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Qui était le peintre surréaliste Georges Malkine ?

mardi 19 mai 2015, par Robert Paris

Qui était le peintre surréaliste Georges Malkine ?

Il a été le type le plus pur de l’aventurier surréaliste, refusant de s’astreindre à une carrière, jouant sa vie au hasard des chemins. Fils de la violoniste danoise Ingeborg Magnus, qui donna des concerts avec Saint-Saëns et Fritz Kreisler, il interrompit ses études au lycée Condorcet avant le baccalauréat ; et fut jeté dans une suite de tribulations, devenant vendeur de journaux, commissionnaire, comptable. En 1919, il se rendit sans argent au Cameroun pour chasser l’éléphant ; il dut renoncer sur place à son projet, et se fit embaucher à bord d’un caboteur croisant le long des côtes africaines. De retour en France, il travailla dans une entreprise de nettoyage urbain nommée « l’Urbanisme moderne », et fut chargé d’aller de ville en ville, avec une équipe de démonstrateurs pour proposer aux édiles des balayeuses et des arroseuses automatiques. En 1924, il fit la connaissance de Robert Desnos, avec qui il partagea un atelier à Paris, rue Blomet, où ils fumaient ensemble l’opium, et d’André Breton qui lui décerna un certificat de « surréalisme absolu ». Malkine s’adonna alors à la peinture, illustrant The Night of Loveless Nights de Desnos, faisant une série de tableaux poétiques ou abstraits (Une nuit d’amour, 1926 ; La Dame de pique, 1926) qu’il exposa en 1927 à la Galerie surréaliste, rue Jacques-Callot. Le succès de son exposition, loin de l’encourager, l’incita à repartir ; il s’embarqua pour l’Océanie, erra durant trois ans parmi les îles, et revint ruiné à Paris en s’employant comme plongeur sur un cargo. En 1932, il se transforma en acteur de cinéma, et interpréta des rôles de composition dans plusieurs films ; il était sur le point de se tailler une solide réputation quand il lâcha tout en 1938, pour suivre un cirque ambulant, qu’il abandonna ensuite pour devenir cor-recteur d’imprimerie. En 1948, il se maria et émigra avec sa femme Sonia aux États-Unis ; ils s’installèrent en 1956 à Shady, dans l’État de New York. Père de quatre enfants, Malkine exerça encore divers métiers, et se remit à peindre. Sentant la nécessité de revoir Paris, il arriva en 1966, seul ; il y resta jus-qu’à sa mort, faisant deux expositions à la galerie Mona Lisa. En trois ans, dans une suprême explosion de vitalité, il créa le principal de son oeuvre, une centaine de toiles d’une fantaisie admirable, que l’on redécouvrira avec émotion lorsque bien des oeuvres aujourd’hui surestimées seront oubliées. Il est le peintre de l’analogie poétique.

Un texte surréaliste de Georges Malkine


« Pour aller dans les îles bienheureuses je ne prendrai pas de carte, je ne m’embarrasserai pas de boussole : je dirai à Georges Malkine de me conduire. Le chemin qu’il prendra sera tortueux et étrange. Nous connaîtrons la nuit froide des pôles et les mers trop calmes et trop chaudes de l’équateur. Des orages crèveront sur nos têtes. Nous rencontrerons, c’est certain, le fameux Voltigeur Hollandais et la Dame Blanche. Nous nous heurterons à des ruines mexicaines et à des temples enfouis sous les lianes. Un jour enfin nous aborderons aux iles bienheureuses. « Ce n’est pas là », nous dira Malkine et cet infatigable voyageur partira vers la découverte impossible. »
Robert Desnos

« Mystérieux, secret, il (Malkine) avait un prestige d’oiseau venu de nulle part et dédaigneux de se poser »

Simone Collinet

« Il a poussé l’individualisme jusqu’à l’impertinence ! Mais quel art dans l’expression de l’indicible chaque fois qu’il voulait s’en donner la peine. »

André Breton

Voici ce qu’en dit Patrick Waldberg, qui l’a rencontré en 1932 :

