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Le PCF et le colonialisme

jeudi 9 avril 2015, par Robert Paris

Le PCF et le colonialisme

1- Quand il n’existait pas de PCF mais le Parti Communiste, section de France de l’Internationale Communiste

Dès sa création, l’Internationale communiste, produit de la victoire révolutionnaire en Russie et des débuts de la vague révolutionnaire en Europe et parmi les peuples opprimés, était une organisation affirmant que la lutte révolutionnaire communiste du prolétariat international devait se coupler avec la lutte révolutionnaire démocratique (c’est-à-dire le plus souvent encore bourgeoise et petite-bourgeoise) des peuples coloniaux et opprimés par les grands empires et impérialismes.

L’Internationale communiste de Lénine et Trotsky affirmait :

« La nécessité du concours de tous les partis communistes aux mouvements révolutionnaires d’émancipation dans ces pays, concours qui doit être véritablement actif et dont la forme doit être déterminée par le Parti communiste du pays, s’il en existe un. L’obligation de soutenir activement ce mouvement incombe naturellement en premier lieu aux travailleurs de la métropole ou du pays, dans la dépendance financière duquel se trouve le peuple en question… Il est d’une importance toute spéciale de soutenir le mouvement paysan des pays arriérés contre les propriétaires fonciers, contre les survivances ou les manifestations de l’esprit féodal ; on doit avant tout s’efforcer de donner au mouvement paysan un caractère révolutionnaire, d’organiser partout où il est possible. les paysans et tous les opprimés en Soviets et ainsi de créer une liaison très étroite du prolétariat communiste européen et du mouvement révolutionnaire paysan de l’Orient, des colonies, et des pays arriérés en général… Il est nécessaire de combattre énergiquement les tentatives faites par des mouvements émancipateurs qui ne sont en réalité ni communistes, ni révolutionnaires, pour arborer les couleurs communistes ; l’Internationale Communiste ne doit soutenir les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, qu’à la condition que les éléments des plus purs partis communistes - et communistes en fait - soient groupés et instruits de leurs tâches particulières, c’est-à-dire de leur mission de combattre le mouvement bourgeois et démocratique. L’Internationale Communiste doit entrer en relations temporaires et former aussi des unions avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, sans toutefois jamais fusionner avec eux, et en conservant toujours le caractère indépendant de mouvement prolétarien même dans sa forme embryonnaire… »

A sa naissance, au congrès de Tours, en décembre 1920, le parti communiste de France affirmait :

« Dans le sang de millions de prolétaires, la coalition impérialiste des Alliés a vaincu la coalition adverse et a cru s’assurer l’hégémonie mondiale. Maîtresse des colonies d’Asie et d’Afrique, elle impose sa volonté aux anciens États neutres, elle réduit en esclavage les peuples de l’Europe centrale par des traités consacrant le triomphe de sa force et son « droit » de spoliation, de pillage à outrance… Le Parti est pleinement d’accord avec l’Internationale communiste pour dénoncer l’impérialisme colonial et pour prendre activement le parti des populations subjuguées par le capitalisme européen dans leur lutte contre l’oppression sous toutes ses formes. »

C’est pendant trop peu d’années que le parti communiste SFIC de France, sous la pression de l’Internationale communiste, va rompre progressivement avec son passé réformiste et opportuniste, et donc colonialiste, pour pratiquer une politique révolutionnaire, vraiment communiste et vraiment anti-coloniale. Il aura juste une courte période, un petit peu révolutionnaire, entre son passé social-démocrate et son futur stalinien contre-révolutionnaire cautionnant le nationalisme bourgeois et renonçant à la révolution dans les colonies comme dans les métropoles au nom de la défense de la Russie, en fait de celle des intérêts de la bureaucratie stalinienne.

Pendant ce petit nombre d’années, de 1921 à 1924, il aura cependant l’occasion de donner une petite idée de ce qu’aurait été un parti communiste en France, combattant aussi bien l’occupation française de la Ruhr que la guerre coloniale contre Abdel Krim.

Dans cette période, les communistes de France aident à la formation de partis communistes révolutionnaires dans toutes les colonies de la France : du Maghreb à l’Indochine, en passant par l’Afrique. Ces partis sont indépendants des classes dirigeantes nationales comme de l’impérialisme français. Ce sont des organisations de classe qui défendent une perspective internationaliste en liaison avec la révolution soviétique mondiale commencée en Russie.

Ces partis, comme le parti communiste SFIC de France, visent au renversement de l’impérialisme mondial et non au statu quo avec la « coexistence pacifique », comme cela sera le cas avec l’avènement du stalinisme.

Ces partis soutiennent toutes les luttes sociales et politiques en leur offrant la perspective la plus large : celle de la révolution socialiste mondiale…

Quand le Parti communiste de France (SFIC) est fondé à Tours en 1920, pour adhérer à l’Internationale Communiste, il dut accepter les fameuses 21 conditions, dont la huitième exigeait :

« Tout Parti appartenant à la IIIe Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de "ses" impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux. »

En Algérie et en Tunisie, il existait des sections du Parti socialiste (SFIO), et après la scission de Tours des sections du PCF y furent formées. Les trois fédérations départementales d’Algérie se prononcèrent pour l’adhésion à la Troisième Internationale par 34 mandats sur 41. Mais, selon Jacob Moneta, en Afrique du Nord comme en d’autres pays coloniaux, « le mouvement communiste… n’était rien d’autre qu’un prolongement du PCF dans ces pays. Il était organisé par des Français qui vivaient sur place et le nombre des membres autochtones était peu important. Ils avaient dans l’organisation des fonctions de second ordre. » Selon Charles-Robert Ageron, « les sections d’Algérie comprenaient surtout des petits fonctionnaires (employés de chemins de fer, des P.T.T. et de l’enseignement), mais aussi des ouvriers et employés ainsi que des dockers et des petits colons. »

Les conditions votées à Tours ne suffisaient donc pas pour transformer les partis communistes du Maghreb. Le 24 septembre 1922, un rapport fut présenté au 2e Congrès Interfédéral Communiste de l’Afrique du Nord, et adopté à l’unanimité.

Le rapport jugeait que le texte de la huitième condition était « trop général » et négligeait les « conditions particulières » des différents pays. En Algérie, il fallait reconnaître que « ce qui caractérise la masse indigène, c’est son ignorance. C’est, avant tout, le principal obstacle à son émancipation ». En particulier, « le fatalisme et le fanatisme religieux » chez le prolétariat musulman s’expliquait par « l’emprise des marabouts et des confréries religieuses sur une masse totalement ignorante et éprise du merveilleux ». D’autre part, les prolétaires musulmans ne reconnaissaient nullement l’égalité de la femme et « la femme arabe elle-même se refuse à comprendre l’humiliation de son état ». De plus, les syndicats indigènes étaient « à peu près inexistants ».

Dans cette situation lamentable, « l’émancipation des populations indigènes d’Algérie ne pourra être que la conséquence de la Révolution en France ». Par conséquent, le but des communistes en Algérie n’était pas de soutenir un mouvement révolutionnaire parmi la population indigène : « La propagande communiste directe auprès des indigènes algériens du bled est actuellement inutile et dangereuse. Elle est inutile parce que ces indigènes n’ont pas atteint encore un niveau intellectuel et moral qui leur permette d’accéder aux conceptions communistes. » La priorité était dès lors l’activité parmi les Européens syndiqués : « Le premier but à atteindre est donc l’éducation des Européens avant d’entreprendre directement l’éducation sociale du prolétariat indigène. »

Le rapport provoqua plusieurs réponses. Hadjali Abdelkader, un Algérien habitant à Paris, qui avec Messali Hadj devait fonder l’Étoile Nord-Africaine, répliqua qu’il fallait se rendre compte que « dans toutes les colonies les travailleurs indigènes, grâce à la Révolution russe, se réveillent et commencent à se grouper et chercher leur voie, afin d’arriver à briser leur chaînes ». Le PCF devait donc « faire de la propagande et du recrutement parmi les indigènes et, pour y parvenir, prendre comme plate-forme les revendications immédiates des indigènes ». Et pour conclure, il insista : « Il est temps que le Communisme ne soit plus limité à quelques Européens disséminés dans les colonies, alors qu’on laisse de côté des millions de prolétaires indigènes qui nous tendent la main. »

Au quatrième congrès de l’Internationale communiste, Léon Trotsky a condamné avec mépris les positions des communistes algériens : « Nous ne pouvons pas tolérer deux heures ni deux minutes des camarades qui ont une mentalité de possesseurs d’esclaves et qui souhaitent que Poincaré les maintienne dans les bienfaits de la civilisation capitaliste ! »

C’est la guerre du Rif qui permit au Parti, notamment aux Jeunesses communistes dirigées par Jacques Doriot, et à la section coloniale de déployer une stratégie anticolonialiste d’envergure : télégrammes de soutien aux insurgés, déclarations incendiaires à la Chambre des députés, distribution de tracts et de brochures antimilitaristes jusque dans les casernes, et même un mot d’ordre de grève générale qui, relayée par la CGTU Confédération générale du travail unifiée, connut, le 12 octobre 1925, un certain succès en région parisienne.

D’emblée le parti communiste prit publiquement position en envoyant à Abd-el-Krim le télégramme suivant : « La fraction communiste du Parlement, le comité central du Parti Communiste et des Jeunesses Communistes saluent la victoire éclatante du peuple marocain sur les impérialistes espagnols. Ils félicitent leur chef courageux, Abd-el-Krim. Ils espèrent qu’après sa victoire définitive sur l’impérialisme espagnol il poursuivra, en liaison avec le prolétariat français et européen, sa lutte contre tous les impérialistes, y compris les impérialistes français, jusqu’à la libération complète du territoire marocain... »

Une mobilisation d’intellectuels s’ébauchait autour du mensuel Clarté qui, intelligemment dirigé par l’écrivain pacifiste Henri Barbusse, parvenait à rallier à la cause rifaine les noms prestigieux, et fort éloignés du communisme, de l’économiste Charles Gide et de l’écrivain Georges Duhamel. La même année, la révolte du Djebel druze en Syrie, est également citée en exemple, malgré ses évidents relents de féodalisme. Et c’est dans l’orbite du Parti que naît à Paris, en 1926, l’Étoile nord-africaine, le premier mouvement nationaliste algérien explicitement acquis à l’indépendance.

Sur le terrain, le Parti mobilisa ses militants. De nombreux meetings contre la guerre du Maroc et de Syrie eurent lieu. Une grève de protestation de 24 heures fut organisée en octobre 1925. Aux dires de L’Humanité, 900 000 travailleurs y participèrent. A cette agitation s’ajouta un travail de propagande en direction de l’armée à l’initiative de la Jeunesse Communiste. Des unités, jugées trop sensibles aux arguments du Parti Communiste, durent être retirées du Rif.

