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Les paradoxes de la physique

mardi 10 mars 2015, par Robert Paris

Le mouvement brownien : un paradoxe de la physique. Même sans être chauffé de l’extérieur, un groupe de molécules est en agitation permanente. Le mouvement brownien est la découverte qu’au sein de la stabilité, on trouve l’instabilité permanente, que l’ordre a pour origine le désordre et que l’irréversibilité est fondée sur la réversibilité, etc... En somme, il est l’illustration de la dialectique fondamentale de la matière...

Le paradoxe est le chemin tortueux et contradictoire qui mène de l’illusion à la réalité.

L’illusion, ce sont les dichotomies : d’un côté les ondes et de l’autre les corpuscules, d’un côté la lumière et de l’autre la matière, d’un côté la matière et de l’autre le vide, d’un côté la matière et de l’autre l’énergie, d’un côté le mouvement et de l’autre le repos, d’un côté l’inerte et de l’autre le dynamique, d’un côté l’ordre et de l’autre le désordre, d’un côté le durable et de l’autre le fugitif, d’un côté la durée et de l’autre l’instant, d’un côté l’équilibre et de l’autre le déséquilibre, d’un côté le hasard et de l’autre la nécessité, d’un côté l’actuel et de l’autre le potentiel, d’un côté le réel et de l’autre le virtuel... En détruisant les illusions de la dichotomie apparente, le paradoxe aide à retrouver la voie de la dialectique de la nature pour laquelle ces propriétés contradictoires ne sont pas incompatibles mais au contraire indispensables l’une à l’autre et complémentaires au sein d’une même dynamique.

Le paradoxe des fentes de Young : les particules passent dans deux fentes et atteignent un écran. Elles forment des franges d’interférence (propriété que l’on croyait réservée aux ondes) alors qu’elles sont particulaires... C’est la preuve d’une propriété tout à fait contre-intuitive : celle de la dualité onde-corpuscule.

Voir ici le paradoxe des fentes de Young

L’image qui suit à elle seule indique le paradoxe : des corpuscules qui arrivent un par un ponctuellement comme des particules et qui reconstituent pourtant des interférences comme des ondes !

Les paradoxes de la physique

Qu’est-ce qu’un paradoxe physique ?

Commençons par rappeler que la physique est pleine de paradoxes qui ne sont pas seulement des faux paradoxes dont la contradiction apparente est facile à lever, mais des situations réellement contradictoires dialectiquement et qui sont des fondements de l’interrogation indispensable pour comprendre le mode de fonctionnement de l’univers matériel. Ces paradoxes n’ont pas seulement un intérêt culturel ou historique. Ils sont fondamentaux pour faire avancer la science car ils reposent la question de la nature du réel.

Les questions que posent les paradoxes sur la nature de l’espace, du temps, de la matière, de la lumière, du vide, de la pensée, du raisonnement, de la réalité, de l’ordre, de la structure, de la conservation, de l’observation ne sont pas des questions qu’une seule expérience ou qu’une seule théorie va éteindre définitivement. Le paradoxe, agitateur de questions au temps de Zénon, l’est toujours aujourd’hui pour ceux qui estiment que le monde ne doit pas seulement être mesuré et calculé mais pensé !

Bien des gens cherchent à dénouer les paradoxes les plus sérieux comme s’il s’agissait de vulgaires pièges intellectuels. Mais, face à un « vrai paradoxe », la seule réponse valable consiste à persister : continuer de poser sa question à chaque avancée (ou espoir d’avancée) de la compréhension du monde, c’est-à-dire à la réalité que nous observons et à partir de laquelle nous pensons, c’est-à-dire à la philosophie, à l’art, à la science et à la société. Le paradoxe des paradoxes, c’est que les paradoxes soient indispensables à la pensée logique sur le monde...

On fera référence ici aux paradoxes du temps et du mouvement (paradoxes de Zénon ou de la dichotomie, paradoxe de D’Alembert, paradoxe temporel, paradoxe du grand-père ou du voyage dans le temps, paradoxe de l’écrivain, paradoxes de la vitesse de la lumière,…), aux paradoxes de la physique quantique (paradoxe EPR ou la non-séparabilité ou intrication quantique, paradoxes de la superposition d’états dont le paradoxe du chat de Schrödinger ou de la réduction du paquet d’ondes, paradoxes de la dualité onde-corpuscule dont le paradoxe des fentes de Young, paradoxe de l’effet tunnel de Josephson, paradoxe de la supraconductivité, paradoxe de Zénon quantique, paradoxe de Marlan Scully, paradoxe de Klein, paradoxe de De Broglie, …), aux paradoxes du chaos déterministe, aux paradoxes de la relativité (paradoxe de Selleri, paradoxe d’Ehrenfest, paradoxe des jumeaux, paradoxe du train, …), aux paradoxes de la thermodynamique (démon de Maxwell, paradoxe de la réversibilité, paradoxe de Loschmidt, paradoxe de Zermelo, paradoxe d’irréversibilité, paradoxe de Gibbs, …), aux paradoxes de l’émergence, aux paradoxes du chaos déterministe et de l’auto-organisation, aux paradoxes de la relation matière-lumière, aux paradoxes de l’optique, aux paradoxes des infinis en physique, aux paradoxes de la cosmologie (paradoxe d’Olbers ou du ciel noir, paradoxe de l’information des trous noirs,…).

Les paradoxes ne sont nullement des jeux de l’esprit mais le moyen de constater un véritable problème posé par la réalité et par son curieux mode de fonctionnement, très éloigné souvent du simple bon sens et qui nécessite, pour avancer, bien plus que des expériences et des équations, le premier des paradoxes étant que le monde matériel puisse être pensé par la conscience humaine.

Denis Diderot dans « Pensées philosophiques » :

« Qu’est ce qu’un paradoxe, sinon une vérité opposée aux préjugés du vulgaire. »

Oscar Wilde, dans « Le Portrait de Dorian Gray » :

« Le chemin des paradoxes est le chemin du vrai. Pour éprouver la réalité, il faut la voir sur la corde raide. »

Paradoxe de Platon dans « Gorgias » ou paradoxe de la non contradiction :

« Penses-tu qu’un unique grain de blé fasse un tas ? A quoi tu réponds non. Alors je dis, que dis-tu à propos de deux grains ? (...) Si tu ne dis pas, à propos d’un nombre quelconque, par exemple dans le cas de 100 grains de blé, qu’il constitue désormais un tas, mais si, ensuite, une fois qu’on y a rajouté un grain, tu dis qu’un tas est désormais formé, il en résulte que cette quantité de blé devient un tas par l’addition d’un seul grain de blé et que si ce grain est ôté le tas disparait. Je ne connais rien de pire, de plus absurde, que de dire que l’existence et la non-existence soient déterminées par un grain de blé. »

Paradoxe de Plutarque ou de la structure dynamique mais globalement stable :

« Les Athéniens ont conservé le bateau de Thésée. Ils ont remplacé une planche par une autre identique au même emplacement. C’était toujours le même navire. Puis, ils en ont remplacé une autre. C’était toujours le navire de Thésée parti d’Athènes combattre le Minotaure. Ils ont fini par avoir remplacé toutes les planches. Mais toujours à l’identique. Etait-ce toujours le navire de Thésée ? »

Les paradoxes qui ont révolutionné notre compréhension du monde

Faux paradoxes

Les paradoxes physiques vont à l’encontre du bon sens

Paradoxes du temps et du mouvement

Zénon :
« Si une unité ponctuelle sans dimension était ajoutée à une autre, elle ne l’augmenterait d’aucune unité, car en ajoutant ce qui n’a pas de dimension, on ne peut accroître une dimension d’une unité. (…) Un point ajouté à un point ne produit pas de distance. (…) Si le multiple existe, d’autres s’intercalent entre les existants et dans l’intervalle entre eux il y en a encore d’autres, ainsi de suite entre d’autres intervalles il y en a en nombre indéterminé. (…) Si un point est dimensionné, il occupe un espace et définit une distance. Il y a donc d’autres points en son sein et ainsi de suite. »
« Car, si l’être était divisible, supposons-le sectionné en deux, et ensuite chacune des parties en deux, et que cela se reproduise sans cesse, il est évident que : ou bien il subsisterait certaines grandeurs ultimes qui seraient minimales et insécables, mais infinies en nombre ; ou bien il s’évanouirait et se résoudrait en ce qui n’est plus rien, et serait constitué de ce qui n’est plus rien ; deux conclusions qui précisément sont absurdes. Donc il ne sera pas divisé, mais demeurera un. De plus, en effet, puisqu’il est semblable en tout point, si on lui attribue la divisibilité il sera divisible semblablement en tout point, et non pas ici divisible et là non. Supposons-le donc divisé en tout point : alors il est évident que rien ne subsistera, qu’il s’évanouira, et que s’il est vrai qu’il soit constitué, il sera à nouveau de ce qui n’est rien. Car tant que quelque chose en subsistera, le procès de division en tout point ne sera pas encore achevé. En sorte que il est encore manifeste d’après ce qui précède que l’Etre est indivisible, et sans parties, et un. (…) Mais s’il est, il est nécessaire que chacun ait quelque grandeur, et quelque épaisseur, et que l’une de ses deux parties soit en dehors de l’autre. Même raisonnement pour celle des deux qui précède l’autre. Car celle-là aussi aura grandeur et quelque chose en elle précédera le reste. Assurément dire cela une fois revient au même que de le répéter indéfiniment. Car, de telles parties aucune ne sera l’ultime, ni telle qu’il n’y ait pas de relation d’une de ses parties à l’autre. »

Zénon rapporté par Simplicius dans « Physique » :

« La division, en tant qu’être divisé, n’est pas ponctualité absolue. La notion de continuité n’est pas non plus l’indivisé sans parties. »
1. — Si l’un n’avait pas de grandeur, il n’existerait même pas.
Mais, s’il est, chaque un doit avoir une certaine grandeur et une certaine épaisseur et doit être à une certaine distance de l’autre, et la même chose peut être dite de ce qui est devant lui ; car celui-ci aussi aura une grandeur, et quelque chose sera devant lui. C’est la même chose de dire cela une fois et de le dire toujours ; car aucune partie de lui ne sera la dernière et il n’est chose qui ne puisse être comparée à une autre.
Donc, si les choses sont une pluralité, elles doivent être à la fois grandes et petites, petites au point de ne pas avoir de grandeur du tout ; et grandes au point d’être infinies.
2. — Car s’il était ajouté à n’importe quelle chose, il ne la rendrait en rien plus grande ; car rien ne peut gagner en grandeur par l’addition de ce qui n’a pas de grandeur, d’où il suit immédiatement que ce qui était ajouté n’était rien. Mais si, quand ceci est retranché d’une autre chose, cette dernière n’est pas plus petite ; et d’autre part si quand il est ajouté à une autre chose, celle-ci n’en est pas augmentée, il est clair que ce qui est ajouté n’était rien et que ce qui était retranché n’était rien.
3. — Si les choses sont une pluralité, elles doivent être exactement aussi multiples qu’elles sont, ni plus ni moins. Or, si elles sont aussi multiples qu’elles sont, elles seront finies en nombre.
Si les choses sont une pluralité, elles seront infinies en nombre, car il y aura toujours d’autres choses entre elles, et de nouveau d’autres choses entre celles-ci. Et ainsi les choses seront infinies en nombre.
4. — Le mobile ne se meut ni dans l’espace où il se trouve, ni dans celui où il ne se trouve pas. »

• Paradoxe de la dichotomie
Un mobile pour aller de A en C doit d’abord arriver en B, qui se trouve entre A et C. Mais avant d’arriver en B, il doit d’abord arriver en B’ situé entre A et B, et ainsi de suite... In fine, le mobile ne pourra donc pas arriver en C au bout d’un temps fini.

• Paradoxe d’Achille et de la tortue
Si Achille situé en O poursuit une tortue qui se trouve en A. Le temps qu’il arrive en A, la tortue sera en B. Achille devra donc ensuite aller en B. Mais alors la tortue sera en C, et ainsi de suite. Achille pourra se rapprocher sans cesse de la tortue, mais il ne pourra jamais la rattraper.

• Paradoxe de la flèche
Une flèche qui vole est en fait immobile. En effet, à chaque instant, elle est dans un espace égal à elle-même. Elle est donc à chaque instant au repos. Si on décompose le mouvement en une suite d’instants, elle ne peut donc pas se mouvoir, puisqu’elle est constamment au repos.

• Paradoxe du Stade
Un train (succession de masses égales) croise sur un stade un train qui va en sens inverse et un train immobile. Dans le même temps où il parcourt deux wagons du train immobile, il croise quatre wagons du train allant en sens contraire. Donc le train a parcouru dans le même temps deux distances différentes. On peut aussi dire que la moitié d’une durée est égale à cette durée puisqu’il faut le même temps pour parcourir deux wagons que pour en parcourir quatre.

• Paradoxe des grains de mil

Si un boisseau de mil fait du bruit en tombant sur le sol, de même un seul grain devrait faire du bruit, et même un dix-millième de grain, mais ce n’est pas le cas.

De Broglie :

« Dans le macroscopique, Zénon paraît avoir tort, poussant trop loin les exigences d’une critique trop aiguë, mais dans le microscopique, à l’échelle des atomes, sa perspicacité triomphe et la flèche, si elle est animée d’un mouvement bien défini, ne peut être en aucun point de sa trajectoire. Or, c’est le microscopique qui est la réalité profonde, car il sous-tend le macroscopique. »

Jean Zin, dans « Initiation à la physique quantique » :

« D’une certaine façon, Zénon d’Elée avec ses sophismes (Achille et la tortue, la flèche immobile) avait déjà montré que la divisibilité à l’infini du continu abolit le mouvement et qu’un point sans dimension n’a aucune existence. Le caractère discontinu, fini, des phénomènes est une condition de l’existence elle-même ("Il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il y ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre"). L’infini est le signe qu’on a quitté la physique. »

Les paradoxes de Zénon

Le paradoxe de Zénon quantique

Paradoxe : le réel n’est pas la succession temporelle, linéaire, logique et graduelle des états actuels

Paradoxe de D’Alembert

Paradoxe temporel

Paradoxe du grand-père

Paradoxe de la vitesse de la lumière

Paradoxe de l’espace-temps

Les paradoxes des particules élémentaires

 Les particules ayant une masse au repos (celles qui ne peuvent pas approcher la vitesse de la lumière) sont élémentaires et pas élémentaires. « Il y a un monde dans l’électron » dira un grand physicien. Une seule particule est en fait une colonie de particules et d’antiparticules du vide (dites virtuelles car éphémères) tourbillonant autour de la particule mais pas de manière quelconque : en formant des couches concentriques qui écrantent la charge de la particule, c’est-à-dire qui la réduisent et l’augmentent successivement quand on s’en approche.

 Elles sont positionnées mais pas comme le sont nos objets usuels. Quand on les détecte, elles ont une position précise. Mais, si on ne les détecte pas, on ne peut pas dire exactement où elles sont : elles ont seulement une certaine probabilité de présence dans une part de l’espace.

 Elles sont à la fois corpusculaires et ondulatoires ce qui ressemble bien à la fable de la carpe et du lapin ou à ornithorinque ! En effet, les propriétés ondulatoires et corpusculaires sont contradictoires. Les unes sont continues et les autres disontinues (et même discrètes). On ne peut même pas dire que dans certaines circonstances elles seraient ondulatoires et dans d’autres corpusculaires. On est obligés de dire qu’elles sont tout le temps les deux et que le type d’expérience que l’on fait privilégie plutôt un aspect que l’autre.

 Elles sont individuelles mais avec aucun caractère d’individualité permettant de les distinguer de celles du même type lorsqu’elles sont à proximité et en interaction. Seul leur nombre compte alors et non des particularités de chacune.

 Elles ont une masse au repos mais celle-ci, si elle les caractérise, ne leur appartient pas en propre : c’est une propriété qui leur est donnée par l’espace (via le boson de Higgs) et qui saute d’une particule à une particule virtuelle proche. La particule de masse au repos (dite réelle par opposition aux particules dites virtuelles du vide) n’est donc pas tout le temps la même particule. Ce n’est pas une chose mais une propriété dynamique. Ce qui est stable et se conserve n’est donc pas un objet mais une propriété. Les objets sont les particules (et antiparticules) virtuelles du vide. Le durable (dite réel) est fondé sur l’éphémère (dit virtuel).

 Les particules non chargées électriquement (comme le neutron) n’ont pas de moment électrique et ont pourtant un moment magnétique et c’est encore une étrangeté…

 Les particules chargées électriquement (comme l’électron et le proton) conservent sans cesse leur charge et celle-ci est constante, toujours la même. Elle est donc quantifiée comme le quanta d’action de Planck. On peut avoir seulement des charges égales à un nombre entier de fois la charge de l’électron (en positif ou en négatif). Cependant, la perception extérieure de la charge de la particule change au fur et à mesure que l’on s’approche de celle-ci du fait de l’écrantage de la charge de la particule par le nuage de particules et d’antiparticules virtuelles qui l’entourent sans cesse dans un ballet très agité et qui elles-mêmes portent des charges. Le nuage de polarisation rend donc apparemment continue (vue de l’extérieur) une charge électrique de la particule qui est pourtant fondamentalement discontinue.

