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Les communistes n’ont pas d’intérêt de boutique à défendre

lundi 15 juin 2015, par Robert Paris

Les communistes ont un programme, des perspectives, des activités militantes, des politiques, des stratégies, des analyses, des choix fondamentaux et conjoncturels, mais pas d’intérêt de boutique à défendre

Karl Marx exposait ainsi dans « Le Manifeste du Parti communiste » de 1848 :

« Les communistes n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat… Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat et, dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans son ensemble. Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule la marche en avant des ouvriers ; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarient. Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les partis ouvriers : constitution des prolétaires en classe, renversement de la domination bourgeoise, conquête du pouvoir politique par le prolétariat… La première étape de la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie. Le prolétariat se servira de la suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat ouvrier, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives. Cela ne pourra se faire, au début, que par une violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production, c’est-à-dire par des mesures qui, économiquement, paraissent insuffisantes et insoutenables, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables pour bouleverser le mode de production tout entier… Les communistes combattent pour les intérêts et les buts immédiats de la classe ouvrière ; mais dans le mouvement présent, ils défendent et représentent en même temps l’avenir du mouvement…. A aucun moment, le parti communiste ne néglige d’éveiller chez les ouvriers une conscience claire et nette de l’antagonisme violent entre la bourgeoisie et le prolétariat, afin que, l’heure venue, les ouvriers sachent convertir les conditions politiques et sociales créées par le régime bourgeois, en autant d’armes contre la bourgeoisie… En somme, les communistes appuient dans tous les pays tout mouvement révolutionnaire contre l’ordre social et politique existant. Dans tous les mouvements, ils font de la question de la propriété, à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, la question fondamentale du mouvement… Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. Puissent les classes dirigeantes trembler à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Karl Marx, « Adresse de 1864 » :

« Les ouvriers ont entre leurs mains un élément de succès : leur nombre. Mais le nombre ne pèse dans la balance que s’il uni par l’association et guidé par le savoir. »

Friedrich Engels écrivait dans une lettre à Bebel du 3 juin 1873 :

« Toute direction d’un parti veut, bien sûr, avoir des résultats - et c’est normal. Mais il y a des circonstances où il faut avoir le courage de sacrifier le succès momentané à des choses plus importantes. Cela est surtout vrai pour un parti comme le nôtre, dont le triomphe final doit être complet et qui, depuis que nous vivons, et, sous nos yeux encore, se développe si colossalement que l’on n’a pas besoin, à tout prix, et toujours, de succès momentanés. Prenez, par exemple, l’Internationale après la Commune, elle connut un immense succès, Les bourgeois, comme frappés par la foudre, la croyaient toute - puissante. La grande masse de ses membres crut que cela durerait toujours. Nous savions fort bien que le ballon devait crever. Toute la racaille s’accrochait à nous. Les sectaires qui s’y trouvaient devenaient insolents, abusaient de l’Internationale dans l’espoir qu’on leur passerait les pires bêtises et bassesses. »

Friedrich Engels écrit dans « La scission de Saint-Etienne dans le parti ouvrier français », octobre 1882 :

« Il vaut mieux être momentanément en minorité pour ce qui est de l’organisation en ayant le vrai programme que d’avoir apparemment beaucoup de gens qui vous suivent pratiquement de manière nominale, dans programme. Toute notre vie durant, nous (Engels et Marx) avons été en minorité et nous nous en sommes fort bien trouvés… Nous n’appartenons guère plus au parti allemand qu’au parti français, américain ou russe, et nous ne saurions nous tenir liés par le programme allemand pas plus que par le programme « minimum ». Or, nous tenons tout de même à notre position particulière de représentants du socialisme international. Elle nous interdit, au demeurant, d’appartenir à un parti national particulier, tant que nous ne retournons pas, par exemple, en Allemagne pour participer directement à la lutte qui s’y déroule. »

Lénine dans "Le matérialisme militant" :

« Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste. »

Léon Trotsky dans "Défense du marxisme" dans le paragraphe "contre le pseudo "réalisme" politique" :

« Lénine expliquait aux amateurs de "problèmes politiques concrets" que notre politique n’est pas de caractère conjoncturel mais principiel ; que la tactique est subordonnée à la stratégie ; que, pour nous, le sens fondamental de chaque campagne politique est de mener les travailleurs des questions particulières aux problèmes généraux, c’est-à-dire de les amener à la compréhension de la société moderne et du caractère de ses forces fondamentales. »

