard de roubles s’est déjà amassé. Il est nécessaire, par une pression fiscale plus énergique, d’affecter une partie considérable de ces ressources à l’alimentation de l’industrie, au renforcement du crédit agricole, au soutien des paysans pauvres, en leur fournissant des machines et des outils à des conditions privilégiées. L’alliance des paysans et des ouvriers est avant tout, dans les conditions actuelles, une question d’industrialisation.

Pourtant le Parti s’aperçoit avec inquiétude que la résolution du XlV° Congrès sur l’industrialisation passe, en fait, de plus en plus à l’arrière plan ; c’est ainsi, d’ailleurs, qu’ont été annulées toutes les résolutions sur la démocratie dans le Parti. Pour cette question fondamentale dont dépend la vie ou la mort de la Révolution d’Octobre, le Parti ne peut pas et ne veut pas vivre d’après des manuels officiels qui, souvent, sont dictés non par les intérêts de la cause, mais par ceux de la lutte de fractions. Le Parti veut savoir, réfléchir, vérifier, décider. Le régime actuel l’en empêche ; c’est ce qui explique la circulation clandestine de documents du Parti, « l’affaire » Lachévitch, etc.
La politique dans les campagnes­

Dans les questions de la politique agraire, le danger des faveurs accordées aux riches se précise de plus en plus. On entend déjà ouvertement les voix les plus influentes se prononcer pour la transmission de la direction effective des coopératives agricoles aux paysans moyens « puissants », pour le secret complet sur les dépôts des koulaks, pour la vente aux enchères des outils de toute première nécessité appartenant aux emprunteurs insolvables, c’est à dire aux paysans pauvres, etc. L’alliance avec le paysan moyen se transforme, de plus en plus fréquemment, en une orientation vers le paysan moyen aisé qui, le plus souvent, est le frère cadet du koulak.

L’État socialiste a, parmi ses tâches les plus importantes, celle de faire sortir, grâce à la coopération, les paysans pauvres de leur situation sans issue. L’insuffisance de ses ressources ne permet pas de réaliser de suite des changements brusques. Mais elle ne donne pas le droit de fermer les yeux devant le véritable état des choses et de bourrer le crâne du paysan pauvre d’une morale de résignation tout en encourageant le koulak. Cette façon d’aborder la question, de plus en plus fréquente dans notre Parti, menace de creuser un abîme entre nous et notre principal appui dans les campagnes : le paysan pauvre. Ce n’est que s’il existe une liaison indestructible entre le prolétariat et les paysans pauvres que peut se faire rationnellement leur alliance commune avec les paysans moyens, c’est à dire une alliance dont la direction appartienne à la classe ouvrière. Pourtant, c’est un fait que les décisions du Comité central d’Octobre sur l’organisation des paysans pauvres ne sont encore presque pas appliquées par les organisations locales. C’est un fait qu’au sommet de l’administration on constate une tendance à repousser ou à remplacer, autant que possible, les communistes et les paysans pauvres faisant partie des cadres des coopératives agricoles, par des paysans moyens « puissants ». C’est un fait que, sous prétexte d’alliance entre paysans pauvres et moyens, nous constatons très souvent la subordination politique des paysans pauvres aux moyens et, par l’intermédiaire de ces derniers, aux koulaks.
La déviation bureaucratique de l’État ouvrier

Les effectifs de l’industrie d’État n’atteignent pas encore deux millions ; en y ajoutant les ouvriers des transports, ils restent inférieurs à trois millions. Les fonctionnaires des Soviets, des syndicats, des coopératives et autres ne sont certainement pas moins nombreux. Cette comparaison seule témoigne déjà du rôle colossal joué par la bureaucratie, tant au point de vue politique qu’économique ; il est tout à fait évident que l’appareil d’État, par sa composition sociale et son niveau de vie est, pour une très grande part, bourgeois et petit bourgeois ; il tend à s’éloigner du prolétariat et des paysans pauvres et à se rapprocher, d’une part, des intellectuels mis à l’écart et, de l’autre, des patrons, concessionnaires, commerçants, koulaks, nouveaux bourgeois. Combien de fois Lénine n’attira t il pas l’attention sur les déviations bureaucratiques de l’appareil d’État et sur la nécessité, pour les syndicats, de défendre souvent les ouvriers contre lui. Cependant, c’est précisément dans ce domaine que les bureaucrates du Parti sont contaminés en se trompant eux mêmes de la façon la plus dangereuse. Ceci ressort particulièrement du discours de Molotov à la XIV° conférence moscovite du Parti (Pravda, 13 décembre 1925). « Notre État », disait il, « est un État ouvrier »... Mais voici qu’on nous offre une formule exprimant qu’il serait plus juste de dire : « rapprocher encore plus la classe ouvrière de notre État... » Comment cela ? Nous devrions nous fixer comme tâche de rapprocher les ouvriers de notre État ? Mais alors, qu’est­ce que notre État ? A qui est il ? Pas aux ouvriers ? L’État n’est il pas le prolétariat ? Comment peut on alors rapprocher les ouvriers de l’État, c’est à­dire rapprocher les ouvriers eux mêmes de la classe ouvrière au pouvoir, dirigeante de l’État ? » Ces paroles étonnantes sont la négation de la tâche de l’avant garde prolétarienne luttant pour se soumettre réellement l’appareil d’État, au point de vue idéologique et politique. Quelle différence énorme entre cette attitude et le point de vue de Lénine qui écrivait dans ses derniers articles que notre appareil d’État n’est que légèrement renforcé au sommet et a conservé, à tous les autres points de vue, ce qu’il y a de plus ancien dans la vieille administration. Il est naturel que la lutte la plus réelle, la plus sérieuse contre le bureaucratisme, lutte effective et non pas de pure forme, soit considérée maintenant comme un obstacle, une mauvaise querelle, un esprit de fraction.
Les déviations bureaucratiques de l’appareil du Parti

En 1920, la conférence du Parti, dirigée par Lénine, déclara inadmissible que des organes du Parti ou certains camarades se laissassent guider, lors des mobilisations de communistes, par d’autres considérations que l’intérêt de la cause. Toute répression exercée contre des camarades parce que leurs opinions diffèrent du point de vue officiel sur une question quelconque est intolérable. Toute la pratique actuelle contredit cette décision à chaque instant. La vraie discipline est ébranlée et remplacée par la soumission aux personnalités influentes de l’appareil. Des camarades auxquels le Parti peut se fier en toute sécurité dans les jours difficiles sont éliminés des cadres en nombre de plus en plus grand, déplacés, déportés, persécutés et remplacés très souvent par des gens de passage, non éprouvés, mais se distinguant par l’obéissance passive. Ce sont ces graves défauts du régime du Parti qui ont transformé en accusés les camarades Lachévitch et Bielenki, connus depuis plus de vingt ans comme membres dévoués et disciplinés. L’acte d’accusation dressé contre eux est donc un acte d’accusation contre les déviations bureaucratiques de l’appareil du Parti.

L’importance, pour un parti bolchevik, d’un appareil centralisé, fortement uni, n’a pas besoin d’être élucidée. La révolution prolétarienne serait possible sans cette charpente. La majorité de l’appareil du Parti se compose, de militants dévoués et désintéressés qui n’ont point, d’autre mobile que la lutte de la classe ouvrière. Les mêmes militants aideraient avantageusement à faire appliquer la démocratie dans le Parti, s’il existait un régime normal et une utilisation rationnelle des capacités.
Le bureaucratisme et la vie quotidienne des masses ouvrières.

