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Révoltes et révolutions des esclaves des Antilles et d’Amérique

lundi 5 octobre 2015, par Robert Paris

Révoltes et révolutions des esclaves des Antilles et d’Amérique

Alejo Carpentier écrit dans « Le siècle des lumières » :

« Maintenant les nègres d’Haïti veulent leur indépendance… De même qu’ils la veulent ici, en Guyane, rappelant qu’on y avait déjà maté deux conspirations d’esclaves… Etait affiché sur les murs de Cayenne : « Il n’y a plus de maîtres ni d’esclaves… Les citoyens connus jusqu’ici sous le nom de nègres marrons peuvent retourner aux côtés de leurs frères où ils trouveront sécurité et protection, et la joie que procure la jouissance des droits de l’homme. Ceux qui étaient esclaves peuvent traiter d’égal à égal avec leurs anciens maîtres dans les travaux à terminer ou à entreprendre. » (…) Il se mit à faire le décompte des soulèvements de Noirs qui, avec une terrifiante continuité, s’étaient succédé sur le continent… Le cycle avait été inauguré dans un roulement de tambours, au Venezuela, lorsque le nègre Miguel, se soulevant avec les mineurs de Buria, avait fondé un royaume sur des terres d’une si éblouissante blancheur qu’elles semblaient de cristal pilé…. Et puis ce fut le tour des tambours du Vallon des Nègres, à Mexico, et tout au long de la côte de Veracruz où le Vice-roi Martin Enriquez, voulant donner une leçon aux nègres marrons, ordonna de châtrer les fuyards « sans enquêter davantage sur leurs délits et leurs excès »… Ces tentatives avaient été éphémères, mais la solide Estacade des Palmeraies, fondée en pleine forêt brésilienne par le grand chef Ganga-Zumba, devait durer soixante-cinq ans. Sur ce fragile retranchement de bois et fibres se brisèrent plus de vingt expéditions militaires, hollandaises et portugaises, munies d’une artillerie inopérante contre des stratégies qui remettaient en honneur de vielles ruses de guerre numides, utilisant parfois des animaux pour semer la panique parmi les blancs. Invulnérable aux balles était Zumbi, neveu du roi Zumba, maréchal d’armée dont les hommes pouvaient marcher sur les toits de la forêt, pour tomber sur les colonnes ennemies comme des fruits mûrs… Et la guerre des Palmeraies devait durer quarante ans de plus, tandis que les nègres marrons de la Jamaïque fuyaient dans la brousse, et créaient un Etat libre qui devait durer presque un siècle. Il fallut que la couronne britannique fit des avances aux sauvages, pour traiter avec eux de gouvernement à gouvernement, promettant à leur chef, un robuste bossu appelé Old Cudjoe, la libération de tous ses gens, et la cession de mille cinq cents acres de terre… Dix ans plus tard, le tonnerre des tambours retentissait à Haïti : dans la région du Cap, le mahométan Mackandal, manchot à qui l’on attribuait des pouvoirs lycanthropiques, entreprenait une révolution par le poison, introduisant dans les maisons et les élevages des virus inconnus qui foudroyaient les hommes et les animaux domestiques. Le mandingue venait à peine d’être brûlé sur la place publique, que la Hollande dut réunir une armée de mercenaires européens pour combattre, dans les forêts vierges du Surinam, les terribles bandes de nègres marrons commandées par trois chefs populaires, Zan-zan, Boston et Araby, qui menaçaient de ruiner la colonie. Quatre campagnes épuisantes n’avaient pu venir complètement à but d’un monde secret, qui comprenait le langage des arbres, des peaux et des fibres, et qui s’éclipsa dans ses villages dissimulés au milieu de forêts enchevêtrées où l’on retourna à l’adoration des dieux ancestraux… Il semblait que l’ordre des Blancs fût rétabli sur le continent ; et cependant sept ans à peine auparavant, un autre nègre mahométan, Bouckman, s’était révolté dans le bois Caïman de Saint-Domingue, brûlant les maisons et ravageant les campagnes. Et il n’y avait pas trois ans que les nègres de la Jamaïque s’étaient soulevés à nouveau pour venger la condamnation de deux voleurs suppliciés à Trelawney-Town. Il avait fallu mobiliser les troupes de Fort-Royal et amener des meutes dressées à chasser l’homme, de Cuba à Montejo-Bay, pour étouffer cette révolte récente. En ce moment même les gens de couleur de Bahia faisaient retentir de nouveaux tambours, ceux de la « Rébellion des Tailleurs » qui réclamaient sur un rythme de macumba l’égalité et la fraternité : ainsi les tambours-Djuka se joignaient-ils à la révolution française elle-même… »