Ces actions ne furent certes pas suffisantes pour contraindre le gouvernement à évacuer le Maroc. Mais elle montrèrent qu’il était possible, même à un parti encore faible, de mobiliser, ne serait-ce qu’une fraction de la jeunesse et de l’opinion publique ouvrière, contre les menées colonialistes de la bourgeoisie française.

IV° Congrès de l’Internationale Communiste

Thèses sur la question nègre

1. Pendant et après la guerre, il s’est développé parmi les peuples coloniaux et semi-coloniaux, un mouvement de révolte contre le pouvoir du capital mondial, mouvement qui fait de grands progrès. La pénétration et la colonisation intense des régions habitées par des races noires pose le dernier grand problème dont dépend le développement futur du capitalisme. Le capitalisme français admet clairement que son impérialisme, après la guerre, ne pourra se maintenir que par la création d’un empire franco-africain, relié par une voie terrienne transsaharienne. Les maniaques financiers de l’Amérique, qui exploitent chez eux 12 millions de nègres, s’appliquent maintenant à pénétrer pacifiquement en Afrique. Les mesures extrêmes prises pour écraser la grève du Rrand montrent assez combien l’Angleterre redoute la menace surgie pour sa position en Afrique. De même que sur le Pacifique le danger d’une autre guerre mondiale est devenu menaçant par suite de la concurrence des puissances impérialistes, de même l’Afrique apparaît comme l’objet de leurs rivalités. Bien plus, la guerre, la révolution russe, les grands mouvements qui ont soulevé les nationalistes d’Asie et les musulmans contre l’impérialisme, ont éveillé la conscience de millions de nègres opprimés par les capitalistes, réduits à une situation inférieure depuis des siècles, non seulement en Afrique, mais peut-être même encore davantage en Amérique.

2. L’histoire a dévolu aux nègres d’Amérique un rôle important dans l’affranchissement de toute la race africaine. Il y a 300 ans que les nègres américains ont été arrachés de leur pays natal, l’Afrique, transportés en Amérique où ils ont été l’objet des pires traitements et vendus comme esclaves. Depuis 250 ans, ils ont travaillé sous le fouet des propriétaires américains : ce sont eux qui ont coupé les forêts, construit les routes, planté les cotonniers, posé les traverses de chemins de fer et soutenu l’aristocratie du Sud. Leur récompense a été la misère, l’ignorance, la dégradation. Le nègre n’était pas un esclave docile, il a eu recours à la rébellion, à l’insurrection, aux menées souterraines pour recouvrer sa liberté ; mais ses soulèvements ont été réprimés dans le sang ; par la torture, on l’a forcé à se soumettre ; la presse bourgeoise et la religion se sont associées pour justifier son esclavage. Quand l’esclavage concurrença le salariat et devint un obstacle au développement de l’Amérique capitaliste, il dut disparaître. La guerre de sécession entreprise, non pas pour affranchir les nègres, mais pour maintenir la suprématie industrielle des capitalistes du Nord, mit le nègre dans l’obligation de choisir entre l’esclavage dans le Sud et le salariat dans le Nord. Les muscles, le sang, les larmes du nègre « affranchi » ont aidé à l’établissement du capitalisme américain, et quand, devenue une puissance mondiale, l’Amérique a été entraînée dans la guerre mondiale, le nègre américain a été déclaré l’égal du blanc, pour tuer et se faire tuer pour la démocratie. Quatre cent mille ouvriers de couleur ont été enrôlés dans les troupes américaines, où ils ont formé les régiments de « Jim crow ». A peine sortis de la fournaise de la guerre, les soldats nègres, revenus au foyer, ont été persécutés, lynchés, assassinés, privés de toute liberté et cloués au pilori. Ils ont combattu, mais pour affirmer leur personnalité ils ont dû payer cher. On les a encore plus persécuté qu’avant la guerre pour leur apprendre à « rester à leur place ». La large participation des nègres à l’industrie après la guerre, l’esprit de rébellion qu’ont éveillé en eux les brutalités dont ils sont les victimes, met les nègres d’Amérique, et surtout ceux de l’Amérique du Nord, à l’avant-garde de la lutte de l’Afrique contre l’oppression.

3. C’est avec une grande joie que l’Internationale Communiste voit les ouvriers nègres exploités résister aux attaques des exploiteurs, car l’ennemi de la race nègre est aussi celui des travailleurs blancs. Cet ennemi, c’est le capitalisme, l’impérialisme. La lutte internationale de la race nègre est une lutte contre le capitalisme et l’impérialisme. C’est sur la base de cette lutte que le mouvement nègre doit être organisé : en Amérique, comme centre de culture nègre et centre de cristallisation de la protestation des nègres ; en Afrique, comme réservoir de main-d’œuvre pour le développement du capitalisme ; en Amérique Centrale (Costa-Rica, Guatémala, Colombie, Nicaragua et les autres républiques « indépendantes » où l’impérialisme américain est prédominant) ; à Porto-Rico, à Haïti, à Saint-Domingue et dans les autres îles de la mer du Caraïbes, où les mauvais traitements infligés aux nègres par les envahisseurs américains ont soulevé les protestations des nègres protestations des nègres conscients et des ouvriers blancs révolutionnaires. En Afrique du Sud et au Congo, l’industrialisation croissante de la population nègre a provoqué des soulèvements de formes variées ; en Afrique Orientale, la pénétration récente du capital mondial pousse la population indigène à résister activement à l’impérialisme.

4. L’Internationale Communiste doit indiquer au peuple nègre qu’il n’est pas seul à souffrir de l’oppression du capitalisme et de l’impérialisme, elle doit lui montrer que les ouvriers et les paysans d’Europe, d’Asie et d’Amérique, sont aussi les victimes de l’impérialisme ; que la lutte contre l’impérialisme n’est pas la lutte d’un seul peuple, mais de tous les peuples du monde ; qu’en Chine, en Perse, en Turquie, en Egypte et au Maroc, les peuples coloniaux combattent avec héroïsme contre leurs exploiteurs impérialistes, que ces peuples se soulèvent contre les mêmes maux que ceux qui accablent les nègres (oppression de race, exploitation industrielle intensifiée. mise à l’index) ; que ces peuples réclament les mêmes droits que les nègres : affranchissement et égalité industrielle et sociale.

L’Internationale Communiste, qui représente les ouvriers et les paysans révolutionnaires du monde entier dans leur lutte pour abattre l’impérialisme, l’Internationale Communiste qui n’est pas seulement l’organisation des ouvriers blancs d’Europe et d’Amérique, mais aussi celle des peuples de couleur opprimés du monde entier, considère qu’il est de son devoir d’encourager et d’aider l’organisation internationale du peuple nègre dans sa lutte contre l’ennemi commun.

5. Le problème nègre est devenu une question vitale de la révolution mondiale. La III° Internationale qui a reconnu le précieux secours que pouvaient apporter à la révolution prolétarienne les populations asiatiques dans les pays semi-capitalistes, regarde la coopération de nos camarades noirs opprimés essentielle à la révolution prolétarienne qui détruira la puissance capitaliste. C’est pourquoi le 4° Congrès déclare que tous les communistes doivent spécialement appliquer au problème nègre les « thèses sur la question coloniale ».

6. a) Le 4° Congrès reconnaît la nécessité de soutenir toute forme du mouvement nègre ayant pour but de miner et d’affaiblir le capitalisme ou l’impérialisme, ou d’arrêter sa pénétration.

b) L’Internationale Communiste luttera pour assurer aux nègres l’égalité de race, l’égalité politique et sociale.

c) L’internationale Communiste utilisera tous les moyens à sa disposition pour amener les trade-unions à admettre les travailleurs nègres dans leurs rangs ; là où ces derniers ont le droit nominal d’adhérer aux trade-unions, elle fera une propagande spéciale pour les attirer ; si elle n’y réussit pas, elle organisera les nègres dans des syndicats spéciaux et appliquera particulièrement la tactique du front unique pour forcer les syndicats à les admettre dans leur sein.

d) L’Internationale Communiste préparera immédiatement un Congrès ou une conférence générale des nègres à Moscou.

Quand le courant communiste était révolutionnaire, il était en tête des luttes d’indépendance au Maghreb

2- Quand le PCF, devenu stalinien, adopte, avec la contre-révolution, le nationalisme français et le colonialisme

L’isolement de la révolution russe se retrouvant seule dans un pays arriéré et dévasté, l’effondrement économique et social de la Russie des soviets suite à la guerre mondiale et la guerre civile meurtrière, assassinant une bonne part de l’avant-garde révolutionnaire russe, guerre totale menée par toutes les bourgeoisies du monde contre le pouvoir aux travailleurs, tout cela ont entraîné une misère incroyable qui a obligé les dirigeants russe à un recul tactique : la NEP. La grande bourgeoisie n’a pas pu revenir mais la petite bourgeoisie a été autorisée à remettre ses filets et à s’enrichir. La misère, le chômage, la destruction de l’appareil économique et de transports à la fin de la guerre civile avec la démobilisation de masse et le chômage qui en sont découlé, suivie de la NEP, les défaites révolutionnaires en Europe et dans le monde ont entraîné une grande démoralisation des travailleurs russe, leur retrait de la vie soviétique et politique et l’autonomisation progressive de la bureaucratie russe. Celle-ci est parvenue à envahir progressivement les soviets désertés, l’appareil d’Etat et, finalement, le parti bolchevik. Staline s’en est fait l’instrument. La bureaucratie usurpant le pouvoir du prolétariat au nom de la construction du communisme, se sachant mensongèrement au pouvoir, n’a rien craint tant que la reprise de la révolution, que ce soit en Russie ou dans le reste du monde. Elle s’est cachée de ses buts contre-révolutionnaires et les a camouflés sous un verbiage radical mais elle n’a eu de cesse que de détruire les révolutionnaires et les révolutions, notamment celles des pays coloniaux et dominés.

Les partis communistes, devenus des courroies de transmission au sein du prolétariat de la politique de la bureaucratie russe, ceux-ci ont cherché à soutenir toute bourgeoisie se disant favorable à un pacte, fut-il provisoire, avec la bureaucratie russe. Elle l’a justifié au nom de la défense de la Russie des soviets, de la paix pour les peuples ou de la guerre contre le fascisme.