Le bureaucratisme atteint cruellement l’ouvrier dans le Parti, dans l’économie, dans la vie quotidienne, dans la culture. Sans doute la composition sociale du Parti s’est améliorée au cours de ces dernières années, mais, en même temps, il est apparu tout à fait nettement que l’augmentation seule du nombre des ouvriers, même actuellement occupés dans les ateliers, ne garantissait pas le Parti des déviations bureaucratiques et des autres dangers. En fait, l’influence du simple membre, en présence du régime actuel, est très faible, souvent nulle.

C’est sur la jeunesse ouvrière et paysanne que la répercussion du régime bureaucratique est la plus pénible.. Dans les conditions de la NEP, cette jeunesse, qui n’a pas connu la lutte des classes d’autant, ne pourra atteindre au bolchevisme qu’à la condition de travailler pour penser, critiquer, vérifier par elle même. Lénine recommanda souvent d’être particulièrement attentif et prudent envers les processus d’idées de la jeunesse. Au contraire, le bureaucratisme entrave le développement de la jeunesse, refoule les doutes, abat la critique et, sème ainsi, d’une part, la méfiance et le découragement et, de l’autre, l’arrivisme. A la tête des Jeunesses Communistes, le bureaucratisme, au cours de la dernière période, a acquis un développement extrême, mettant au premier plan nombre de bureaucrates jeunes mais précoces. C’est pourquoi, dans les cadres des Jeunesses Communistes, les éléments venant du prolétariat, des journaliers, des paysans pauvres sont de plus en plus remplacés par des intellectuels et des petits bourgeois s’adaptant mieux à une direction émanant des bureaux, mais plus éloignés de la masse ouvrière et paysanne. Pour assurer aux Jeunesses Communistes une direction prolétarienne convenable, il faut donner à celles ci comme au Parti un coup de barre vers la démocratisation, c’est à dire vers l’établissement de conditions permettant aux jeunes de travailler, penser, critiquer et décider et d’arriver ainsi à la maturité révolutionnaire sous la direction prudente du Parti.

Le régime bureaucratique s’implante comme une rouille dans la vie des ateliers et usines. Si, en fait, les membres du Parti sont privés du droit de critiquer les Comités du rayon, de la province ou du pays, de même, à l’usine, ils sont privés du droit de critiquer les autorités immédiates. Les militants sont apeurés. Un administrateur prévoyant sachant s’assurer l’appui du secrétaire d’une organisation hiérarchiquement supérieure se trouve, de ce fait, garanti contre toute critique d’en bas et souvent n’a pas à répondre d’une mauvaise administration on d’un abus de pouvoir.

Dans un pays où s’édifie l’économie socialiste, le contrôle vigilant des masses, surtout des ouvriers, dans les usines et les fabriques, est la condition principale d’un emploi économique des ressources nationales. Tant que les ouvriers ne pourront pas intervenir ouvertement contre les désordres et les abus, en démasquant et en nommant les coupables, de crainte d’être classés dans l’opposition, parmi les « désaccordeurs », les gêneurs, d’être éliminés de la cellule et même de l’usine, la campagne pour les économies comme celle pour la productivité du travail suivra inévitablement l’ornière bureaucratique, et lésera le plus souvent les intérêts vitaux des ouvriers. C’est précisément ce que l’on constate actuellement.

L’établissement peu soigneux ou maladroit des tarifs et des normes de production, qui atteint cruellement l’ouvrier, est neuf fois sur dix une conséquence directe de la négligence dont les fonctionnaires font preuve vis à vis des besoins élémentaires des ouvriers et de la production elle même. Il faut ajouter à cela le retard dans le paiement des salaires, c’est à dire la mise à l’arrière plan de ce qui devrait être le premier de nos soucis.

La question du superflu des sphères dirigeantes, comme on l’appelle, est liée à l’interdiction de toute critique. Beaucoup de circulaires ont été écrites contre le superflu. Nombre d’affaires le concernent devant les commissions de contrôle ; mais la masse se méfie de cette lutte bureaucratique contre le luxe. Il n’y a aussi, dans ce domaine, qu’une issue sérieuse : que la masse ne craigne pas de dire ce qu’elle pense.

Où se discutent toutes ces questions brutalités ? Non dans les réunions officielles du Parti, mais dans les coins et les recoins, sous le manteau, toujours avec crainte. Ces conditions intenables ont engendré « l’affaire » Lachévitch et autres. Déduction principale de cette « affaire » : il faut changer ces conditions.
La lutte pour la paix

Le développement du mouvement révolutionnaire mondial basé sur la solidarité fraternelle des travailleurs est la garantie principale de l’intégrité de l’URSS et de la possibilité pour nous d’une évolution socialiste pacifique.

Ce serait pourtant une erreur périlleuse que de créer ou entretenir, dans les masses ouvrières, l’espérance que les social démocrates ou les gens d’Amsterdam, en particulier le Conseil général des Trade Unions avec Thomas et Purcell en tête, sont disposés à lutter contre l’impérialisme et les interventions militaires, ou capables de le faire. Les collaborationnistes anglais, qui ont trahi si odieusement leurs propres ouvriers pendant la grève générale et achèvent maintenant de trahir la grève des mineurs, trahiront en cas de danger de guerre encore bien plus honteusement le prolétariat anglais et, avec celui ci, l’URSS et la cause de la paix. Dans les recommandations remarquables de Lénine à notre délégation à La Haye, il expliqua que c’est en démasquant impitoyablement les opportunistes devant les masses qu’il serait possible d’empêcher la bourgeoisie de surprendre les ouvriers à l’improviste quand elle tenterait à nouveau de provoquer la guerre. Ce qui importe surtout, écrivait il, c’est de réfuter à La Haye l’opinion courante sur les pacifistes d’Amsterdam, selon laquelle ceux ci seraient contre la guerre, ne comprendraient pas qu’elle puisse et doive tomber sur eux au moment le plus inattendu, seraient en état de concevoir, fût ce quelque peu, les moyens de la combattre, et seraient capables d’adopter contre la guerre des procédés logiques de lutte permettant d’atteindre le but. Lénine attirait particulièrement l’attention du Parti sur le fait que les discours de beaucoup de communistes contenaient des affirmations inexactes et extraordinairement insouciantes quant à la lutte contre la guerre. Je pense, écrivait il, qu’il faut intervenir impitoyablement contre de pareilles déclarations, surtout si elles ont été faites après la guerre et faire connaître le nom de leurs auteurs. On peut, autant qu’on le désire, surtout si cela est nécessaire, atténuer son jugement sur tel orateur, mais il ne faut pas passer sous silence un seul de ces cas, car une attitude insouciante envers cette question est un mal qui l’emporte sur tous les autres et envers lequel il est absolument impossible d’être indulgent. Il faut rappeler à nouveau ces paroles de Lénine à la conscience de notre propre parti et de tout le prolétariat international. Il faut dire, de façon à ce que tout le monde l’entende, que les Thomas, les Macdonald, les Purcell sont aussi peu aptes à empêcher l’agression impérialiste que les Tseretelli, les Dan et les Kerensky d’arrêter la boucherie impérialiste.