"J’ai fréquenté Malkine durant des périodes de repos, dans un petit appartement qu’il habitait rue Hautefeuille et dont les fenêtres donnaient sur la place Saint-André-des-Arts. Nous parlions peu. Il nous faisait écouter sur son gramophone les airs chantés par les Mills Brothers ou bien le Chant inca de Roger Désormières. Parfois il rompait le silence et, de sa voix cuivrée à la diction très pure, il évoquait une scène de Stevenson ou de Conradou, quelque fait obscur de sa vie errante qui lui revenait en mémoire et qu’il confrontait à mon jeune enthousiasme. Je le revis dans des chambres d’hôtel où nous partagions de lentes intoxications (à l’opium), toujours en silence et selon les préceptes d’une sagesse chinoise... Je perdis de vue Malkine, puis, un beau jour, je le retrouvai à la Foire du Trône, le torse moulé dans un maillot bleu et blanc, plus brun que jamais, jeune et souple, sautillant dans des espadrilles gitanes. Il était opérateur de balançoires et venait de parcourir la France en compagnie d’un cirque."

Deux extraits de sa correspondance, lettres adressées à sa soeur, Ingrid Andersen. La première date de l’été 69 :

"J’ai été appelé étrange, excentrique, bizarre, fou, solitaire, sauvage, insociable, misanthrope. Il est sans doute bien vrai que je suis : étrange par rapport au banal, excentrique par rapport au bourgeois, bizarre par rapport à l’ordinaire, fou par rapport au cartésien, solitaire et sauvage par rapport au mouton, misanthrope par rapport au philanthrope. Mais il ne me semble pas qu’on se soit jamais demandé si j’étais tout cela parce que j’aimais l’être ou parce que la bêtise, l’ignorance, la vulgarité, l’étroitesse d’esprit, le manque de goût, de sensibilité et d’imagination des autres ne m’avaient pas laissé le choix."

La seconde, du 3 mars 1970 :

"Je suis bien loin d’avoir fait tout ce que j’aurais voulu faire pour ceux que j’aimais, et pourtant j’ai cette chance extraordinaire d’être entouré d’affection dans ma soixante-douzième année, alors que tous les vieux, ou presque, sont abandonnés à cette époque de leur vie. La seule chose que j’aie pu faire fut de donner des toiles, et je peux dire que j’en ai donné autant que j’en ai vendu, et peut-être même davantage, dont l’ensemble constituerait aujourd’hui une assez impressionnante rétrospective !"

La vagabond de la peinture surréaliste

Après avoir été vendeur de journaux, comptable, puis chasseur d’éléphants au Cameroun, il revient à Paris en se faisant embaucher comme marin sur un caboteur. Il revient à Paris au bout de quelque temps, et vit des petits métiers pour vivre : vendeur de cravates, violoniste dans un orchestre, traducteur, comptable, mais aussi et surtout pour s’acheter le nécessaire pour peindre. C’est en 1921, qu’il décide de se consacrer véritablement à la peinture, et qu’il détruit toute les peintures qu’il avait réalisées jusqu’alors. Il rencontre en 1922 Robert Desnos, avec lequel il se lie d’amitié immédiatement, et fait connaissance de Louis Aragon, André Breton et Paul Eluard, avec lesquels il sympathise et partage les conceptions radicales et provocatrices des dadaïstes.

En 1923, il trouve un emploi auprès des services d’urbanisme de la ville de Nice, où il s’installe, tout en entretenant une correspondance suivie avec Robert Desnos, et des relations avec le groupe surréaliste naissant. Il participe alors aux réunions qui marquent les années de gestation du Surréalisme et se met à peindre. À la demande d’André Breton, il dessine le logo pour La Révolution surréaliste qui sera utilisé plus tard par la Galerie Surréaliste. Il écrit également pour la revue. Dès 1924, Malkine s’engage davantage dans le mouvement surréaliste. Il est le seul et le premier peintre à écrire un texte automatique pour le premier numéro de "La Révolution Surréaliste" qui paraît en décembre.

Il dessine à la demande d’André Breton le logo pour "La Révolution Surréaliste", qui sera utilisé plus tard par la Galerie Surréaliste. De Nice, en 1925, il livre un second texte pour le numéro 4 de " La Révolution Surréaliste",

Il rencontre Picabia à Cannes, puis à Paris, il rencontre Jacques Prévert, Marcel Duhamel, et Yves Tanguy, et à Nice, il reçoit André Breton et sa femme Simone Kahn, ainsi qu’André Masson, et Max Morise. En Novembre, par l’initiative de Robert Desnos, il fait une première exposition de ses dessins au sein d’une présentation du groupe surréaliste à la Galerie Pierre à Paris. Participe en 1925, à la galerie Pierre, à l’exposition La Peinture Surréaliste.