Devenu l’auxiliaire de la couche parasitaire bureaucratique dirigée par le Kremlin de Staline, peureuse à l’idée d’une remontée révolutionnaire du prolétariat russe car elle usurpe le pouvoir au nom du prolétariat, le stalinisme international était tout aussi peureux dans le monde qu’en Russie à l’idée d’une telle remontée révolutionnaire dans n’importe quel pays du monde. En particulier, les dirigeants russes n’étaient plus, comme au temps des Lénine et Trotsky, les partisans de l’union des prolétaires révolutionnaires et des peuples colonisés mais les partisans d’une union entre la Russie et les pays impérialistes, ce qui était la politique diamétralement opposée de celle des soviets russes, avant-garde de la révolution mondiale, politique de l’Internationale communiste du temps de Lénine et Trotsky.

En 1926-1927, l’Internationale Communiste s’orientait, par la volonté de Staline, dans ligne politique dite de « classe contre classe » qui impliquait la dénonciation des nationalistes des pays colonisés. Pour ces derniers, cela signifiait que, sous prétexte de dénonciation du « nationalisme bourgeois », les partis communistes ne soutenaient plus les aspirations des peuples coloniaux.

Dès le printemps 1927, le PCF suspendit son aide matérielle à l’Etoile Nord-Africaine qu’il avait contribué à fonder au Maghreb, en lui retirant notamment les locaux que les communistes mettaient à sa disposition. L’Etoile Nord-Africaine dans ses premières années d’existence fut très proche du PCF puisqu’elle était membre de « l’Union Inter Coloniale » et que nombre de ses cadres étaient passés dans les rangs du Parti communiste ou de la CGTU. La séparation entre les nationalistes algériens et les communistes qui devait aboutir à la rupture presque totale après la dissolution de l’Etoile le 26 janvier 1937, commençait dès la fin du congrès Bruxelles.

En mai 1935, le président du Conseil, Pierre Laval, se rendait à Moscou et signait un pacte d’assistance franco-soviétique. Staline déclara alors qu’il approuvait la politique de défense de la France. Immédiatement, le PCF cessa toute activité et propagande anti-militariste, adoptant le drapeau tricolore et La Marseillaise.

Avec le retour au nationalisme français en 1935, le PCF renoue avec « la nécessité de la défense nationale française » soutenue par Staline après son pacte avec Laval. En découle le soutien au colonialisme français au nom de « l’intérêt supérieur de la nation française »…

En donnant pour raison que les colonies pourraient tomber entre les mains de Hitler et de Mussolini, le PCF s’opposa à l’indépendance des colonies.

Dans la question coloniale, le Front Populaire de 1936 continua exactement la même politique que ses prédécesseurs. L’un des éléments de cette politique resta une répression violente. Dès que, dans la foulée du développement des luttes ouvrières en France, des grèves se développèrent dans les colonies, ce même Marius Moutet télégraphia aux autorités coloniales indochinoises de la façon la plus claire : « Vous maintiendrez l’ordre public par tous les moyens légitimes et légaux, même par poursuites. Ordre français doit régner en Indochine comme ailleurs ». Les affrontements furent sanglants en Tunisie où la gendarmerie ouvrit le feu contre les grévistes des mines de potasse en mars 1937. Il y eut 19 morts et 27 blessés. Et ce ne fut pas la seule grève réprimée. Un an plus tard, la police tira sur une manifestation organisée par le mouvement nationaliste, le Néo-Destour : au bout de quatre heures d’affrontements on releva, d’après les chiffres officiels, 22 morts et 150 blessés. Selon le Néo-Destour, la répression avait fait 200 morts.

Face à l’indifférence des dirigeants du Front Populaire concernant la question coloniale, les dirigeants nationalistes algériens posèrent plus nettement le problème de la libération nationale. Constatant que leurs revendications n’étaient pas prises en compte, ils étaient obligés d’affirmer leurs idées et leurs revendications de manières plus directes. Dès lors, la question était moins de ménager le Front Populaire que de s’opposer à toute politique d’assimilation. Au printemps 1936, à la gare de Lyon, devant plus de cinquante mille personnes rassemblées à l’occasion des obsèques d’Achechour, « un ouvrier algérien victime du fascisme, » Messali Hadj, dirigeant de l’Etoile Nord-Africaine qui avait rompu avec le courant stalinien, déclarait : « la politique d’assimilation ne peut se faire, elle est condamnée par la raison, par la justice et par l’histoire. La seule solution du problème est l’émancipation totale de l’Afrique du Nord et nous disons franchement que nous désirons et nous souhaitons voir se réaliser cette émancipation par l’aide effective de la France, en considération des intérêts communs. »
Le 24 mai 1936, devant le mur des fédérés, dix mille maghrébins vinrent commémorer la Commune de Paris, en même temps que l’insurrection algérienne de 1871 menée par Mohammed el-Mokrani et le Cheikh el-Haddad de la confrérie soufie Rahmaniya. Par ce geste, les militants nationalistes montraient que pour eux la question sociale et la question nationale étaient intimement liées dans leur combat pour la libération du Maghreb.

Malgré l’empathie originelle des militants nationalistes à l’égard de la gauche, le ton de l’Etoile Nord Africaine se faisait plus offensif à l’égard du Front Populaire. Ce dernier ne souhaitait pas répondre aux revendications des nationalistes algériens qui n’étaient pas au centre des préoccupations de son électorat.

Non seulement la direction du Parti Communiste, partie prenante du Front Populaire, ne s’opposa pas à la politique coloniale mise en oeuvre par les socialistes, mais au contraire elle la soutint sans jamais marchander ses efforts pour la faire admettre à ses propres militants : : « Si la question décisive du moment, c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme ».

En Algérie, le Parti Communiste Algérien menait d’ailleurs une campagne contre les courants nationalistes et expliquait : « Concevoir l’indépendance de l’Algérie sans l’alliance franco-algérienne, en face d’un fascisme international agressif et assoiffé de conquêtes coloniales, c’est fou et criminel... C’est faire le jeu du fascisme international que de se livrer à des provocations en réclamant l’indépendance ».

Maurice Thorez affirme dans son discours au congrès du PCF de décembre 1937 :

« Si la question décisive du moment c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme et placer par exemple l’Algérie, la Tunisie et le Maroc sous le joug de Mussolini et d’Hitler… Créer les conditions de cette union libre, confiante et fraternelle des peuples coloniaux avec notre peuple, n’est-ce pas, là encore, travailler à remplir la mission de la France à travers le monde ? « 

Le 11 février 1939, à Alger, Maurice Thorez prononce un discours qui tourne le dos à la revendication d’indépendance de l’Algérie. L’Algérie ne serait qu’une « nation en formation, dans le creuset de vingt races ». H exalte le rôle de la France.

« Il s’agit bien, n’est-il pas vrai, de lutter pour le salut de la démocratie et de la paix dans l’honneur et la dignité de notre France à tous [...] », lance-t-il à son auditoire. « Nous avons dit et nous répétons : unir tous les hommes qui veulent vivre libres, sans distinction de races ni de religions, tous les Français de France et tous les Français d’Algérie. Quand je dis Français d’Algérie, je vous entends tous ici présents, vous les Français d’origine, les Français naturalisés, les Israélites, et vous aussi les Musulmans arabes et berbères, tous les fils, sinon par le sang, du moins par le cœur de la Grande Révolution française qui ne faisait aucune distinction entre les races et les religions quand elle affirmait que la République française était une et indivisible. Unir enfin autour du peuple de France continuant sa marche historique vers le progrès et réalisant sa grande mission de liberté et de paix dans le monde, tous les peuples de bonne volonté [...] Où est maintenant dans votre pays la race élue, celle qui pourrait prétendre à la domination exclusive, celle qui pourrait dire : cette terre a été la terre de mes seuls ancêtres et elle doit être la mienne ? Il y a la nation algérienne qui se constitue historiquement et dont l’évolution peut être facilitée, aidée par l’effort de la République française. Ne trouverait-on pas ici parmi vous peut-être, les descendants de ces anciennes peuplades numides civilisées déjà, au point d’avoir fait de leurs terres le grenier de la Rome antique ; les descendants de ces Berbères qui ont donné à l’Église catholique saint Augustin, l’évêque d’Hippone, en même temps que le schismatique Donat ; les descendants de ces Carthaginois, de ces Romains, de tous ceux qui, pendant plusieurs siècles, ont contribué à l’épanouissement d’une civilisation attestée encore aujourd’hui par tant de vestiges comme ces ruines de Tébessa et de Madaure que nous visitions il y a quelques jours. Sont ici maintenant les fils des Arabes venus derrière l’étendard du Prophète, les fils aussi des Turcs convertis à l’Islam venus après eux en conquérants nouveaux, des Juifs installés nombreux sur ce sol depuis des siècles. Tous ceux-là se sont mêlés sur votre terre d’Algérie, auxquels 8C sont ajoutés des Grecs, des Maltais, des Espagnols, des Italiens et des Français, et quels Français ! Les Français de toutes nos provinces, mais en particulier les Français des terres françaises de Corse et de Savoie, ceux de la terre française d’Alsace venus pour ne pas être Prussiens. Il y a une nation qui se constitue, elle aussi, dans le mélange de vingt races. »

L’alliance de la Russie stalinienne avec les impérialismes occidentaux (USA et GB) va supposer l’alliance du PCF avec De Gaulle et le soutien des gouverneurs coloniaux à De Gaulle amène le PCF à soutenir ouvertement le colonialisme français au Tchad comme en Algérie.

Si la propagande stalinienne présente les dirigeants de la « résistance » comme oeuvrant pour la liberté des peuples, la réalité est tout autre : ils oeuvrent ouvertement pour la remise en place de la France bourgeoise, impérialiste et coloniale.

La constitution de 1946 de l’ « Union Française », union prétendant regrouper la métropole et les territoires coloniaux, en témoigne :

« Le président de la République française est président de l’Union française dont il représente les interêts permanents… L’Assemblée de l’Union française, composée de représentants élus (…) a un rôle consultatif. ( !) »

Toute la politique du PCF va se placer dans le cadre de cette hypocrite « union » qui attache les peuples colonisés à leur colonisateur.

L’empire colonial français, hypocritement appelé « Union française », est défendu par le PCF. Dans les « Cahiers du communisme » d’avril 1945, on peut lire : « A l’heure présente, la séparation des peuples coloniaux avec la France irait à l’encontre des intérêts de ces populations. »

Le PCF ne parle plus, à propos des colonies que de cette « union » qu’il appelle au printemps 1945 : « union féconde », « union fraternelle ».

Les Cahiers du communisme de février 1945 affirment que « La revendication ouverte de la séparation d’avec la France irait trop loin dans la voie de la liberté. »

En septembre 1946, un député du PCF à l’assemblée déclarait : « Fondons l’Union française sur l’adhésion libre et volontaire des pays qui la composent. »

La liberté, en somme,… de se résigner à l’esclavage !

Lozeray affirmait devant les députés le 18 mars 1947 que « L’Union ne se constituera sur des bases solides et durables que si elle repose sur des rapports de mutuelle confiance. »

Mais comment le rapport entre oppresseur et opprimé pourrait-il être un rapport de confiance ?

