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Que savons-nous de la matérialité de l’esprit ?

lundi 2 novembre 2015, par Robert Paris

Que savons-nous de la matérialité de l’esprit ?

John Locke, « Essai sur l’entendement humain » :

« Nous avons des idées de la Matière et de la Pensée, mais peut-être ne serons nous jamais capable de connaître si un être purement matériel pense ou non, par la raison qu’il nous est impossible de découvrir par la contemplation de nos propres idées, sans révélation, si Dieu n’a point donné à quelques systèmes de matière disposés comme il le trouve à propos, la puissance d’apercevoir et de penser, ou s’il a joint et uni à la matière ainsi disposée une substance immatérielle qui pense. Car, par rapport à nos notions, il ne nous est pas plus malaisé de concevoir que Dieu peut, s’il lui plaît, surajouter à la matière une faculté de penser que de supposer qu’il y surajoute une autre substance avec la faculté de penser, puisque nous ignorons en quoi consiste la pensée, et à quelle espèce de substance cet Être tout-puissant a trouvé à propos d’accorder cette puissance, qui ne saurait être en aucun être créée qu’en vertu du bon plaisir et de la bonté du Créateur. »

« Car des particules de matière qui ne pensent point, de quelque manière qu’elles soient jointes ensemble, ne peuvent acquérir par là rien d’autre qu’une nouvelle relation locale, et il n’est pas possible que cela seul puisse leur communiquer la pensée et la connaissance. »

« Ces idées de pensée, et du pouvoir de mouvoir la matière, comme je l’ai montré dans un autre lieu, conduisent démonstrativement à la connaissance certaine de l’existence d’un être pensant immatériel, lequel nous donne l’idée d’esprit dans son sens le plus strict ; c’est aussi dans ce sens que je l’ai appliqué à l’âme dans le chapitre 23 de mon Essai, la possibilité aisément concevable pour ne pas dire la grande probabilité, que la substance pensante en nous soit immatérielle m’ayant donné un fondement suffisant pour cela. Et c’est en ce sens que je pense pouvoir l’attribuer sans risque à la substance pensante en nous, jusqu’à ce que votre excellence ait vraiment fait la preuve que, d’après ce que j’ai écrit, il est impossible qu’elle soit immatérielle. »

Lettre de Locke :

« Que si nous voulons douter de chaque chose en particulier, parce que nous ne pouvons pas les connaître toutes avec certitude, nous serons aussi déraisonnable qu’un homme qui ne voudrait pas se servir de ses jambes pour se tirer d’un lieu dangereux, mais qui s’opiniâtrerait à y demeurer et à y périr misérablement sous prétexte qu’il n’aurait point d’ailes pour s’échapper avec plus de vitesse. »

La Mettrie :

« Je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée qu’elle semble en être une propriété… »

Diderot, Le rêve de D’Alembert :

Diderot

Pourriez-vous me dire ce que c’est que l’existence d’un être sentant, par rapport à lui-même ?

d’Alembert

C’est la conscience d’avoir été lui, depuis le premier instant de sa réflexion jusqu’au moment présent.

Diderot

Et sur quoi cette conscience est-elle fondée ?

d’Alembert

Sur la mémoire de ses actions.

Diderot

Et sans cette mémoire ?

d’Alembert

Sans cette mémoire il n’aurait point de lui, puisque, ne sentant son existence que dans le moment de l’impression, il n’aurait aucune histoire de sa vie. Sa vie serait une suite interrompue de sensations que rien ne lierait.

Diderot

Fort bien. Et qu’est-ce que la mémoire ? d’où naît-elle ?
d’Alembert

D’une certaine organisation qui s’accroît, s’affaiblit et se perd quelquefois entièrement.

Diderot

Si donc un être qui sent et qui a cette organisation propre à la mémoire lie les impressions qu’il reçoit, forme par cette liaison une histoire qui est celle de sa vie, et acquiert la conscience de lui, il nie, il affirme, il conclut, il pense.