Après une exposition personnelle qui rencontre un grand succès à la Galerie Surréaliste en 1927, il embarque pour un périple de trois ans autour des îles océaniennes. Revient à Paris comme plongeur sur un cargo. Le groupe surréaliste qui connaît quelques temps après de vives tensions, voit le départ de Desnos, de Prévert, de Queneau, de Masson. Malkine lui même décide de s’éloigner quelque temps.

Il décide de partir en voyage pour Tahiti au cours duquel il rencontre une américaine Yvette Ledoux avec qui il revient à Paris et qu’il épouse en février 1930. Ses amitiés avec Desnos deviennent plus distantes, mais il revoit ses amis Antonin Artaud, Georges Neveux et Claude-André Puget, tandis que sa situation matérielle devient plus précaire bien qu’il continue à peindre et à vendre de temps à autre certaines de ses peintures, tandis que Yvette gagne sa vie en faisant de l’astrologie.

Il fait encore une série de tableaux qu’il interrompt brusquement en 1933. Il commence alors une carrière d’acteur de cinéma qui s’annonce brillante mais qu’il abandonne pour devenir forain, puis correcteur d’imprimerie. En 1937, Georges et Yvette Malkine font la connaissance de l’artiste japonais Yozo Hamaguchi, avec qui ils partent quelques temps en Haïti au cours d’un voyage qui se passent mal car Yvette sombre dans l’héroïne et dans l’alcool . En 1938, de retour à Paris, Georges Malkine lui même devient dépendant de l’opium qu’il consomme depuis plusieurs années déjà.

Durant les années 1940 à 1943, Malkine fait divers métiers : docker, puis ouvrier dans une usine de biscuits à Marseille, puis forain à Paris.

Engagé dans la résistance française à Paris depuis 1941, il est arrêté par la gestapo en décembre 1943, torturé et envoyé dans un camp de travail près de Berlin. Durant les interrogatoires, il parvient à se faire passer pour fou, et à être libéré.
Courant 1946, Georges Malkine parvient à retrouver du travail comme dessinateur de couvertures de livres, puis correcteur, et fait connaissance de la militante anarchiste May Picqueray et de sa fille Sonia Niel, avec qui il se lie. Il obtient un rôle dans une pièce de théâtre de Roger Vitrac, aux côtés de Juliette Gréco et Michel de Ré, renoue ses contacts avec Antonin Artaud, Puget et Neveux, tandis que Sonia l’encourage à reprendre la peinture.

Fin 1948, il décide avec Sonia et les enfants de partir pour New York, et de vivre à Brooklyn. Il y retrouve son père qu’il n’a pas vu depuis trente ans. Il trouve du travail, reprend la peinture et achève son roman " A bord du Violon de mer" commencé à Paris durant l’été 1947.

En 1949, il émigre aux États-Unis où, après avoir exercé d’autres métiers, il se remet à peindre et expose à New York en 1955 et à l’Université de Long Island en 1961.

Georges Malkine n’est pas satisfait du résultat de ses travaux de dessins et de peinture, de son style et des nouvelles techniques qu’il applique. Il expose néanmoins à la Galerie Weingarten à Manhattan en 1955, mais en 1956, détruit une partie de ses toiles, plus satisfait qu’il est d’une nouvelle technique de peinture qu’il a mis au point avec du sable.

Début 1966, il prévoit de revenir pour un court séjour à Paris. Il y retrouve avec enthousiasme ses amis qu’il n’a pas vu et dont il n’ a pas eu de nouvelles depuis vingt ans : Claude-André Puget, Yozo Hamaguchi, Georges Neveux, Jacques Prévert, André Breton, Louis Aragon, André Masson, Max Ernst ainsi que Patrick Waldberg qui lui organise une exposition à la Galerie Mona Lisa.