Pour de nombreux groupes d’extrême gauche et pour nombre de militants syndicalistes aussi, l’intérêt de leur organisation s’identifie avec l’intérêt des travailleurs, c’est-à-dire avec le rôle historique du prolétariat pour chnager le monde. Cela ne signifie malheureusement pas qu’ils subordonnent la politique de leur organisation aux intérêts du prolétariat. Cela signifie exactement l’inverse, c’est-à-dire que, pour eux, militer signifie uniquement gagner des forces nouvelles à leur organisation : des militants, des sympathisants, des voix aux élections, des élus, des postes, des positions, des fonds, du soutien, du crédit et de la publicité. Ils ne considèrent nullement qu’en agissant ainsi ils pourraient nuire de quelque manière que ce soit aux intérêts réels du prolétariat. C’est au point qu’ils affichent ouvertement des objectifs purement boutiquiers et ne cachent nullement militer exclusivement pour leur organisation et identifier celle-ci au prolétariat.

Ce que nous voulons souligner ici n’est pas la prétention de ces groupes, grands ou petits, car il n’y a rien que de très normal à vouloir gagner l’ensemble des travailleurs à ses vues, à espérer faire de son programme la base de la lutte des classes, y compris à l’échelle mondiale quand on en est capable. Par contre, le fait de confondre les buts de son organisation avec ceux du prolétariat est érroné et même excessivement dangereux pour les organisations comme pour le prolétariat. Il en est résulté bien des maux pour le mouvement ouvrier et aussi bien des dérives oppportunistes, les groupes en question justifiant à l’excès leurs choix tactiques et prétendant les placer au-dessus des intérêts prolétariens sous le prétexte que tout ce qui renforce l’organisation renforcerait aussi le camp des travailleurs.

Nous ne voulons donc pas contester les tentatives de militants et groupes de se porter à la tête des luttes et de demander aux travailleurs de leur apporter leur soutien mais nous contestons l’attitude selon laquelle un groupe quelconque agisse en s’identifiant aux intérêts prolétariens, syndicalistes, révolutionnaires ou socialistes.

Nous estimons que Marx, Engels, Lénine, Rosa Luxemburg et Trotsky se sont gardés d’une telle erreur tout en construisant nombre de groupes et organisations.

On se souvient que Marx soulignait la distinction entre l’organisation pour laquelle on milite sur le moment avec le parti prolétarien au sens historique, c’est-à-dire l’ensemble des efforts prolétariens pour développer la lutte et la conscience prolétarienne.

On se souvient que, dans le Parti bolchevik et dans l’Internationale communiste, Lénine a toujours combattu les tendances, notamment zinoviévistes, d’ériger le parti bolchevik en modèle universel comme il a combattu l’idéalisation du pouvoir ouvrier en Russie et même la fabrication d’un mythe des soviets, présentés comme la forme incontournable d’organisation, alors qu’il défendait l’idée que d’autres formes d’organisation autonome du prolétariat pouvaient jouer ce rôle : pas le parti ni les syndicats mais des comités ouvriers d’usine par exemple.

Il peut être juste de militer au travers de telle ou telle forme d’organisation dans une situation donnée, à un moment donné, dans un pays donné sans pour autant que cela soit la panacée universelle et sans surtout justifier définitivement et indiscutablement tous les choix tactiques conjoncturels ou momentanés.

Un groupe peut, à juste titre, avoir des buts immédiats, des tactiques, des objectifs du groupe, des succès particuliers dans son intervention mais ce n’est pas parce qu’il est intimement persuadé d’agir au mieux dans le sens des intérêts du prolétariat qu’il serait justifié à soumettre les actions du prolétariat à ses buts propres.

Quel danger y aurait-il à placer son propre groupe au centre et à se faire croire que les buts organisationnels, particuliers et conjoncturels, seraient des buts historiques du prolétariat ?

Tout d’abord il y a le danger inhérent à la tendance à se croire au centre du monde.

Ensuite, il y a le danger de justifier des choix tactiques en les présentant comme des méthodes indiscutables sous la justification : ce qui favorise le groupe favorise le prolétariat international et le communisme.

Il y a le danger aussi de nier l’expérience propre du prolétariat, ses propres voies pour progresser, pour apprécier les situations, pour s’auto-organiser, pour changer ses points de vue, pour modifier ses méthodes d’action.