Denis Diderot :

« Le paysan qui voit une montre se mouvoir et qui, n’en pouvant connaître le mécanisme, place dans une aiguille un esprit, n’est ni plus ni moins sot que nos spiritualistes. »

Diderot, Aux jeunes gens qui se disposent à l’étude de la philosophie naturelle :

« Aie toujours présent à l’esprit que la nature n’est pas Dieu, qu’un homme n’est pas une machine, qu’une hypothèse n’est pas un fait ; et sois assuré que tu ne m’auras point compris, partout où tu croiras apercevoir quelque chose de contraire à ces principes. »

Diderot dans « Entretien avec D’Alembert » :

« Quand vous donnerez le nom d’individu à cette partie du tout, c’est par un concept aussi faux que si, dans un oiseau, vous donniez le nom d’individu à l’aile, à une plume de l’aile… Et vous parlez d’essences, pauvres philosophes ! laissez là vos essences. Voyez la masse générale, ou si, pour l’embrasser, vous avez l’imagination trop étroite, voyez votre première origine et votre fin dernière… Ô Architas ! vous qui avez mesuré le globe, qu’êtes-vous ? un peu de cendre… Qu’est-ce qu’un être ?… La somme d’un certain nombre de tendances… Est-ce que je puis être autre chose qu’une tendance ?… non, je vais à un terme… Et les espèces ?… Les espèces ne sont que des tendances à un terme commun qui leur est propre… Et la vie ?… La vie, une suite d’actions et de réactions… Vivant, j’agis et je réagis en masse… mort, j’agis et je réagis en molécules… Je ne meurs donc point ?… Non, sans doute, je ne meurs point en ce sens, ni moi, ni quoi que ce soit… Naître, vivre et passer, c’est changer de formes… Et qu’importe une forme ou une autre ? Chaque forme a le bonheur et le malheur qui lui est propre. Depuis l’éléphant jusqu’au puceron… depuis le puceron jusqu’à la molécule sensible et vivante, l’origine de tout, pas un point dans la nature entière qui ne souffre ou qui ne jouisse. »

Diderot dans "Entretien d’un philosophe avec la Maréchale de ***" :

« LA MARÉCHALE. - N’êtes-vous pas monsieur Diderot ?

DIDEROT. - Oui, madame.

LA MARÉCHALE. - C’est donc vous qui ne croyez à rien ?

DIDEROT. - Moi-même. »

LA MARÉCHALE. - Mais ce monde-ci, qui l’a fait ?

DIDEROT. - Je vous le demande.

LA MARÉCHALE. - C’est Dieu.

DIDEROT. - Et qu’est-ce que Dieu ?

LA MARÉCHALE. - Un esprit.

DIDEROT. - Si un esprit fait de la matière, pourquoi de la matière ne ferait-elle pas un esprit ?

Entretien avec d’Alembert, Diderot :

« ...Supposez au clavecin de la sensibilité et de la mémoire, et dites-moi... s’il ne se répétera pas de lui-même les airs que vous aurez exécutés sur ses touches. Nous sommes des instruments doués de sensibilité et de mémoire. Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui nous environne, et qui se pincent souvent elles-mêmes ; et voici, à mon jugement, tout ce qui se passe dans un clavecin organisé comme vous et moi. »

D’Alembert répond que ce clavecin devrait être doué de la faculté de se nourrir et de se reproduire.

— 

Sans doute, réplique Diderot. Voyez-vous cet œuf. « C’est avec cela qu’on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu’est-ce que cet œuf ? une masse insensible avant que le germe y soit introduit ; et après que le germe y est introduit, qu’est-ce encore ? une masse insensible, car ce germe n’est lui-même qu’un fluide inerte et grossier.

Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? par la chaleur.

Qu’y produira la chaleur ? le mouvement. » L’animal sorti de l’œuf est doué de toutes vos affections ; il est capable d’exécuter toutes vos actions. « Prétendrez-vous, avec Descartes, que c’est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c’est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. »

De deux choses l’une, poursuit Diderot : ou bien admettre dans l’œuf quelque « élément caché » qui s’y est insinué on ne sait comment à un certain stade du développement, élément dont on ignore s’il occupe de l’espace, s’il est matériel ou créé à l’instant du besoin — ce qui est contraire au sens commun et aboutit à des contradictions et à des absurdités ; ou bien faire « une supposition simple qui explique tout », à savoir que la sensibilité est une « propriété générale de la matière, ou [un] produit de l’organisation. »

Et Diderot de répondre à l’objection de d’Alembert que cette supposition admet une qualité essentiellement incompatible avec la matière :

« Et d’où savez-vous que la sensibilité est essentiellement incompatible avec la matière, vous qui ne connaissez l’essence de quoi que ce soit, ni de la matière, ni de la sensibilité ? Entendez-vous mieux la nature du mouvement, son existence dans un corps, et sa communication d’un corps à un autre ? »