Dans les colonies françaises, à la fin de la deuxième guerre mondiale, la politique du PCF au pouvoir consistera donc à aider au rétablissement de l’empire colonial français. Comme en témoignent, par exemple, ces extraits du « Programme d’action gouvernementale » présenté par le PCF (édité par les Cahiers du communisme de novembre 1946) :

« Mais on commettrait une lourde erreur en ne discernant pas, parmi les puissances capitalistes, celles qui, les plus avancées dans la voie de la démocratie, permettront aux peuples coloniaux d’aller, dans les conditions les plus favorables, vers la liberté et le progrès. (…) La question de la reconnaissance du droit à la séparation ne doit pas être confondue avec l’utilité de la séparation dans de telles conditions (…) et cela se comprend puisque le mouvement national est intimement lié au mouvement démocratique en général. (…) A l’heure actuelle, face aux visées impérialistes, l’intérêt commun des peuples d’Outre-mer et du peuple français sont de rester unis. (…) Toute tentative de sortie de l’Union française ne pourrait qu’amener, avec une pseudo-indépendance, illusoire et momentanée, le renforcement de l’impérialisme. »

Un député PCF proclamait : « nous affirmons d’abord que la République française, métropole et territoires d’outremer, est une et indivisible ».

Florimond Bonte, du Comité central du PCF, exhortait le Comité Français de Libération Nationale « à mettre en oeuvre tous les moyens dont disposent la France et son empire (...) pour faire la guerre totale, pour créer et perfectionner une armée unique d’un million de combattants, armée qui ne serait dès lors plus considérée comme une force d’appoint » (sous-entendu, par les alliés).

La politique préconisée pour l’après-guerre fut tout aussi colonialiste. La politique du PCF est exposée dans une brochure publiée fin 1944 qui s’intitulait Au service de la renaissance française. Tout un programme !
Le texte affirmait tout net que « Pour la France, être une grande puissance et tout simplement continuer d’être, c’est la même chose » . Et de préciser : « Notre pays est une puissance des cinq parties du monde et ne découvre pas de raison pour laquelle il devrait cesser de l’être au profit d’autres grands États, en abdiquant en leur faveur une part de sa souveraineté sur les territoires ou sur les richesses... »

La conclusion s’imposait : « le gouvernement maintiendra jalousement l’intégrité des territoires sous pavillon français et l’intégrité des richesses françaises en capital ».

Au Vietnam et en France, les staliniens (français comme indochinois) défendent la dépendance de l’Indochine par rapport à la France.

En mars 1946, les troupes françaises reviennent au Vietnam. Loin de combattre le retour des troupes française, Ho Chi Minh va les accueillir, espérant toujours que celles-ci vont accepter de le mettre à la tête d’un territoire autonome lié à la France.

« Une indépendance prématurée du Vietnam risque de ne pas être dans la ligne des perspectives soviétiques et embarrasserait l’URSS dans ses efforts pour gagner la France en tant qu’alliée. » écrit le PCF, dans un document transmis au Viet Minh par le Groupe culturel marxiste (lié au PCF) de Saigon le 25 septembre 1945 et publié par Harold Isaacs dans « Pas de paix en Asie ».

Grégoire Madjarian rapporte dans « La question coloniale et la politique du Parti communiste français » :

« Le 16 février, Ho Chi Minh communiquait à Jean Sainteny, l’envoyé du Haut commissaire D’Argenlieu, qu’il consentait à négocier, sur la base de l’unité et de l’indépendance du Vietnam, l’adhésion à l’Union française. Leclerc et Sainteny pressèrent le gouvernement français d’accepter. Ce qu’il fit, se déclarant prêt à reconnaître un gouvernement vietnamien autonome, à condition que ce dernier accueille amicalement les troupes françaises lorsqu’elles viendraient remplacer les troupes du Kuomintang. On apprenait le 4 mars, à Hanoï, que la flotte de débarquement française faisait route vers Haïphong – le grand port du nord du Vietnam. (…) Le 5 mars, le comité central du Viet Minh, réuni à Huong-Canh, dans la campagne proche de Hanoï, décidait que « dans cette conjoncture, la meilleure condition à suivre pour le salut de la patrie n’était pas de couper les ponts, mais de sauver la paix. » (…) Le journal (du Viet Minh) de Hué le 5 mars, sous le titre « Calmes mais prêts » : (…) « La France a pris l’initiative de négocier. Nous sommes heureux de négocier selon la demande des Français. (…) Les négociations n’aboutiront que si nous obtenons l’indépendance. » (…) Ho Chi Minh et Sainteny signaient le 6 mars 1946 une convention préliminaire. (…) L’idée d’indépendance était absente ; l’unité du Vietnam restait suspendue à un référendum - dont la date n’était pas fixée - qui déciderait du sort de la Cochinchine (Nam-Bo) contrôlée par les troupes coloniales. Enfin des unités françaises – quinze mille hommes – s’installaient dans le Tonkin pour y effectuer, conjointement avec l’armée vietnamienne, la relève des troupes de Tchang Kaï-chek. »

En juillet 1946, le Vietminh représenté par Pham Van Dong et Ho Chi Minh, encore en négociations avec la France à Fontainebleau, est aidé par des troupes françaises pour achever sa purge et en finir avec les militants trotskystes. Ho déclare alors sur son alliance avec la France : « nos libertés démocratiques seront octroyées et garanties par nos alliés démocratiques. »

C’est seulement après le bombardement massif du port de Haiphong, qui fait 6000 morts en novembre 1946, que les nationalistes vietnamiens se trouveront contraints d’admettre qu’il va falloir se battre avec l’impérialisme français. En décembre 46 c’est l’attaque des troupes françaises qui reprend possession du Vietnam et contraint les nationalistes à la lutte armée à Hanoï qui est occupée par l’armée française.

Tout au long des événements sanglants de Madagascar en 1947, de l’insurrection et de la répression coloniale, les principales organisations malgaches comme françaises n’ont pas pris le parti des insurgés. Le Parti communiste français ne risquait pas de le faire puisqu’il participait au pouvoir colonial français qui écrasait la révolte.

En juin 1947, au onzième congrès du PCF à Strasbourg, Maurice Thorez conclue : « A Madagascar, comme dans d’autres parties de l’Union Française, certaines puissances étrangères ne se privent pas d’intriguer contre notre pays. »

A Madagascar, l’attitude des organisations de gauche ne vaut pas mieux. Le 8 avril, ils envoient à Ramadier, président du Conseil, le télégramme suivant : « Les comités et groupes suivants, France combattante, Union rationaliste, CGT, Ligue des droits de l’homme, Groupes d’études communistes, Fédération socialiste, soucieux de traduire l’opinion de tous les Français et Malgaches unis dans un sincère désir de construire une véritable Union française, profondément indignés des troubles actuels, s’inclinent devant les victimes, condamnent toute la réaction factieuse, approuvent les mesures prises par l’autorité civile et lui font confiance pour rétablir l’ordre dans la légalité démocratique et poursuivre l’œuvre constructive vers une véritable union. »

L’opposition démocratique malgache, elle, avait été accusée d’avoir organisé la révolte, accusation totalement infondée en ce qui concerne sa direction. Les dirigeants du M.D.R.M (Mouvement démocratique de rénovation malgache) n’étaient nullement politiquement de taille à vouloir une insurrection contre le colonialisme français. Il s’agissait tout au plus de politiciens libéraux. Mais il fallait bien que le pouvoir trouve des coupables ayant manipulé les masses malgaches. Dès le lendemain de l’insurrection des 29-30 mars, ses dirigeants sont arrêtés et torturés. Le MDRM avait déclaré : « Les événements du 30 mars apparaissent comme le fait d’éléments ou de groupes isolés de la population ayant agi spontanément sous la pression des souffrances endurées et des persécutions subies. » M de Coppet, Haut commissaire à Madagascar, déclare : « Le M.D.R.M est le responsable des troubles à Madagascar. La preuve de la préméditation des crimes est établie, c’est là un coup préparé minutieusement et de longue date. » Le 26 mars, le M.D.R.M collait une affiche appelant les populations au calme. Pourtant, le 7 mai, déjà 13.000 militants de ce parti sont arrêtés et torturés et les députés sont inculpés de crime et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il en résultera dix condamnations à mort et trois aux travaux forcés à perpétuité, qui se rajoutent à plus de cent mille morts. Même après l’indépendance, la mainmise de l’impérialisme français se maintiendra, notamment avec la mise en place de la dictature de Tsiranana.

A Paris, à la suite de la pression des états généraux de la colonisation française, les parlementaires – dont ceux du PCF – votaient et faisaient approuver la constitution colonialiste de la quatrième république. L’assimilation était la règle : Madagascar était intégrée d’office, en tant que territoire d’outre-mer, dans la République française « une et indivisible » ; les Malgaches étaient désormais « citoyens français ».

Dans la métropole, les dirigeants du mouvement ouvrier ne manifestent visiblement aucune sympathie vis-à-vis des insurgés, mais prononcent au contraire une condamnation sans appel. L’une des plus sanglantes intervention militaire de l’impérialisme français commence sous un gouvernement à direction socialiste, auquel, jusqu’au 5 mai, participe largement le PCF. Ce dernier occupe, entre autres, le ministère de la Défense nationale (François Billoux). (…) Le Parti communiste, remarquait Le Monde du 18 avril, n’avait (….) Manifesté aucune opposition catégorique à l’envoi de renforts comme à la répression des émeutes. » (…)
Tandis que Madagascar n’arrivait plus à enterrer ses morts, le chef du groupe parlementaire PCF invoquait le « courant de liberté » que représentait l’impérialisme français, appelait à l’union sacrée pour défendre les droits de son pays à opprimer d’autres peuples : « Je le dis, et c’est là note sentiment profond : la France a des positions dans le monde, tous les Français et j’ajoute tous les peuples associés, nous avons intérêt que la France puisse maintenir ses positions. Mais nous serions bien aveugles si nous ne tenions pas compte de ce fait important, à savoir que les positions françaises dans le monde sont terriblement convoitées. » (débat au parlement le 9 mai 1947)

Il en allait de même en Algérie.

Après le débarquement des alliés au Maghreb, le 8 novembre 1942, et la publication du Manifeste de la liberté en février 1943, les communistes français et algériens dénoncèrent les revendications portées par l’ensemble du mouvement national algérien. Selon eux, il s’agissait de « faux nationalistes » et de « fils rejetons de féodaux ou de gros bourgeois rétrogrades ». Ces « faux nationalistes » étaient accusés « d’avoir abandonné le bourricot nazi pour monter le bateau de la Charte de l’Atlantique ». Dans L’Humanité du 25 octobre 1944, Dumois dénonçait ceux qui réclamaient l’indépendance de l’Algérie et « la bande d’apaches et de malfaiteurs qui, à la solde du fascisme et sous couvert de religion, suscitait des incidents anti-alcooliques ». Par ces termes racistes et insultants, l’auteur visait les militants nationalistes du PPA et de l’Association des oulémas qui menaient une campagne contre la consommation d’alcool auprès de la population algérienne.