Une condition essentielle de la défense de l’URSS et, par conséquent, du maintien de la paix, est la liaison indéfectible entre l’Armée Rouge qui grandit et se renforce et les masses travailleuses de notre pays et du monde entier. Toutes les mesures économiques, politiques et culturelles, qui donnent de l’extension au rôle de la classe ouvrière dans l’État, renforcent sa liaison avec les paysans pauvres et avec les paysans moyens, consolident par là même l’Armée Rouge, assurent l’intégrité du pays des Soviets et affermissent la cause de la paix.
L’Internationale Communiste

Redresser la politique de classe du Parti, c’est redresser sa politique internationale. Il faut rejeter toutes les conséquences douteuses de cette nouveauté présentant le triomphe de l’édification du socialisme dans notre pays comme n’étant pas intimement lié à l’allure et an résultat de la lutte du prolétariat européen et mondial pour la conquête du pouvoir. Nous construisons et construirons le socialisme. Le prolétariat européen luttera pour le pouvoir. Les peuples coloniaux luttent pour leur indépendance. C’est un front commun. Chaque détachement, dans son secteur, doit donner le maximum de son activité sans attendre l’initiative d’autrui. Le socialisme triomphera dans notre pays par des liens indéfectibles avec le mouvement révolutionnaire du prolétariat européen et mondial et grâce à la lutte de l’Orient contre le joug impérialiste.

L’orientation de la politique de l’IC, le régime intérieur de celle ci sont, à leur tour, intimement liés au régime de notre parti, qui a été et reste le parti dirigeant. Tout mouvement dans notre parti se répercute immanquablement dans les autres sections de l’Internationale. C’est donc d’autant plus notre devoir de vérifier notre conduite du point de vue international en véritables bolcheviks.

Le XlV° Congrès a estimé nécessaire que les autres Partis prennent part avec plus d’indépendance à la direction de l’IC. Malgré cela, cette résolution, comme les autres, demeure sur le papier et ce n’est pas un hasard. Il n’est possible de résoudre les questions aiguës dans l’IC par les voies politiques et administratives normales que s’il existe un régime normal dans notre propre parti. En tranchant mécaniquement les questions discutées, on menace d’affaiblir de plus en plus la cohésion interne des PC et leurs liens étroits. Au sujet de l’lC, il nous faut revenir avec décision aux règles fixées par Lénine et vérifiées pendant sa vie.
Les Fractions.

Pendant les deux années précédant le XlV° Congrès, il exista un « septuor » fractionnel dont faisaient partie six membres du Bureau politique et le camarade Kouibychey, président de la CCC. Ce Comité fractionnel, à l’insu du Parti, tranchait d’avance, secrètement, toutes les questions à l’ordre du jour du Bureau politique et du CC et résolvait de lui même toute une série de questions sans les soumettre à ce dernier. De la même manière fractionnelle, il disposait des hommes. Il liait ses membres par une discipline intérieure de fraction. Les camarades Yaroslavsky, larison, etc., qui luttent saris pitié contre les fractions et les groupements, prirent part aux travaux du « septuor » à côté de Kouibychev.

Après le XlV° Congrès, une fraction dirigeante analogue continua incontestablement à exister. A Moscou, Leningrad, Kharkov et dans les autres grands centres, des réunions secrètes ont lieu, organisées par une partie des sphères supérieures de l’appareil et cela malgré que tout l’appareil officiel soit dans leurs mains. Ces réunions secrètes, convoquées d’après des listes spéciales, sont de véritables assemblées de fractions. On y lit clés documents secrets, le simple fait de communiquer ceux ci entraîne pour tout adhérent aux dites fractions l’exclusion du Parti.

Il est évidemment absurde d’affirmer qu’une majorité ne peut être considérée comme une fraction. L’interprétation et l’application des résolutions des Congrès doivent revenir aux organes du Parti et non pas avoir lieu en faisant trancher d’avance toutes les questions par la fraction dirigeante dans les coulisses des institutions normales. Il y a, dans la fraction dirigeante, une minorité qui considère que la discipline de fraction prime celle du Parti. Tout ce mécanisme fractionnel a pour tâche de ne pas permettre de modifier la composition et la politique de l’appareil selon les règles normales statutaires. Chaque jour, cette fraction organisée menace de plus en plus l’unité du Parti.

Le mécontentement profond éprouvé contre le régime intérieur du Parti instauré après la mort de Lénine, le mécontentement plus prononcé encore causé par les écarts de notre politique font surgir inévitablement des interventions d’opposition et des discussions aiguës. Pourtant, le groupe dirigeant, au lieu de puiser des enseignements dans les faits nouveaux douloureux et de redresser sa ligne de conduite, aggrave systématiquement les erreurs du bureaucratisme.

Il ne peut faire maintenant aucun doute que le noyau fondamental de l’opposition de 1923 avait avec raison mis en garde contre les dangers d’une déviation de la ligne prolétarienne et contre la croissance menaçante du régime de l’appareil, comme le prouvent les actes de la fraction actuellement au pouvoir.

Les opposants de 1923, parmi lesquels des dizaines et des centaines de vieux bolcheviks ouvriers, trempés dans la lutte, étrangers à l’arrivisme et à la flagornerie, sont encore tenus à l’écart de l’activité du Parti, malgré toute la discipline et la retenue dont ils ont fait preuve.

La répression contre les cadres principaux de l’organisation de Leningrad après le XlV° Congrès ne pouvait ne pas causer une alarme profonde chez les meilleurs ouvriers de notre parti, habitués à considérer les ouvriers communistes de Leningrad comme la garde prolétarienne la mieux éprouvée. Ait moment où la nécessité d’une résistance au koulak grandissant se faisait le mieux sentir, le groupe dirigeant intervint contre l’avant-garde des ouvriers de Leningrad, coupable seulement d’avoir mis en garde contre le péril koulak. Les meilleurs militants furent déportés de Leningrad par centaines. Des milliers d’ouvriers communistes, constituant les meilleurs éléments actifs de l’organisation de Leningrad sont, par tous les moyens, écartés du travail du Parti. Chaque militant consciencieux se rend dès maintenant clairement compte que ces ouvriers avaient raison dans l’essentiel au point de vue politique. La blessure faite à l’organisation de Leningrad ne pourrait se cicatriser qu’à la suite d’un changement radical dans la régime intérieur du Parti. Si les choses continuent comme elles vont maintenant, on ne peut douter que non seulement à Moscou et à Leningrad il faudra encore et toujours de nouveau serrer la vis,. épurer et déporter, mais que les autres centres prolétariens comme le Donbass, Bakou, l’Oural devront aussi subir une répression décuplée.

Rien n’indique aussi clairement qu’on s’éloigne de Lénine que la tendance à se débarrasser de tout jugement bolchevik sur les dangers de l’orientation actuelle du Parti, en qualifiant ce jugement de « menchevik ». C’est en abordant ainsi la question que nos dirigeants les plus ossifiés idéologiquement se trahissent. Le menchevisme, convaincu de l’inéluctabilité de la transformation capitaliste de l’URSS, base tous ses calculs sur la rupture entre la classe ouvrière et l’État soviétique, de même que les socialistes révolutionnaires comptent sur celle qui peut se produire entre ce dernier et la paysannerie « forte ». En fait, le menchevisme, en qualité d’agent de la bourgeoisie, ne pourrait réellement espérer cesser d’être, pour un temps, quantité négligeable que si la fissure, entre la classe ouvrière et l’État soviétique, s’élargit. Pour empêcher cela, il faut, avant tout, voir nettement cette fissure au moment où elle se produit et non fermer les yeux, comme le font les bureaucrates qui nient même la nécessité de travailler à rapprocher l’État soviétique, la classe ouvrière et les pauvres des campagnes. L’embellissement de la réalité, l’optimisme officiel dans les questions économiques générales et le pessimisme quant aux salaires, le désir ne pas voir le koulak et, par là même, l’encouragement donné à celui ci, l’attention insuffisante accordée aux paysans pauvres, la poigne particulièrement brutale dans le travail des centres, le refus de comprendre la leçon donnée par les dernières élections aux Soviets, tout cela correspond à une préparation effective, réelle, et non seulement verbale, à l’influence des mencheviks et des socialistes révolutionnaires.