La lutte des esclaves s’est organisée dès le 16ème siècle, parfois. D’abord dans le refus d’intégrer la culture européenne qu’on tente de leur imposer : ils continuent de pratiquer leurs rites religieux et la première résistance se fait dans les chants, la danse, les traditions orales. Ils résistent aussi par le suicide, ou chez les femmes l’avortement. Puis vient le marronnage : ils fuient les plantations pour se réfugier dans les hauteurs des colonies. Les "marrons" (ou "maroons" en anglais) se réunissent dans des camps où certains restent pendant plusieurs années. Les colons organisent des patrouilles armées avec des chiens dressés à les retrouver, et ceux qui sont pris sont torturés, mutilés ou tués selon la durée du marronnage. Des textes officiels sont prévus en ce sens, comme le code noir.

Au Nord-Ouest de la Jamaïque, dans la région inaccessible de "Cockpit Country", ainsi qu’à l’est dans la région des "blue montains", se trouvent d’importants camps de marrons. Parmi leur leader Grandy Nanny est considérée comme la "mère des marrons" et fait aujourd’hui figure d’héroïne nationale en Jamaïque.

Les marrons de Cockpit Country organisent une guérilla afin d’obtenir leur autonomie. Ils signent en 1738 un traité de paix avec les autorités britanniques, en contre-partie duquel ils s’engagent à leur livrer tout nouvel esclave fugitif et à les aider à mater les révoltes.
Une autre forme de résistance, hantise des planteurs, est en effet la révolte des esclaves. Elles ont eu lieu dès le début du 16ème siècle dans toutes les colonies d’Amérique.

Parmi les insurrections d’esclaves, certaines se sont démarquées par leur ampleur et leurs conséquences.

En mai 1760, sous les ordres de Tacky, chef de tribu de Guinée, des centaines d’esclaves jamaïcains attaquent plusieurs habitations en tuant les colons. La révolte prenant de l’ampleur, les autorités britanniques demandent l’aide des marrons selon le traité de 1738. Tacky est tué, et des centaines d’esclaves préfèrent se suicider plutôt que de rejoindre les habitations.

Dans la nuit du 22 au 23 août 1791 éclate une violente insurrection à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Esclaves noirs et affranchis revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs.

C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de l’île ; la plus grande révolte servile de l’Histoire... et la seule qui ait réussi.

En 1791 la révolte des esclaves de Saint-Domingue débute en effet, menée par Toussaint Louverture. Au pied du mur, les commissaires de la République envoyés pour rétablir l’ordre libèrent les esclaves en 1793. La convention se soumet à cette décision et abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises en 1794. La Martinique, qui vient d’être prise par les anglais, n’applique pas le décret. En Guadeloupe il est appliqué, mais le travail forcé remplace l’esclavage. La Réunion et l’île de France (île Maurice) refusent d’appliquer le décret...

L’Espagne est encore loin de penser à l’abolition. La révolution de Saint-Domingue a profité à Cuba, qui est en passe de devenir le premier producteur mondial de sucre grâce à l’introduction massive d’esclaves. Les camps de marrons se développent et en 1796, les autorités coloniales mettent en place un règlement afin de combattre le marronnage.

Dans les colonies françaises, l’esclavage est rétabli par Napoléon Bonaparte devenu consul en 1802. Des commissaires civils sont chargés de se rendre dans les colonies pour faire appliquer ce décret.

En Guadeloupe, le métis Louis Delgrès organise la résistance.

A Saint-Domingue, Toussaint Louverture est fait prisonnier, et le combat est repris par Jean-Jacques Dessalines. Après la défaite de l’armée napoléonienne, la colonie devient la première république noire en 1804.

En 1822, une révolte éclate au Carbet, en Martinique. Des dizaines d’esclaves armés tuent et blessent plusieurs colons avant de s’enfuir. Parmi les 60 esclaves retrouvés par les autorités, une vingtaine aura la tête tranchée.

Certaines révoltes se sont transformées en véritables guerres, comme la "Baptist war" en Jamaïque en 1831, où 60.000 des 300.0000 esclaves se soulèvent pendant 10 jours avant d’être matés par les forces britanniques.

En Martinique, le libre de couleur Cyrille Bissette fait circuler en 1823 une brochure dénonçant les inégalités entre les libres de couleur et les Blancs. Arrêté, la cour royale le fait marquer au fer rouge et le condamne aux galères à perpétuité. Après avoir obtenu un allègement de sa peine, il fonde en 1834 La Revue des Colonies et se lance dans la lutte contre l’esclavage.

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Images de la révolte des esclaves

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