 Les particules de matière se déplacent dans un espace-temps pour lequel le temps possède une flèche alors que le vide quantique dans lequel elle se déplace ne possède pas de flèche du temps, ce qui signifie qu’elle produit, au fur et à mesure de son déplacement, une modification de l’espace environnant qui lui permet de se repérer. Ce sont les mouvements des particules et antiparticules virtuelles dans l’entourage de la particule qui, par leurs dispositions tranforment la structure désordonnée du vide.

 Les particules s’agitent sans cesse et en tous sens, même si aucune force extérieure ne s’exerce sur elles. C’est un produit de l’agitation permanente du vide quantique. Les mouvements des particules ne sont pas entièrement propres à celles-ci et sont produits par l’environnement.

 Ces mouvements de particules élémentaires n’ont pas du tout le caractère de ce que nous entendons par mouvement des objets à notre échelle. Il ne s’agit pas de déplacement dans lequel la particule va passer par tous les points entre deux positions atteintes sucessivement. Les particules matérielles font sans cesse des sauts d’une position à une autre. Encore faut-il préciser que, lorsqu’on dit d’une position, il s’agit plutôt d’une série de positions possibles et potentielles à une autre série de positions potentielles. La particule n’a jamais une seule position, à moins que sa dynamique soit rompue par le fait d’avoir capté la particule et donc interrompu ou perturbé le mouvement de l’extérieur, par exemple capté la particule sur un écran.

 Le monde des particules de matière (ou fermions) s’oppose au monde des particules de lumière (ou bosons) avec par exemple des tendances grégaires de la lumière et anti-grégaires de la matière. Cependant, ces deux mondes sont beaucoup moins séparés et opposés qu’on pourrait le croire ou plutôt leur opposition est dialectique. La matière s’unit sans cesse à la lumière par absorption et se désunit sans cesse par émission. Ce phénomène n’est pas marginal mais fondamental. C’est ainsi qu’une particule de matière perçoit une autre particule de matière : par réception des bosons émis et pas par contact direct, contact impossible du fait de l’antigrégarité de la matière (principe de Pauli, loi de Fermi, inégalités d’Heisenberg, etc.). Lumière et matière sont fondamentalement des domaines imbriqués : la matière peut se décomposer en lumière et la lumière se matérialiser en particules ! Deux particules de matière qui sont corrélés en permanence au sein de structures matérielles (par exemple deux électrons) se comportent comme de la lumière (phénomène de supraconductivité BCS).

 Le paradoxe des électrons jumeaux est le fait que des électrons émis en même temps par la même source ne cessent pas d’appartenir à un même ensemble, quelle que soit la distance qui les sépare après leur émission. Cela signifie qu’elles restent indistinguables à distance, sans possibilité de communication, même à la vitesse de la lumière. Ce sont les spins des deux particules qui restent corrélés instantanément, ce qui pour deux objets classiques serait absolument impossible et absurde.

 Les particules comme l’électron, el neutron ou le proton (dites de spin ½) qui sont en rotation sur elles-mêmes reviennent à leur état de départ par deux tours complets et non par un seul tour !

 Les particules possèdent des niveaux d’énergie et cependant ce qui les caractérise n’est pas l’énergie mais une énergie multipliée par temps égale un paramètre dit d’action qui un multiple entier de la constante d’action de Planck h. Cela signifie que tout échange d’énergie et que tout mouvement ne peut se faire que par sauts, par quantités discrètes.

 Les particules se regroupent pour former des noyaux, des atomes, des molécules, des cristaux, des structures matérielles diverses fondées sur un très grand nombre de molécules dans différents états mais le niveau d’énergie de l’ensemble n’est pas égal à la totalité des niveaux d’énergie des éléments. Il faut tenir compte aussi des énergies d’interaction qui ne sont pas comptées individuellement dans les particules. Le tout n’est pas égal à la somme des parties.

 Les particules changent d’état à chaque instant et cependant leur dynamique n’est pas une transformation qui passe d’un état actuel à un autre état actuel. Il s’agit d’une transformation qui passe de la superposition de tous les états potentiels à une nouvelle superposition de nouveaux états potentiels et c’est parmi ces états potentiels qu’on trouve l’état actuel.

 Dans les regroupements d’un grand nombre de particules élémentaires, la description physique utilise des paramètres qui n’existaient pas au niveau particulaire. Ce sont des paramètres émergents qui n’apparaissent que lorsqu’un grand nombre de particules sont en jeu et en interaction et qui n’ont aucun sens au niveau inférieur, comme par exemple la température et la pression.

 On ne peut pas à la fois préciser la vitesse et la position d’une particule et chaque amélioration de la précision de l’une entraîne une dégradation de la précision de l’autre et cela n’est pas dû à une imperfection des matériels de mesure mais provient fondamentalement du caractère quantique du phénomène : tous les paramètres corrélés doivent rester dans la relation selon laquelle on ne peut pas descendre en dessous d’un quanta d’action (inégalités d’Heisenberg). L’action étant le produit de deux paramètres, l’un des deux ne peut pas diminuer ni grandir sans que l’autre fasse le contraire. Du fait que l’on ne peut pas connaître précisément à la fois position et vitesse, il ne peut être question de trajectoire. On ne peut pas suivre une particule dans son déplacement car chaque position actuelle n’est rien d’autre que l’une des positions potentielles et il faudrait les connaître toutes pour en déduire les positions potentielles suivantes et cela ne nous dirait encore pas ce que sera la position actuelle, que nous ne pouvons pas prédire d’avance.

 Lorsque l’on fait passer une particule élémentaire (ou un photon) dans le dispositif dit des fentes de Young (voir les schémas au début de ce texte), on détecte en sortie la particule sur un écran. On remarque que les arrivées successives dessinent des interférences (comme dans les phénomènes ondulatoires) mais les arrivées sont ponctuelles comme en physique particulaire. Le caractère de dualité onde-corpuscule est bien confirmé. Ce dispositif souligne de multiples paradoxes dont le plus important est le fait que la particule interfère avec… elle-même puisqu’il y a interférence même si on envoit les particules une par une ! La position de la particule à l’arrivée sur l’écran est déterminée par l’interférence du nuage de polarisation de la particule avec lui-même et non par l’interférence de la particule de masse au repos avec elle-même, ce qui n’aurait aucun sens. C’est bien le nuage de polarisation qui détermine où va arriver la particule. Si on cherche à voir par quel trou la particule est passée en illuminant un des trous, on casse le nuage de polarisation qui passe par ce trou et on casse aussi les interférences sur l’écran. Si on dispose un solénoïde à la sortie des fentes de Young et avant l’écran, les interférences sont décalées. C’est l’effet Aharonov-Böhm. Cet effet a lieu même dans la zone intérieure du solénoïde où il n’y a pourtant pas de champ magnétique. Cela démontre que les interférences sont une action du vide car c’est le potentiel vecteur électromagnétique qui agit et non le champ électromagnétique.

- Les particules de matière du noyau atomique sont élémentaires mais composites. Elles sont formées de plusieurs quarks mais ceux-ci ne peuvent pas exister de manière indépendante. Les quarks sont caractérisés par leur « couleur », un paramètre quantique mais celui-ci change sans cesse de manière spontanée. D’autres particules comme les neutrinos ont cette capacité de voir leur paramètre changer sans cesse spontanément, sans action extérieure.

 Chaque particule de matière possède un symétrique appelé son antiparticule et qui est constitué de ce qu’on appelle de l’antimatière : c’est le symétrique pour la charge mais pas pour la masse. Lorsqu’une particule rencontre son antiparticule avec une énergie suffisante (le double de l’énergie de masse), les deux se transforment en lumière.

Paul Langevin :
« Nous ne pouvons pas nous représenter un électron comme un objet. »

Albert Einstein :

« Vous savez, il serait suffisant de réellement comprendre l’électron. »

Léon Léderman :

« Si l’électron est un point, où se trouve la masse, où se trouve la charge ? Comment savons-nous que l’électron est un point ? Peut-on me rembourser ? »

Alain Boutot dans « L’invention des formes » :

« Considérons par exemple la manière dont la mécanique quantique se représente un système physique élémentaire constitué par une seule particule (photon, électron, proton, etc…) (...) Intéressons-nous particulièrement à la position de la particule qui est un état parmi d’autres (comme la quantité de mouvement, le spin, …) (...) Une particule n’a donc pas de position bien précise, sauf dans des situations exceptionnelles. Ainsi, lorsqu’un photon a beaucoup d’énergie, c’est-à-dire lorsque sa fréquence est très grande, il est pratiquement ponctuel. Sa probabilité de présence est très forte sur une petite région de l’espace et pratiquement nulle ailleurs. Mais lorsque son énergie diminue et que sa fréquence devient très basse, alors il cesse d’être localisable. (...) La mécanique quantique est pleine de bizarreries de ce genre. »

Erwin Schrödinger dans « Physique quantique et représentation du monde » :

« Les particules ne sont pas des objets identifiables. (...) Elles pourraient être considérées comme des événements de nature explosive (...) On ne peut pas arriver – ni dans le cas de la lumière ni dans celui des rayons cathodiques - à comprendre ces phénomènes au moyen du concept de corpuscule isolé, individuel doué d’une existence permanente. (...) La meilleure connaissance possible d’un ensemble n’inclut pas nécessairement la meilleure connaissance possible de chacune de ses parties. (...) Selon la vieille conception leur individualité (des particules et des atomes) était basée sur l’identité des matériaux dont elles sont faites. (...) Dans la nouvelle conception, ce qui est permanent dans ces particules élémentaire sous ces petits agrégats, c’est leur forme ou leur organisation. »

Etienne Klein dans « Dictionnaire de l’ignorance » :

« Cette description des particules, entremêlant les propriétés des ondes et celles des corpuscules, est révolutionnaire. Elle met en relation des images que notre esprit isole dans des catégories distinctes, voire opposées. L’étrangeté de la chose vient de ce que toutes les particules, qu’elles soient de lumière ou de matière, nous appariassent soit comme des ondes (elles peuvent interférer – l’interférence est une addition qui est inhibitrice) soit comme des corpuscules (elles semblent ponctuelles quand on détecte leur position), mais elles ne sont ni des ondes ni des corpuscules. (…) Puisque les concepts d’onde et de corpuscule apparaissent mutuellement exclusifs en même temps qu’indissociables, il n’existe aucune possibilité de définir leur sens au moyen d’une seule expérience. On ne peut pas les combiner en une seule image. Néanmoins, ils sont nécessaires l’un à l’autre pour épuiser tous les types d’information que nous pouvons obtenir sur un objet quantique à l’aide des divers appareils de mesure. (…) Dans la bouche de Niels Bohr, le mot complémentarité n’est pas à prendre dans son sens usuel. La complémentarité ne signifie nullement pour lui quelque chose comme « collaboration » ou « association ». La dualité n’est pas un duo, l’association de l’onde et du corpuscule n’est pas une synthèse. Elle incluse toujours au contraire l’exclusion mutuelle et la disjonction des éléments qu’elle met en vis-à-vis. Il faut la voir comme une sorte de paradoxe irréductible qui lie un concept à sa négation. (…) Comme nous dit John Bell, dans la bouche de Niels Bohr, (…) la complémentarité est proche du concept de contradiction (…) Contradiction est le mot fétiche de Bohr, comme l’ont fait remarquer Wootters et Zurek dans un article de 1979. »

Eftichios Bitsakis, dans « Physique et matérialisme » :

« Dans la théorie quantique des champs, le mouvement ne peut pas être défini en dehors des transformations des particules. (...) C’est ainsi que, si un électron est dévié d’une direction de mouvement dans une direction différente, cet événement est décrit comme « destruction » de l’électron initial, et comme « création » d’un autre électron, qui se met dans la nouvelle direction. »

Laurent Nottale dans « La complexité, vertiges et promesses » :

« Un objet, comme l’électron, vu classiquement comme un simple point, devient compliqué vers les petites échelles : il émet des photons, les réabsorbe, ces photons deviennent eux-mêmes des paires électrons-positons, etc… A l’intérieur de l’électron, il y a une espèce de foisonnement de particules virtuelles qu’on ne voit pas à grande échelle. (...) Un électron est objet élémentaire qui contient toutes les particules élémentaires existantes. »

David Bohm dans « Observation et Interprétation » :

« Dans cette théorie, par conséquent, il n’y a pas de particule qui garde toujours son identité (...) Le mouvement est ainsi analysé en une série de re-créations et de destructions, dont le résultat total est le changement continu de la particule dans l’espace. »
Bernard d’Espagnat dans "Regards sur la matière" :
"Si nous nous tournons du côté de la théorie des particules dites élémentaires, nous y trouverons quelque chose d’encore plus frappant : c’est le phénomène de création et d’annihilation (...) le mouvement se trouve transformé en objet. Nous prenons deux protons. ils ont chacun un certain mouvement, une certaine vitesse, donc une certaine énergie. Nous les faisons se rencontrer, puis ils se séparent de nouveau. Nous avons toujours les deux protons, mais le mouvement de ces deux protons a été en partie transformé. On a vu apparaître d’autres particules qui ont été "créées" par ce mouvement. (...) Cela, c’est quelque chose qui dépasse tout à fait nos concepts familiers. En effet, dans l’attirail de nos concepts familiers, il y a d’une part les objets, d’autre part les propriétés de ces objets, comme la position, le mouvement, etc ; et, normalement, ce sont là deux catégories qui ne se transforment pas l’une dans l’autre. (...) La physique prérelativiste s’inspirait largement d’une vision "chosiste" du monde. Deux notions, matière et champs la dominaient. Encore les champs furent-ils longtemps compris comme n’étant qu’un mouvement (...) Quant à la matière elle-même, elle était conçue comme formée essentiellement de petits grains - c’est-à-dire de petites choses - liés entre eux par des forces. (...) Une telle vision exalte le statique relativement au dynamique. Dans cette conception, en effet, même le mouvement n’est qu’une qualité - après tout secondaire et transitoire - d’une "chose" localisée, douée, elle, de permanence. L’avènement de la relativité et des quanta devaient modifier cette hiérarchie. (...) La notion correspondante (d’objet) est ainsi secondaire à celle d’évènement."

Eftichios Bitzakis dans « Microphysique : pour un monisme de la matière », article de l’ouvrage collectif « Les matérialismes (et leurs détracteurs) » :

« Les particules élémentaires sont divisées en deux grandes familles, les fermions et les bosons. Pourtant il n’y a pas de dichotomie entre les deux familles. Il y a unité dans la différence, qui se manifeste par les transformations mutuelles de fermions en bosons et vice-versa. Une autre grande division est celle entre particules et antiparticules. (...) Dans ce cas aussi, l’opposition est dialectique : l’unité ontique se manifeste pendant la fusion des contraires, pour donner naissance à d’autres particules. (...) Une autre opposition formelle de la physique pré-relativiste était celle entre la matière et le champ. (...) Or le photon se transforme en particules massives. (...) L’unité ontique des particules dites élémentaires se manifeste aussi via deux types de lois, les lois de transformation et les lois de conservation. Les deux types de lois, d’ailleurs, sont intrinsèquement corrélés, étant donné que la conservation d’un élément de réalité se manifeste pendant une transformation. »

Les paradoxes de la physique quantique

Tout est paradoxal quasiment dans la physique quantique : intrication, superposition d’états, absence d’individualité des particules, réduction du paquet d’ondes, onde de probabilité, absence de trajectoires, inégalités d’Heisenberg, et même le quanta lui-même. Il faut dire qu’imaginer un parcours, un échange d’énergie, une interaction uniquement par petits bonds élémentaires d’un quanta, c’est très contre-intuitif !

 La physique quantique oppose le domaine dit classique, à grande échelle (un grand nombre de quanta) où elle n’est pas nécessaire, et le domaine quantique, où les lois classiques, celles à notre échelle, n’ont plus cours (avec un petit nombre de quanta), mais on ne sait jamais où se trouve la frontière. Des phénomènes quantiques ont lieu à notre échelle…

 La physique quantique est partie d’une hypothèse d’aspect paradoxal émise par Planck et rendue encore plus paradoxale par Einstein : l’hypothèse des quanta. Il n’y a pas plus paradoxal pour un physicien des années 1900 que de considérer comme discontinu tout échange d’énergie, toute matière, tout mouvement.

 Les paramètres qui décrivent le monde à notre échelle (macroscopique) ne sont pas les mêmes que ceux qui le décrivent à l’échelle microscopique (celle des particules) et, du coup, les lois ne sont pas les mêmes. Elles ne sont pas du même type. Les lois du niveau macroscopique sont dites classiques et celles du niveau microscopique sont dites quantiques. Les lois classiques sont obtenues à l’aide de fonctions continues de variables continues. Les fonctions prennent des valeurs décimales, donc continues. Les lois quantiques sont des fonctions discontinues de variables discontinues fondées sur des paramètres ayant des valeurs entières et non décimales.

 La propriété quantique essentielle est la discontinuité générale et fondamentale de la matière, de la lumière, de l’énergie, du mouvement et du vide. Or de très nombreux phénomènes sont décrits de manière continue. C’est là un paradoxe très important et c’est loin d’être le seul. Un autre paradoxe, c’est qu’en physique quantique, la description continue d’employer la terminologie classique sans parvenir à la remplacer. La discontinuité qui introduit partour des sauts n’est pas sans poser de grands problèmes conceptuels, en particulier à la conception de la causalité.