C’est se tromper grossièrement soi même que penser qu’après avoir mécaniquement écrasé la soi-disant opposition, les cadres de la démocratie du Parti s’élargiront ; en se basant sur toute son expérience, le Parti ne peut plus continuer à ajouter foi à cette légende endormeuse, Les procédés mécaniques de répression préparent de nouvelles fissures, de nouvelles failles, de nouvelles exclusions et éliminations, un nouveau serrage de vis pour l’ensemble du Parti. Inévitablement. ce système rétrécit le sommet dirigeant, abaisse l’autorité de la direction et exige une oppression double et triple pour remplacer l’autorité intellectuelle. Le Parti doit, à tout prix, mettre fin à ce processus périlleux. Lénine a montré que diriger fermement le Parti ne voulait pas dire l’étouffer en lui serrant la gorge.
Pour l’Unité

Il est hors de doute que le Parti est capable de triompher de toutes les difficultés. Ce serait une parfaite folie que de ne pas voir d’issue dans la voie de l’unité. L’issue existe et seulement dans cette voie. Pour y parvenir, une attitude bolchevique attentive et honnête est nécessaire envers les questions posées. Nous sommes adversaires d’une discussion « saisonnière », nous sommes contre une fiévreuse discussion. Une telle discussion, imposée d’en haut, coûte trop cher au Parti. La plupart du temps, elle l’étourdit, le convainc très peu, ne l’enrichit que très peu idéologiquement.

Nous adressons au Comité Central la proposition de rétablir, dans le Parti, par un effort commun, un régime permettant de résoudre toutes les questions discutées en parfaite conformité avec les traditions du Parti, avec les sentiments et les pensées de l’avant-garde prolétarienne.

Ce n’est que sur cette base que la démocratie est possible dans le Parti. Et ce n’est que sur la base de la démocratie du Parti qu’une direction saine, collective est possible. Il n’y a pas d’autres voies. Pour la lutte et le travail dans cette unique voie juste, notre appui, sans réserve est complètement assuré au Comité Central.

I. Bakaiev.
G. Piatakov.
G. Lisdine.
I. Avdeiev.
M. Lachévitch.
N. Mouralov.
A. Peterson.
K. Soloviev.
G. Evdokimov.
G. Zinoviev.
N. Kroupskaïa.
L. Trotsky.
L. Kamenev.

Notes

[1] Le 6.6.1926, Lachévitch avait présidé une réunion clandestine de 70 membres de l’Opposition dans un bois près de Moscou. Dénoncé par un indicateur, il avait été immédiatement exclu.

Déclaration des 83

Opposition bolchévique unifiée

Camarades,

Les grosses fautes commises et tolérées dans la direction de la révolution chinoise ont contribué à une lourde défaite. Nous ne sortirons de cette situation qu’en empruntant le chemin tracé par Lénine. Les conditions très anormales, dans lesquelles on examine les questions liées à la révolution chinoise, créent dans le parti une très grande tension. La « discussion » unilatérale qui est menée dans les colonnes de la Pravda et du Bolchevik est une déformation voulue du point de vue de l’opposition (par ex. on attribue à l’opposition la demande de la sortie du PC du Kuomintang) ; cela marque la volonté du groupe dirigeant du Comité Central de cacher ses fautes derrière la chasse à l’opposition. Tout ceci dirige l’attention du Parti sur une fausse voie.

En conclusion et en rapport avec la fausse ligne du CC dans les questions essentielles de la politique du Parti, nous nous adressons, par cette déclaration, au Comité Central.
1

Le fait n’est pas seulement que nous avons subi une immense défaite en Chine, mais il faut voir comment et pourquoi nous l’avons subie.

Bien que nous avons en Chine déjà une puissante classe ouvrière, bien que le prolétariat de Shanghaï dans une situation des plus difficiles ait su se révolter et être le maître de la ville, bien que le prolétariat chinois ait, en Chine, une aide puissante de la part de la paysannerie qui se révolte, bref, qu’il y ait eu toutes les données pour la victoire « du 1905 chinois » (Lénine), il en est résulte que les ouvriers chinois tiraient les marrons du feu pour la bourgeoisie, jouant en fait jusqu’à maintenant le même rôle que celui auquel étaient condamnés les ouvriers pendant les révolutions de 1848.

Il y avait toutes les données pour armer les ouvriers chinois (en premier lieu ceux de Shanghaï et de Hankéou). Et malgré cela, le prolétariat héroïque de Shanghaï s’est trouvé, désarmé et les ouvriers de Hankéou ne le sont plus à l’heure actuelle bien que Hankéou se trouve entre les mains du Kuomintang « de gauche ».

« La ligne » en Chine, en fait, s’est traduite ainsi : on ne devait pas armer les ouvriers, on ne devait pas organiser de grèves révolutionnaires, il ne fallait pas soulever complètement les paysans contre les propriétaires, on ne pouvait pas éditer un quotidien communiste, on ne devait pas critiquer Messieurs les bourgeois bourgeois du Kuomintang de « gauche », on ne devait pas créer des cellules communistes dans les armées de Tchang Kaï-chek, on ne devait pas lancer le mot d’ordre des soviets pour ne pas « repousser » la bourgeoisie, pour ne pas « faire peur » à la petite bourgeoisie, pour ne pas ébranler le gouvernement du « Bloc des 4 classes ». En guise de réponse, et pour nous remercier d’une telle politique, la bourgeoisie nationale chinoise ainsi qu’il fallait s’y attendre choisissant le moment propice, fusille les ouvriers chinois et appelle à l’aide aujourd’hui les impérialistes japonais, demain les impérialistes américains, après-demain les impérialistes anglais.

Dans les partis communistes du monde entier (ainsi que dans les larges cercles du PC de l’URSS) en liaison avec la défaite chinoise, règne une complète incertitude. Encore hier, on prouvait à tout le monde que les armées nationales en Chine étaient en réalité des armées rouges, des armées révolutionnaires, que Tchang Kaï-chek était leur guide révolutionnaire, que la Chine aujourd’hui ou au plus tard demain marcherait sur la voie « non capitaliste » de son développement. Tandis qu’aujourd’hui, dans la lutte contre la véritable ligne léniniste du bolchevisme, on publie de pauvres articles et discours où il est dit qu’en Chine, il n’y a pas du tout d’industrie, qu’il n’y a pas de chemins de fer, que la Chine traverse une époque qui est presque le début du féodalisme, que les Chinois sont illettrés, etc., qu’en Chine il est trop tôt pour lancer le programme de la dictature révolutionnaire-démocratique du prolétariat et de la paysannerie, ainsi que pour créer des soviets. Au lieu de corriger les fautes, on les redouble.