En parlant d’intérêts propres aux groupes, nous ne parlons pas d’organisations réformistes qui collaborent avec l’Etat et la bourgeoisie et qui cherchent ainsi des avantages au sein de la société bourgeoise, des sous, des positions, des avantages.

Nous voulons seulement parler de la volonté des groupes d’avoir plus de poids, plus d’influence, plus de soutien et plus de militants. Nous parlons de leur aspiration à gagner du monde, de prendre la tête d’organisations syndicales, de prendre la tête de luttes, de recueillir du soutien, d’avoir des succès, grèvistes ou autres, de rassembler des manifestants, etc…

Bien sûr, de tels objectifs ne sont nullement nuisibles en soi. Par contre, dès que les groupes font de ces succès un but qui dépasse les intérêts prolétariens ou s’y identifient, ils en viennent à justifier de s’adapter à leur position et à modifier leur politique en fonction. Ce qui signifie par exemple s’interdire des critiques des appareils syndicaux pour préserver des positions au sein des mêmes syndicats. On trouve aussi ce type de dérives dès que des militants commencent à acquérir de l’influence dans les mouvements sociaux ou dans les organisations de masse et justifient de modeler leur analyse politique pour s’adapter à ces organisations.

C’est pour cela que le fait de considérer le groupe, politique ou syndical, comme objectif numéro un peut facilement devenir préjudiciable au groupe lui-même comme aux travailleurs, menant aisément à l’opportunisme, à la dérive politique, c’est-à-dire à la transformations des buts sociaux et politiques sous le prétexte d’arriver plus vite à des succès plus importants, donnant un soutien plus vaste à son groupe.

Chercher à obtenir à tout prix des positions dans les syndicats n’est pas le seul but du groupe qui entraîne des risques de telles dérives. Chercher à prendre la tête de la jeunesse, chercher à s’adapter à des milieux sociaux particuliers comme la classe ouvrière un peu plus privilégiée des travailleurs qualifiés et un petit peu plus installés des grandes entreprises, chercher à gagner la considération de l’ « opinion publique », des média, des électeurs, se porter à la tête des organisations de masse, tout cela peut mèner aux mêmes dangers si on ne cherche pas à rappeler sans cesse que nos buts conjoncturels et locaux ne sont pas exactement les buts historiques, généraux et mondiaux du prolétariat.

On a vite fait de modifier le discours, politique ou syndical, pour mieux se calquer sur l’opinion du milieu qui nous entoure ou sur ce que l’on croit de cette opinion plutôt que sur ce qu’on estime les buts généraux des travailleurs. Personne n’a plaisir à ramer à contre-courant, à se battre contre les défauts, préjugés et limites de son propre milieu.

L’exemple de groupes politiques ou syndicaux modifiant leurs objectifs de base afin de se donner ou en croyant se donner ainsi plus de poids, obtenir davantage de succès, est non seulement courant mais ne nécessite pas de citer de tels exemples. Il serait plus rapide de citer les rares exemples du cas contraire, celui de groupes ne craignant pas d’aller à contre-courant pour préserver les intérêts généraux du prolétairiat fût-ce au détriment des intérêts de leur propre groupe, organisation, syndicat ou parti. C’est tous les jours qu’on entend ces militants et groupes dire que les travailleurs ne comprendraient pas… qu’on leur dise la vérité ou ce que l’on croit être la vérité, et qu’il vaut mieux leur mentir pour ne pas se couper d’eux, en réalité pour ne pas perdre des billes dans un tel combat.

Oui, le groupe, même le plus révolutionnaire, même plus militant, même le plus influent, n’est pas le nombril de la classe révolutionnaire mais seulement, au mieux, une des formations de celle-ci, une des étapes et un des moyens par lesquels cette classe tente d’avancer. Plus il est vraiment révolutionnaire, plus ses idées ont d’intérêt et d’importance, plus il gagne de poids et parvient à intervenir dans la lutte des classes, avec un poids grandissant, plus il doit en être conscient. Sinon, il se referme sur lui-même et devient sectaire. Cela ne l’empêche pas de jouer seulement pour ses propres intérêts et de devenir opportuniste.

Il importe d’abord de rappeler que les succès, momentanés et locaux, ne sont pas en soi des preuves de claivoyance politique fondamentale, des justifications des analyses du groupe et encore moins des justifications de la tactique employée.