Alors que le Parti Communiste Français, qui participe au gouvernement, soutient le colonialisme, le PCA déclare :

« Frères musulmans, le peuple de France lutte contre tes ennemis : le fascisme et les trusts qui oppriment l’Algérie en même temps qu’ils trahissent la France (…) dans cette lutte, une France nouvelle se crée, qui n’aura rien de commun avec celle d’hier. (…) Ton intérêt propre est donc d’aider cette France nouvelle à se créer, à se forger, car c’est le chemin de salut pour toi. »
(extrait de « Le PCA au service de la population d’Algérie », rapport de Amar Ouzegane à la conférence centrale du PCA à Alger le 23 septembre 1944).

Plus grave encore, à partir du printemps 1945, l’accusation de collusion avec le fascisme ne servit plus uniquement à justifier la répression menée contre les dirigeants nationalistes, mais aussi à légitimer des crimes de masse contre l’ensemble de la population algérienne. Le très colonial principe de responsabilité collective permettait le glissement d’une répression « ciblée » contre des militants politiques organisés, à un vaste châtiment collectif contre la masse informe des colonisés.

Suite à la répression des manifestions du 1er mai 1945 à Alger, Oran et Blida, qui avait fait plusieurs morts, la CGT et le Parti communiste accusèrent le PPA d’avoir fomenté « une provocation ». Dans un tract diffusé le 3 mai 1945, le Parti communiste rappelait que le 1ier mai 1945 avait été une « grandiose journée » de « lutte républicaine et anti-fasciste » perturbée par « des hommes à la solde de l’ennemi » qui « ont fait couler le sang innocent ». Le tract ajoutait que la « provocation » venait « du PPA qui prend ses mots d’ordre à Berlin chez Hitler ». Selon les communistes, le Parti du peuple algérien était « le parti qui applique en Algérie les mots d’ordre que donnent les hitlériens à la radio nazie ».

La justification de la répression sanglante des manifestations du 1er mai 1945 par l’administration coloniale, et l’association des militants nationalistes révolutionnaires algériens au nazisme, ouvraient la porte à la légitimation d’un crime de masse d’une toute autre ampleur : les massacres du nord-constantinois survenus après les manifestations du 8 mai 1945. Durant près de deux mois, des milliers d’Algériennes et d’Algériens de tous âges furent victimes de la politique éradicatrice menée par un gouvernement français, qui comportait en son sein toutes les tendances politiques ayant participé à la résistance à l’occupation nazie. En effet, ces terribles massacres furent l’œuvre du Gouvernement provisoire de la République française. En raison de cette configuration politique, la répression ne pouvait se faire qu’au nom de la lutte contre des « agitateurs hitlériens » et autres « suppôts du fascisme », contre qui l’emploi de la force devenait totalement légitime.

Les émeutes et les pogromes de 1945 en Algérie (Sétif et le Constantinois) sont l’occasion pour le PCF de traiter les nationalistes et les révoltés de fascistes.

Le 8 mai 1945, dans toute l’Algérie, devait être célébré l’armistice. Des cérémonies officielles avaient été prévues. La population, épuisée par la guerre, révoltée contre le colonialisme français, n’entendait pas revenir sous sa coupe à la fin de la guerre. Le jour de l’armistice, eurent lieu dans plusieurs villes des manifestations d’ampleur et de forme diverses. A Bône et Didjelli, les manifestations se joignirent au cortège officiel et déployèrent leurs propres banderoles. Des défilés analogues furent organisés à Batna, Biskra, Kenchela, Blida, Berrouaghia et Bel-Abbès. A Saïda, la mairie fut incendiée. A Alger, les fidèles n’assistèrent pas à la cérémonie officielle de la Grande Mosquée. Les incidents les plus graves eurent lieu à Sétif et Guelma. A Guelma, peu de musulmans avaient assisté aux cérémonies officielles : les comité des AML organisait sa propre manifestation avec des mots d’ordre tels que « Vive la démocratie ! », « A bas l’impérialisme ! », « Vive l’Algérie indépendante ! ». La police tira sur la foule. A Sétif, un cortège de quinze mille personnes se dirigeait vers le monument aux morts afin d’y déposer une gerbe, arborant pour la première fois le drapeau algérien vert et blanc. Les manifestants brandissaient des pancartes et des banderoles : « Démocratie pour tous ! », « Libérez Messali ! », « Libérez nos leaders emprisonnés ! », « Vive la victoire alliée ! », « Vive l’Algérie indépendante ! », « A bas le colonialisme ! », « Pour une Constituante algérienne souveraine ! ». La police ouvrit le feu à la suite d’un ordre du sous-préfet de retirer pancartes et banderoles. Ces manifestations furent le point de départ d’un soulèvement qui s’étendit à la Kabylie des Babords, se propagea dans une grande partie de la région du Constantinois. Des messagers allaient dans les campagnes, les villages les plus reculés, pour faire le récit des manifestations de Sétif et Guelma et de leur répression.

Dirigée par le général Duval, la répression du soulèvement du Constantinois fut d’une sauvagerie indescriptible. Dans un message à l’ONU, Messali Hadj dira des événements du Constantinois qu’ils « ont coûté plus de quarante mille victimes au peuple algérien. » (…) Comment ces massacres furent-ils justifiés par les autorités et acceptés par l’opinion de la métropole ? La version officielle du gouvernement de l’Algérie, version qui fut également celle des trois partis politiques au pouvoir sous la tête gaulliste (MRP, SFIO et PCF) était la suivante : le soulèvement du Constantinois était un « complot fasciste » accompli par des « agents hitlériens ». L’armée n’était dépêchée que pour « poursuivre l’action patriotique de nettoyage ».

Le 11 mai 1945, « L’Humanité » relatait les événements du 8 en rapportant la déclaration du gouvernement général : « Des éléments troubles d’inspiration hitlérienne se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation hitlérienne. La police, aidée de l’armée, maintient l’ordre. »

En publiant sans réserves ces propos sous le titre : « A Sétif, attentat fasciste le jour de la victoire », le quotidien du PCF accréditait la version de l’administration coloniale. Le 12 mai, le Comité central du PCF, prenant une position sans nuances, recommandait explicitement une répression rapide et impitoyable.

Il publiait immédiatement la révolution suivante : « Il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute. »

L’Humanité du 19 mai 1945 enfonce le clou :

« Ce qu’il faut, c’est punir comme ils le méritent les meneurs hitlériens ayant participé aux évènements du 8 mai et les chefs pseudo-nationalistes qui ont essayé de tromper les masses musulmanes, faisant aussi le jeu des 100 seigneurs dans leur tentative de rupture entre les populations algériennes et le peuple de France. »

Sur une distance de 150 kilomètres, de Sétif à la mer, la loi martiale fut proclamée. La troupe reçut l’ordre de tirer sans sommation « sur le burnous ». Tout arabe ne portant pas le brassard réglementaire était abattu (témoignage de Charles-André Julien dans « L’Afrique du Nord »). Les légionnaires furent autorisés à massacrer toute la population arabe de Sétif et même ailleurs, où aucune manifestation n’avait eu lieu. A Villard, pendant deux jours, une batterie de 75 bombarda les douars environnants. A Saint-Armand, les soldats eurent pour mission de raser tous les villages se trouvant à 15 kilomètres des centres de colonisation. Périgotville et Chevreuil furent entièrement détruits. L’aviation bombardait et mitraillait à l’intérieur, tandis que les navires de guerre canonnaient des villages côtiers. D’après ce que reconnut le général Weiss, il y eut, en quinze jours, vingt actions aériennes contre la population. Les avions détruisirent 44 mechtas (groupe de maisons pouvant aller de 50 à 1000 habitants). La marine intervint devant Bougie et à Djijeli. Le croiseur Dugay-Trouin, venu de Bône, fut employé au bombardement des environs de Kerrata. Le douar Tararest fut rasé. Des douars entiers disparurent. A Guelma, la réaction viscérale de la population européenne, sous l’initiative du sous-préfet, mena à l’organisation d’une milice.

Le comité de vigilance, qui recrutait et contrôlait la milice, comportait une forte majorité de combattants de la « France combattante », y compris deux responsables du Parti communiste algérien, ainsi que le secrétaire de l’Union locale de la CGT. Dans ce qui fut l’une des opérations de représailles les plus meurtrières de mai 1945, les miliciens massacrèrent entre 500 et 700 « musulmans ». Le mouvement syndical de la métropole, par l’intermédiaire de son principal représentant, la CGT, adopte des positions voisines du PCF afin de « souligner l’action courageuse et magnifique des organisations syndicales d’Algérie pour empêcher que le mouvement ne s’étende à d’autres régions. »

La révolte a éclaté en 1945 en Algérie, alors que les travailleurs et les masses populaires ne disposent d’aucune organisation favorable à une révolution sociale renversant le colonialisme. Le plus important parti dans les masses populaires, algériennes comme pied-noires, est le Parti Communiste Algérien.

Le parti communiste français, en France comme en Algérie, va dénoncer la lutte d’indépendance comme « fasciste ». L’Humanité affirmait : « A Sétif, attentat fasciste le jour de la victoire » : « Des éléments troubles d’inspiration hitlérienne se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation hitlérienne. La police, aidée de l’armée, maintient l’ordre ».

L’Humanité du 12 mai 1945 dénonçait les organisations nationalistes en écrivant : « les instruments criminels de la grosse colonisation sont le MTLD et le PPA et ses chefs, tels Messali et les mouchards à sa solde, qui, lorsque la France était sous la domination nazie, n’ont rien dit et rien fait et qui, maintenant, réclament l’indépendance. Ce qu’il faut, c’est châtier impitoyablement les organisateurs de troubles ».

Le 6 mai 1945, la France avait fait débarquer en Syrie, où elle gardait des bases militaires, des renforts de troupes, ce qui provoqua de violentes réactions populaires, et le 8 mai, le jour même de l’armistice, il y eut des attaques contre les garnisons françaises. Le 28 mai tous les postes français furent attaqués à Damas. Le gouvernement français répondit en faisant bombarder la capitale syrienne, faisant près de 500 morts dont 400 civils.