 A notre échelle (un grand nombre de quanta), l’ancienne physique continue de s’appliquer mais elle ne peut pas fonctionner à l’échelle d’un petit nombre de quanta dite échelle quantique. Il arrive même que des phénomènes quantiques se produisent à grande échelle. Le paradoxe, c’est qu’on ne voit pas comment a lieu le saut entre ces domaines dissemblables. C’est le phénomène de la décohérence qui est chargé de l’étudier. En tout cas, dès qu’il y a un grand nombre quanta, des paramètres émergents apparaissent qui sont les paramètres dont nous avons l’habitude à notre niveau, des paramètres comme vitesse et position. A notre échelle, apparait la notion d’objet fixe, de trajectoire, de causalité linéaire. Ce ne sont pas des réalités fondamentales mais des produits de l’auto-organisation collective. La superposition d’états est alors remplacée par un état à chaque instant.

 La conséquence, c’est que toutes les règles du bon sens qui décrivent pour nous le monde matériel sont profondément perturbées. Nous devons abandonner non seulement les trajectoires du mouvement, la notion d’objets fixes, celle de causalité à sens unqiue, celle de tiers exclus, la notion de tout qui est la somme des parties, la notion de principe de non contradiction, la continuité causale linéaire et bien d’autres préjugés qui proviennent du fait que nous ne voyons le monde qu’à une seule échelle bien plus grande que le niveau quantique.

 L’atome est neutre électriquement car constitué d’autant de particules d’électricité positive que de particules d’électricité négative, les deux ayant la même charge sauf le signe. Le paradoxe, c’est que les électrons négatifs ne tombent pas sur le noyau positif alors que les électricités positives et négatives s’attirent.

 En physique quantique, l’observation n’a pas le même statut qu’en physique classique. Observer une particule ou un phénomène quantique, c’est le perturber grandement et non partiellement. Ainsi, il y a une rupture de la dynamique naturelle dès qu’il y a observation. L’expérience est un saut qualitatif. La particule captée, le corpuscule trouvé, l’onde doit disparaître instantanément (réduction du paquet d’ondes) ce qui est difficile à concevoir…

 Tous ces phénomènes sont dynamiques alors que, spontanément nous raisonnons de manière statique, ils produisent des contradictions et ne sont pas linéaires alors que, spontanément, nous raisonnons de manière non dialectique et linéaire. Ils présentent des discontinuités, des sauts qualitatifs, des contradictions… Les différents états de la matière ne se comportent pas souvent comme on l’imagine et ne sont pas exactement ce qu’on imagine. La matière n’est pas faite de choses mais de structures émergentes, ce qui est profondément différent. Elle n’est pas fondée sur des équilibres stables, image qui nous est donnée par l’univers apparent à notre échelle. Même le simple corpuscule dit élémentaire est une structure émergente et non un objet !

Jean-Claude Auffray dans « L’atome » :

« Le quantum d’action progresse dans le vide en franchissant des ’’pas’’. (...) Or cette règle a quelque chose de simple : seuls sont ’’permis’’ les sauts dans lesquels un électron de l’atome voit son nombre quantique changer d’une unité. (...) Lorsque l’atome émet (ou absorbe) un quantum d’action, le quantum emporte (ou apporte) avec lui, de par son spin, une unité d’action de rotation. »

Max Planck dans « Initiation à la physique » :

« L’hypothèse des quanta conduit à admettre qu’il y a dans la nature des phénomènes n’ayant pas lieu d’une manière continue mais brusquement et, pour ainsi dire, explosivement. »

Werner Heisenberg dans « La partie et le tout, le monde de la physique atomique » :

« Comme vous le savez, Planck a découvert que l’énergie d’un système atomique varie de façon discontinue, que lors de l’émission d’énergie par un tel système, il existe, pour ainsi dire, des positions d’arrêt, correspondant à des énergies déterminées, c’est ce que j’ai appelé plus tard les états stationnaires. » Il cite là un débat avec Albert Einstein qui lui dit : « Vous savez que j’ai essayé de suggérer l’idée que l’atome tombe, pour ainsi dire subitement, d’un état d’énergie stationnaire à un autre, en émettant la différence d’énergie sous forme d’un paquet d’énergie ou encore quantum de lumière. Ceci serait un exemple particulièrement frappant de cette discontinuité dont j’ai parlé tout à l’heure. » Il lui répond ainsi : « Peut-être faudrait-il imaginer la transition d’un état stationnaire à un autre à peu près comme le passage d’une image à une autre dans certains films. « Et Einstein répondait : « Si votre théorie est juste, vous devrez me dire un jour ce que fait l’atome lorsqu’il passe d’un état à un autre en émettant de la lumière. » Heisenberg reconnaît ne pas connaître la réponse : « Lorsque l’électron (d’un atome) saute – dans le cas d’émission de rayonnement – d’une orbite à l’autre, nous préférons ne rien dire au sujet de ce saut : est-ce un saut est-ce un saut en longueur, un saut en hauteur ou quoi d’autre ? » Et, pour souligner la difficulté du problème et, surtout, à la fois la nécessité et la difficulté d’admettre la discontinuité de la nature, il cite un autre grand physicien quantique Erwin Schrödinger qui déclare : « Si ces damnés sauts quantiques devaient subsister, je regretterais de m’être jamais occupé de théorie quantique. »

Lochak, Diner et Farge dans « L’objet quantique » :

« Bohr tend à minimiser de plus en plus le côté contradictoire, paradoxal, de la complémentarité des aspects ondulatoire et corpusculaire, Louis de Broglie, au contraire, le souligne de plus en plus. »

Lochak, Diner et Farge dans « L’objet quantique » :

« L’hypothèse des quanta voulait dire cette chose étrange que le mouvement des atomes n’évolue pas continûment mais par bonds discontinus : comme si une fusée ne pouvait s’élever progressivement au-dessus de la Terre (…) Einstein avait émis (en 1905), à partir des travaux de Planck, une hypothèse encore plus paradoxale que la sienne : il supposa que si les atomes absorbent et émettent de l’énergie lumineuse par paquets, par quanta, c’est que ces quanta se trouvent déjà dans la lumière : autrement dit, les ondes lumineuses continues transportent leur énergie sous forme discontinue, concentrée dans des corpuscules de lumière, qu’on appela photons. »

Louis de Broglie, dans « La physique nouvelle et les quanta » :

« L’existence du quantum d’action, sur lequel nous aurons si souvent à revenir dans le cours de cet ouvrage, implique en effet une sorte d’incompatibilité entre le point de vue de la localisation dans l’espace et dans le temps et le point de vue de l’évolution dynamique ; chacun de ces points de vue est susceptible d’être utilisé pour la description du monde réel, mais il n’est pas possible de les adopter simultanément dans toute leur rigueur. La localisation exacte dans l’espace et dans le temps est une sorte d’idéalisation statique qui exclut toute évolution et tout dynamisme ; l’idée d’état de mouvement prise dans toute sa pureté est par contre une idéalisation dynamique qui est en principe contradictoire avec les concepts de position et d’instant. »

Etienne Klein et Bernard D’Espagnat dans "Regards sur la matière" :

« Le quantum, nous le verrons, a une valeur minuscule, mais l’idée du quantum est devenue aussi incontournable qu’un mastodonte. C’est bien la preuve qu’on peut être à la fois fantomatique et essentiel. Vérité des paradoxes, arguait déjà Zénon d’Elée. »

Werner Heisenberg dans « Physique et philosophie » :

« L’interprétation de Copenhague de la théorie quantique prend naissance dans un paradoxe. Toute expérience physique, qu’il s’agisse de phénomènes de la vie quotidienne ou de phénomènes atomiques, se décrit forcément en termes de physique classique. Les concepts de physique classique forment le langage grâce auquel nous décrivons les conditions dans lesquelles se déroulent nos expériences et communiquons leurs résultats. Il nous est impossible de remplacer ces concepts par d’autres et nous ne devrions pas le tenter. Or, l’application de ces concepts est limitée par les relations d’incertitude et, quand nous utilisons ces concepts classiques, nous ne devons jamais perdre de vue leur portée limitée, sans pour cela pouvoir ou devoir essayer de les améliorer. »

Jean-Marc Lévy-Leblond dans « La quantique à grande échelle », article de l’ouvrage collectif « Le monde quantique » :

« La théorie quantique eut parmi ses premiers objectifs de comprendre la stabilité des édifices atomiques. En effet, un « électron classique » (non-quantique) pourrait orbiter à une distance arbitraire d’un « noyau classique ». Rayonnant de l’énergie électromagnétique, il pourrait se rapprocher indéfiniment du noyau, perdant dans cette chute une quantité d’énergie … infinie ! La théorie quantique, en corrélant l’extension spatiale d’un électron à son énergie cinétique (inégalités d’Heisenberg), interdit une telle catastrophe et assure l’existence d’atomes stables, dont l’énergie ne peut descendre en dessous d’un certain plancher absolu (niveau fondamental). Mais Pauli fit remarquer, dès les années 1925, que cette stabilité individuelle des atomes, si elle est nécessaire, ne suffit en rien à assurer la stabilité de la matière. (…) Si le principe de Pauli n’intervenait pas pour tenir les électrons à distance mutuelle, la matière serait incomparablement plus concentrée, d’autant plus que la quantité en serait plus grande. (…) Ajoutons enfin que le rôle du principe de Pauli ne se borne pas à assurer l’existence de la matière, mais conditionne toutes ses propriétés électroniques détaillées, en particulier la conductivité ou la semi-conductivité des matériaux qu’utilise la technologie électronique. »

Maurice Jacob dans "Au coeur de la matière" :

« L’atome est globalement neutre, la charge totale des électrons étant compensée par celle des protons qui se trouvent dans son noyau. (....) En physique quantique, il faut renoncer à considérer une particule comme parfaitement localisable. (...) Ce flou quantique peut heurter l’intuition naturelle (...) ne peut-on envisager l’observation d’un électron pendant un temps très court durant lequel il ne pourrait parcourir qu’une petite partie de la distance associée à ce flou quantique ? C’est possible mais on ne peut plus distinguer dans ce cas l’électron des multiples autres particules (paires d’électrons et de positrons fugitifs du vide) qui peuvent être librement émises et réabsorbées durant ce temps très court. (...) Le vide est animé par la création continuelle et la disparition rapide de paires électron-positron (le positron est l’antiparticule de l’électron). Ce sont des paires virtuelles (...) L’électron de charge négative va attirer les positrons de ces paires virtuelles en repoussant leurs électrons. En approchant de l’électron, le photon va se voir entouré d’un "nuage" de charge positive dû aux positrons virtuels attirés. Il aura l’impression que la charge de l’électron est plus faible que celle annoncée. (...) la masse des particules vient de la structure du vide qui s’est figé au début de l’évolution de l’Univers (...) La diversité de la matière sort de la structure du vide. (...) le vide bouillonne d’activité, il peut même exister sous plusieurs formes et manifester une structure. (...) Ce bouillonnement d’activité est de nature quantique. »

Michel Cassé dans « Dictionnaire de l’ignorance » :

« Le niveau de description ultime susceptible de fonder la singularité du vide est la théorie quantique des champs, qui combine les concepts de la relativité restreinte et ceux de la physique quantique. (…) le vide y est le ciment permanent de l’univers, les particules en jaillissent et y replongent comme des poissons volants, non sans servir de monnaie d’échange entre les particules stables et durables qui donnent sa chair au monde, et qui proviennent d’ailleurs elles-mêmes de la pulvérisation du vide primordial. (…) Les particules virtuelles (du vide quantique) sont si fugitives qu’elles sont comme si elles n’étaient pas. Les particules « réelles » et « virtuelles » sont tout aussi existantes les unes que les autres, mais les dernières disparaissent avant même qu’on puisse les observer. (…) Les termes de « fluctuation du vide » et « particules virtuelles » sont équivalents dans la description, le premier appartenant au langage des champs, le second à celui des particules. (…) Les fluctuations électromagnétiques, et donc les photons virtuels qui en sont la contrepartie dans le langage des particules, furent mises en évidence dès 1940, par la mesure du décalage des raies spectrales de l’hydrogène (Lamb shift) dû à un très léger changement des niveaux d’énergie de l’atome correspondant, et par la découverte d’une minuscule attraction entre deux plaques conductrices (effet Casimir). (…) Le vide se peuple d’une invisible engeance. L’inventaire du moindre centimètre cube d’espace frappe de stupeur : les paires électron-positon (+ et -) côtoient toute une faune de quanta. Les paires électron-positon virtuelles, en dépit de leur faible durée de vie, s’orientent dans le champ électrique des charges électriques présentes et modifient leurs effets. Océan de particules virtuelles, on peut s’étonner de voir encore à travers le vide, tant il est poissonneux En lui s’ébattent tous les photons, bosons intermédiaires et gluons nécessaires à la transmission des forces qui charpentent, coordonnent et organisent le monde. Les particules furtives qui émergent du vide et s’y précipitent aussitôt relient entre elles les particules stables et durables de la matière, dites particules réelles (quarks et leptons). »

Gilles Cohen-Tannoudji dans "Le temps et sa flèche" (ouvrage collectif dirigé par Etienne Klein et Michel Spiro) :

« L’inégalité d’Heisenberg marque l’irruption du discontinu là où on ne l’attendait pas, dans les interactions. Alors que le discontinu était accepté dans la matière, puisque c’est essentiellement le fondement de l’hypothèse atomique, on pensait que les interactions relevaient complètement du continu. C’est effectivement la pensée du continu qui constitue le fondement de la théorie de la gravitation universelle de Newton, et la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell est une théorie ondulatoire, et quoi de plus continu qu’une onde ou un champ ? Ni la relativité restreinte ni la relativité générale n’y changent rien : en physique classqiue, les interactions relèvent entièrement du continu. Or le quantum d’action est fondamentalement un quantum d’interaction : il n’y a pas d’interaction que si est mise en jeu une action au moins égale au quantum d’action. Il faut donc admettre l’idée que, de même qu’il y a des particules élémentaires de matière, les fermions, il doit y avoir des particules élémentaires d’interaction. Et, de fait, il est avéré que les interactions fondamentales sont bien portées, véhiculées, transmises, par d’authentiques particules élémentaires, les bosons. le photon est le boson de l’interaction électromagnétique, les bosons W+, W- et Z° sont les bosons de l’interaction faible et les gluons les bosons de la chromodynamique quantique (l’interaction forte au niveau des quarks). »
Maurice Jacob dans « Au cœur de la matière » :

« En physique quantique, il faut renoncer à considérer une particule comme parfaitement localisable. Il faut accepter un certain « flou » couvrant au moins une certaine distance (...) inversement proportionnelle à la masse. (...) Ne peut-on envisager l’observation d’un électron pendant un temps très court durant lequel il ne pourrait parcourir qu’une partie de la distance associée à ce flou quantique ? C’est possible mais on ne peut plus distinguer dans ce cas l’électron des multiples autres particules (paires d’électrons et de positons) qui peuvent être librement émises et réabsorbées durant ce temps très court. »

Louis de Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta » :

« L’origine de la théorie des quanta est dans les recherches faites vers 1900 par M. Planck sur la théorie du rayonnement noir. (…) Si l’on considère une enceinte maintenue à température uniforme, les corps maintenus dans cette enceinte émettent et absorbent du rayonnement et il finit par s’établir un état d’équilibre (…) Kirchoff a montré que cet état d’équilibre est unique et correspond à une composition spectrale parfaitement déterminée du rayonnement enfermé dans l’enceinte. De plus, la composition de ce rayonnement dépend uniquement de la température de l’enceinte. (…) Il est souvent appelé du nom assez incorrect de « rayonnement noir » correspondant à cette température. (…) M. Planck avait commencé par reprendre l’étude de la question en imaginant que la matière est formée d’oscillateurs électroniques, c’est-à-dire d’électrons susceptibles d’osciller autour d’une position d’équilibre sous l’action d’une force proportionnelle à l’élongation. (…) M. Planck put apercevoir que l’inexactitude de la loi de Rayleigh provient du rôle trop grand que jouent, dans l’image classique des échanges d’énergie entre oscillateurs et rayonnement, les oscillateurs de haute fréquence. (…) M. Planck a eu alors l’idée géniale qu’il fallait introduire dans la théorie un élément nouveau, entièrement étranger aux conceptions classiques, qui viendrait restreindre le rôle des oscillateurs de haute fréquence, et il a posé le fameux postulat suivant : « La matière ne peut émettre l’énergie radiante que par quantités finies proportionnelles à la fréquence. » Le facteur de proportionnalité est une constante universelle, ayant les dimensions d’une action mécanique. C’est la célèbre constante h de Planck. Mettant en jeu cette hypothèse d’aspect paradoxal, Planck a repris la théorie de l’équilibre thermique et trouvé une nouvelle loi de répartition spectrale du rayonnement noir à laquelle son nom est resté attaché. (…)
Peu à peu, l’importance fondamentale de l’idée de Planck apparut. Les théoriciens s’aperçurent que la discontinuité traduite par l’hypothèse des quanta est incompatible avec les idées générales qui servaient jusqu’alors de bases à la physique et exigeait une révision complète de ces idées. (…) Pour trouver une forme générale de sa théorie, Planck a dû renoncer à l’hypothèse primitive des quanta d’énergie et lui substituer l’hypothèse des quanta d’action (produit d’une énergie par un temps ou d’une quantité de mouvement par une longueur). (...) Mais la méthode de quantification de Planck ne s’appliquait qu’aux mouvements pour la description desquels une seule variable suffit. (...) D’autre part, si la théorie électromagnétique sous la forme de Lorentz était réellement applicable aux particules élémentaires d’électricité, elle permettrait de calculer sans aucune ambiguité les rayonnements émis par un atome du modèle planétaire de Rutherford-Bohr. (...) l’atome perdant constamment de l’énergie sous forme de radiation, ses électrons viendraient tous très rapidement tomber sur le noyau et la fréquence des rayonnements émis varierait constamment d’une façon continue. L’atome serait instable et il ne pourrait exister des raies spectrales à fréquences bien définies, conclusions absurdes. Pour éviter cette difficulté essentielle, M. Bohr a admis que l’atome dans ses états stationnaires ne rayonne pas, ce qui revient à nier la possibilité d’appliquer la théorie électromagnétique du rayonnement au mouvement orbital des électrons sur leurs trajectoires stables. (..) Bohr a résolu la question des fréquences des raies spectrales grâce à l’hypothèse que chaque transition entre états quantifiés s’accompagne de l’émission d’un quantum d’énergie radiante. (...) En d’autres termes, d’après la théorie quantique, l’émission des raies spectrales d’un corps simple est discontinue et procède par actes individuels isolés. »

Paradoxes de la physique quantique

Paradoxe du chat de Schrödinger

Paradoxe EPR

Paradoxe de la dualité onde-particule

Paradoxe de l’effet tunnel

Paradoxe de De Broglie

Paradoxe de Marlan Scully

Paradoxe de Klein

Les paradoxes du vide

 Le vide quantique, c’est la véritable matière. Elle est certes plus éphémère, agitée et dynamique que la matière stable ayant une masse au repos. C’est elle qui fonde la matière durable dite réelle.