La défaite chinoise peut avoir des répercussions directes sur l’avenir prochain de l’URSS. Si les impérialistes réussissent, pour un laps de temps assez long, à « museler » la Chine, ils marcheront après sur nous, sur l’URSS. La défaite de la Révolution chinoise peut étrangement rapprocher la guerre contre l’URSS. Pendant ce temps, le parti est mis dans l’impossibilité d’examiner le problème chinois qui se trouve, pour lui, le premier parti de l’Internationale Communiste, le problème essentiel. En même temps, une violente discussion venant d’un seul côté est menée déjà actuellement par le groupe dirigeant du CC. Cette discussion est plus exactement une chasse à courre contre l’opposition pour cacher les fautes commises par le groupe dirigeant du Comité Central.
2

La grève générale de l’an passé en Angleterre, trahie et vendue par le Conseil général, a subi la défaite. La grève s’est terminée par la défaite des mineurs. Malgré une grandiose évolution des masses à gauche touchant quelques millions d’ouvriers, bien que jamais encore la traîtrise, la fausseté du réformisme n’ait été mise aussi en lumière que pendant les grandes grèves anglaises, l’aile révolutionnaire organisée du mouvement ouvrier anglais a gagné très peu en influence. La cause principale de cet état de choses provient de notre double attitude et du fait que la direction de notre côté était pleine de contradictions et d’indécision. L’aide financière accordée par les ouvriers russes aux mineurs anglais fut merveilleuse. Mais la tactique du CC dans la question du Comité anglo-russe a été complètement fausse. Nous avons soutenu l’autorité des traîtres du Conseil général dans la période la plus critique pour ceux-ci pendant les semaines et les mois de la grève générale et de la grève des mineurs. Nous les avons aidés à se maintenir sur leurs jambes. Nous avons terminé en capitulant devant eux à la dernière conférence de Berlin, reconnaissant le Conseil général comme le seul représentant du prolétariat anglais (et même comme le seul représentant de son point de vue) et engageant notre signature concernant le principe de ne pas nous mêler des affaires intérieures du mouvement ouvrier anglais.

Sur le fond des événements de Chine les dernières décisions du Comité anglo-russe prennent un caractère sinistre. Dans toute la presse internationale, le camarade Tomsky et les autres représentants de la CGT panrusse ont déclaré que la Conférence de Berlin a eu « un caractère cordial », que toutes les décisions ont été prises « à l’unanimité » et que ces décisions sont soi-disant la victoire du prolétariat mondial, etc.

Ceci est faux et mensonger, et, ainsi, on ne peut que conduire le prolétariat anglais à de nouvelles défaites.

La Conférence de Berlin du Comité anglo-russe n’a pas dit un mot sur le rôle de bandit que joue l’impérialisme britannique en Chine, elle n’a même pas demandé le retrait des troupes impérialistes de Chine. Au moment même où s’ouvrait en Chine une guerre directe des impérialistes contre la révolution chinoise, le Comité anglo-russe s’est tu, comme un coupable, ou autrement dit, il a fait le jeu de la bourgeoisie anglaise.

Est-ce qu’on peut douter une minute que ceux qui, devant le monde entier, trahissent ouvertement les intérêts du prolétariat anglais, même dans une question aussi grave que la liberté du mouvement syndical en Angleterre, demain, en cas de guerre contre l’URSS, ne joueront pas le même rôle de traîtres et de canailles ainsi que ces Messieurs l’ont fait en 1914 ?

Entre la fausse ligne suivie en Chine et la fausse ligne suivie dans la question du Comité anglo-russe, il y a la liaison intérieure la plus étroite. La même ligne passe à travers la politique de l’Internationale Communiste. En Allemagne, on exclut des centaines et des centaines de prolétaires de gauche, l’avant­garde, pour la simple raison qu’ils se sont solidarisés avec l’opposition russe. Les éléments de droite ont de plus en plus d’influence dans tous les partis. Des fautes de droite les plus grossières (en Allemagne, en Pologne, en France et ailleurs ) restent impunies ; n’importe quelle critique venant de gauche, mène à l’amputation. L’autorité du PC de l’URSS et de la Révolution d’Octobre est utilisée pour faire dévier les partis communistes à droite de la ligne léniniste. Tout ceci, pris en bloc, empêche l’IC de préparer et de mener, à la manière de Lénine, la lutte contre la guerre.
3

Pour n’importe quel marxiste, il est indiscutable que la fausse ligne en Chine et dans la question du comité anglo-russe n’est pas fortuite. Elle prolonge et complète la fausse ligne dans la politique intérieure.

L’économie de l’Union soviétique en général a terminé sa période de reconstitution. Pendant cette période, on a enregistré dans la construction économique des victoires sérieuses. L’industrie, l’économie rurale et d’autres branches de l’économie sont prêtes à atteindre le niveau d’avant-guerre et même le dépassent (dans le domaine de la coopération on enregistre des succès analogues). Ces victoires sont les meilleures preuves de la justesse de la formule de la nouvelle politique économique, proclamée par Lénine et la meilleure réponse aux ennemis de la Révolution d’Octobre.

Le pays de la dictature prolétarienne s’est révélé tout à fait capable de travailler à la construction socialiste, il a démontré les premiers succès dans ce domaine, préparant ainsi avec le prolétariat d’autres pays la victoire définitive du socialisme dans le monde entier.

Dans le bilan de l’époque de reconstruction, on constate, en même temps que des acquisitions sérieuses, de grosses difficultés. Ces difficultés proviennent de l’insuffisance du développement des forces productives et de notre retard économique. Elles sont renforcées du fait qu’on les cache aux larges masses du parti. Au lieu d’une analyse marxiste de la situation réelle de la dictature prolétarienne en URSS, on apporte au parti une fausse théorie petite-bourgeoisie, « théorie du socialisme dans un seul pays », qui n’a absolument rien de commun avec le marxisme et le léninisme.

Ce grossier recul du marxisme fait que le parti a plus de difficultés à voir le contenu de classe des processus économiques qui se produisent actuellement.

Les phénomènes négatifs de l’époque de la révolution que nous visons sont concrétisés par la situation très pénible des larges masses de la population et par des regroupements de classes hostiles au prolétariat.

Les questions des salaires et du chômage prennent un caractère plus aigu.

Une fausse politique accélère la croissance des forces hostiles à la dictature prolétarienne : les koulaks, nepmans, bureaucrates. Ceci mène à l’impossibilité d’utiliser dans la mesure voulue et dans la mesure due les ressources matérielles qu’il y a dans le pays pour l’industrie et pour l’économie d’État. Le retard de la grosse industrie sur les demandes qui lui proviennent de la part de l’économie nationale (disette de marchandises, hauts prix, chômage) et de tout le système soviétique en entier (la défense du pays) amène le renforcement des éléments capitalistes dans l’économie de l’Union soviétique, surtout à la campagne.

La croissance des salaires s’est arrêtée, il y a même des tendances à les baisser, pour certains groupes d’ouvriers. A la place du système qui existait avant et qui consistait à augmenter les salaires suivant la croissance de la production, actuellement, on applique comme règle générale que les salaires ne peuvent augmenter qu’à condition de l’augmentation du rendement de l’ouvrier (intensification du travail : voir § 2 de la décision du Congrès des Soviets sur le rapport du camarade Kouibichev). En conclusion, l’ouvrier en URSS ne peut, à l’heure actuelle, améliorer son bien-être, non suivant le développement de l’économie du pays et de la technique comme autrefois, mais il ne peut le faire qu’à la condition de se dépenser davantage et de fournir un plus grand effort physique. C’est pour la première fois qu’on pose ainsi le problème, au moment où l’intensification du travail en général, à l’heure actuelle, a atteint le niveau d’avant-guerre et par endroits l’a dépassé, une telle politique atteint les intérêts de la classe ouvrière.