... Il y avait entre vous la distance étrange

De vos voix

Lui riait si fort on eût dit

Pour deux mais rien jamais n’aura

Été plus proche de vos rêves que vos rêves l’aura

De vos rêves

Desnos en marchant sans fin par les rues

Me lisait de longs manuscrits en prose à l’encre rouge

Où se mariaient Jules Verne Sade et Nerval

Toute parole en ce temps-là semblait avoir une odeur d’ambre

Toi

Malkine

Tu touchais à la nuit d’une façon distraite

Comme à une porte ouverte sur un néant familier

Tu peignais l’heure où les lois sont mortes

Tu peignais le vent tombé dans les docks

C’est un drôle de jour pour se rappeler comment

Dans cette rue où il y avait un bordel où parfois

Allait Henri de Toulouse-Lautrec

Lequel n’avait pas même la

Taille de Dominique Ingres mais qu’est-ce que

Cela pouvait bien faire à ces dames

Un jour Malkine nous y avons été t’en souviens-tu

Ensemble

Pour la conversation

Le troisième s’appelait Roland

Comme à Roncevaux

Et bien plus tard je t’ai dit pourquoi

Ne fais-tu pas la maison de Lautrec

II s’y était mis

II faut savoir à voir toute sorte de gens dans le miroir

D’imaginaires demeures

J’ai chez moi

La maison de Robert Desnos

Celle d’Edgar Allan Poe il l’a peinte deux fois

L’une pour les jours d’automne l’autre pour l’hivernage

Différentes l’une de l’autre comme

Une femme d’une saison

Sur l’autre et déjà la demeure d’automne a

Disparu

Quelqu’un l’avait achetée à vil prix qui s’en est retourné

Dans son pays d’Amérique et nul ne sait son nom ni sa demeure

À lui sa demeure non peinte

Qu’était-il un marchand un homme qui donnerait son âme

Pour avoir une maison comme

Celle-là je ne sais

Je crois plutôt Quincey

Que c’est le Mangeur d’opium celui qu’a traduit Baudelaire

Un autre Oreste dont tu as surveillé les cauchemars et de qui tu dissipais d’une main légère et maternelle le sommeil épouvantable

Dieu de l’enfer comme il y a des mots qui roulent étrangement dans nos têtes

Et ceux-ci peut-être quand tu fis l’architecture de Thomas de Quincey
sa demeure-tombe dans ta tête à toi

Ou si c’était Apollinaire la Chanson du Mal-Aimé

Et Thomas de Quincey rêvant tu t’en souviens souviens-t’en

M’entends-tu toi qui nous expliquais les hommes par les pierres

Où ils auraient pu comme nous tous

Être longuement malheureux ô demeures-miroirs tu n’as jamais

Peint celle de Georges Malkine et peut-être

Y songeais-tu mais ces ruines par miracle debout

T’ont fait non pas le Palladio de ceux-là dont tu construisais la muette

Métaphore mais bien plutôt le peintre des prisons mentales

Un Piranèse qui ne voyait plus autrement que prisons les enfers

Intérieurs de l’âme et toi de chacun tu voyais sa solitude

Un château démantelé dans un lieu sauvage

Une ferme des temps anciens

Quand le maître avait dix valets mais déserte ayant perdu

Ses piliers inférieurs comme une mâchoire

On ne sait comment de côté surplombant le vide

O demeures demeures sans épaule

Où s’appuyer ni béquilles

Tenant debout parce que c’est l’habitude

Dans ces murs où se poursuit le parler des étoiles

Louis Aragon, Les Adieux

LA RÉVOLUTION D’ABORD ET TOUJOURS !

Le monde est un entre-croisement de conflits qui, aux yeux de tout homme un peu averti, dépassent le cadre d’un simple débat politique ou social. Notre époque manque singulièrement de voyants. Mais il est impossible à qui n’est pas dépourvu de toute perspicacité de n’être pas tenté de supputer les conséquences humaines d’un état de choses absolument bouleversant.

Plus loin que le réveil de l’amour-propre de peuples longtemps asservis et qui sembleraient ne pas désirer autre chose que de reconquérir leur indépendance, ou que le conflit inapaisable des revendications ouvrières et sociales au sein des états qui tiennent encore en Europe, nous croyons à la fatalité d’une délivrance totale. Sous les coups de plus en plus durs qui lui sont assénés, il faudra bien que l’homme finisse par changer ses rapports.

Bien conscients de la nature des forces qui troublent actuellement le monde, nous voulons, avant même de nous compter et de nous mettre à l’œuvre, proclamer notre détachement absolu, et en quelque sorte notre purification, des idées qui sont à la base de la civilisation européenne encore toute proche et même de toute civilisation basée sur les insupportables principes de nécessité et de devoir.

Plus encore que le patriotisme qui est une hystérie comme une autre, mais plus creuse et plus mortelle qu’une autre, ce qui nous répugne c’est l’idée de Patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit [1].

Nous sommes certainement des Barbares puisqu’une certaine forme de civilisation nous écœure.