 L’émergence de matière au sein du vide est complètement absente de nos images mentales et encore plus de nos images visuelles de l’univers, y compris pour nombre de physiciens, or il est impossible de comprendre le fonctionnement de la matière sans étudier celui du vide….

 Quelles sont les propriétés de ce vide quantique ? Tout d’abord nous remarquons qu’il s’agit d’un autre monde que celui des particules de la même manière que nous avions remarqué que le monde des particules était très différent du monde à notre échelle (macroscopique) que nous voyons et où nous raisonnons. Que se passe-t-il de si étonnant dans ce monde du vide ? Tout d’abord nos notions de temps et de distance sont bouleversées car le temps peut être parcouru dans les deux sens, vers le passé comme vers le futur ! Ensuite les durées de vie sont bien plus courtes et les énergies bien plus grandes. Les constantes ne sont pas respectées : on peut se déplacer plus vite que la vitesse de la lumière et on peut trouver des quantités inférieures à la constante de Planck. Cela provient du fait que ce monde infra-vitesse de la lumière et infra-Planck est plus vieux que ces deux transformations : libération de la lumière et création de particules durables déterminées par la relation durée de vie multipliée par bande d’énergie égale constante de Planck ou de multiples de celle-ci.

Edgard Gunzig et Isabelle Stengers dans « Le vide » :

« Aujourd’hui le vide n’est pas le rien. Il serait même l’acteur central de l’histoire de la matière et de l’Univers, le partenaire privilégié de la physique. Vide et matière ne sont plus deux manifestations séparées de la nature mais deux aspects d’une même réalité. »

S. Saunders dans « La philosophie du vide » :

« Le vide qui émerge est riche : tour à tour un aimant, un diélectrique, un supraconducteur et une phase thermodynamique. »

Gilles Cohen Tannoudji dans "La Matière-espace-temps" :

« Toute la matière et toutes les interactions sont donc présents dans l’espace vide pourvu que l’on considère cet espace pendant des intervalles de temps suffisamment brefs. »

Jean-Pierre Luminet dans « Les trous noirs » :

« La création spontanée de particules par polarisation du vide n’est pas une fantaisie de théoricien, mais un phénomène dûment vérifié en laboratoire. »
Gilles Cohen-Tannoudji dans "La Matière-espace-temps" :

« L’électron n’est pas pensable sans son cortège de photons potentiels. »

Jean-Paul Auffray dans « L’atome » :

« Richard Feynman demandait à son fils : « Lorsqu’un atome fait une transition d’un état à un autre, il émet un photon. D’où vient le photon ? » (…) Dans la terminologie de Feynman, le quantum est un photon virtuel. »

Michel Cassé dans « Du vide et de la création » :

« Au centre de la nuée du virtuel est encore un virtuel, d’ordre plus élevé. Et ces électrons et positons doublement virtuels s’entourent eux-mêmes de leur propre nuage de corpuscules virtuels, et cela ad infinitum. (…) L’image quantique qui en résulte est un électron (…) protégé par des rangs successifs de photons virtuels (…) L’électron n’est plus l’être simple qu’il était. (…) Il s’habille de vide fluctuant. De même, chaque proton est dépeint comme un microcosme concentrique où s’étagent les différents niveaux de virtualité. Au centre est la particule réelle, sa garde rapprochée est constituée par des particules et antiparticules les plus massives (énergétiques) et donc les plus éphémères, bosons W et Z, paires proton-antiproton et photons gamma. Le second cercle contient les couples positon-électron et les photons de 1 MeV environ. A la périphérie flottent les photons d’énergie déclinante. Chaque particule virtuelle, comme précédemment, s’entoure de son cosmos virtuel et chacune à son tour fait de même et cela indéfiniment. Le vide est constitué d’un nuage virtuel flottant de manière aléatoire. L’activité frénétique autour du moindre électron, du moindre proton, nous éloigne à jamais de l’image paisible que la plupart des philosophes attribuent au mot « vide ». (…) Aucune particule, même « au repos », ne jouit de la pleine tranquillité. (…) ce que nous appelons communément « force » est, selon la pensée quantique, un phénomène collectif causé par l’échange d’innombrables particules virtuelles. (…) Concrètement, la création simultanée d’un électron et d’un positon peut être réalisée au moyen de rayons gamma d’énergie supérieure à 1,022 MeV (deux masses d’un l’électron). (…) Le « réel » est produit à proximité de « réel », à partir du virtuel. Le vide est donc l’état « zéro particule réelle ». Mais la présence de particules réelles provoque la réalisation de particules virtuelles et on s’aperçoit qu’elles existent nécessairement au préalable. Le vide est donc plein de particules virtuelles. On réalise alors que le réel n’est autre qu’une transformation s’exerçant sur des particules virtuelles, une sorte d’excitation coordonnée de celles-ci. »

Basarab Nicolescu dans “Nous, la particule et le Monde” :

« Le Vide quantique - un vide “plein” : (...) Quand nous pénétrons dans une région de plus en plus petite de l’espace nous découvrons une activité de plus en plus grande, signe d’un perpétuel mouvement. La clef de la compréhension de cette situation paradoxale est fournie à nouveau par le principe d’incertitude de Heisenberg. Une toute petite région de l’espace correspond, par définition, à un temps très court et donc, conformément au principe de Heisenberg, à un spectre très large d’énergies. Par conséquent, pour des intervalles de temps très courts, la loi de conservation d’énergie peut être violée : tout se passe comme si les quantas de matière sont créées à partir de rien. Plus précisément, les “fluctuations quantiques” du vide déterminent l’apparition soudaine de paires particules-antiparticules “virtuelles” qui s’annihilent ensuite réciproquement, ce processus ayant lieu dans des intervalles de temps très courts. »

Maurice Jacob dans « Au cœur de la matière » :

« Le vide est animé par la création continuelle et la disparition rapide de paires électron-positron. Ce sont des paires virtuelles mais cela va compliquer notre processus d’absorption qui ne demande qu’un temps très bref durant lequel ces paires virtuelles ont bien le temps de se manifester. L’électron, de charge négative, va ainsi attirer les positrons de ces paires virtuelles en repoussant leurs électrons. « Approchant » de l’électron, le photon va ainsi le « voir » entouré d’un « nuage » de charge positive dû aux positrons virtuels attirés. Il aura l’impression que la charge de l’électron est plus faible que celle annoncée. C’est une version quantique de l’effet d’écran. (…) Revenons à notre électron absorbant un photon tout en s’entourant d’un nuage virtuel contenant plus de positrons que d’électrons. Si le transfert augmente, le photon peut « voir » avec plus détail. Il « attrapera » l’électron avec une partie plus faible de ce nuage positif qui l’entoure. Le photon aura l’impression que la charge de l’électron augmente avec le transfert qu’il apporte. (…) L’effet principal peut être conçu comme la transformation de photon en une paire électron-positron, qu’il réabsorbe avant l’interaction. (…) La diversité sort de la structure du vide. (…) Le vide du modèle standard a une structure. Il se comporte d’une façon analogue à un corps supraconducteur. (…) Si le temps d’observation est de dix puissance moins 21 secondes (…) des paires électron-positron peuvent spontanément apparaître. Si le temps d’observation tombe à dix puissance moins 24 secondes, (…) le vide peut bouillonner de pions. Sur un temps de dix puissance moins 26 secondes, une particule Z peut se manifester. (…) Quand on atteint un temps de dix puissance moins 44 secondes, la gravitation devient quantique. »

Les paradoxes des transitions de phase

Grégoire Nicolis dans la revue « Sciences et Avenir » d’août 2005 :

« On assiste ainsi à une cascade de phénomènes de transition à caractère explosif présidant à l’émergence, pour lesquels la science du non linéaire fournit un modèle universel, la bifurcation (...) »

Georges Lochak dans sa préface à « La dégradation de l’énergie » de Bernard Brunhes :

« La nature se présente à nous comme ces petites mouches des journées chaudes d’été, que nous voyons presque immobiles, soutenues par un battement d’ailes si vif qu’on le discerne à peine, et qui, soudain changent de place presque instantanément, en un vol bref et rapide, pour s’immobiliser un peu plus loin : les états stationnaires s’étalent devant nos yeux, mais pour apercevoir des transitoires, il faut les chercher. »

Per Bak, dans « Quand la nature s’organise », déclare " Les systèmes hors d’équilibre se distinguent complètement de ceux à l’équilibre (...) démontrant l’inutilité du langage de l’équilibre pour ce type de problème. Il fallait un nouveau mode de pensée. (...) La théorie de Wilson des transitions de phase (...) a montré que les propriétés fondamentales d’un système près d’une transition de phase n’ont aucun lien avec les détails microscopiques du problème."
Per Bak dans « Quand la nature s’organise » :

« Les systèmes hors d’équilibre se distinguent complètement de ceux à l’équilibre (...) démontrant l’inutilité du langage de l’équilibre pour ce type de problème. Il fallait un nouveau mode de pensée. (...) La théorie de Wilson des transitions de phase (...) a montré que les propriétés fondamentales d’un système près d’une transition de phase n’ont aucun lien avec les détails microscopiques du problème. »

Edgar Gunzig dans "Le vide" :

« Les physiciens ont été guidés par l’effet collectif par excellence en physico-chimie, la transition de phase. Qu’il s’agisse du simple phénomène de cristallisation de l’eau, de l’aimantation d’un ferro-aimant ou de la formation de paires d’électrons de Cooper responsables de la supraconductivité, le phénomène macroscopique intrinsèquement collectif que constitue ne transition de phase, a les propriétés recherchées. Dans tous les cas, elle se solde par la modification d’une symétrie. (...) La symétrie initiale n’est cependant pas détruite, seulement dissimulée (...) Dans tous ces cas, apparaît une nouvelle propriété macroscopique mesurable directement issue du caractère collectif de la réorganisation des degrés internes de liberté du système. Et enfin, dans tous les cas, la transition a lieu à un seuil critique de température qui est directement lié à une propriété thermodynamique : la tendance d’un système à adopter la configuration correspondant à la minimisation de l’énergie interne. »

Paradoxe de la matière et du vide

Les paradoxes de l’émergence

Stuart Kauffman dans « La complexité, vertiges et promesses » :

« Ce qui qualifie un phénomène émergent, c’est une propriété collective qui n’est présente dans aucune des molécules individuelles. Les lois qui gouvernent les systèmes émergents sont en relation avec les lois mathématiques des transition de phase survenant dans de tels systèmes, et plus généralement dans tout ce qui se passe à un niveau supérieur à celui des molécules individuelles. »
Laurent Mayet dans son éditorial du dossier « L’énigme de l’émergence » dans la revue « Science et Avenir » de juillet 2005 :

« Des phénomènes d’émergence se produisent dans toute une gamme de systèmes à l’échelle du laboratoire, depuis la mécanique des fluides jusqu’à la cinétique chimique, l’optique, l’électronique ou la science des matériaux. » rapporte Grégoire Nicolis dans « L’énigme de l’émergence ». L’ordre émergent n’apparaît pas seulement à cause des propriétés de chacun des éléments mais de leurs interactions qui s’auto organisent. C’est un ordre collectif. Il a un caractère brutal d’apparition de nouveauté structurelle. L’émergence suppose un comportement global qui n’était pas inclus dans les propriétés de chacune des parties et un comportement survenant brutalement de façon discontinue. « On dira qu’une propriété ou un processus est émergent à un niveau d’organisation donné si, bien que réductible en principe aux propriétés de ses constituants de niveau inférieur, sa survenance semble impossible à prédire a priori à partir de la connaissance que l’on a de ces propriétés. »

Les paradoxes de l’unification de la physique

Lee Smolin dans « Rien ne va plus en physique » :

« Deux découvertes expérimentales ont été faites ces dernières décennies : d’une part, les neutrinos ont une masse et, d’autre part, l’univers est dominé par la mystérieuse matière noire et semble être en expansion accélérée. Mais nous n’avons aucune idée de la cause de la masse des neutrinos (ou de toute autre particule) et nous ne savons pas expliquer son apparition. Quant à la matière noire, elle ne s’explique avec aucune des théories physiques existantes. (…) Ces deux découvertes, la relativité et la quantique, nous ont, chacune, demandé de rompre avec la physique de Newton. Pourtant, malgré ce très grand progrès accompli au cours du siècle dernier, ces deux découvertes restent incomplètes. Chacune d’elles possède des faiblesses et des défauts, qui tendent à prouver l’existence d’une théorie plus fondamentale. Mais la raison la plus évidente pour laquelle chacune des deux théories est incomplète est l’existence de l’autre. Notre esprit nous incite à chercher une troisième théorie, qui unifierait toute la physique, et la raison à l’origine de cette incitation est simple. Il est évident que la nature, elle, est « unifiée ». L’univers dans lequel nous nous trouvons est interconnecté, dans le sens où tout interagit avec tout le reste. Il ne peut y avoir de solution où nous aurions deux théories de la nature, qui décrirait des phénomènes différents, comme si l’une n’avait rien à voir avec l’autre. (…) Ce problème s’appelle le problème de la « gravité quantique ». (…) Outre l’argument fondé sur l’unité de la nature, il existe des problèmes spécifiques à chaque théorie, qui demandent que cette théorie soit unifiée avec l’autre. Chacune se heurte aux infinis. Dans la nature, on n’a jamais rencontré quelque chose de mesurable qui aurait une valeur infinie. Masi en théorie quantique aussi bien qu’en relativité générale, on trouve des prédictions selon lesquelles certaines quantités physiquement significatives sont infinies. C’est la façon dont la nature punit les théoriciens impudents qui osent briser son unité. La relativité générale a un problème avec les infinis car, à l’intérieur d’un trou noir, la densité de la matière et la force du champ gravitationnel deviennent très rapidement infinis. (…) En un point de densité infinie, les équations de la relativité générale ne tiennent plus. (…) La théorie quantique, elle aussi, génère des infinis. Ceux-ci surgissent lorsqu’on essaye d’utiliser la mécanique quantique pour décrire les champs, comme par exemple le champ électromagnétique. En effet, les champs électrique et magnétique ont des valeurs en chaque point de l’espace. Cela signifie que l’on a affaire à un nombre infini de variables. En théorie quantique, il existe des fluctuations non contrôlables des valeurs de chaque variable quantique. Avec un nombre infini de variables, dont les fluctuations sont non contrôlables, on peut obtenir des équations qui prédisent des valeurs infinies quand on leur pose des questions sur la probabilité que tel événement se produise ou sur la valeur d’une force. (…) La théorie quantique contient en son sein quelques paradoxes conceptuels qui sautent aux yeux et qui restent non résolus même quatre-vingt ans après sa création. Un électron est à la fois une onde et une particule. Même chose pour la lumière. De plus, la théorie ne donne que des prédictions statistiques du comportement subatomique. Notre capacité à faire mieux que cela se trouve limitée par le « principe d’incertitude », qui dit que la position de la particule et son impulsion ne peuvent pas être mesurées au même moment. (…) L’idée que la physique doit être unifiée a probablement motivé plus de travaux en physique que n’importe quelle autre. (…) Toutefois, il reste deux forces fondamentales dans la nature qui échappent à l’unification avec les champs électromagnétique et faible. Ce sont la gravité et les interactions nucléaires fortes (qui maintiennent ensemble les particules appelées quarks et qui sont ainsi responsables de la formation des protons et des neutrons constituant le noyau atomique). (…) Malgré son efficacité, le modèle standard (douze particules et quatre forces pour engendrer le monde) se trouve confronté à un grand problème : il contient une longue liste de constantes à ajuster. Lorsqu’on énonce les lois de la théorie, on doit spécifier les valeurs de ces constantes. (…) Celles-ci spécifient les propriétés des particules. Certaines nous fournissent les masses des quarks et des leptons, tandis que d’autres donnent les intensités des forces. Nous n’avons aucune idée de l’origine de ces nombres. Tout ce que nous avons à faire, c’est de les déterminer au début des expériences et de les insérer ensuite dans la théorie. (…) Il existe environ vingt constantes de ce type et la présence d’autant de paramètres libres dans ce que l’on suppose être la théorie fondamentale cause un grand embarras. (…) Aujourd’hui, alors que nous célébrons l’intégration de tous les phénomènes connus dans le modèle standard plus la relativité générale, nous venons de prendre conscience de la présence de deux nouveaux nuages sombres. Ce sont la matière noire et l’énergie noire. (…) Ces dernières années, les astronomes ont réalisé une expérience très simple, au cours de laquelle ils ont mesuré la distribution des masses dans une galaxie de deux façons différentes et ont comparé les résultats. Premièrement, les astronomes ont mesuré la masse en observant les vitesses orbitales des étoiles ; deuxièmement, ils ont fait une mesure plus directe de la masse en comptant les étoiles, le gaz et la poussière qu’ils voyaient dans la galaxie. L’idée qui motive cette comparaison des deux mesures est que chacune doit fournir à la fois la masse totale de la galaxie et l’information sur sa distribution. Etant donné la bonne connaissance que nous avons de la gravité, et sachant que toutes les formes connues de la matière reflètent la lumière, les deux méthodes devraient s’accorder l’une à l’autre. Or, elles ne sont pas d’accord. Les astronomes ont comparé les deux méthodes de mesure de la masse pour plus de cent galaxies différentes. Dans presque tous les cas, les deux mesures divergent, et la différence entre les valeurs est loin d’être petite, mais plutôt d’un facteur 10. De plus, l’erreur va toujours dans le même sens : on a toujours besoin de plus de masse pour expliquer le mouvement observé des étoiles que ce que l’on calcule par comptage direct de toutes les étoiles, du gaz et de la poussière. (…) S’il existe une matière que nous ne voyons pas, elle doit donc se trouver dans un état et sous une forme nouvelle, qui ni n’émet, ni ne reflète la lumière. Et puisque la divergence des résultats est aussi grande, la majorité de la matière au sein des galaxies doit exister sous cette nouvelle forme. (…) On appelle cette mystérieuse matière manquante « matière noire ». Les astronomes préfèrent cette hypothèse, en grande partie parce que sa seule concurrente – l’hypothèse selon laquelle les lois de Newton sont fausses et par extension la relativité générale – est trop effrayante pour qu’on puisse l’envisager. Puis les choses sont devenues encore plus mystérieuses. Récemment, on a découvert que selon des observations à des échelles encore plus grandes, qui correspondent à des milliards d’années-lumière, les équations de la relativité générale ne sont pas satisfaites même en rajoutant la matière noire. L’expansion de l’univers, démarrée avec le Big Bang il y a quelques 13,7 milliards d’années, s’accélère, tandis que si l’on tient compte de toute la matière observée, en rajoutant la quantité calculée de la matière noire, l’expansion de l’univers devrait au contraire ralentir. »