Le chômage grandit, non seulement alimenté par les éléments paysans qui quittent la campagne, mais il englobe aussi les cadres du prolétariat industriel, L’augmentation de l’armée des sans-travail empire en général la situation économique de la classe ouvrière.

Les conditions locatives des ouvriers, dans divers endroits, empirent dans le sens du surpeuplement et de la restriction des droits locatifs.

Les dangers grandissants provenant de cet état de choses sont clairs, car les rapports entre le parti et la classe ouvrière sont les éléments décisifs pour l’avenir de notre État ouvrier,

La baisse des prix sur les marchandises manufacturées n’a été acquise que dans une petite proportion. Malgré le vote de l’opposition au plenum en février de cette année pour la résolution qui se prononçait pour la baisse des prix, toute l’agitation officielle est employée à accuser l’opposition de ne pas vouloir la baisse des prix. Une telle agitation induit en erreur le parti et éloigne son attention des problèmes essentiels de notre politique économique. Tandis que le mécontentement et l’impatience à la ville et à la campagne grandissent, le problème de la baisse des prix par ces moyens n’avance pas du tout.

La différenciation de la paysannerie va de plus en plus vite. Du mot d’ordre : « Enrichissez-vous », de l’invitation aux koulaks à « s’intégrer dans le socialisme », le groupe dirigeant du CC en est arrivé à passer sous silence le processus de différenciation à la campagne, à sous-estimer ce facteur d’une part, et d’autre part, dans la pratique, sa politique a consisté à s’appuyer sur le paysan économiquement fort. Au 10° anniversaire de la Révolution d’Octobre, la situation est la suivante : plus de 3 millions d’ouvriers agricoles jouent un rôle infime dans les soviets, la coopération et les cellules communistes ; l’attention et l’aide apportées aux paysans pauvres sont je encore insuffisantes. La résolution du dernier Congrès des Soviets sur l’économie agricole ne dit mot de la différenciation à la campagne. C’est-à-dire qu’elle se Lait sur la question essentielle du développement économique, et politique de la campagne. Tout ceci affaiblit notre soutien à la campagne et entrave l’union de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre avec le paysan moyen. Cette union peut se développer et se renforcer uniquement dans la lutte systématique contre les aspirations exploiteuses des koulaks. On sous-estime chez nous la croissance et le rôle joué par le koulak. Une telle politique a ses dangers qui s’accumulent et qui peuvent subitement exploser. Cependant, l’appareil officiel du parti et des soviets frappe à gauche, et ouvre ainsi largement les portes au véritable danger de classe qui vient de droite.

La proposition d’exonérer de l’impôt agricole 50 % des économies rurales, c’est-à-dire les paysans pauvres et peu aisés, est condamnée avec acharnement bien que la situation politique et économique de la campagne la confirme complètement. Quelques dizaines de millions de roubles sur un budget de 5 milliards sont d’une importance tout à fait minime, alors que prendre cette somme sur les économies rurales peu aisées, c’est accélérer la différenciation à la campagne et affaiblir les positions de la dictature du prolétariat à la campagne.

« Savoir se mettre d’accord avec les paysans moyens, sans renoncer un seul instant à la lutte contre les koulaks et tout en s’appuyant solidement seulement sur les paysans pauvres » (Lénine), voilà quelle doit être la ligne essentielle de notre politique à la campagne.

En septembre dernier, nous avons lu un appel signé de trois camarades occupant des postes les plus importants (Rykov, Staline et Kouibichev), disant que soi-disant l’opposition, c’est-à-dire une partie de notre propre parti et une partie de notre CC, veut « voler » la paysannerie. Cet appel promettait, par le moyen du régime des économies, de diminuer les dépenses non productives de 3 à 400 millions de roubles par an. En réalité cette lutte pour les économies menée d’une façon bureaucratique a conduit à de nouveaux tiraillements contre les ouvriers et n’a donné aucun résultat positif et palpable.

La rationalisation de l’industrie n’a pas été faite d’après un plan d’ensemble et réfléchi et a conduit de nouveaux groupes d’ouvriers dans les rangs des sans-travail, sans amener la diminution du prix de revient.

Il est nécessaire de souligner toutes les décisions des deux dernières années qui aggravent la situation des ouvriers et de déterminer avec force que sans une amélioration systématique d’après un plan d’ensemble, amélioration lente au début, des conditions de la classe ouvrière, « cette force productive principale » (Marx), il est impossible, dans la situation actuelle, de relever ni l’économie ni la construction socialiste.

Pour pouvoir résoudre ces questions du domaine de la construction économique qui se posent actuellement devant le parti dans la situation de rapports de classe compliqués et enchevêtrés à l’intérieur du pays, alors que s’accroît l’offensive extérieure ennemie contre l’URSS et que la Révolution mondiale est retardée, il faut donner vie et force à la démocratie intérieure du parti et renforcer la liaison réelle, vivante et directe du parti avec la classe ouvrière.

Nous avons besoin d’une discipline de fer dans le parti comme au temps de Lénine. Tout le parti, du haut en bas, à la manière bolchevique, doit être idéologiquement et organiquement « une force collective » fortement soudée, participant réellement et non officiellement, en bloc, à la solution de toutes les questions qui se posent devant le parti, devant la classe ouvrière et le pays tout entier.

Le régime intérieur du Parti, dans ces derniers temps, provoque une baisse immense de l’activité du Parti, cette force dirigeante de la révolution prolétarienne. Dans les larges masses de la base du Parti se rétrécissent les possibilités de discuter et de résoudre, en pleine conscience, les questions essentielles de la révolution prolétarienne. Ceci n’a pas pu ne pas se refléter et se faire sentir avec ses côtés négatifs dans les rapports de la classe ouvrière et du Parti et dans l’activité de toute la classe ouvrière.

Le régime qui s’est instauré dans le Parti a été transporté largement dans les syndicats. La classe ouvrière russe, ayant derrière elle l’expérience de trois révolutions faites sous la direction du Parti bolchevik et de Lénine, classe qui a cimenté les fondations du gouvernement soviétique avec le sang de ses meilleurs fils, qui a fait des miracles d’héroïsme et d’organisation, a toutes les données pour développer largement ses forces créatrices et ses facultés d’organisation. Mais le régime qui s’instaure actuellement gêne le développement de toute l’activité de la classe ouvrière, l’empêche de mettre la main à la construction socialiste.

La dictature prolétarienne s’affaiblit dans sa propre base de classe. Pendant le Xl° congrès, Vladimir Ilitch disait au Parti que la tâche principale du travail économique est de savoir justement choisir les hommes, alors que la ligne actuelle est la négation complète de ses indications. Dans la pratique, il arrive, en divers endroits, qu’on évince des usines les ouvriers du Parti les plus indépendants et les plus qualifiés, ayant de l’initiative dans les questions économiques, et on les remplace presque toujours par des éléments qui ne travaillent pas pour le socialisme, mais qui font les larbins auprès de leurs chefs immédiats. La fausseté criante du régime intérieur du Parti se répercute ainsi sur les intérêts les plus douteux de plusieurs millions d’ouvriers.
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La situation internationale devient de plus en plus tendue. Les dangers de guerre augmentent chaque jour. La tâche centrale du PC de l’URSS et de l’avant-garde du prolétariat mondial est de conjurer « ou même d’éloigner, pour le plus de temps possible » la guerre afin de soutenir et de défendre coûte que coûte la politique de paix que seuls sont capables de mener jusqu’au bout notre Parti et le pouvoir soviétique.