D’Alembert : « Sans concevoir la nature de la sensibilité, ni celle de la matière, je vois que la sensibilité est une qualité simple, une, indivisible et incompatible avec un sujet ou suppôt divisible. »

Diderot :
« Galimatias métaphysico-théologique. Quoi ? est-ce que vous ne voyez pas que toutes les qualités, toutes les formes sensibles dont la matière est revêtue, sont essentiellement indivisibles ? Il n’y a ni plus ni moins d’impénétrabilité. Il y a la moitié d’un corps rond, mais il n’y a pas la moitié de la rondeur... Soyez physicien, et convenez de la production d’un effet lorsque vous le voyez produit, quoique vous ne puissiez vous expliquer la liaison de la cause à l’effet. Soyez logicien, et ne substituez pas à une cause qui est et qui explique tout, une autre cause qui ne se conçoit pas, dont la liaison avec l’effet se conçoit encore moins, qui engendre une multitude infinie de difficultés, et qui n’en résout aucune. »

D’Alembert : « Mais si je me dépars de cette cause ? »

Diderot : « Il n’y a plus qu’une substance dans l’univers, dans l’homme, dans l’animal. La serinette est de bois, l’homme est de chair. Le serin est de chair, le musicien est d’une chair diversement organisée ; mais l’un et l’autre ont une même origine, une même formation, les mêmes fonctions et la même fin. »

D’Alembert : « Et comment s’établit la convention des sons entre vos deux clavecins ? »

Diderot : « ... L’instrument sensible ou l’animal a éprouvé qu’en rendant tel son il s’ensuivait tel effet hors de lui, que d’autres instruments sensibles pareils à lui ou d’autres animaux semblables s’approchaient, s’éloignaient, demandaient, offraient, blessaient, caressaient, et ces effets se sont liés dans sa mémoire et dans celle des autres à la formation
de ces sons. Et remarquez qu’il n’y a dans le commerce des hommes que des bruits et des actions. Et pour donner à mon système toute sa force, remarquez encore qu’il est sujet à la même difficulté insurmontable que Berkeley a proposée contre l’existence des corps. Il y a un moment de délire où le clavecin sensible a pensé qu’il était le seul clavecin qu’il y eût au monde, et que toute l’harmonie de l’univers se passait en lui. »

Ces pages extraordinaires furent écrites en 1769 !

Diderot, L’Encyclopédie :

« Il est bien démontré que tous les anciens philosophes ont cru l’âme matérielle. Parmi les modernes qui se déclarent pour ce sentiment, on peut compter un Averroës, un Calderin, un Policien, Un Césalpin, un Taurell, un Cremouin, un Berigard, un Viviani, un Hobbes, etc… »

Engels dans « Ludwig Feuerbach » :

« La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle ... du rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature... la question de savoir quel est l’élément primordial, l’esprit ou la nature... Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient, par conséquent, en dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût... formaient le camp de l’idéalisme. »

Engels dans "Ludwig Feuerbach" :

« La matière n’est pas un produit de l’esprit, mais l’esprit lui-même n’est que le produit le plus élevé de la matière. »

Karl Marx :

« La production des idées, des représentations et de la consciences, est d’abird directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle. »

Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détemrine leur conscience. »

Darwin (Carnet C, 166) :

« Pourquoi le fait que la pensée soit une sécrétion du cerveau serait-il plus extraordinaire que le fait que la gravité soit une propriété de la matière ? C’est notre arrogance, c’est notre admiration de nous-mêmes. »

Darwin, La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe – 1871- Chap IV :

« Néanmoins la différence entre l’esprit de l’homme et celui des animaux supérieurs, aussi grande soit-elle, est certainement une différence de degré et non de nature. Nous avons vu que les sentiments et les intuitions, les diverses émotions et facultés, tels que l’amour, la mémoire, l’attention, la curiosité, l’imitation, la raison etc., dont l’homme se fait gloire, peuvent se trouver à l’état naissant, ou même parfois bien développé, chez les animaux inférieurs. »

Freud dans une conférence :

« L’esprit et l’âme sont des objets de la recherche scientifique exactement de la même manière que n’importe quelle chose étrangère à l’homme. »

Charles Baudelaire, Les paradis artificiels :

« Qu’est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ? »

Einstein, Comment je vois le monde :

« Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste. »

Claude Bernard :

« Le cerveau peut être considéré comme une glande. »

Albert Jacquard :

« L’esprit n’est que l’aboutissement de l’aventure de la matière. Il n’a pas d’autre origine que l’ensemble du cosmos. »

Jean-Pierre Changeux dans « L’homme neuronal » :

« L’identification d’événements mentaux à des événements physiques ne se présente en aucun cas comme une prise de position idéologique, mais simplement comme l’hypothèse de travail la plus raisonnable et surtout la plus fructueuse. »

Des lectures

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Le cerveau et son ordre issu du chaos

Le cerveau, ou le pilotage du chaos des interactions neuronales

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L’intelligence est-elle déterminée génétiquement ?