Les paradoxes de la relativité

 La relativité est contre-intuitive à d’autres égards et elle l’est ici encore comme la philosophie dialectique. Elle remarque ainsi que mouvement et non-mouvement ne s’opposent pas diamétralement mais s’opposent et se composent. Nous verrons plus loin qu’elle fait la même remarque pour matière et vide : les deux ne s’opposent pas diamétralement alors que la logique formelle et le bon sens les opposaient diamétralement (ou matière ou vide). Pour le bon sens, ou un objet matériel est en mouvement ou il est au repos. Pour la dialectique comme pour la relativité, c’est les deux à la fois. Ainsi, la relativité démontre qu’il est identique de considérer que l’objet suit seulement un mouvement inertiel (ou est au repos) ou un mouvement accéléré de manière rectiligne et uniforme donc le repos est une forme de mouvement !

 En rendant interdépendants les paramètres d’espace et de temps, la relativité a, là aussi, rendus inséparables, transformables l’un dans l’autre deux paramètres qui se sont révélés s’opposer : quand l’un des paramètres s’écoule plus rapidement, l’autre s’écoule plus lentement. Rendre interdépendants en permanence l’espace et le temps, comme l’a fait la relativité, est un changement considérable.

 Elle a aussi cassé la prétention à séparer la matière de l’espace dans lequel cette matière se déplace. Elle a reconstitué le lien entre ces contraires. La matière change l’espace-temps… Elle reconstitue donc le lien dialectique entre les deux.

 S’en est fini de la conception newtonienne et kantienne d’espace et de temps, considérés comme deux formes a priori et indépendantes… L’invariant est désormais un couplage espace-temps ou un couplage champ électrique et champ magnétique, ou encore un couplage énergie-quantité de mouvement. C’est dire l’inséparabilité des contraires et leur capacité de se transformer les uns dans les autres.

 Ce qui se conserve, n’est pas l’espace d’un côté, le temps d’un autre, le champ électrique d’un côté et le champ magnétique de l’autre, l’énergie d’un côté et la quantité de mouvement de l’autre. En physique classique, la quantité de mouvement et l’énergie cinétique globales d’un système isolé se conservent au cours du temps, du moins quand les chocs sont élastiques. C’est une propriété compatible mais indépendante du principe de relativité galiléen. En relativité restreinte, c’est le quadrivecteur énergie-impulsion global d’un système isolé qui se conserve, et c’est aussi une propriété compatible et indépendante du principe de relativité d’Einstein. Les coordonnées de ce vecteur à quatre dimensions (quadrivecteur) regroupent l’énergie et la quantité de mouvement, et se conservent quelles que soient les interactions entre les éléments du système isolé.
 Dans le domaine de l’énergie, la révolution relativiste est tout aussi considérable et toujours dans le sens d’une nouvelle dialectique des relations, qu’il s’agisse de la dialectique des contraires couplés : énergie/masse, énergie/quantité de mouvement, énergie de la matière/énergie du vide. L’un des résultats les plus fameux, retenu sous la forme E=mc², démontre que la matière et l’énergie sont deux formes contradictoires de la même chose et donc deux contraires inséparables et transformables l’un dans l’autre (ce que montre la radioactivité, la fusion et la fission nucléaires). Jusque là, matière et énergie rayonnée semblaient deux mondes séparés et non deux formes contradictoires de la même chose.

 La relativité montre l’inséparabilité entre matière et mouvement. On savait que la matière était une résistance au mouvement marqué par la masse inerte. On découvre que, plus le mouvement est rapide, plus il augmente cette résistance au mouvement de la matière. La limite est marquée par la vitesse de la lumière c.

 Si la relativité est pleine de paradoxes apparents qui sont des faux raisonnements ou des anciennes conceptions du bon sens, par contre la théorie d’Einstein est pleine de véritables paradoxes fondamentaux comme : la matière est énergie et inversement, le temps est espace et inversement, l’espace-temps-matière est inséparable, etc…

 Un paradoxe de la relativité : l’énergie totale contenue dans une matière de masse m est reliée à la vitesse de la lumière c dans le vide : E = m c² !!! Toute l’œuvre d’Einstein amène à la notion des couples contradictoires dialectiquement matière/lumière, matière/antimatière et matière/vide.

Einstein, après avoir démoli la notion d’éther dans la relativité restreinte, reconnaît l’existence physique du vide dans la relativité généralisée dans son étude : « L’éther et la théorie de la relativité » :

« Pour nous résumer, nous dirons donc que l’espace est, selon la théorie de la relativité générale, doté de qualités physiques et qu’en ce sens il existe un éther. D’après la théorie de la relativité générale, un espace sans éther est impensable, car dans un tel espace non seulement la lumière ne pourrait se propager, mais aussi les règles et les horloges ne pourraient pas exister et il n’y aurait donc pas de distances spatio-temporelles au sens de la physique. Mais il ne faut pas s’imaginer cet éther comme doté de la propriété qui caractérise les milieux pondérables : être constitué de parties que l’on peut suivre au cours du temps ; on ne doit pas lui appliquer le concept de mouvement. »

Einstein en 1905 :

« Dans la construction de la théorie de la relativité restreinte, l’idée suivante concernant l’expérience de Faraday sur l’induction électromagnétique a joué pour moi un rôle fondamental. Selon Faraday, lors du mouvement relatif d’un aimant par rapport à un circuit conducteur, un courant électrique est induit dans ce dernier. Peu importe si c’est l’aimant ou le conducteur qui est en mouvement ; d’après Maxwell-Lorentz, seul compte le mouvement relatif. (…) Du point de vue de l’aimant, il n’y avait assurément pas de champ électrique, du point de vue du conducteur, il y en avait assurément un. L’existence d’un champ électrique n’était donc que relative, dépendante de l’état de mouvement du système de coordonnées utilisé, et il n’était possible d’accorder de réalité objective qu’à l’ensemble du champ électrique et du champ magnétique. »

Paul Langevin dans « L’évolution de l’espace et du temps » :

« Dans la conception ordinaire du temps on attribue à la simultanéité un sens absolu, on la suppose indépendante du ssytème de référence ; il est nécessaire que nous analysions de plus près le contenu de cette hypothèse généralement tacite. Pourquoi n’admettons-nous pas d’ordinaire que deux événements, simultanés pour un certain groupe d’observateurs, puissent ne pas l’être pour un autre groupe en mouvement par rapport au premier, ou, ce qui revient au même, pourquoi n’admettons-nous pas qu’un changement du système de référence permette de renverser l’ordre de succession dans le temps de deux événements ? Cela tient évidemment à ce que nous admettons implicitement que, si deux événements se succèdent dans un certain ordre pour un système donné de référence, celui qui s’est produit le premier a pu intervenir comme cause et modifier les conditions dans lesquelles s’est produit le second, quelque que soit la distance qui les sépare dans l’espace. »

« Sciences et dialectiques de la nature » (ouvrage collectif – La Dispute) :

« Les équations de Maxwell, tout comme les résultats expérimentaux, indiquaient que la lumière se propage, dans tout référentiel, toujours à la même vitesse c ; or cette circonstance est en contradiction avec la mécanique rationnelle galiléenne, puisqu’elle viole de manière flagrante l’une des lois essentielles de cette mécanique, la loi de composition des vitesses qui interdit à toute vitesse d’être un invariant. (…) Einstein prend acte de l’invariance de la vitesse de la lumière dans le vide qu’il interprète désormais comme la constante universelle traduisant l’impossibilité d’interaction instantanée à distance et il réadapte l’ensemble de la mécanique rationnelle à la prise en compte de cette contrainte (…) Einstein fait valoir en effet que si l’on tient compte du temps que met la lumière à se propager, il est impossible de décider de manière absolue de la simultanéité de deux événements spatialement séparés, alors que la simultanéité était une notion absolue en mécanique rationnelle galiléenne et newtonienne. (…) Le temps lui-même perd le caractère absolu qu’il avait dans l’ancienne mécanique rationnelle. (…) Einstein a pu quelques années plus tard élaborer une nouvelle théorie de la gravitation universelle, la relativité générale, selon laquelle le champ gravitationnel est relié aux propriétés géométriques de l’espace-temps. »

Poincaré (1904) dans une conférence à Saint-Louis (USA) :

« Les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes, soit pour un observateur fixe, soit pour un observateur entraîné dans un mouvement de translation uniforme (...) de sorte que nous n’avons et ne pouvons avoir aucun moyen de discerner si nous sommes, oui ou non, emportés dans un pareil mouvement. »

Richard Feynman dans « La nature de la physique :

« Einstein a dû modifier les lois de la gravitation (de Newton), suivant ses principes de relativité. Le premier de ces principes était que rien ne peut advenir instantanément alors que, selon Newton, la force agissait instantanément. Il lui fallut modifier les lois de Newton. Ces modifications n’ont que de très petits effets. L’un d’eux est que toutes les masses tombant, la lumière ayant de l’énergie et l’énergie équivalant à une masse, la lumière tombe donc. (…) Enfin, en relation avec les lois de la physique à petite échelle, nous avons trouvé que les lois de la matière a, à petite échelle, un comportement très différent de celui qu’elle montre à grande échelle. La question se pose donc, à quoi ressemble donc la gravitation sur une petite échelle ? C’est ce que l’on appelle la théorie quantique de la gravitation. Il n’y a pas à l’heure actuelle de théorie quantique de la gravitation. »

Paradoxe des jumeaux

Paradoxe de Selleri

Paradoxe d’Ehrenfest

Paradoxe du train

Les paradoxes de l’optique

 L’optique a été réunie avec l’électromagnétisme. Son caractère dialectiquement contradictoire en découle car électricité et magnétisme sont dialectiquement opposés, interdépendants et en contradiction.

 La lumière est pour nous, humains, une expérience quotidienne dont la compréhension peut sembler une évidence et pourtant son interprétation n’a pas cessé de changer au cours des siècles. Les phénomènes lumineux sont bien connus : émission de couleur par les corps illuminés, émission lumineuse par les corps chauffés, émission des étoiles, émission spontanée de l’atome, émission stimulée de l’atome, réflexion, réfraction, diffusion, dispersion de la lumière par effet de prisme ou en arc en ciel, ombres, interférences lumineuses, fentes de Young, effet photoélectrique, etc… Cependant, loin d’être une évidence, l’interprétation de tous ces phénomènes à la fois est une gageure. Quatre grandes séries d’interprétations ont été proposées au cours de l’histoire et il n’est pas certain que cela soit fini : le modèle géométrique du rayon lumineux, le modèle des ondes, le modèle du photon et enfin l’électromagnétisme quantique. Les grands scientifiques qui ont fait avancer la compréhension de la lumière (et sa perception par l’œil humain) sont : Démocrite, Platon, Euclide, Archimède, Lucrèce, Galien, Ibn al-Haytham, Galilée, Suell Van Royen, Descartes, Fermat, Grimaldi, Huyghens, Newton, Römer, Coulomb, Marat, Young, Arago, Fresnel, Fizeau, Foucault, Maxwell, Morley, Rayleigh, Michelson, Hertz, Milikan, Einstein, de Broglie, Compton, Feynman et Schwinger.

 Une des grandes découvertes d’Einstein et Planck est le fait que la lumière est discontinue, corpusculaire et discrète : en somme quantique.
 La lumière, et partant les forces d’interaction, ont longtemps été considérées comme continues, alors même que la matière était déjà considérée comme discontinue, atomique. C’est la physique quantique qui a montré que la lumière n’était pas moins discontinue que la matière. Les interférences, qui semblaient l’expérience la plus démonstrative du caractère ondulatoire et donc continu de la lumière. L’expérience des fentes de Young (une émission peut passer dans l’un des deux trous et on constate des franges d’interférence - alternativement claire et sombre) semblait trancher dans le sens ondulatoire. Cela a été le contraire puisque les particules de lumière, les photons, peuvent être envoyés un par un et captés un par un sur l’écran. Cependant, même si l’émission est réalisée ainsi, photon par photon, sur l’écran les figures d’interférence se réalisent progressivement à partir d’un très grand nombre de photons émis. Cela a complètement cassé l’image des interférences conçues comme un produit de la continuité des ondes. Et ce n’était pas fini : l’expérience de l’effet photoélectrique (un photon suffisamment énergétique arrache des électrons de la matière) a montré le caractère discontinu de la lumière, entraînant la physique quantique vers un renoncement à la continuité aussi bien pour la lumière que pour la matière.

 Aujourd’hui nous savons que la lumière est comme la matière composée de quanta avec exactement la même quantité unitaire : le quanta de Planck ! Cette unité provient du fait que matière et lumière ont la même base : le vide quantique lui-même composé de quanta de Planck. Comprendre aujourd’hui la lumière comme comprendre la matière nécessite d’étudier son fondement : le vide quantique. La lumière est composée de photons. Il ne fait pas y voir des objets fixes. Ils sont en interaction permanente avec les couples particules/antiparticules du vide car le photon lui-même subit sans cesse des transitions de phase, se transformant en couple particule/antiparticule.

 Mais, comme la matière, la lumière est paradoxale : elle obéit à la dualité onde/corpuscule de la physique quantique : le photon est corpusculaire mais sa position est équivoque et étendue. Il agit ponctuellement mais aussi de manière spatiale.

 Les interactions matière/lumière sont également sources de multiples paradoxes à commencer par la question : que fait le photon quand il est absorbé par une particule ou par un atome et d’où sort-il quand cette particule ou cet atome l’émet ?