Les tâches de l’URSS sont les tâches du prolétariat mondial. Détourner les dangers d’une nouvelle guerre suspendus sur la tête de l’URSS est la tâche la plus importante du prolétariat mondial. Mais nous ne pourrons réaliser ceci en nous engageant, dans la voie du bloc avec les traîtres du Conseil général. Aucune lutte sérieuse pour conjurer la guerre n’est possible avec les Purcell et les Citrine. Nous rapprocher des ouvriers social-démocrates et sans-parti et les entraîner dans la lutte contre la guerre, nous ne pouvons le faire que par-dessus la tête de ces chefs traîtres, qu’en luttant contre eux. Nous demandons que le Comité Central aide le futur Plenum de l’Exécutif élargi de l’IC à étudier, dans les détails, saris parti pris, se basant sur des documents, les derniers événements de Chine. (Il faut appeler à ce travail les camarades qui ont défendu notre point de vue). D’autre part, il faut que le Comité exécutif de l’IC mette à l’ordre du jour les questions chinoise, anglaise et russe dans toute leur ampleur, que dans la presse de notre parti, que dans la presse communiste internationale, on donne la possibilité d’étudier en détail ces problèmes, évidemment avec la prudence nécessaire.

Le renforcement international de l’URSS exige le renforcement de la ligne révolutionnaire prolétarienne à l’intérieur de l’URSS. Nous sommes affaiblis par la réglementation des salaires, par l’aggravation des conditions locatives des ouvriers et par la croissance continue du chômage. Nous sommes affaiblis à cause de la fausse politique envers les paysans pauvres. Les fautes dans notre politique économique nous affaiblissent de la même façon. Nous sommes affaiblis par la défaite des ouvriers anglais et de la révolution chinoise. Nous sommes affaiblis par un mauvais régime intérieur du Parti.

Toute notre politique souffre de la direction à droite qu’on lui a donnée. Si le nouveau coup préparé contre la gauche, contre l’opposition est exécuté, ceci déliera complètement les mains aux éléments de droite, éléments non prolétariens, anti-prolétariens. Les coups sur les gauches auront pour conclusion logique la victoire des Oustrïalov [1]. Un tel coup sur l’opposition est déjà depuis longtemps demandé par Oustrïalov au nom de la théorie de la Néo-Nep. Oustrïalov est l’ennemi le plus acharné du bolchevisme, le plus logique, ayant des principes. Les administrateurs contents d’eux-mêmes, les bureaucrates, les petits-bourgeois qui sont arrivés aux postes de commandement, qui regardent la masse d’en haut, sentent le terrain de plus en plus ferme sous leurs pieds. Ce sont tous des éléments de Néo-Nep. Derrière eux se tiennent les Oustraïlov spécialistes et dans une rangée plus loin les nepmans et les koulaks, ces derniers sous l’enseigne de paysans économiquement forts. C’est de ce côté que vient le véritable danger.

Les déviations ne sont pas aussi visibles dans les questions intérieures, car les processus intérieurs se développent beaucoup moins vite que la grève générale anglaise et la révolution chinoise. Mais les tendances essentielles de cette politique sont les mêmes là-bas qu’ici.

Lénine définissait l’État soviétique comme un État ouvrier avec une déformation bureaucratique dans un pays où la majorité de la population est composée de paysans. Ceci a été dit en 1921. Celle définition de Lénine est plus juste aujourd’hui que jamais. Pendant les années de la Nep, la nouvelle bourgeoisie des villes et des campagnes s’est transformée en force réelle. Dans une telle situation, porter un coup contre l’opposition, ne veut rien dire d’autre qu’essayer parmi les cris hypocrites sur l’unité (« les initiateurs de toute scission crient toujours le plus fort pour l’unité », disait Engels), de discréditer et de détruire l’aile gauche prolétarienne, léniniste, de notre parti. Une telle destruction signifierait le renforcement rapide, inévitable, de l’aile droite du PC de l’URSS ainsi que la subordination des intérêts du prolétariat aux intérêts des autres classes.
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Nous avons toujours besoin de l’unité du Parti, surtout dans les conditions présentes. A l’école de Lénine, nous avons appris que le bolchevik doit tendre ses efforts pour l’unité sur la base de la ligne politique révolutionnaire et prolétarienne. Dans les conditions historiques les plus pénibles, pendant les années d’illégalité ; après, en 1917, quand, en pleine guerre, nous luttions pour le pouvoir ; en 1918, quand dans une situation des plus difficiles et sans précédent on examinait la question de la paix de Brest-Litovsk et dans les années qui suivirent, du temps de Lénine, le Parti discutait ouvertement les points litigieux et trouvait le bon chemin vers une véritable unité, non factice. Ceci nous a sauvés dans des situations beaucoup plus difficiles que celle de maintenant.

Le danger principal provient de ce qu’on cache les véritables divergences au Parti et à la classe ouvrière. Toutes tentatives de poser des questions litigieuses devant le Parti sont proclamées comme un attentat à l’unité du Parti. La fausse ligne est soudée, en haut, mécaniquement. C’est de cette façon que se crée officiellement l’unité factice et le « tout va bien ». En réalité, cet état de choses affaiblit les positions du Parti dans la classe ouvrière et affaiblit les positions de la classe ouvrière dans la lutte contre ses ennemis de classe. Une telle situation, créant un immense obstacle pour la croissance politique de notre parti et pour une juste direction léniniste, doit inévitablement nous mener à des dangers extrêmement sérieux pour notre Parti, au premier tournant brusque, au premier coup sérieux, et dans le cas d’un bouleversement intérieur.

Nous voyons clairement ces dangers et trouvons qu’il est de notre devoir de prévenir le Comité Central précisément pour rassembler les rangs du Parti sur la base de la politique léniniste dans les questions internationales et intérieures.

Comment éliminer les divergences, comment redresser la ligne de classe sans nuire, dans la plus petite mesure, à la tâche de l’unité du Parti ?

Comme cela se faisait toujours du temps de Lénine.

Nous proposons que le CC décide les choses suivantes :

Pas plus tard que trois mois avant le XV° Congrès du Parti, on convoquera le Plenum du CC pour examiner à l’avance toutes les questions dit XV° Congrès.
Ce Plenum devra faire tout son possible pour élaborer des décisions unanimes, ce qui permettrait de garantir le maximum d’unité du Parti et de liquider les luttes intestines dans le Parti ;
Le Plenum en question devra charger la délégation du PC de l’URSS à l’IC de prendre l’initiative d’exécuter dans l’Internationale diverses mesures pour faire réintégrer dans le Parti ceux des camarades exclus qui le demanderont à l’lC et qui sont toujours sur la plateforme de l’IC (il est évident que ceci ne concerne nullement Katz et Korsch) ;
Si néanmoins, au sein de ce Plenum spécial du CC, se font jour des divergences de principe, elles devront être, en temps voulu, formulées et publiées. Chaque camarade devra avoir la possibilité de défendre son point de vue devant le Parti, dans sa presse et dans les réunions, comme ceci existait du temps de Lénine ;
La polémique devra être menée dans les cadres stricts de camaraderie et de travail sans qu’elle soit aiguisée et exagérée ;
Les projets de thèses du CC, des organisations de membres du Parti ou de groupes de ceux-ci, devront être publiés dans la Pravda (ou dans l’annexe de la Pravda), ainsi que dans toute la presse du Parti de province, environ deux ou trois mois avant le XV° Congrès du Parti ;
Le mot d’ordre principal pour la préparation du XV° Congrès de notre Parti devra être l’unité, une unité réelle, léniniste du PC de l’URSS

P.S.