Combien de groupes se sont effondrés justement au moment où ils ont eu leurs plus grands succès, comme ce groupe d’extrême gauche italien ayant réussi à prendre la tête de la contestation de la jeunesse du pays pour finir par s’y autodissoudre comme groupe révolutionnaire, ou encore ce groupe néerlandais ayant réussi à prendre la tête d’une part importante du courant syndical pour s’y noyer, ou encore ce groupe d’extrême gauche français ayant pris la tête de fractions importantes du syndicalisme enseignant (la FEN) ou ouvrier (Force Ouvrière) en y perdant son caractère révolutionnaire et en perdant aussi des militants, devenus d’abord des militants de ces appareils syndicaux et du réformisme politique qui va avec.

De tels exemples n’ont pas besoin d’être multipliés : nous en avons tous les jours sous les yeux des anarchistes prétendus qui rompent avec leurs devises anarchistes pour mieux favoriser leur organisation (par exemple Alternative Libertaire dans la dernière grève SNCF), des trotskistes qui rompent avec les origines de leur courant politique pour mieux capter, croient-ils, les courants dans les masses (du POI au NPA, en passant par LO)… Que de choix tactiques (électoraux, politiciens, syndicaux, sociétaux, etc) sont devenus pour eux de véritables dérives parce qu’ils se sont crus tenus de les justifier définitivement, de les transformer en une orientation permanente, d’en faire la théorie au mépris de toute leur orientation précédente…

Combien d’organisations ont vu ainsi leurs effectifs croitre d’abord de manière vertigineuse avant de s’apercevoir qu’ils avaient ainsi renoncé à leur identité politique ou syndicale, qu’ils avaient renoncé à leurs orientations fondamentales et à leur programme, pour finir par perdre les mêmes effectifs et même parfois par disparaître ?

Combien n’ont pas réalisé qu’en cédant au vertige du succès momentané et local, ils abandonnaient bien plus : le sens même de leur combat ?

Combien de fois des tactiques, momentanément acceptables ou modérément fausses, devenues principes pour des groupes qui ont cru y gagner un grand profit et, bien entendu, battre ainsi les autres groupes, les concurrents !!

Car dans cette logique de groupe, il n’y a pas la logique de classe mais celle de boutiques concurrentes. Faire gagner son groupe, c’est battre l’autre, l’autre syndicat, l’autre organisation d’extrême gauche pour ne pas dire l’autre groupe révolutionnaire. Ce n’est pas du tout identique à faire gagner la classe ouvrière, ce qui sous-entend améliorer la conscience de classe, l’organisation autonome de classe, le rapport de forces dans la lutte des classes…

Pour ces organisations, politiques ou syndicales, là encore il n’y a pas à cacher qu’on vise d’abord à affaiblir les autres groupes, à démontrer qu’ils sont plus mauvais que son propre groupe plutôt qu’à entraîner la classe opprimée dans une politique qui pourrait entraîner l’ensemble des militants conscients de cette classe.

La boussole de classe est ainsi complètement perdue au profit de la querelle de clochers…

Renforcer l’organisation devient alors un slogan boutiquier qui n’a plus rien à voir avec le renforcement de l’organisation du prolétariat lui-même et va même en sens inverse.

Bien sûr, les considérations précédentes ne signifient pas qu’il ne faille pas défendre les positions politiques, syndicales, sociales du ou des groupes dans lesquels on milite ni qu’il ne faudrait pas y militer. C’est la manière de concevoir les buts de l’organisation qui est fausse.

D’ailleurs, socialement comme politiquement, placer un groupe comme le centre de l’action, de la réflexion, des décisions, c’est se tromper de centre : ce dernier est au sein de classe opprimée et exploitée.

Cela mène à d’autres erreurs fondamentales :

 estimer que ce qui se passe à l’intérieur du groupe est plus central que ce qui se passe dans la classe ouvrière

 estimer que les luttes internes sont plus importantes que les luttes externes

 estimer que la classe ouvrière ne peut triompher que grâce au développement de cette organisation

 estimer que les efforts intérieurs sont plus importants que les efforts vers l’extérieurs qui, eux, sont surtout consacrés à faire rentrer à l’intérieur tous les individus et groupes qui seraient en discussion ou en activité commune

A l’inverse, il faut militer en considérant que toute forme d’organisation est une étape momentanée du mouvement, est imparfaite, est abandonnable à une autre étape, est conjoncturelle, et non fondamentale.