Louis de Broglie :

« Nous saurions beaucoup de choses, si nous savions ce qu’est un rayon lumineux. »

Louis de Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta » :

« La découverte et l’étude du phénomène photoélectrique a réservé aux physiciens une très grande surprise. Ce phénomène consiste en ceci qu’un morceau de matière exposé à l’action d’une radiation de longueur d’onde suffisamment courte projette souvent autour de lui des électrons en mouvement rapide. La caractéristique essentielle du phénomène est que l’énergie des électrons expulsés est uniquement fonction de la fréquence de la radiation incidente et ne dépend nullement de son intensité. Seul le nombre des électrons dépend de l’intensité incidente. (..) Mr Einstein a eu, en 1905, l’idée très remarquable que les lois de l’effet photoélectrique indiquent l’existence pour la lumière d’une structure discontinue où les quanta interviennent. (…) Lorsqu’un électron contenu dans la matière recevra un grain de lumière, il pourra absorber l’énergie de ce grain et sortir de la matière où il était enfermé, à condition toutefois que l’énergie du grain de lumière soit supérieur au travail nécessaire à l’électron pour sortir de la matière. L’électron ainsi expulsé par l’action de la lumière possèdera donc une énergie cinétique égale à l’énergie du grain de lumière absorbée diminuée du travail dépensé pour sortir de la matière : cette énergie cinétique sera donc une fonction linéaire de la fréquence de la radiation incidente, le coefficient angulaire de la droite qui la représente étant numériquement égal à la constante de Planck. (…) Telle est l’interprétation des lois de l’effet photoélectrique proposée en 1905 par Einstein. Il l’avait appelée la théorie des quanta de lumière. Aujourd’hui nous l’appelons la théorie des photons, car nous avons donné aux grains de lumière le nom de photons. Depuis trente ans, l’existence du photon a reçu de nombreuses confirmations. (…) L’étude de l’effet photoélectrique des rayons X et gamma a permis de soumettre à une épreuve très rigoureuse l’exactitude de la relation photoélectrique d’Einstein (…) la découverte d’un autre phénomène est venu en 1923 fournir une nouvelle preuve de l’existence du photon. Nous voulons parler de l’effet Compton. On sait que, si une radiation vient frapper un corps matériel, une partie de l’énergie de cette radiation est, en général, éparpillée dans toutes les directions sous forme de radiation diffusée. La théorie électromagnétique interprète cette diffusion en disant que, sous l’influence du champ électrique de l’onde incidente, les électrons contenus dans le corps matériel entrent en vibration forcée et deviennent des sources de petites ondes sphériques secondaires qui diffusent ainsi dans toutes les directions une partie de l’énergie apportée par l’onde primaire. D’après cette interprétation, la vibration diffusée sous l’action d’une onde primaire monochomatique doit avoir très exactement la même fréquence que cette onde primaire. (…) Mais une étude plus précise de la diffusion des rayons X par la matière a permis de constater qu’à côté de la diffusion sans changement de fréquence prévue par la théorie électromagnétique, il se produisait une diffusion avec diminution d e fréquence tout à fait impossible à prévoir par le raisonnement classique. (…) La radiation diffusée a une fréquence variable avec l’angle de diffusion, mais indépendante de la nature du corps. diffuseur. Mr Compton, et presque en même temps Mr Debye, ont eu l’idée que ces lois pouvaient s’interpréter en assimilant la diffusion avec changement de fréquence à un choc entre un photon incident et un électron contenu dans la matière. Au moment du choc, il y a échange d’énergie et de quantité de mouvement entre le photon et l’électron et, comme l’électron peut en général être considéré comme presque immobile en comparaison du photon, c’est toujours le photon qui perd de l’énergie au profit de l’électron. La fréquence du photon étant proportionnelle à son énergie, il y a abaissement de la fréquence au moment du choc. (…) L’effet Compton a apporté à la théorie des photons une éclatante confirmation. (…) On peut encore citer comme confirmation de la conception des photons la découverte de l’effet Raman un peu postérieure à l’effet Compton. (…) Bref, depuis trente ans, l’hypothèse d’après laquelle l’énergie lumineuse présenterait une structure granulaire s’est montrée très féconde et il n’y a pas de doute qu’elle ne nous révèle un aspect essentiel de la réalité physique. (…) Mais comment imaginer l’existence de grains de lumière insécables alors que les expériences d’interférences montrent qu’on peut obtenir des trains d’onde cohérents de plusieurs mètres ? Si l’on suppose l’énergie lumineuse concentrée en grains bien localisés dans l’espace, comment comprendre l’existence même des interférences ? (...) La découverte de l’effet photoélectrique indiquait la nécessité de revenir vers une conception de ce genre (granulaire), mais en même temps, la forme même de la relation d’Einstein montrait qu’il fallait unir la conception granulaire et celle des ondes, de manière que les deux termes de la relation aient un sens physique. Il faut signaler une difficulté plus subtile. Dans les conceptions classiques, l’énergie d’un corpuscule est une grandeur qui a une valeur parfaitement déterminée. Par contre, dans la théorie du rayonnement, on ne peut jamais considérer un rayonnement comme strictement monochromatique : un rayonnement contient toujours des composantes dont les fréquences occupent un petit intervalle spectral, intervalle qui peut être très petit, mais ne peut être rigoureusement nul. C’est un fait sur lequel P. Planck a beaucoup insisté dans ses exposés sur la théorie du rayonnement. Dès lors, la relation d’Einstein qui égale l’énergie du corpuscule de lumière au produit par h de la fréquence de l’onde classique correspondante, a quelque chose de paradoxal puisqu’elle égale une quantité bien définie à une autre qui ne l’est pas. Le développement de la mécanique ondulatoire a montré plus tard quel était le sens véritable de cette difficulté.
En résumé, l’hypothèse des photons, merveilleusement adaptée à l’interprétation de l’effet photoélectrique et de l’effet Compton, ne peut pas conduire à une théorie purement corpusculaire des radiations. (…) Un faisceau de lumière nous apparaît comme un flot de photons et une expérience d’interférence ou de diffraction devient à nos yeux une expérience où, par suite du dispositif employé, les photons se retrouvent répartis d’une manière non uniforme dans l’espace, étant concentrés dans les franges brillantes et fuyant les franges obscures. (…) dans ces expériences, les interférences se produisent, même quand les photons arrivent un par un sur le dispositif interférentiel. Force est donc d’admettre, pour expliquer dans ce cas l’obtention finale, après de longues poses, des figures usuelles d’interférences, que l’intensité de l’onde associée à chaque photon représente en chaque point la probabilité pour que le photon se trouve en ce point. Nous sommes ainsi amenés à passer d’un point de vue statistique à un point de vue probabiliste, et le principe des interférences nous apparaît comme un principe réglant les probabilités de localisation des photons. (…) Dans un atome quantifié, il existe une série de fréquences correspondant à des états stationnaires d’énergie quantifiée. Mais, pour un tel système, tout comme pour une corde vibrante, on peut très bien envisager un état quelconque formé par une superposition d’états stationnaires (…) On ne peut plus dire que l’atome est dans un de ses états stationnaires : il est en quelque sorte à la fois dans plusieurs états stationnaires, ce qui est évidemment incompréhensible avec les conceptions classiques. Avec le principe de décomposition spectrale, la difficulté est résolue dans un sens inattendu : l’atome dans l’état envisagé peut avoir l’une quelconque des valeurs quantifiées de l’énergie représentées dans le développement spectral de son onde et cela avec des probabilités proportionnelles aux intensités des composantes spectrales correspondantes. »

Etienne Klein dans « Sous l’atome, les particules » :

« Un photon de lumière aiguë vient frôler un atome de matière. Fugace télescopage au fin fond du réel. En surgissent deux électrons, un de chaque signe, vifs et rapides comme l’éclair, enfin presque ; ils ralentissent, courbent leur trajectoire, lancent des photons ; s’ils se rencontrent à nouveau, ils fusionnent l’un dans l’autre puis disparaissent en remettant, comme leur dernier soupir, deux furtifs grains de lumière. »

Les paradoxes de la thermodynamique

 Nous pensons savoir que la nature va spontanément vers l’équilibre, vers la stabilité et même l’immobilité et pourtant nous voyons en thermodynamique des phénomènes qui se déroulent à l’inverse, à commencer par le mouvement brownien qui présente une agitation permanente des molécules n’allant nullement vers la stabilité ni l’immobilité.

 Les phénomènes de la thermodynamique se déroulent tous les jours sous nos yeux et nous ne leur marquons pas le plus souvent d’étonnement bien que nous ne les comprenions pas vraiment.

 La plupart des gens ont retenu deux choses de la thermodynmique : des lois de conservation et le fait que l’entropie augmente et que les systèmes vont spontanément vers de plus en plus de désordre. Là aussi, la physique a dû changer sa manière de voir en découvrant la néguentropie, c’est-à-dire la capacité d’auto-organisation spontanée au sein des systèmes dissipatifs (qui absorbent de l’énergie de l’extérieur) qui sont loin de l’équilibre et qui sont non-linéaires (ni additifs ni proportionnels). La néguentropie signifie l’auto-organisation et l’augmentation de l’ordre. Ce n’est possible que si la dépense extérieure d’énergie y entraîne une perte d’ordre, l’ensemble allant effectivement vers une perte d’organisation. On peut donc effectivement augmenter l’organisation d’un secteur au détriment de l’ensemble.

 Tous ces phénomènes sont dynamiques alors que, spontanément nous raisonnons de manière statique, ils produisent des contradictions et ne sont pas linéaires alors que, spontanément, nous raisonnons de manière non dialectique et linéaire. Ils présentent des discontinuités, des sauts qualitatifs, des contradictions… Les différents états de la matière ne se comportent pas souvent comme on l’imagine et ne sont pas exactement ce qu’on imagine. La matière n’est pas faite de choses mais de structures émergentes, ce qui est profondément différent. Elle n’est pas fondée sur des équilibres stables, image qui nous est donnée par l’univers apparent à notre échelle. Même le simple corpuscule dit élémentaire est une structure émergente et non un objet !

 Notre manque de conceptions dynamiques spontanées explique nos difficultés à concevoir des systèmes dans lesquels plusieurs états de la matière coexistent car des groupes de molécules sautent sans cesse d’un état dans un autre. L’apparente surface d’eau est bien loin de la séparation fixe et plan que notre œil nous renvoie puisqu’il s’agit au contraire d’une fractale de pénétrations entre eau liquide et vapeur d’eau, fractale aux formes sans cesse changeantes.

 Les paramètres de la thermodynamique ne sont pas inhérents à la matière fondamentale (particule, noyau, atome, molécule) mais émergent des interactions entre un grand nombre de ces éléments matériels. Les corps et leur transformation possèdent une entropie, une température, une pression, un volume, etc., mais on ne retrouve nullement ces paramètres à l’échelon élémentaire. Il est donc nécessaire de comprendre que ces paramètres sont tirés de la dynamique elle-même.

 On trouve également en thermodynamique des paradoxes de la réversibilité et de l’irréversibilité. Ainsi, le passage d’un mélange de deux gaz très différents au mélange de deux gaz complètement identiques. Irréversibilité et perte d’ordre dans le premier cas. Réversibilité et pas de perte d’ordre dans le second. Paradoxe de Gibbs : comment sauter ainsi d’une propriété à son contraire et comment se passe la transition ?

Paradoxes du deuxième principe de la thermodynamique

Paradoxe de Loschmidt

Paradoxe de Gibbs

Paradoxe de l’irréversibilité

Paradoxe d’incertitude

Démon de Maxwell

Les paradoxes du chaos déterministe et de l’auto-organisation

 Le nom de ce domaine de la physique sous-entend lui-même un paradoxe : un désordre qui obéit à des lois ! Deuxième paradoxe : loin d’augmenter le domaine du désordre, la découverte de ce type de « chaos » a augmenté le domaine de l’ordre car le désordre du chaos déterministe est un désordre qui est seulement apparent avec une conservation globale de l’ordre et une mémoire de celui-ci au sein de phénomènes dynamiques. On est en pleine dialectique de l’ordre et du désordre.

 Un système chaotique est imprévisible, mais il est parfaitement décrit par des équations simples et déterministes. Le lien entre ces deux notions paradoxales, déterminisme et imprévisibilité, est la propriété de sensibilité aux conditions initiales : deux conditions initiales semblables peuvent conduire à des états très différents du système. Cette propriété est la principale caractéristique des systèmes chaotiques.

Ilya Prigogine dans « Temps à devenir » :

« On a découvert que quand vous allez loin de l’équilibre, par exemple, en considérant une réaction chimique, que vous empêchez d’arriver à l’équilibre, se produisent des phénomènes extraordinaires que personne n’aurait cru possibles ; par exemple, des horloges chimiques. Une horloge chimique, qu’est-ce que c’est ? Prenons un exemple : vous avez des molécules qui de rouges peuvent devenir bleues. Comment imaginez-vous voir ce phénomène ? Si vous pensez que les molécules vont au hasard, vous allez voir des flashes de bleu, puis de flashes de rouge. Mais il se produit, loin de l’équilibre, dans d’importantes classes de réactions chimiques, des phénomènes rythmiques. Tout devient bleu, puis tout devient rouge, puis tout devient bleu, c’est-à-dire qu’une cohérence naît, qui n’existe que loin de l’équilibre. (…) Donc, loin de l’équilibre, se produisent des phénomènes ordonnés qui n’existent pas près de l’équilibre. Si vous chauffez un liquide par en-dessous, il se produit des tourbillons dans lesquels des milliards de milliards de molécules se suivent l’une l’autre. De même, un être vivant, vous le savez bien, est un ensemble de rythmes, tels le rythme cardiaque, le rythme hormonal, le rythme des ondes cérébrales, de division cellulaire, etc. Tous ces rythmes ne sont possibles que parce que l’être vivant est loin de l’équilibre. Le non-équilibre, ce n’est pas du tout les tasses qui se cassent ; le non-équilibre, c’est la voie la plus extraordinaire que la nature ait inventée pour coordonner les phénomènes, pour rendre possibles des phénomènes complexes.Donc, loin d’être simplement un effet du hasard, les phénomènes de non-équilibre sont notre accès vers la complexité. Et des concepts comme l’auto-organisation loin de l’équilibre, ou de structure dissipative, sont aujourd’hui des lieux communs qui sont appliqués dans des domaines nombreux, non seulement de la physique, mais de la sociologie, de l’économie, et jusqu’à l’anthropologie et la linguistique. »

Ilya Prigogine et Isabelle Stengers dans « Entre le temps et l’éternité » :

« Les comportements dynamiques chaotiques permettent de construire ce pont, que Boltzmann n’avait pu créer, entre la dynamique et le monde des processus irréversibles. La nouvelle représentation de l’objet dynamique, non locale et à symétrie temporelle brisée, n’est pas une description approximative, plus pauvre que la représentation classique. Elle définit au contraire cette représentation classique comme relative à un cas particulier. (…) Nous savons aujourd’hui que ces derniers (les systèmes non-chaotiques), qui dominèrent si longtemps l’imagination des physiciens, forment en fait une classe très particulière. (…) C’est en 1892, avec la découverte d’un théorème fondamental par Poincaré ( la loi des trois corps), que se brisa l’image homogène du comportement dynamique : la plupart des systèmes dynamiques, à commencer par le simple système « à trois corps » ne sont pas intégrables. »
Ilya Prigogine et Isabelle Stengers dans « Le temps et l’éternité » :

« Loin de l’équilibre, les processus irréversibles sont source de cohérence. L’apparition de cette activité cohérente de la matière – des « structures dissipatives » - nous impose un nouveau regard, une nouvelle manière de nous situer par rapport au système que nous définissons et manipulons. Alors qu’à l’équilibre et près de l’équilibre, le comportement du système est, pour des temps suffisamment longs, entièrement déterminé par les conditions aux limites, nous devrons désormais lui reconnaître une certaine autonomie qui permet de parler des structures loin de l’équilibre comme de phénomènes d’ « auto-organisation ». (…) Un système physico-chimique peut donc devenir sensible, loin de l’équilibre, à des facteurs négligeables près de l’équilibre. (…) La notion de « sensibilité » lie ce que les physiciens avaient l’habitude de séparer : la définition du système et son activité. (…) C’est l’activité intrinsèque du système qui détermine comment nous devons décrire son rapport à l’environnement, qui engendre donc le type d’intelligibilité qui sera pertinente pour comprendre ses histoires possibles. (…) On retrouve la notion de sensibilité associée à celle d’instabilité, puisqu’il s’agit, dans ce cas, de la sensibilité du système à lui-même, aux fluctuations de sa propre activité. »

Ilya Prigogine et Isabelle Sengers dans « La fin des certitudes » :

« Au cours des dernières décennies, une nouvelle science est née, la physique des processus de non-équilibre. Cette science a conduit à des concepts nouveaux tels que l’auto-organisation et les structures dissipatives qui sont aujourd’hui largement utilisés dans des domaines qui vont de la cosmologie jusqu’à l’écologie et aux sciences sociales, en passant par chimie et la biologie. La physique de non-équilibre étudie les processus dissipatifs, caractérisés par un temps unidirectionnel, et ce faisant elle confère une nouvelle signification à l’irréversibilité.... L’irréversibilité ne peut plus être attribuée à une simple apparence qui disparaîtrait si nous accédions à une connaissance parfaite. Elle est une condition essentielle de comportements cohérents de milliards de milliards de molécules. Selon une formule que j’aime a répéter, la matière est aveugle à l’équilibre là où la flèche du temps ne se manifeste pas ; mais lorsque celle-ci se manifeste, loin de l’équilibre, la matière commence à voir ! Sans la cohérence des processus irréversibles de non-équilibre, l’apparition de la vie sur la Terre serait inconcevable... Alors que à l’équilibre et près de l’équilibre, les lois de la nature sont universelles, loin de l’équilibre elles deviennent spécifiques, elles dépendent du type de processus irréversibles. Cette observation est conforme à la variété des comportements de la matière que nous observons autour de nous. Loin de l’équilibre, la matière acquiert de nouvelles propriétés où les fluctuations, les instabilités jouent un rôle essentiel : la matière devient active. »

Jean Zin :

« L’étude des phénomènes d’auto-organisation se fonde sur les structures de Turing et les structures dissipatives de Prigogine. Ces structures apparaissent lorsqu’une substance inhibitrice diffuse plus vite que l’activateur. Insistons sur le caractère paradoxal de ce phénomène : c’est la diffusion, phénomène qui tend d’habitude à homogénéiser les constituants, qui va ici jouer un rôle essentiel la différenciation. L’entropie semble s’inverser, devenant créatrice de formes et d’ordre, tout comme le refroidissement provoque des brisures de symétries se traduisant par des cristallisations. »

Les paradoxes de l’auto-organisation

Les paradoxes des infinis

 Bien que les infinis (infiniment petit et infiniment grand) aient démontré depuis longtemps leur efficacité en physique (équations différentielles notamment), la physique quantique a démontré qu’on ne peut plus concevoir une quantité infiniment petite depuis la découverte des minima quantiques. Les physiciens savent tous qu’une théorie ne peut être valide que si elle expurge complètement les infinis qui sortent des équations, par exemple les infinis provenant de l’interaction entre la particule chargée et son champ. C’est même tout le but d’une des grandes révolutions de la physique, celle de la renormalisation.