Notre déclaration ayant été retardée par la collection des signatures, nous sommes obligés de la faire au moment même où, d’en haut, on soulève une campagne contre le camarade Zinoviev sous prétexte qu’il a pris la parole le 9 mai dans une réunion soi-disant de sans-partis. Ceux parmi nous, qui ont entendu le discours du camarade Zinoviev ou qui ont eu la possibilité de prendre connaissance du sténogramme, sont prêts à mettre leur signature, sans hésitation, au bas de son discours. Celui-ci, dans sa forme modérée et inattaquable, a traduit l’état d’esprit de larges cercles du Parti qui poussent le cri d’alarme contre l’envahissement de la Pravda par la tendance de Martynovn. Le discours du camarade Zinoviev a servi de prétexte pour recommencer la chasse à courre contre lui. Comme il est démontré dans notre résolution, cette chasse contre l’opposition a commencé au moment même où arrivaient les nouvelles de la défaite chinoise.

Selon nos prévisions, le but de la campagne menée contre le camarade Zinoviev, c’est la tentative de l’éloigner avant le Congrès et, en dehors du Congrès, du Comité Central afin de se débarrasser d’un des critiqueurs de la ligne fausse. Ceci permettrait, pendant l’époque de la préparation du XV° Congrès du Parti et du VI° Congrès mondial, d’être débarrassé d’un critiqueur gênant de la fausse ligne du Parti. La même chose pourrait demain se répéter avec d’autres membres du CC. De tels moyens ne peuvent que faire du mal au Parti.

La mesure prise sous la pression du Bureau Politique et qui a consisté à interdire la participation du camarade Zinoviev au Plenum de l’IC n’a jamais eu de précédent dans l’histoire de l’Internationale Communiste. On a éloigné un des fondateurs de l’IC, son premier président élu sur la proposition de Lénine. L’éloignement des travaux de l’IC du camarade Zinoviev, qui est toujours membre de l’Exécutif au moment où on examinait les problèmes les plus importants du mouvement ouvrier international, ne peut être expliqué que par le manque de courage politique de ceux qui préfèrent à la lutte idéologique des mesures administratives. Ce fait, en dehors de sa signification politique, est en même temps une violation grossière des droits formels du camarade Zinoviev qui est membre de l’Exécutif et qui fut élu à l’unanimité au V° Congrès mondial. Le chemin de l’éloignement des léninistes n’est pas le chemin pour l’unité de l’IC. Il est fort probable que cette déclaration servira de preuves pour nous accuser de travail fractionnel. Vont se dépenser surtout les fonctionnaires qui sont prêts à tout, les « littérateurs » de la « nouvelle école » des « jeunes ». Mais entre autres, cette lettre est dirigée aussi contre eux, car parmi eux, il y a des gens qui, au moment du danger, seront les premiers à abandonner la cause du prolétariat. En envoyant cette déclaration, nous faisons notre devoir de révolutionnaires et de membres du Parti, comme cela a été toujours compris dans les rangs des véritables bolcheviks-léninistes.

Sous cette déclaration, nous avons ramassé, dans un laps de temps très court, quelques dizaines de signatures de vieux bolcheviks. Nous ne doutons pas une seule minute que d’autres vieux bolcheviks se trouvant un peu partout, en URSS ainsi qu’à l’étranger, connaissant la teneur de notre déclaration, lui auraient donné leur signature.

Nous ne doutons pas une seule minute que le point de vue exposé dans ce document est partagé par la majorité de notre parti, surtout par sa partie ouvrière. Pour qui connaît les ouvriers, membres de notre parti, c’est une preuve que ceci est juste.

NOTES

[1] Oustrialov : politicien libéral qui avait soutenu Lénine lors de la promulgation de la NEP, y voyant l’amorce de la restauration du capitalisme.

Les nôtres :

L’assassinat de Lénine

L’assassinat de Trotsky

Pour l’anniversaire de la mort de Reiss

La disparition de Rudolf Klement

Le cadavre de Harte

L’assassinat de Léon Trotsky

L’assasinat de Mathieu Bucholz

Le stalinisme a détruit Boukharine

Quatre militants trotskystes assassinés par les staliniens dans le maquis Wodli en Haute-Loire : Pietro Tresso, Abraham Sadek, Maurice Sieglmann et Jean Reboul

L’assassinat des trotskistes vietnamiens

Quand Staline lançait sa campagne de dénonciation publique et d’extermination massive des anciens révolutionnaires bolcheviks

Les procès de Moscou

En 1936, comment Staline assassine les militants révolutionnaires

La contre-révolution assassine les opposants communistes

Communistes contre Stalinisme

Messages

  • Léon Trotsky :

    « Nombre de mes proches sont tombés aux mains des assassins mercenaires de Staline. Je laisse de côté les membres de ma famille, mes deux filles et mes deux fils conduits à mort par le G.P.U. Je ne parle pas des milliers de mes partisans soumis à l’extermination physique en U.R.S.S. et dans les autres pays. Je me limite seulement à mes secrétaires dans les différents pays, qui ont été conduits au suicide par la persécution, qui ont été abattus ou assassinés par les agents du G.P.U. – sept personnes, M. Glazman, G. Boutov, J. Blumkine, N.Sermuks, I. Poznansky, R. Klement, E. Wolf. »

    Mikhail S. Glazman (? -1924) avait été le chef du secrétariat de Trotsky pendant la guerre civile. Exclu du parti et soumis à un chantage du G.P.U. dont nous ignorons les termes, il s’était suicidé en 1924.

    Georgi V. Boutov (? -1928), un ingénieur qui avait été le chef de cabinet de Trotsky pendant la guerre civile avait été également été arrêté, mais en 1928 et soumis à un chantage. Il avait riposté par une grève de la faim en guise de protestation et en était mort à la prison de la Boutyrka.
    Nikolai M. Sermuks était le chef du train blindé de Trotsky, devenu l’un de ses secrétaires à partir de 1925. Il avait été arrêté à Alma-Ata où il tentait de rejoindre Trotsky et avait disparu.

    Igor M. Poznansky (1898 ?-1938), jeune étudiant devenu volontairement l’un des plus proches collaborateurs de Trotsky en 1917 avait organisé les premiers détachements de « cavalerie rouge ». Arrêté en 1928, il avait cheminé de prison en déportation et avait été exécuté avec les derniers survivants des « trotskystes » d’U.R.S.S. à Vorkouta en avril 1938.

    Iakov G. Blumkine (1899-1929 avait été gagné en prison au bolchevisme par Trotsky et secrètement gracié était devenu l’un des as des services secrets à l’étranger. Dès la sortie d’U.R.S.S. de Trotsky il avait pris contact avec lui et participé à la liaison entre Constantinople et Moscou. Pris à la suite d’une dénonciation, il avait été fusillé en décembre 1929. Trotsky avait nié son rôle de liaison et assuré qu’il n’avait eu avec lui qu’une rencontre fortuite.

    Erwin Wolf (1902-1937) ancien dirigeant de la section allemande en exil, puis secrétaire de Trotsky en Norvège avait été arrêté lors d’une mission en Espagne en 1937. Il disparut, enlevé par le GPU en Espagne.

    Rudolf Klement (1908-1938), étudiant allemand, avait été secrétaire de Trotsky à Prinkipo, puis en France. Secrétaire administratif du S.I. il disparut en juillet 1938 et on retrouva les débris de son cadavre dans la Seine.

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