Militer pour le parti révolutionnaire, au sens où Marx l’entendait, ce n’est pas identique que militer pour le groupe. C’est militer pour l’avenir du mouvement historique de la classe ouvrière et pas seulement pour son étape actuelle, pour une forme conjoncturelle.

Militer pour le parti révolutionnaire, c’est s’inscrire dans l’Histoire et d’abord en reconnaître les lois alors que militer pour le groupe c’est ériger en lois les petits calculs de groupe, les astuces, les contournements, les tactiques, les manœuvres éventuellement…

Il n’y a pas de rôle historique révolutionnaire pour ceux qui se croient les manipulateurs de la lutte des classes. Il n’y a de rôle historique que pour ceux qui reconnaissent les lois de l’Histoire, pour ceux qui se prennent pour des manipulateurs de génie, les caïds des grandes manœuvres, les professionnels de la tactique, qui méprisent la philosophie, la science, la théorie, l’étude et la réflexion et privilégient l’action, l’activisme, les petits coups tordus, la pratiques en dessous, les procédés en sous-main, les professionneles des coups tordus soi-disant dans l’intérêt de la lutte ouvrière, de la lutte révolutionnaire et de la construction du parti…

Car les as des manœuvres organisationnels ne sont jamais des théoriciens, ne veulent jamais s’investir dans le domaine des idées, n’accordent pas d’importance aux études théoriques et pensent que les grandes déclarations et prises de position sont juste le moyen de poser l’organisation par rapport aux autres groupes.

Ce sont ces dirigeants manœuvriers qui ont amené le mouvement ouvrier dans le marais où il se trouve aujourd’hui, dépourvu d’analyses sur la période, démuni de conceptions politiques claires, sans analyses sur les décennies passées de luttes de classe.

Ce sont eux qui sont à l’origine des pires dérives politiques et sociales des groupes et organisations et même les effondrements ne les ont jamais amené à changer de méthodes.

C’est pourquoi il nous semble indispensable de combattre tous ceux qui placent l’organisation au dessus du prolétariat, les slogans organisationnels au dessus des analyses théoriques, les petites tactiaques et coups tordus organisationnels au dessu des préoccupations de la classe ouvrière, qui justifient tous les coups tactiques manipulatoires et transforment le programme communiste en recette de cuisine.

Le seul moyen de les combattre est de placer comme but nuémro un la discussion politique libre entre militants, que ce soit des militants révolutionnaires, des militants communistes, des militants syndicalistes, discussion ouverte, devant tous ceux qui le souhaitent sans cachoteries ni maneouvres. Une discussion qui ne place pas comme préalable de vouloir la fusion des groupes, le renforcement des noyaux d’organisation, syndicats ou partis.

Quiconque prétend se soustraire à la discussion, publique, libre et ouverte à tous, sur les analyses et les buts, sur les positions et les propositions, nous propose des arrangements, des alliances, des regroupements, internes et clandestins, entre groupes est en train de préparer des manœuvres organisationnelles nuisibles qui nous amènent aux mêmes impasses dont ont déjà souffert la classe ouvrière et le communisme.

Le prolétariat a déjà trop subi de tels apprentis-sorciers des organisations qui ont détruit sa confiance dans ses propres perspectives et ne peut la reconstruire que dans des débats ouverts, centrés sur les idées, sur la discussion, sur le débat libre et théorique, et pas sur les seuls buts organisationnels.

L’autre point, essentiel, c’est que construire le parti révolutionnaire ne consiste pas à s’enfermer dans une chapelle et à dire des messes, en célébrant la sagesse des pères supérieurs de celle-ci mais à intervenir au sein du prolétariat et à interagir avec les autres militants de cette classe, se confronter à eux, éprouver la validité de son programme et de ses propositions, dans cette confrontation ouverte, intervenir au sein de fronts des révolutionnaires au cours de l’action prolétarienne, fronts dans lesquels les militants proposent leurs perspectives propres. Le meilleur des groupes révolutionnaires, le meilleur des partis, ne redevient qu’une chapelle ou qu’une boutique s’il s’isole des autres courants révolutionnaires ou prolétariens. Faire méthodiquement la critique des autres courants est normal et même indispensable, mais en même temps qu’on cherche à militer avec eux, de manière contradictoire. C’est seulement ainsi qu’on forge le parti. C’est seulement ainsi que l’on fait avancer notre classe. C’est seulement ainsi que l’on construit sa confiance en lui-même.

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