L’Humanité du 29 mai 1945 proposait à la classe ouvrière française l’explication suivante des événements de Syrie : « Des informations concordantes émanant de diverses sources permettent d’affirmer que des éléments doriotistes agissant dans divers milieux et de divers côtés ont joué un rôle particulièrement important dans ces regrettables événements. »

Le 30 mai 1945, l’Humanité analysait de même les événements de la façon suivante : « Ces désordres ont été organisés par des agents doriotistes du PPF en Syrie qui ne cherchent qu’à nuire à l’entente des peuples de France, de Syrie et du Liban ».

Ainsi, l’organe de la SFIO, Le Populaire, daté du 12 mai 1945, écrivait :

« Des troubles se sont produits, des villages ont été occupés avec la complicité du parti populaire arabe [pour le Parti du peuple algérien], des agents hitlériens encore très nombreux et enfin de sectes religieuses qui cherchent leur mot d’ordre auprès des agitateurs panarabes du Caire ».
Dans son édition du 12 mai 1945, L’Humanité appela à « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de mains qui ont dirigé l’émeute ». Le 31 mai 1945, le journal communiste recommandait de « punir comme ils le méritent les tueurs hitlériens ayant participé aux évènements de mai 1945, et les chefs pseudo-nationalistes ». Le PCF, pour qui l’aspiration à l’indépendance restait totalement étrangère à la population algérienne, se félicita des sanctions prises contre Messali Hadj, Ferhat Abbas et le cheikh Bachir El Ibrahimi, ainsi que de la dissolution des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML).

Le 12 mai, L’Humanité annonce des troubles en Algérie, spécialement à Sétif ; elle signale « le rôle de quelques éléments provocateurs au sein de la population algérienne [...] ; la population affamée a été poussée à des violences par des provocateurs bien connus de l’administration. » Le 13, un communiqué du gouverneur général de l’Algérie met en cause « des éléments d’inspiration et de méthodes hitlériennes ». Regrettant que toute la responsabilité soit rejetée sur les musulmans, l’organe central du PC commente : « Qu’il y ait, parmi eux, quelques hitlériens, c’est d’autant plus évident que le chef pseudo-nationaliste Bourguiba était en Allemagne au moment de la capitulation hitlérienne et vient d’arriver dans un pays d’Afrique du Nord. »

Le 15, L’Humanité réitère : « Les agents provocateurs sont parfaitement connus de l’administration algérienne »

Le 16, une note du ministère de l’Intérieur, reproduite dans la presse, rejette la responsabilité des événements sur le PPA et sur l’AML. L’Humanité commente : « Le communiqué accuse les Amis du Manifeste d’avoir poussé à la révolte. En supposant qu’il y ait du vrai dans cette affirmation, pourquoi donc le gouvernement général a-t-il autorisé la parution du journal de cette organisation (Égalité) dont nous possédons le numéro du 4 mai ? Le directeur des affaires indigènes tient donc à ce qu’on fasse appel à la révolte. »
Le Parti communiste algérien, qui restait formellement indépendant mais qui, dans les faits, s’alignait intégralement sur la politique du Parti communiste français, reprenait mot pour mot le vocabulaire antifasciste de ses camarades parisiens. Sa presse reproduisait intégralement les analyses du PCF, qui faisaient office de directives politiques à suivre. Dans le numéro du 17 mai 1945 de Liberté, « Un appel de la délégation du PCF en Afrique du Nord » n’hésitait pas à faire de la surenchère colonialiste et répressive :

« Ce qu’il faut faire tout de suite : châtier rapidement et impitoyablement les organisateurs des troubles. Passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute. Il ne s’agit pas de vengeance ni de répression, il s’agit de mesures de justice. Il s’agit de mesures de sécurité pour le pays ».

Pour le PCA, qui ne faisait finalement que suivre le PCF, les manifestations nationalistes n’étaient que des « complots hitlériens », et toutes les répressions, même les plus sanglantes, devenaient automatiquement légitimes.

Le 19 mai, L’Humanité prend la défense des musulmans, du moins de ceux des campagnes, en ces termes : « Les musulmans des campagnes [...] n’ont pas pris la moindre part aux agissements d’une poignée de tueurs à gages dont les chefs sont connus comme mouchards. » Et elle indique la solution : « Ce qu’il faut, c’est punir comme ils le méritent les tueurs hitlériens ayant participé aux événements du 8 mai et les chefs pseudo-nationalistes qui ont sciemment essayé de tromper les masses musulmanes, faisant ainsi le jeu des 100 seigneurs dans leur tentative de rupture entre les populations algériennes et le peuple de France. »

Le 20 mai, le comité central du PCF, réuni en session extraordinaire, s’adresse au Parti communiste algérien. Selon lui, les événements montrent que « les provocations des 100 seigneurs de la terre, des mines et de la banque, disposant d’agents directs ou inconscients dans certains milieux musulmans qui se prétendent nationalistes, ont pu être déjouées partout où le PC algérien possède des organisations puissantes. Le PC algérien remplit ainsi sa grande tâche de rassembler les populations algériennes sans distinction de race ni de religion dans la lutte contre les traîtres et les diviseurs et dans une alliance étroite avec le peuple de France contre l’ennemi commun, le fascisme. »

Dans les colonnes de Fraternité, du 17 mai 1945, les socialistes blâmèrent ceux qui « avaient sali la grande heure de la Victoire des démocraties » et estimèrent que « la grande masse des populations musulmanes n’avait pas encore atteint le degré d’évolution minimum nécessaire pour justifier les revendications du Manifeste ; le fait que les élites dirigeantes aient organisé et déclenché ce mouvement n’indique pas non plus que celles-ci ont une maturité politique ».

De son côté, le Parti communiste français dénonçait l’action « d’agents secrets hitlériens et d’autres agents camouflés dans des organisations, qui se prétendent démocratiques, au service de l’impérialisme fasciste ».

Suivant la ligne politique du PCF, le 31 mai 1945, le premier secrétaire du Parti communiste algérien dénonça « la collusion criminelle des faux nationalistes du PPA avec la Haute Administration non épurée et les soutiens du fascisme ». L’organe du PCA, Liberté, évoquait un « complot fasciste », dont les militants du PPA étaient les principaux agents.

Certains cadres du PCA n’hésitèrent pas à se rendre en délégation auprès du gouvernement général pour appuyer la répression. Le numéro du 17 mai 1945 de Liberté donnait un compte-rendu précis d’une rencontre entre une délégation du PCA et le chef du cabinet politique et diplomatique du gouverneur général. Le compte-rendu expliquait que la délégation de cadres communistes s’était « entretenue des provocations des agents hitlériens du PPA, du PPF et d’autres agents camouflés dans des organisations qui se prétendent démocratiques… Cette coalition criminelle, après avoir tenté vainement de faire couler le sang… Elle a souligné que le but recherché par cette coalition criminelle est de provoquer une guerre civile] ». Non satisfait de ce type d’appel aux meurtres, à Guelma, au nom de la lutte contre le fascisme, certains communistes participèrent directement à la répression en organisant des milices chargées d’appuyer les forces coloniales.

Si la situation était révolutionnaire en Algérie à la fin de la deuxième guerre mondiale, en Algérie comme sur une bonne partie de la planète, l’inexistence de partis révolutionnaires était aussi très générale et détruisait l’essentiel des possibilités de la situation. La révolte a éclaté en 1945 en Algérie, alors que les travailleurs et les masses populaires ne disposent d’aucune organisation favorable à une révolution sociale renversant le colonialisme. Le plus important parti dans les masses populaires, algériennes comme pied-noires, est le Parti Communiste Algérien.

Il va dénoncer la lutte d’indépendance comme « fasciste ». Le PPA, parti nationaliste de Messali Hadj, qui avait des origines communistes (L’Etoile Nord-africaine), choisit tactiquement de jouer le jeu des élections dans le cadre colonial, comme l’avait fait l’Association du Manifeste et de la Liberté de Ferhat Abbas. Même sa frange paramilitaire, l’Organisation Spéciale, dirigée par Ben Bella et Aït Ahmed, plus portée sur l’action directe comme le montrera son évolution en FLN, affirme qu’il ne fallait pas faire la révolution sociale, pas de soulèvement en masse, en 1945. Le rapport de l’OS en 1947 sur l’analyse des événements de 1945 dans le Constantinois et dans toute l’Algérie, dont voici quelques extraits, est édifiant sur le caractère contre-révolutionnaire de la petite bourgeoisie nationaliste radicale :

En août 1947, le ministre PS Depreux rédige un statut pour l’Algérie qui instaure deux collèges électoraux : le premier comprend les « citoyens français de plein droit » et 58 000 « citoyens de statut local » parmi les « musulmans » ; le second réunit 1 300 000 « musulmans » qui élisent une Assemblée algérienne. Une voix d’Européen vaut ainsi huit voix d’Arabes. Le PCF s’abstient :

« Dans le moment présent, « l’indépendance » de l’Algérie constituerait à la fois un leurre et une consolidation des bases de l’impérialisme en Algérie et dans le monde : les communistes condamnent cette position fausse… Nous sommes en effet convaincus que l’Union française, malgré toutes les imperfections… donne actuellement aux peuples d’Outre-mer la seule possibilité de marcher sûrement à la conquête de la liberté et de la démocratie. » (Cahiers du communisme, septembre 1947, p. 869)

Rappelons l’article de Léon Feix, dans les Cahiers du communisme de septembre 1947. L’indépendance de l’Algérie n’y est pas considérée comme souhaitable, ni même comme inévitable : elle est présentée comme une solution fausse, une thèse condamnable, que les communistes doivent rejeter :

« La thèse de l’indépendance immédiate de l’Algérie, préconisée par le Parti du Peuple algérien (PPA) conduirait aux pires déboires. La situation actuelle de l’Algérie, pays colonial dont l’économie a été volontairement maintenue dans un état arriéré, le ferait passer immédiatement sous la coupe des trusts américains. » Et plus loin : « Les communistes ne sauraient soutenir la fraction du mouvement national algérien qui préconise pour ce pays l’indépendance immédiate, car cette revendication ne sert pas les intérêts de l’Algérie et de la France. »

En 1954 commence la guerre d’Algérie.

Le 2 Mars 1956, le Bureau politique du P.C.F. publie une déclaration qui sera à la base de la lutte du P.C.F. à un moment où il escompte sortir de l’isolement : « Nous sommes pour l’existence et pour la permanence des liens politiques, économiques et culturels, particuliers entre la France st l’Algérie... »

En janvier 1956, la coalition de « Front républicain », composée essentiellement de socialistes et de radicaux, gagna les élections avec 30% des voix et 170 députés, grâce à une campagne pour « la paix en Algérie ». Le dirigeant du Parti Socialiste Guy Mollet se retrouva à la tête du gouvernement avec le soutien du Parti Communiste (qui représentait 26% des voix et 150députés). Pourtant si Guy Mollet prétendait que « l’objectif de la France, la volonté du gouvernement c’est avant tout de rétablir la paix », il ajoutait également : « Dans l’immédiat, le potentiel militaire des forces déployées en Algérie ne peut encore être diminué. Les besoins des troupes seront satisfaits et leur relève assurée. » Mais le PCF fit comme s’il n’avait pas entendu.