Partout où règne la civilisation occidentale toutes attaches humaines ont cessé à l’exception de celles qui avaient pour raison d’être l’intérêt, « le dur paiement au comptant ». Depuis plus d’un siècle la dignité humaine est ravalée au rang de valeur d’échange. Il est déjà injuste, il est monstrueux que qui ne possède pas soit asservi par qui possède, mais lorsque cette oppression dépasse le cadre d’un simple salaire à payer, et prend par exemple la forme de l’esclavage que la haute finance internationale fait peser sur les peuples, c’est une iniquité qu’aucun massacre ne parviendra à expier. Nous n’acceptons pas les lois de l’Économie ou de l’Échange, nous n’acceptons pas l’Esclavage du Travail, et dans un domaine encore plus large nous nous déclarons en insurrection contre l’Histoire. L’Histoire est régie par des lois que la lâcheté des individus conditionne et nous ne sommes certe pas des humanitaires, à quelque degré que ce soit.

C’est notre rejet de toute loi consentie, notre espoir en des forces neuves, souterraines et capables de bousculer l’Histoire, de rompre l’enchaînement dérisoire des faits, qui nous fait tourner les yeux vers l’Asie [2]. Car en définitive, nous avons besoin de la Liberté, mais d’une Liberté calquée sur nos nécessités spirituelles les plus profondes, sur les exigences les plus strictes et les plus humaines de nos chairs (en vérité ce sont toujours les autres qui auront peur). L’époque moderne a fait son temps. La stéréotypie des gestes, des actes, des mensonges de l’Europe a accompli le cycle du dégoût [3]. C’est au tour des Mongols de camper sur nos places. La violence à quoi nous nous engageons ici, il ne faut craindre à aucun moment qu’elle nous prenne au dépourvu, qu’elle nous dépasse. Pourtant, à notre gré, cela n’est pas suffisant encore, quoi qu’il puisse arriver. Il importe de ne voir dans notre démarche que la confiance absolue que nous faisons à tel sentiment qui nous est commun, et proprement au sentiment de la révolte, sur quoi se fondent les seules choses valables.
Plaçant au devant de toutes différences notre amour de la Révolution et notre décision d’efficace, dans le domaine encore tout restreint qui est pour l’instant le nôtre, nous : CLARTÉ, CORRESPONDANCE, PHILOSOPHIES, LA RÉVOLUTION SURRÉALISTE, etc., déclarons ce qui suit :

1° Le magnifique exemple d’un désarmement immédiat, intégral et sans contre-partie qui a été donné au monde en 1917 par LENINE à Brest-Litovsk, désarmement dont la valeur révolutionnaire est infinie, nous ne croyons pas votre France capable de le suivre jamais.

2° En tant que, pour la plupart, mobilisables et destinés officiellement à revêtir l’abjecte capote bleu-horizon, nous repoussons énergiquement et de toutes manières pour l’avenir l’idée d’un assujettissement de cet ordre, étant donné que pour nous la France n’existe pas.

3° Il va sans dire que, dans ces conditions, nous approuvons pleinement et contresignons le manifeste lancé par le Comité d’action contre la guerre du Maroc, et cela d’autant plus que ses auteurs sont sous le coup de poursuites judiciaires.

4° Prêtres, médecins, professeurs, littérateurs, poètes, philosophes, journalistes, juges avocats, policiers, académiciens de toutes sortes, vous tous, signataires de ce papier imbécile : "Les intellectuels aux côtés de la Patrie", nous vous dénoncerons et vous confondrons en toute occasion. Chiens dressés à bien profiter de la Patrie, la seule pensée de cet os à ronger vous anime.

5° Nous sommes la révolte de l’esprit ; nous considérons la Révolution sanglante comme la vengeance inéluctable de l’esprit humilié par vos œuvres. Nous ne sommes pas des utopistes : cette Révolution nous ne la concevons que sous sa forme sociale. S’il existe quelque part des hommes qui aient vu se dresser contre eux une coalition telle qu’il n’y ait personne qui ne les réprouve (traîtres à tout ce qui n’est pas la liberté, insoumis de toutes sortes, prisonniers de droit commun), qu’ils n’oublient pas que l’idée de Révolution est la sauvegarde la meilleure et la plus efficace de l’individu.