 Au début du XXe siècle, la physique se trouvait dans l’impossibilité d’expliquer divers phénomènes, dont le fait qu’un corps noir à l’équilibre thermodynamique est censé rayonner un flux infini (voir catastrophe ultraviolette). Ce problème fut résolu par l’introduction des quanta par Planck, ce qui forme la base de la physique quantique.

 Dans le cadre de la relativité générale, le Big Bang conduit, dans son interprétation naïve, à l’apparition de valeurs infinies (on parle aussi de singularités) à l’origine des temps, apportant ainsi la preuve que nos connaissances physiques actuelles ne sont pas capables de décrire cette époque lointaine de l’histoire de l’Univers.

 Dans plusieurs branches de la physique, comme la théorie quantique des champs ou la physique statistique, les chercheurs ont pu éliminer les divergences indésirables de la théorie à l’aide de techniques mathématiques de renormalisation. Ces techniques n’ont pu être appliquées pour l’instant à la théorie de la gravitation.

L’infini selon Zénon rapporté par Aristote dans "La Métaphysique" (livre Trois) :

« Ce qui ne devient ni plus grand quand on lui ajoute, ni plus petit quand on lui retranche quelque chose, n’est pas, selon lui, un être. »

Etienne Klein dans « Le temps, son cours et sa flèche », conférence pour l’Université de tous les savoirs :

« Tout au long de son histoire, la physique a considéré que l’espace est un continuum, c’est-à-dire qu’il est possible d’envisager des portions de longueurs aussi petites que l’on veut, sans jamais atteindre de limite. Le point, qui correspondrait à un nombre infini de divisions, reste toutefois hors d’atteinte, mais on peut en principe s’en rapprocher continûment. Le fait qu’il soit possible de considérer des longueurs infimes, et même nulles, fait surgir d’énormes difficultés, par exemple lorsque l’on s’intéresse au champ électrique produit par une charge électrique, disons un électron, à la distance r de celui-ci. Ce champ, variant comme 1 divisé par r au carré, devient infini lorsque la distance r s’annule. De telles divergences ou singularités conduisent à des difficultés mathématiques que les physiciens tentent d’éviter de différentes façons. (…) On peut évoquer la procédure dite de renormalisation. Celle-ci consiste à éliminer toutes les quantités infinies qui apparaissent dans les calculs en retranchant à celles-ci un petit nombre de quantités elles-mêmes infinies, de sorte d’obtenir un résultat fini. Une dernière piste, plus audacieuse, consiste à imaginer que l’espace lui-même pourrait être discret, c’est-à-dire structuré selon un réseau, dont la maille, finie et non nulle, représenterait une distance minimale au-dessous de laquelle il serait impossible de descendre. (…) Celle-ci permet de considérer des structures spatiales qui présentent un caractère discontinu mais qui ne brisent pas les symétries fondamentales. (…) Les propriétés habituelles de l’espace étant restituées aux échelles de la physique habituelle, ce n’est qu’au-dessous d’une certaine échelle que les effets de cette géométrie apparaissent. Cette échelle, qui pourrait être celle dite de Planck (10 puissance moins 35 mètres) représenterait une limite à la divisibilité de l’espace. Mais revenons-en au temps. Les physiciens le supposent constitué d’instants qui se succèdent dans une structure continue. Ces instants jouent pour le temps le même rôle que le point pour l’espace. Ils sont tout aussi inaccessibles à la perception. (…) L’idée d’un temps discontinu, c’est-à-dire d’une atomicité de la durée, est parfois évoquée (…) »

Ian Stewart dans « Les mathématiques » :

« L’histoire des infinitésimaux (ou infiniment petits) est beaucoup moins simple que celle de leur cousin l’infini, et les considérations du style de celles de Zénon y ont joué un rôle important. Le paradoxe dit de la dichotomie s’attaque à la divisibilité infinie de l’espace. Pour qu’un objet puisse se déplacer d’une certaine distance, il doit d’abord parcourir la moitié de cette distance ; mais avant de parcourir cette moitié, il doit nécessairement en parcourir le quart, et ainsi de suite. Obligé de faire une infinité de chose dans l’ordre inverse, il est dans l’impossibilité de prendre le départ. Le scénario d’Achille et la Tortue est assez analogue. Il s’agit cette fois du bouillant Achille qui ne parvient pas à rattraper la tortue beaucoup plus lente que lui ; mais partie plus tôt ; Chaque fois qu’il atteint un emplacement où se trouvait la tortue, celle-ci a progressé pendant le déplacement d’Achille, et elle conserve ainsi une certaine avance. (...) Les paradoxes de Zénon sont plus subtils qu’il n’y parait, et si on les considère sous l’angle de la nature physique de l’espace-temps plutôt que sous l’angle purement mathématique, ils posent encore aujourd’hui des questions délicates. Les grecs jugèrent ces paradoxes redoutables, ce qui contribuera à les dégoutter encore plus des nombres et à se réfugier dans la géométrie. »

Les paradoxes de l’infini en physique

Les paradoxes des infinis : l’infini n’a pas de sens physique et pourtant des infinis apparaissent dans les équations

Les paradoxes de l’astrophysique

 On a d’abord cru trouver dans les particules élémentaires l’image du fonctionnement de la matière terrestre, telle que nous la connaissons. Matière et énergie de la microphysique ne fonctionnent pas comme la matière terrestre macroscopique. Nous sommes accoutumés à l’idée que l’étude du monde à petite échelle, à l’échelle dite quantique, celle des particules comme l’électron ou le proton, a remis en cause notre vision de la physique issue de l’étude du monde à notre échelle, dite macroscopique. Eh bien, la même chose est en train de se produire avec le monde à grande échelle, au niveau des étoiles, des galaxies, des amas de galaxie et de l’ensemble de l’univers. Nous savons que l’étude du mouvement de la lune et des planètes ont été déterminants pour comprendre la gravitation, y compris sur terre et que l’étude des astres nous a beaucoup appris sur la physique de la toute petite échelle, le niveau quantique. Et pourtant, il semble bien que cette fois les observations astronomiques entrent en contradiction avec les lois que nous avions ainsi découvertes, notamment les lois de la gravitation que ce soit celles de Newton ou d’Einstein. Des observations permises par le perfectionnement de nos outils nous contraignent soit à modifier ces lois soit à admettre que la matière que nous connaissons n’est qu’une fraction infime de celle de l’Univers alors que nous étions persuadés exactement de l’inverse par l’étude du spectre des étoiles... On a cru avoir dans l’astrophysique la confirmation des lois de la matière trouvées sur Terre, notamment avec l’étude des raies lumineuses issue des étoiles qui semblait montrer que toute la matière de l’univers est la même. Mais il restait la matière qui n’émet pas de lumière, la matière noire. On a cru que l’ensemble de l’univers possédait un fonctionnement énergétique du même type que celui que nous trouvons sur Terre mais ce fonctionnement terrestre appliqué aux galaxies se révèle trop peu énergétique. D’où l’idée d’un énergie que nous ne trouvons pas sur Terre : l’énergie noire. Du coup, la matière terrestre habituelle et ses lois deviennent un phénomène très marginal du fonctionnement universel.

 Dans l’espace on retrouve une réalité paradoxale. Ainsi, plus les étoiles sont grosses, plus elles émettent de la lumière et pourtant les plus gros corps physiques de l’espace n’émettent pas : ce sont des trous noirs.

 La matière est censée être répartie uniformément dans l’Univers. Or, ce n’est pas ce que l’on observe.

Lee Smolin expose, dans « Rien ne va plus en physique », le problème que nous posent les galaxies :

« Ces dernières années, les astronomes ont réalisé une expérience très simple, au cours de laquelle ils ont mesuré la distribution des masses dans une galaxie de deux façons différentes et ont comparé les résultats. Premièrement, les astronomes ont mesuré la masse en observant les viteses orbitales des étoiles ; deuxièmement, ils ont fait une mesure plus directe de la masse en comptant les étoiles, le gaz et la poussière qu’ils voyaient dans la galaxie. (…) Les deux méthodes devraient s’accorder l’une à l’autre. Or, elles ne sont pas d’accord. Les astronomes ont comparé les deux méthodes de mesure de la masse pour plus de cent galaxies différentes. Dans presque tous les cas, les deux mesures divergent, et la différence entre les valeurs est loin d’être petite, mais plutôt de l’ordre d’un facteur dix. De plus, l’erreur va toujours dans le même sens : on a toujours besoin de plus de masse pour expliquer le mouvement observé des étoiles que ce que l’on calcule par comptage direct des étoiles, du gaz et des poussières. (…) S’il existe une matière que nous ne voyons pas, elle doit se trouver dans un état et sous une forme nouvelle, qui n’émet, ni ne reflète la lumière. Et, puisque la divergence des résultats est aussi grande, la majorité de la matière au sein des galaxies doit exister sous cette nouvelle forme. (…) (…) Dans chacune des galaxies où l’on a rencontré le problème, celui-ci affecte seulement les étoiles dont le mouvement s’effectue au-delà d’une certaine orbite. A l’intérieur de cette orbite, il n’y a pas de problème : l’accélération est ce qu’elle devrait être si elle était produite par la matière visible seule. Par conséquent, il semble qu’il existe une région à l’intérieur de la galaxie où les lois de Newton sont validées et où il n’y a pas besoin de matière noire. Au-delà de cette région, les choses se compliquent. (…) Lorsqu’on s’éloigne du centre de la galaxie, l’accélération décroît, et un taux critique se révèle, qui marque la fin d’applicabilité des lois de la gravitation de Newton. Lorsque l’accélération des étoiles dépasse la valeur critique, la loi de Newton marche, et l’accélération qu’elle prédit est observée. Dans ce cas, il n’existe aucun besoin de postuler l’existence de la matière noire. Mais lorsque l’accélération observée est plus petite que la valeur critique, elle ne s’accorde plus avec la prédiction de la loi newtonienne. Cette accélération spéciale est proche de c²/R, c’est-à-dire de la valeur de l’accélération produite par la constante cosmologique ! (…) L’échelle c²/R caractérise le lieu où, pour les galaxies, la loi de Newton ne s’applique plus. Les astronomes l’appellent « loi de Milgrom » du nom du physicien Mordehaï Milgrom qui l’a découverte au milieu des années 1980. (…) L’échelle R est une échelle de tout l’univers observable, qui est infiniment plus grand que n’importe que n’importe quelle galaxie individuelle. C’est à cette échelle cosmologique qu’advient l’accélération c²/R ; comme nous l’avons vu, il s’agit du taux auquel s’accélère l’expansion de l’univers. Il n’existe aucune raison pour que cette échelle joue un rôle quelconque dans la dynamique d’une galaxie individuelle. Pourtant, ce fait empirique nous a été imposé par les données. (…) L’échelle c²/R pourrait caractériser la physique des particules de la matière noire. Si cela est vrai, alors il existe un lien entre la matière noire et la constante cosmologique. La matière noire et l’énergie noire sont toujours des phénomènes distincts, mais apparentés. L’autre possibilité est qu’il n’y a pas de matière noire et que la loi newtonienne de la gravitation cesse de s’appliquer là où les accélérations deviennent aussi petites que la valeur particulière c²/R. (...) Une autre manifestation de l’échelle R pourrait venir des masses énigmatiques des neutrinos. On peut convertir R à l’échelle des masses en n’utilisant que les constantes fondamentales de la physique, et le résultat est du même ordre de grandeur que les différences entre les masses des différents types de neutrinos. Personne ne sait pourquoi les neutrinos, tout en étant les particules les plus légères, devraient avoir des masses liées à R, mais cela est ainsi ; voilà donc une autre indication expérimentale bien tentante. (...)
Puis les choses sont devenues encore plus mystérieuses. Récemment, on a découvert que selon des observations à des échelles encore plus grandes, qui correspondent à des milliards d’années-lumière, les équations de la relativité générale ne sont pas satisfaites même en rajoutant la matière noire. L’expansion de l’univers, démarrée avec le Big Bang il y a quelque 13,7 milliards d’années, s’accélère, tandis que si l’on tient compte de toute la matière observée, plus la quantité calculée de la matière noire, l’expansion de l’univers devrait au contraire ralentir. (…) Peut-être, comme pour le problème précédent, quand on a atteint cette échelle, les lois de la relativité générale ne sont simplement plus applicables. Une autre possibilité serait l’existence d’encore une nouvelle forme de matière – ou d’énergie selon la loi d’Einstein qui montre l’équivalence entre masse et énergie). Cette nouvelle forme d’énergie entrait en jeu seulement à des échelles très grandes, c’est-à-dire qu’elle n’affecterait que l’expansion de l’Univers. (…) Cette étrange nouvelle énergie que l’on envisage pour que les chiffres correspondent aux données s’appelle « énergie noire ». La majorité des types de matière se trouvent sous pression, mais l’énergie noire exerce une tension – c’est-à-dire qu’elle retient et ramène les choses ensemble, au lieu de les écarter. C’est pour cette raison que la tension est parfois dite de « pression négative ». (…) Les observations récentes nous révèlent un univers qui, en grande partie, est constitué d’inconnu. 70% de la matière est sous forme d’énergie noire, 26% sous forme de matière noire et seulement 4% sous forme de matière ordinaire. En conséquence, moins d’un vingtième de la matière est observée expérimentalement… »

Paradoxe de la répartition de la matière dans l’Univers

Paradoxe de la matière issue des bulles de… vide

Paradoxe d’Olbers ou de la nuit noire

Paradoxe de l’information des trous noirs

D’autres paradoxes en physique

 Le monde matériel est disposé de manière hiérarchique selon la taille (en dimension d’espace ou en énergie) mais ce qui s’y produit n’est pas en proportion de la taille. Il y a des sauts d’un domaine dans un autre aux lois très différentes. Les lois d’un échelon inférieur ne sont pas la simple réduction proportionnelle des lois de l’échelon supérieur. Les paramètres peuvent être carrément autres !

 Nous pensons observer entièrement la matière qui nous entoure alors qu’en fait nous ne pouvons faire des observations que dans un intervalle limité d’énergie, de durée, de masse et nous sommes donc contraints d’ignorer le reste ou de supposer qu’il n’est pas bien différent, ce qui est loin d’être évident. Dès que nous augmentons notre intervalle d’observation, nos conceptions sont bouleversées comme c’est la cas avec la microphysique (quantique) ou avec l’astrophysique (qui nous contraint à modifier nos conceptions de la matière – matière noire – ou de l’énergie – énergie noire- qui sont toutes deux l’immense majorité de l’univers alors que matière et néergie que nous percevons serait plutôt l’exception que la règle).

 L’ordre et le désordre ne sont pas diamétralement opposés mais sont, au contraire, imbriqués sans cesse et à toutes les échelles. Le désordre produit l’ordre et l’ordre produit le désordre.

 Un autre paradoxe de la stabilité de la matière est le fait que les atomes ne tombent pas les uns sur les autres, ni les molécules les unes sur les autres alors que la gravitation devrait les amener la matière à devenir de plus en plus concentrée alors que les structures matérielles sont composées de 99% de vide….

 De très nombreux phénomènes physiques sont déterministes (obéissent à des lois) et sont pourtant probabilistes et ces lois ne sont pas strictement prédictives. La physique probabiliste a ses propres paradoxes qui proviennent du fait qu’on ne parle pas de ce que fait un individu matériel mais de comment se comportent en termes de probabilité et de moyenne des grands nombres de particules ou d’objets matériels.

 La physique est fondée sur des lois de conservation qui supposent, quand il y a une transformation, que certains paramètres se conservent globalement. En réalité, les choses ne se passent pas vraiment ainsi. C’est plutôt que le désordre produit un ordre en rompant la symétrie qui existait précédemment. Ce modèle de la rupture (ou brisure) de symétrie permet de comprendre l’émergence de propriétés et de paramètres passé un certain seuil. L’apparition d’un paramètre est une rupture de symétrie. Ainsi, notre monde matériel est une rupture de symétrie entre matière et antimatière (issu d’un vide qui est symétrique entre matière et antimatière, notre univers est matériel), notre perception du temps liée à notre univers matériel macroscopique est une rupture de symétrie entre le futur et le passé

 On a longtemps considéré le mouvement ou l’agitation comme le produit de forces or il s’avère que les particules, les noyaux, les atomes, les molécules vibrent, tremblent, s’agitent en tous sens sans aucun besoin d’une action externe et sans relation avec les chocs d’autres objets matériels. La matière est sans cesse en mouvement. Même les molécules, déjà plus importantes, sont mues en permanence par le mouvement dit brownien. Cette agitation est saccadée puisque les énergies qui s’échangent sont quantifiées.