Le 12 mars 1956, les pouvoirs spéciaux furent votés avec l’apport du PCF. Ce vote signifiait pourtant la suspension de toutes les libertés individuelles en Algérie et l’intensification de la répression.

Le 11 avril 1956, le gouvernement du socialiste Guy Mollet décidait de rappeler 70000 soldats du contingent « disponibles » pour intensifier la guerre contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. Le service militaire passait de 18 mois à 27 mois.

Les manifestations de rappelés commencèrent dans les jours qui suivirent cette décision. La plupart de ces soldats avaient un travail et n’avaient aucune envie de quitter leur famille, ni de risquer de se faire tuer pour une guerre dont ils pensaient qu’elle ne les concernait pas. Ils bénéficiaient souvent du soutien d’une partie de la population. Parfois, dans une usine, quand un ouvrier recevait sa feuille de route, les ouvriers débrayaient en signe de protestation.

Comme en 1955, les rappelés tentaient de bloquer les trains, refusaient de monter, saccageaient la gare, insultaient les officiers et, une fois dans le train, tiraient les sonnettes d’alarme pour l’arrêter. Ce fut le cas le mercredi 18avril à Vauvert dans le Gard, où un millier de personnes bloquèrent l’autorail qui devait emmener les douze rappelés de la commune. Des faits similaires se produisirent le 3mai à Lésignan, le 10mai à Saint-Aignan-des-Noyers dans le Loir-et-Cher, le 17mai au Mans. Le 18mai, à Grenoble, des milliers de manifestants s’opposèrent au départ d’un train de rappelés. Le même jour, 700rappelés mettaient à sac la gare de Dreux aux cris de « Lacoste au poteau » (Lacoste était le ministre socialiste résident à Alger), « Mollet au poteau ».

Dans les ports aussi des mouvements eurent lieu, le 24 mai au Havre, le 28 mai à Saint-Nazaire où 8000 ouvriers débrayèrent et manifestèrent à la gare avec 200 rappelés du contingent. Et cela continua durant tout le mois de juin et au début juillet. Partout, on assistait à peu près au même scénario : des manifestants accompagnaient les rappelés en bloquant les voies, en coulant du ciment dans les aiguillages ou en décrochant les attelages des voitures. Souvent suivaient des affrontements avec les CRS.

Les casernes connurent aussi des troubles. Le 19 mai, les soldats rappelés du 92e RI forcèrent les grilles de la caserne de Montluçon à près de 800. Le même jour, à Évreux, cinq cents rappelés du 9erégiment d’infanterie coloniale manifestèrent dans les rues et à l’intérieur de la caserne aux cris de : « Pas d’envoi de disponibles ! », « Paix en Algérie ». Le 8 juillet encore, au camp de Mourmelon, trois mille rappelés conspuèrent leurs officiers et prirent le contrôle du camp et du dépôt d’armes.

Ces explosions étaient aussi brèves que soudaines, et les rappelés finissaient par partir. Hormis quelques rares cas de soldats qui refusèrent de combattre, ils se retrouvèrent pris dans l’engrenage de cette « sale guerre » coloniale. Et de 200000 hommes début 1956, les troupes en Algérie passèrent à 450000 en juillet 1956, et à 500000 en 1957.

Les rappelés se battaient sans soutien des syndicats, ni des partis. De ce fait, une fois l’explosion de colère passée, ils ne savaient pas quoi faire de plus. Certes, il se trouva nombre de militants ouvriers, de syndicalistes, de militants du Parti Communiste pour initier ces mouvements, et même pour les organiser. Mais ces militants étaient aussi livrés à eux-mêmes.

Ne parlons pas du Parti Socialiste qui était au pouvoir et dont le dirigeant, Guy Mollet, avait pris l’initiative d’intensifier la guerre. Mais le PCF, qui condamnait la guerre en parole, dans les colonnes de l’Humanité, n’entreprit rien pour gêner le gouvernement. Son vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, que le PCF justifia par la nécessité de préserver l’unité entre ouvriers communistes et socialistes, signifiait clairement qu’il comptait lui laisser carte blanche pour faire la guerre. En fait, le Parti Communiste voulait se préserver des chances pour gouverner à nouveau avec les socialistes.

Même sa propagande était limitée. Le PCF réclamait la « paix en Algérie », des « négociations pour un cessez-le-feu » et dénonçait la répression. L’Algérie était une « nation en formation ». Il parlait du « fait national algérien ». En un mot, il ne prenait pas clairement position pour l’indépendance immédiate et sans condition de l’Algérie. Le Parti Communiste ne chercha pas à appuyer les manifestations, à les coordonner, à donner des perspectives concrètes à tous ces militants qui tentaient de réagir comme ils le pouvaient. Ce faisant, il écœura nombre de militants ouvriers français, parmi les rappelés en particulier, qui se sentaient à juste titre « lâchés ».

Au plus fort des manifestations des rappelés, on pouvait lire dans l’Humanité daté du 30 mai 1956 : « Ce qu’il faut faire ? On l’entend journellement dans les gares, on le lit sur les murs : c’est négocier avec ceux qui peuvent faire taire les armes, avec ceux contre qui on se bat. Dans les jours à venir, des millions de Français s’emploieront à le faire savoir aux députés. » Voilà tout ce que proposait le PCF, l’organisation de délégations auprès de députés qui soutenaient Guy Mollet dans sa politique de répression !

Le Parti Communiste fit encore moins appel au reste de la classe ouvrière, qui seule pouvait paralyser l’effort de guerre. Là encore, il laissait les militants livrés à eux-mêmes.

Le PCF ne prit pas non plus d’initiatives en ce qui concernait la solidarité avec les travailleurs algériens en France, ou pour défendre les militants algériens contre la répression. Il laissa les travailleurs algériens réagir seuls, sans soutien des travailleurs français, contribuant à creuser le fossé entre travailleurs algériens et travailleurs français. Ce fut le cas le 5juillet 1956, lorsque les travailleurs algériens furent appelés à faire une journée de grève générale en Algérie et en France. L’Humanité en fit le compte rendu : 3000 ouvriers algériens en grève à Renault, 1100 chez Panhard, également à Citroën, à Chausson. La liste était longue, mais le PCF n’avait pas appelé les travailleurs français à les rejoindre dans cette grève. L’attitude générale de la CGT, liée au PCF, fut identique.

Dans son discours à l’Assemblée du 20 Mars 1957, L. Casanova résume clairement cette politique :
« Notre parti tient compte des données de fait complémentaires que voici, d’abord l’existence entre la France et l’Algérie de liens historiques concrets. Ensuite, la présence sur le sol d’Afrique, depuis plusieurs générations d’une population algérienne d’origine française et européenne dont les intérêts n’ont rien à voir avec le colonialisme. Enfin, l’assistance dont les peuples nouvellement émancipés ont besoin pour combler le retard que le régime colonial leur a imposé ».

A partir de telles prémisses, le P.C.F. se prononce (Fajon, 13-4-56) « pour l’existence de liens durables entre la France et l’Algérie dans l’ordre politique, économique et culture ! au sein d’une véritable Union Française ».

En 1956, dans les Cahiers du Communisme, L. Feix explicite les fondements doctrinaux de l’attitude du P.C.F. :

« Certains dirigeants nationalistes préconisent la fusion des trois pays au sein d’un Maghreb arabe ou musulman, lié à tous les pays arabes ou musulmans, depuis le Maroc jusqu’au Pakistan. C’est là une vieille idée de la Ligue arabe, reprise et impulsée par les milieux bourgeois dirigeants du Caire et de Karachi... Voilà longtemps que Lénine et Staline ont montré le caractère forcément réactionnaire des courants basés sur la race ou la religion. Il est tout naturel que les Algériens, les Tunisiens, les Marocains éprouvent les uns pour les autres des sentiments fraternels. Il est également naturel qu’ils éprouvent une grande sympathie pour les peuples du Proche et du Moyen-Orient, tant en raison de la communauté de religion et de la similitude de langue, que du soutien qu’ils ont reçu de ces peuples au cours de ces dernières années. Mais cela ne justifie pas une communauté politique contre laquelle jouent tant d’éléments historiques, géographiques, économiques et autres. Une autre voie est possible ou mieux, encore possible, pour les peuples d’Afrique du Nord : la voie de l’Union Française ».

« S’il est possible pour les Français en Alsace et en Lorraine d’avoir un statut religieux spécial... pourquoi l’ayant admis une fois dans l’esprit de l’unité française, ne pourrions-nous le consentir pour la même raison aux musulmans d’Algérie ? »

« Unir tous les hommes qui veulent vivre libres... tous les Français de France et tous les Français d’Algérie, les Français naturalisés, les israélites et vous aussi les musulmans arabes et berbères, tous les fils unis par le sang, du moins par le cœur de la grande révolution française ».

« Le droit au divorce n’entraîne pas l’obligation de divorcer », affirme M. Thorez qui conclut à la nécessité de l’union.

Le PCF, comme la CGT, ne firent vraiment rien pour tenter d’arrêter cette guerre coloniale. En s’appuyant sur cette mobilisation des mois de mai et juin 1956, il aurait pourtant peut-être été possible d’y parvenir. L’immense majorité des rappelés voulait simplement ne pas partir. Mais, avec le soutien du reste de la classe ouvrière, il y avait peut-être une possibilité d’empêcher l’impérialisme français de mener à bien la répression contre le peuple algérien. En tout cas, même si cette tentative n’avait pas été couronnée de succès, cela aurait au moins permis que les travailleurs algériens n’aient pas le sentiment de ne rien avoir à attendre de la classe ouvrière française.

Les grandes organisations se réclamant de la classe ouvrière se firent de fait une fois de plus les complices de l’impérialisme français.

Messages

  • A propos des massacres des Algériens de Sétif, Guelma et du Constantinois par l’armée, la police et les colons français, Le Monde et L’Humanité publièrent le communiqué du gouvernement général de l’Algérie du 9 mai : « Des éléments troubles d’inspiration hitlérienne se sont livrés à Sétif à une agression à main armée contre la population qui célébrait la capitulation. La police aidée de l’armée maintient l’ordre et les autorités prennent toutes les décisions utiles pour assurer la sécurité et réprimer les tentatives de désordre. »

    Le Monde, 12 mai 1945 ; L’Humanité, 13 mai 1945.