Signé :

GEORGES AUCOUTURIER, JEAN BERNIER, VICTOR CRASTRE, CAMILLE FÉGY, MARCEL FOURRIER, PAUL GUITARD. CAMILLE GOEMANS, PAUL NOUGÉ. ANDRE BARSALOU, GABRIEL BEAUROY, ÉMILE BENVENISTE, NORBERT GUTERMANN, HENRI JOURDAN, HENRI LEFEBVRE, PIERRE MORHANGE, MAURICE MULLER, GEORGES POLITZER, PAUL ZIMMERMANN. MAXIME ALEXANDRE, LOUIS ARAGON, ANTONIN ARTAUD, GEORGES BESSIÈRE, MONNY DE BOULLY, JOE BOUSQUET, ANDRE BRETON, JEAN CARRIVE, RENE CREVEL, ROBERT DESNOS, PAUL ÉLUARD, MAX ERNST, THEODORE FRÆNKEL, MICHEL LEIRIS, GEORGES LIMBOUR, MATHIAS LÜBECK, GEORGES MALKINE, ANDRE MASSON, DOUCHAN MATITCH, MAX MORISE, GEORGES NEVEUX, MARCEL NOLL, BENJAMIN PÉRET, PHILIPPE SOUPAULT, DEDE SUNBEAM, ROLAND TUAL, JACQUES VIOT. HERMANN CLOSSON. HENRI JEANSON. PIERRE DE MASSOT. RAYMOND QUENEAU. GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES.

1. Ceux mêmes qui reprochaient aux socialistes allemands de n’avoir pas « fraternisé » en 1914 s’indignent si quelqu’un engage ici les soldats à lâcher pied. L’appel à la désertion, simple délit d’opinion, est tenu à crime : « Nos soldats » ont le droit qu’on ne leur tire pas dans le dos. (Ils ont le droit aussi qu’on ne leur tire pas dans la poitrine).

2. Faisons justice de cette image. L’orient est partout. Il représente le conflit de la métaphysique et de ses ennemis, lesquels sont les ennemis de la liberté et de la contemplation. En Europe même qui peut dire où n’est pas l’Orient ? Dans la rue, l’homme que vous croisez le porte en lui : l’Orient est dans sa conscience.

3. Spinoza, Kant, Schelling, Proud’hon, Marx, Stirner, Baudelaire, Lautréamont, Rimbaud, Nietzcshe : cette seule énumération est le commencement de votre désastre.

Les tableaux

Malkine a plusieurs fois changé de style mais il est facile de s’y retrouver car tous ses tableaux sont datés, en dessous de la signature...

Voici la lettre que Malkine adressa à Desnos lors de cette escapade, avant de trouver une solution à son retour au pays :

"Mon vieux Robert. Etrange pays que celui-ci, où il semble que l’idée du temps ne puisse pas être conçue. D’ailleurs personne ici n’a de montre, et les rues n’ont pas de numéros, ni même de nom, souvent.

Tahiti ne semble pas vouloir de moi. En une semaine de temps, j’y ai été soulagé de mon portefeuille qui contenait tous mes papiers et toute ma fortune, et j’ai attrapé une contravention pour absence de lumière à une bicyclette que j’avais empruntée pour faire une course ! Il fallait que je fasse 18 000 kilomètres pour dégoter une contravention !

Heureusement j’avais loué une petite maison pour un mois avant le vol de mon portefeuille. Je suis donc tranquille au point de vue logement jusqu’au 10 juin. Pour la nourriture, il y a les fruits sur la route.

Ca a trop bien commencé pour en rester là. Et à part ça, je n’ai pas du tout envie de travailler (j’entends prendre un emploi) pour gagner mon billet de retour. Ne pourrais-tu pas me trouver un canard qui me paierait un reportage sensationnel sur Tahiti ? Non, hein ? Ou bien un marchand de tableaux qui, maintenant que je ne suis plus là... m’achèterait des tableaux tahitiens ? [...] Vu la nuit dernière, à quelques kilomètres de Papeete, des Tahitiens qui répétaient au clair de lune les danses auquel assistera l’équipage du cuirassé Tourville dans un mois. Rien que de la percussion - 20 sortes de tambours et de bidons à pétrole. Quoique rigoureusement réglées, ces danses sont d’une sauvagerie et d’une obscénité grandes. La répétition avait eu lieu dans le parc de l’école d’Arue et était dirigée par Hinau (Hinaou), le prince Hinau, dernier des Pomaré et gardien du tombeau de ses ancêtres, curieux édifice surmonté d’une énorme bouteille de Bénédictine en marbre (liqueur favorite du dernier roi). Hinau, haut de 2,20 m, pèse 165 kg. Hydropique, ou plutôt obèse, il peut à peine marcher malgré qu’il jouisse d’une santé florissante. C’est sur la plate-forme d’une camionnette Ford qu’il vint du tombeau, situé à 150 mètres de l’école. La camionnette stoppa devant un immense fauteuil de rotin, dans lequel Hinau s’endormit rapidement, tandis que le tam-tam commençait à faire trembler la terre et l’air.

Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont je pourrais revenir en France. Pas moyen de trouver du travail sur les bateaux. Papeete n’était qu’une escale sur la ligne Marseille-Nlle-Calédonie-Australie. Quant à Papeete même, on n’y trouve pas de travail comme ça. Et les Chinois ne sont pas là pour rien, qui se contentent de salaires minimes. [...]

Il est fort probable, pour toutes espèces de raisons, que je quitterai Papeete et peut-être, Tahiti. Je prie cependant que les lettres soient toujours adressées Poste Restante à Papeete, que je sois entre les Gambier et les Marquises.

Je compte que tu passeras cette lettre à André [Breton].

C’est la première fois que j’écris, et combien péniblement.

Georges Malkine

"Transparence", tableau vendu par Malkine à Marseille en 1940

Les tableaux de Malkine à Marseille entre 1940 et 1941, alors qu’il est docker puis ouvrier dans une usine de biscuits, ont été détruits par la Gestapo lorsqu’elle l’a arrêté pour faits de résistance.

Messages

  • Georges Malkine chose not to expose his private life and, apart from his career in film and theatre, his work was known only to his collectors. He avoided social gatherings, as well as group meetings and anthologies and other methods of categorizing (and, to his mind, demeaning) artists. His example, as suggested in the above quote by Breton, championed the concept of individualism. In his 1970 monograph of Malkine, Patrick Waldberg (French art historian) wrote, "[Malkine] is perhaps the only artist about whom it can be said that through his life and his work, reality and dreams may cease to be viewed contrarily." Indeed, Malkine lived Surrealism and eschewed all attachments to fame, money, career, and other things that he felt sought to confine, define, and in the end, confuse the real issues. He believed a man’s wealth was contained in the inner landscapes, and didn’t like to talk publicly about himself ; his paintings were the only personal glimpses he provided for those who might be interested.

  • Malkine’s work spans the years from the early 1920s right up until his death in 1970. He painted approximately 500 pieces in his lifetime, and did some writing and illustrating. He had seven solo shows, with five more after his death ; he contributed to 37 collective shows (19 posthumously). He won the William and Norma Copley Foundation Award in 1966. His records and reports from other sources show his periods of greatest activity as being the 1920s, early 1930s, and the 1960s. His output is remarkable in that it ended with a period of productivity that was just as notable as the early period. He embarked in 1966 on his Demeures, or Dwellings, a series of metaphorical portraits of great artists from many disciplines, presented in the form of buildings reflecting Malkine’s perception of their character or work.

    Malkine was not devoted uniquely to the art of painting ; between the years 1933-1939, he acted in 20 films, working with, among others, Jean Gabin, Billy Wilder, and Michèle Morgan. In 1950 he wrote a farcical novel called A Bord du Violon de Mer, which is now taught in college texts as a brilliant example of humor and puns in French writing.[citation needed] In the exercises after the excerpt, when asking the students to write something about what they have just read, one text suggests that when doing so, they should not feel constrained by the laws of reason.

  • « Qu’est-ce que je n’aurais pas fait sur cette planète, bon Dieu ! Mais j’aime cette existence décousus ; décousue, oui, mais fertile aussi de sensations de toutes sortes ; le dilettantisme mis en pratique, si on peut dire. Toutefois, je me rends compte, en observant les autres, qu’il faut sans doute avoir une dose sérieuse de courage vrai, une faculté continuelle de se renouveler et de s’assimiler pour vivre ainsi, que tout le monde n’a pas… »

    Lettre de Georges Malkine à Claude-André Puget du 5 avril 1921

  • André Breton :

    « Ont fait acte de surréalisme absolu MM. Aragon, Baron, Boiffard, Breton, Carrive, Crevel, Delteil, Desnos, Éluard, Gérard, Limbour, Malkine, Morise, Naville, Noll, Péret, Picon, Soupault, Vitrac ».

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