 Toute la physique semble fondée sur des mouvements de particules de matière et de lumière. Le mouvement des particules est réversible. Pourtant, un grand nombre de phénomènes physiques sont irréversibles.

 Il peut paraître paradoxal de parler d’invention, et même de création, à propos de science, et notamment à propos de la physique, puisque celle-ci est censée décrire le monde tel qu’il est, certes avec les moyens de nos possibilités de représentation, c’est-à-dire la pensée symbolique qui a pour siège le cerveau. Et cette création, en tout état de cause, doit être d’un genre particulier, puisqu’il lui faut se confronter en permanence à ce qui est, qui nous apparaît sous les formes de ce qui nous est donné, connu par les sens et par l’expérience. Mais, de toutes façons, en quelque sorte, les représentations du monde " tel qu’il est " ne se trouvaient pas à l’origine dans notre cerveau. Elles s’y sont formées par l’enseignement et par la compréhension individuelle et, au départ pour chaque nouvelle étape, par l’invention de quelque chose qui n’était écrit nulle part. Le rôle de la création dans la formation des connaissances scientifiques n’a pas toujours été évident dans l’histoire des idées, et l’on peut même dire que la conscience en est très récente : elle date à peu près du début du xxe siècle.

Paradoxes du déterminisme

Paradoxes de la causalité

Paradoxes de l’ordre et du désordre

Les paradoxes, issus des contradictions dialectiques du réel

Les paradoxes de la physique ne sont pas des pseudos paradoxes, des contradictions de la pensée humaine sur le monde. Ils sont le produit des contradictions du monde lui-même, de son caractère dialectique, du fait que l’ordre est le produit du désordre et la construction de la destruction, la dynamique du changement de la conservation. Cela ne signifie pas que ces propriétés étonnantes dites paradoxales aillent contre les lois de la physique mais que les lois de la matière qu’il s’agit de découvrir ont un caractère intrinsèquement contradictoire. Ce caractère est imparti à la contradiction de l’immobilité et du mouvement, du fini et de l’infini, de l’ordre et du désordre, de l’organisation et de la déstructuration, de la dynamique et de la statique, du quantitatif et du qualitatif, dialectique que Zénon avait été le premier à pressentir et à exposer dans ses paradoxes et que les mathématiques des suites et séries convergentes sont bien loin d’avoir pu régler les contradictions posées par Zénon…

Malgré les lois de conservation, la matière est sujette à des transformations radicales, avec changements qualitatifs. La matière a une histoire et elle est mue par des contradictions menant à des révolutions. La matière dite inerte n’est pas moins dynamique que la matière dite vivante. Cette dernière ne peut exister que parce que sa base matérielle possède elle aussi des propriétés dynamiques et un caractère historique avec des sauts (des événements). Dans un environnement modifié, la seule manière d’obéir aux lois de conservation est de changer radicalement. Léopardi est confirmé ici : « Tout changer pour ne rien changer ».

Paradoxe fondamental : nous ne parvenons à percevoir le changement et le mouvement que par rapport à un écoulement du temps. Or nous ne pouvons mesurer cet écoulement du temps qu’en le concrétisant par un changement graduel. Notre conception du temps se mord la queue ! Et par contre, nous ne trouvons pas de base matérielle objective d’un paramètre physique du temps autre que dans l’auto-organisation des particules et antiparticules virtuelles autour de la particule matérielle. C’est l’existence de cette dernière qui invente l’écoulement du temps, flèche du temps qui est inexistante dans le vide, écoulement qui sert ensuite rétroactivement de guide à la particule….

L’espace-temps n’existe qu’au travers de l’interaction contradictoire entre matière et vide, entre réel et virtuel… Matière et vide ne cessent de s’échanger, de se combattre, de se transformer mutuellement. C’est de cette lutte que nait le mouvement et le changement qui fondent les lois de transformation et de mouvement comme les apparitions et disparitions de la matière au sein du vide.

La particule élémentaire doit, pour conserver sa structure, quitter sa base et sauter sans cesse vers des particules virtuelles voisines, en leur donnant sa propriété de masse au repos.

La matière ne peut s’expliquer par elle-même. Elle a besoin de son contraire : le vide. Et aussi de son interaction entre matière et vide : la lumière qui permet également l’interaction matière/matière. Les lois de ces interactions sont fondées sur la transformation d’un élément en son contraire : du virtuel en réel et inversement, du ponctuel à l’étendu et inversement, de l’éphémère au durable et inversement, du corpusculaire à l’ondulatoire et inversement, du temps long au temps court et inversement, de l’ordre au désordre et inversement, de l’auto-organisation à la destruction de structure, de la matière à l’antimatière, de la matière à la lumière, de l’antigrégaire au grégaire, etc.

Le mouvement comme le changement ne sont pas des simples déplacements dans un fond indifférent qui serait vide et inactif. C’est l’apparition et la disparition de la particule matérielle qui permet le mouvement de la propriété de masse au repos. Bouger signifie changer. Et changer signifie apparaitre et disparaitre. Disparaitre signifie s’accoupler avec son contraire, l’antimatière. Emettre de la lumière ou absorber de la lumière pour la matière signifie rompre la symétrie de la lumière qui est un couple matière-antimatière. Interagir avec le vide signfie la même chose puisque dans le vide n’existent que des couples matière/antimatière fugitifs. Rupture de symétrie puis constitution d’une nouvelle symétrie ont pour nom : appropriation d’énergie lumineuse par la matière ou perte d’énergie lumineuse par la matière. Les particules ne pouvant se mouvoir à proximité de la vitesse de la lumière ont besoin d’interagir avec des particules se déplaçant à la vitesse de la lumière. Ces particules sont fondées sur des propriétés du vide, comme le spin, qui se déplacent quasi instantanément mais ne portent pas de masse. Les transformations de décomposition d’une structure à une autre de la matière stable ont besoin d’étapes transitoires de matière éphémère à courte durée de vie. Toutes les transformations physiques sont fondées sur ces contraires dialectiques. C’est pour cela qu’elles fondent des paradoxes…

Werner Heisenberg dans « Physique et réalité » :

« La physique moderne est à un certain point très proche des doctrines d’Héraclite. »

Héraclite cité par Aristote dans « Ethique à Nicomaque » :

« C’est la discorde qui produit toutes les choses. »

Robert B. Laughlin dans « Un univers différent » :
« Notre vision conflictuelle de la nature reflète un conflit interne à la nature »

Léon Rosenfeld (collaborateur du physicien Bohr) dans « Louis de Broglie, physicien et penseur » :
« L’impossibilité de faire entrer le quantum d’action dans le cadre des lois déterministes de la physique classique (...) correspond à la négation dialectique de Engels. »

Simon Diner dans « Les voies du chaos dans l’école russe », tiré de l’ouvrage collectif « Chaos et déterminisme », travail dirigé par Dahan Dalmedico :

« Dans les oscillations non-linéaires, l’ordre et le désordre se côtoient, se relaient, se confortent, voilà la surprise. (…) C’est l’instauration d’une véritable conception dialectique de l’ordre et du désordre qui n’a pas fini de nous étonner. »

Dahan Dalmedico dans « Retour sur l’histoire de la philosophie » du même ouvrage :
« L’étude des systèmes dynamiques chaotiques exige une véritable dialectique entre l’instabilité d’un système dynamique chaotique et sa stabilité structurelle. »

Socrate cité par Platon Dans « Phédon » :
« Aucune chose ne pourrait naître que de son contraire. (…) De tout ce que nous appelons se décomposer, se combiner, se refroidir et se réchauffer, c’est toujours une nécessité que les contraires naissent les uns des autres. (…) le contraire de la vie, c’est la mort. Et elles naissent l’une de l’autre. (…) Les contraires abstraits s’excluent les uns les autres, mais toutes les choses contiennent toujours les contraires de ces choses-là, contraire qui est en elles, les amène à périr ou à céder la place. »

Victor Hugo dans Post scriptum de ma vie, cité par le physicien Etienne Klein dans « Regards sur la matière » :

« La nature procède par contrastes. C’est par les oppositions qu’elle fait saillir les objets. C’est par les contraires qu’elle fait sentir les choses. »

Ilya Prigogine interviewé en avril 1985 dans un article de presse intitulé « L’archer du temps » :
« Cette structure de non-équilibre n’est pas seulement dégradation mais construction (...) C’est une idée très proche, qualitativement, des idées d’Engels sur la dialectique de la nature. »

Jean-Marc Lévy-Leblond : dans « Aux contraires » :

« On soumettra à la question les grandes dichotomies : vrai/faux, droit/courbe, continu/discontinu, fini/infini, global/local, élémentaire/ composé, déterminé /aléatoire, formel/intuitif, réel/fictif (...) contigu/discret, plein/vide, absolu/relatif, mobile /immobile, objectif/subjectif, certain/incertain, précis/imprécis (...) avant/après, abstrait/concret, quantitatif/qualitatif (...) On se souviendra que c’est précisément en ébranlant d’anciennes dualités que la physique est entrée dans la modernité. (...) On pressent qu’il va falloir transcender le dualisme onde/particule et penser le rapport continu /discret sur un mode plus dialectique que dichotomique. (...) L’univers entier comme sa moindre particule, soumis à la question : ‘’l’un ou l’autre’’ répondent le plus souvent : ‘’ni l’un ni l’autre ! ’’ – s’ils veulent bien répondre. »

Friedrich Engels dans l’"Anti-Dühring" :

« Tant que nous considérons les choses comme en repos et sans vie, chacune pour soi, l’une à côté de l’autre et l’une après l’autre, nous ne nous heurtons certes à aucune contradiction en elles. Nous trouvons là certaines propriétés qui sont en partie communes, en partie diverses, voire contradictoires l’une à l’autre, mais qui, dans ce cas, sont réparties sur des choses différentes et ne contiennent donc pas en elles-mêmes de contradiction. Dans les limites de ce domaine d’observation, nous nous en tirons avec le mode de pensée courant, le mode métaphysique. Mais il en va tout autrement dès que nous considérons les choses dans leur mouvement, leur changement, leur vie, leur action réciproque l’une sur l’autre. Là nous tombons immédiatement dans des contradictions. Le mouvement lui-même est une contradiction ; déjà, le simple changement mécanique de lieu lui-même ne peut s’accomplir que parce qu’à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui. Et c’est dans la façon que cette contradiction a de se poser continuellement et de se résoudre en même temps, que réside précisément le mouvement. Nous avons donc ici une contradiction qui se rencontre objectivement présente et pour ainsi dire en chair et en os dans les choses et les processus eux-mêmes (...)Si le simple changement mécanique de lieu contient déjà en lui-même une contradiction, à plus forte raison les formes supérieures de mouvement de la matière et tout particulièrement la vie organique et son développement. Nous avons vu plus haut que la vie consiste au premier chef précisément en ce qu’un être est à chaque instant le même et pourtant un autre. La vie est donc également une contradiction qui, présente dans les choses et les processus eux-mêmes, se pose et se résout constamment. Et dès que la contradiction cesse, la vie cesse aussi, la mort intervient. De même, nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contradictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaître intérieurement infinie et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour nous, n’a pratiquement pas de fin, - tout au moins dans le progrès sans fin. »

Hegel dans « Petite Logique » :

« Lorsqu’on rencontre, dans un objet ou dans une notion, la contradiction (et il n’y a pas d’objet où l’on ne puisse trouver une contradiction, c’est-à-dire deux déterminations opposées et nécessaires, un objet sans contradiction n’étant que pure abstraction de l’entendement qui maintient avec une sorte de violence l’une des deux déterminations et s’efforce d’éloigner et de dérober à la conscience la détermination opposée que contient la première), lorsqu’on rencontre, disons-nous, la contradiction, l’on a l’habitude de conclure qu’elle donne pour résultat le néant. (…) Ici, c’est le néant, mais le néant qui contient l’être, et réciproquement, c’est l’être, mais l’être qui contient le néant. »

G.W.F Hegel, dans sa préface à la « Phénoménologie de l’esprit » :

« Ce qui se meut, c’est la contradiction. (...) C’est uniquement parce que le concret se suicide qu’il est ce qui se meut. »

Lénine dans "Cahiers philosophiques" :

« Par quoi un passage dialectique se distingue-t-il d’un passage non-dialectique ? Par le saut. Par la contradiction. Par l’interruption de la gradation. Par l’unité de l’être et du non-être. »

Paradoxes physiques et philosophie dialectique

La physique de la matière et la philosophie dialectique

La dialectique de Hegel est-elle toujours d’actualité pour la pensée scientifique ?

Messages

  • « On soumettra à la question les grandes dichotomies : vrai/faux, droit/courbe, continu/discontinu, fini/infini, global/local, élémentaire/ composé, déterminé /aléatoire, formel/intuitif, réel/fictif (...) contigu/discret, plein/vide, absolu/relatif, mobile /immobile, objectif/subjectif, certain/incertain, précis/imprécis (...) avant/après, abstrait/concret, quantitatif/qualitatif (...) On se souviendra que c’est précisément en ébranlant d’anciennes dualités que la physique est entrée dans la modernité. (...) On pressent qu’il va falloir transcender le dualisme onde/particule et penser le rapport continu /discret sur un mode plus dialectique que dichotomique. (...) L’univers entier comme sa moindre particule, soumis à la question : ‘’l’un ou l’autre’’ répondent le plus souvent : ‘’ni l’un ni l’autre ! ’’ – s’ils veulent bien répondre. »

    Le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond dans « Aux contraires »

  • « Les particules élémentaires sont divisées en deux grandes familles, les fermions et les bosons. Pourtant il n’y a pas de dichotomie entre les deux familles. Il y a unité dans la différence, qui se manifeste par les transformations mutuelles de fermions en bosons et vice-versa. Une autre grande division est celle entre particules et antiparticules. (...) Dans ce cas aussi, l’opposition est dialectique : l’unité ontique se manifeste pendant la fusion des contraires, pour donner naissance à d’autres particules. (...) Une autre opposition formelle de la physique pré-relativiste était celle entre la matière et le champ. (...) Or le photon se transforme en particules massives. (...) L’unité ontique des particules dites élémentaires se manifeste aussi via deux types de lois, les lois de transformation et les lois de conservation. Les deux types de lois, d’ailleurs, sont intrinsèquement corrélés, étant donné que la conservation d’un élément de réalité se manifeste pendant une transformation. »

    Le physicien et philosophe Eftichios Bitzakis dans « Microphysique : pour un monisme de la matière », article de l’ouvrage collectif « Les matérialismes (et leurs détracteurs) »

  • « Tout homme de science plongé dans les méandres d’un problème embrouillé vousdira que sa complexité ne saurait se résumer en une dichotomie, un conflit de deux interprétations antagonistes. Néanmoins, pour des raisons que je n’arrive toujours pas à comprendre, l’esprit humain se complait à opposer les contraires. »

    Stephen Jay Gould dans « Aux racines du temps »

  • Jean-Marc Lévy-Leblond dans « La quantique à grande échelle », article de l’ouvrage collectif « Le monde quantique » :

    « L’approche philosophique et culturelle des problèmes de la mécanique quantique devait tout naturellement privilégier les discussions sur le déterminisme… Alors qu’au fil des années 1930, Bohr tend à minimiser de plus en plus le côté contradictoire, paradoxale, de la complémentarité des aspects ondulatoire et corpusculaire, Louis de Broglie, au contraire, le souligne de plus en plus. Il parle de contradiction, d’exclusion, de conflit, mais rarement de complémentarité. Le conflit se généralise peu à peu pour devenir le conflit de la cinématique et de la dynamique. »

  • L’un des paradoxes de la physique quantique est celui des inégalités d’Heisenberg : plus on cherche à contraindre une particule à rester dans un domaine restreint (augmentation de la précision de position), plus elle s’agite (diminution de la précision de vitesse). On aurait pu penser que la particule, obligée de rester sur place, allait atteindre un stade de repos. C’est le contraire...

  • Il n’y a pas qu’en physique que les paradoxes nous ramènent à la dialectique naturelle.

    Par exemple, le paradoxe du comédien de Denis Diderot :

    « C’est une proposition, absurde en apparence, à cause qu’elle est contraire aux opinions reçues, et qui, néanmoins est vraie, ou du moins peut recevoir un air de vérité. »

    Lire ici Le paradoxe sur le comédien

  • « Le paradoxe est seulement un conflit entre la réalité et votre sentiment de ce que la réalité devrait être. »

    Richard Feynman, Cours de Physique

  • “Le mouvement brownien : un paradoxe de la physique.” dites-vous. Pouvez-vous me l’expliquer ?

  • Le mouvement brownien est une agitation permanente et cela suppose que la conservation de l’énergie n’est pas respectée alors que ce mouvement concerne des molécules, c’est-à-dire des objets classiques qui, eux, sont au contraire sujets à la conservation de l’énergie.

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