  • Du point de vue de la gauche française, la répression était justifiée car il s’agissait de déjouer les menées fascistes. L’Humanité pouvait ainsi titrer : « A Sétif, attentat fasciste le jour de la victoire ».

    L’article poursuivait : « des éléments troubles d’inspiration hitlérienne se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation hitlérienne ».

    L’Humanité du 12 mai 1945 poursuivait : « les instruments criminels de la grosse colonisation sont le MTLD et le PPA et ses chefs, tels Messali et les mouchards à sa solde, qui, lorsque la France était sous la domination nazie, n’ont rien dit et rien fait et qui, maintenant, réclament l’indépendance. Ce qu’il faut, c’est châtier impitoyablement les organisateurs des troubles. »

  • Dès le début, dans les colonnes de L’Humanité, le parti stalinien déclarait que "les auteurs des troubles étaient d’inspiration et de méthodes hitlériennes." Il parlera aussi "de provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place".

    Le PC le 21 mai 1945, dans l’Humanité demande au gouvernement de “punir comme ils le méritent les chefs pseudo-nationalistes”.

    Le porte-parole du PCF, Etienne Fajon, déclarait encore à la tribune de l’assemblée nationale le 11 juillet : "les tueries de Guelma et de Sétif sont la manifestation d’un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes." Alors que de Gaulle avait demandé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer les agissements d’une minorité d’agitateurs", le bureau politique du PCF publiait un communiqué le 12 mai déclarant : "il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute" au nom de la défense "de la république française, métropole et territoires d’outre-mer, une et indivisible."

    Dans un tract signé par cinq membres du comité central et distribué sur le sol algérien, il appelle à une chasse aux sorcières et lance de véritables appels au meurtre et aux pogroms en exigeant de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute. Il ne s’agit pas de vengeance ni de représailles. Il s’agit de mesures de justice. Il s’agit de mesures de sécurité pour le pays".

    Ainsi une milice mise sur pied par le PC servit d’auxiliaire à la police et à l’armée contre les "rebelles musulmans". Et pour couronner le tout, c’est le ministre stalinien de l’aviation Charles Tillon ("héros de la Résistance" en tant qu’ex-chef des FTP), qui a directement ordonné le bombardement des régions de Sétif et de Guelma.

    Le PCF devait d’ailleurs continuer à jouer ce rôle au début de la guerre d’Algérie, notamment lorsqu’il vota le 12 mars 1956 les "pouvoirs spéciaux" au gouvernement du socialiste Guy Mollet qui allait donner les moyens à l’Etat français d’intensifier la guerre sur le sol algérien.

  • La première explosion de lutte de classe provoquée par la guerre, ce fut une vague de mutineries de soldats qui refusaient d’aller en Algérie ; dans beaucoup de cas, ils étaient appuyés par des grèves ouvrières. Ces manifestations, qui ont commencé en septembre 1955, moins d’un an après les premières attaques de guérilla du FLN, et ont duré à peu près jusqu’à juin 1956, ont touché des dizaines de villes françaises grandes et moyennes, impliquant souvent des centaines d’ouvriers dans des batailles rangées avec la police.

    Une des premières révoltes de soldats, et parmi les plus importantes, eut lieu à Rouen. Le 6 octobre 1955, il y eut une révolte de 600 soldats en bivouac à la caserne Richepanse, à Petit-Quevilly, sur le point d’être envoyés en Algérie. Ils chassèrent leurs officiers, mirent à sac leurs baraquements et barricadèrent les entrées. Le jour suivant, les dockers, les cheminots et d’autres ouvriers des usines environnantes, répondant à un tract distribué par la jeunesse du PCF et des syndicalistes de la CGT, se mirent en grève en soutien aux soldats. Lorsque les CRS essayèrent de reprendre la caserne, plusieurs milliers d’ouvriers les encerclèrent et firent pleuvoir des briques sur eux. Les affrontements se poursuivirent tard dans la nuit. Des tas de flics blessés étaient évacués des lieux, et 60 cars de CRS durent être dépêchés en renfort depuis d’autres villes.

    Au printemps 1956, les grèves de 24 heures contre la guerre commençaient à toucher des villes et des régions entières, surtout dans les régions minières, où il y avait une part importante d’ouvriers algériens parmi la main-d’oeuvre. Le 30 avril 1956, des ouvriers en grève, manifestant contre la guerre, paralysèrent la ville minière de Firminy pendant 24 heures. Le 9 mai, dans toute la région de la Loire, 9.000 mineurs débrayaient pendant 24 heures contre la guerre d’Algérie et pour des augmentations de salaire. Le 20 mai, Saint-Julien était paralysé par une grève d’une journée contre la guerre. Et une semaine plus tard, quelque 10.000 mineurs du bassin minier du Gard dans le sud de la France firent 24 heures de grève, appelant à un « cessez-le-feu » en Algérie, en plus de leurs revendications salariales.

    Le seul livre ou presque qui daigne mentionner un minimum ce mouvement sans précédent c’est la Guerre d’Algérie (1981) du PCF, en trois tomes, édité par Henri Alleg, ancien dirigeant du Parti communiste algérien. Mais Alleg ne cite les manifestations que pour mieux argumenter qu’elles avaient « une valeur surtout symbolique », « une ampleur limitée », et qu’elles « ont eu souvent une durée très limitée », que « les effectifs rassemblés sont souvent très limités ». En réalité, les dirigeants staliniens firent tout leur possible – dans le cadre de leur soutien au gouvernement de front populaire dirigé par les socialistes qui était en train d’intensifier brutalement la guerre –– pour empêcher les révoltes de soldats et d’ouvriers contre leurs officiers de se transformer en une lutte consciente contre le gouvernement, ce qui aurait pu conduire à une situation révolutionnaire. L’Humanité, journal du PCF, se contentait de publier une sorte d’encadré style « résultat des courses », en pages intérieures, contenant un résumé laconique des révoltes de la journée précédente (bien souvent, les militants du PCF n’entendaient parler des manifestations des villes voisines que lorsqu’ils étaient arrêtés et se retrouvaient en prison avec leurs camarades d’autres villes). Personne n’a essayé d’écrire l’histoire de cette formidable explosion de lutte de classe. En fait les seules traces écrites que nous ayons –– en attendant que les archives de la police et du PCF soient accessibles –– ce sont de brèves allusions dans l’Humanité et dans la presse bourgeoise, ainsi que des anecdotes publiées par d’anciens participants (la plus grande partie de ce que j’ai appris sur les événements de Rouen vient d’interviews avec un ancien participant, qui m’a donné des copies de vieilles coupures de journaux et des tracts).

    Les dirigeants de la classe ouvrière étant ceux qui soit directement menaient la guerre, soit soutenaient le gouvernement, les manifestations de soldats et d’ouvriers s’étiolèrent, mais les grèves sur des revendications économiques continuèrent de monter en flèche. En 1957, le nombre de grèves était supérieur à tout ce qu’il y avait eu depuis 1936, l’année de la grève générale (Edward Shorter et Charles Tilly, Strikes in France, 1830-1968 [Les grèves en France, 1830-1968], 1974). Il y avait une participation importante d’ouvriers algériens (qui étaient près d’un demi-million en France à la fin de la guerre), potentiellement un pont humain vers la lutte de classe en Algérie. Même le journal du PCF admettait que « les ouvriers algériens sont parmi les plus combatifs dans les luttes communes » (l’Algérien en France, octobre 1956).

    Pendant ce temps-là, l’Algérie était parcourue par une vague de grèves sans précédent, particulièrement des puissants dockers, qui paralysèrent le pays à plusieurs reprises (à part quelques références d’Alleg, il n’en est fait mention dans aucune des histoires de la guerre d’Algérie, y compris celles écrites par des nationalistes algériens). En décembre 1954, six semaines après les premières attaques de guérilla du FLN, les dockers d’Oran, parmi lesquels il y avait une forte minorité d’ouvriers d’origine européenne, refusaient de décharger des cargaisons d’armes destinées à l’armée française. Lorsque les dockers d’Oran furent lock-outés, les dockers d’Alger se mirent en grève en solidarité. En juin 1955, la police française attaqua une réunion syndicale à Philippeville [Skikda] et arrêta trois dirigeants syndicaux, provoquant une grève nationale des dockers qui paralysa tous les ports du pays pour plusieurs jours. En juillet 1956, le FLN et l’UGTA, la fédération syndicale qu’il venait de former et qu’il dirigeait, appelèrent à une grève générale de 24 heures pour marquer l’anniversaire de l’intervention coloniale française de 1830. Malgré l’explosion d’une bombe terroriste au quartier général de l’UGTA et l’arrestation de la direction de l’UGTA toute entière, ce fut la plus grande grève que l’Algérie ait jamais vue, démontrant clairement la puissance sociale de la classe ouvrière de ce pays, malgré sa taille relativement petite. Chose intéressante, la grève mobilisa aussi un nombre significatif d’ouvriers d’origine européenne. Des milliers d’ouvriers furent licenciés pour avoir participé à cette grève, y compris bon nombre d’ouvriers juifs et d’ouvriers d’origine européenne (l’Algérien en France, août 1956).

    Les ouvriers algériens continuèrent à se battre pendant tout l’automne de 1956. Le 10 août, une grève des dockers d’Alger contre un attentat terroriste dans la Casbah dura plusieurs jours et se transforma en grève générale de la capitale. Le 1er novembre 1956, jour anniversaire du début de l’insurrection du FLN, une grève générale appelée par l’UGTA paralysa la presque totalité du pays (et les ouvriers tunisiens s’y joignirent). Finalement, en janvier 1957, le FLN lança une grève générale catastrophique d’une semaine, tentative illusoire (et vaine) d’influencer un débat sur l’Algérie programmé à l’ONU. Le premier ministre socialiste, Guy Mollet, venait de donner à l’armée française les pleins pouvoirs en Algérie (par le décret des Pouvoirs spéciaux qui était passé avec le soutien du PCF), et la grève fut brutalement écrasée. Dans la vague de terreur qui s’ensuivit pendant plusieurs mois, et qui est connue sous le nom de « Bataille d’Alger », des milliers de personnes furent arrêtées, battues et torturées. Le FLN, bien que momentanément déraciné dans la capitale, allait continuer la lutte de guérilla dans les campagnes. Mais l’UGTA avait été écrasée. Durant le reste de la guerre d’indépendance, la classe ouvrière algérienne participera à bon nombre de grèves nationales appelées par le FLN, mais seulement en tant que partie du « peuple » sous une direction nationaliste petite-bourgeoise, et non plus comme une force de classe séparée avec ses propres organisations de masse.

  • le massacre de SETIF et de DAMAS en mai 1945, avec le gouvernement "provisoire" Français d’union nationale DE Gaulle+ PCF .

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