Physiologie du cerveau et psychanalyse

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Philosophie de l’Esprit de Hegel

Leçons sur le corps, le cerveau et l’esprit

Le monde matériel existe-t-il objectivement, en dehors de nos pensées ?

Des films :

Une expérience sur le corps et la raison

Le cerveau

La pensée et le cerveau

Voir le cerveau penser

L’homme neuronal

Bibliographie et filmographie scientifiques du cerveau

Messages

  • Extrait de « Phedon » - Platon :

    « C’était tout à fait comme si un homme disait d’abord que tout ce que fait Socrate, il le fait grâce à son intelligence ; et qu’ensuite, se mettant à énumérer les causes de chacune de mes actions, il affirmait en premier que je suis, maintenant assis là, parce que mon corps est constitué d’os et de muscles ; que les os sont solides, qu’ils sont par nature séparés et articulés les uns aux autres ; que les muscles eux, peuvent se tendre et se détendre et qu’avec les chairs et la peau (qui maintient tout cela ensemble) ils enveloppent les os ; que donc, du fait que les os jouent dans leurs jointures, c’est le relâchement ou la contraction des muscles qui, en somme, font que je suis capable à cet instant de fléchir mes membres ; et que telle est la cause en vertu de laquelle, m’étant plié de la sorte, je me trouve assis où je suis. Ou encore comme si, s’agissant de notre dialogue, il invoquait d’autres causes du même tonneau : l’émission des sons, les vibrations de l’air, les processus de l’audition, et des milliers d’autres phénomènes de cet ordre. Il négligerait ainsi d’énoncer les causes qui le sont véritablement : puisque les Athéniens ont jugé que le mieux était de me condamner, j’ai pour cette raison, jugé moi aussi à mon tour que le mieux était d’être assis ici même, et que le plus juste était de rester là et de me soumettre au châtiment qu’ils pourront bien décider de m’infliger. Car, par le chien, je vous promets qu’il y a beau temps que ces muscles et ces os se trouveraient du côté de Mégare ou de la Béotie, là où les aurait transportés une certaine opinion sur le meilleur, si je n’avais pas jugé plus juste et plus beau de préférer, à la fuite et à la désertion, la soumission à la Cité, quelle que soit la peine fixée par elle. Non, je vous assure, donner à de pareilles choses le nom de causes est vraiment trop absurde ! Certes, si l’on venait me dire que si j’étais privé de tout cela, d’os, de muscles et du reste, - et j’en ai, c’est certain – je ne serais, dans ces conditions, pas capable de faire ce que je juge bon de faire, là, oui, on ne dirait que la vérité. Mais prétendre que c’est à cause de cela que je fais ce que je fais, que je l’accomplis certes avec intelligence, mais non pas parce que je choisis le meilleur, ce serait faire preuve d’une désinvolture sans limite à l’égard du langage. Ce serait se révéler incapable de voir qu’il y a là deux choses bien distinctes : ce qui, réellement, est cause ; et ce sans quoi la cause ne pourrait jamais être cause. »

  • Extrait de « De l’âme » - Aristote :

    « Voici par contre une absurdité qu’on relève dans la plupart des doctrines sur l’âme. On rattache l’âme à un corps et on l’introduit en lui, sans aucunement définir la cause de cette union ni l’état du corps en question. Il semblerait pourtant que ce fût indispensable. C’est en effet grâce à un élément commun qu’un terme agit en quelque manière et que l’autre pâtit, que l’un est mû et que l’autre meut, et aucun de ces rapports mutuels ne s’établit entre des termes pris au hasard. Or nos théoriciens s’efforcent seulement de déterminer quelle sorte d’être est l’âme, mais pour le corps qui doit la recevoir ils n’apportent plus aucune détermination ; comme s’il se ne pouvait, conformément aux mythes pythagoriciens, que n’importe quelle âme pénètre dans n’importe quel corps ! (opinion absurde), car il semble que chaque corps possède une forme et une figure particulières. Leur théorie revient donc à peu près à dire que l’art du charpentier descend dans les flûtes. Il faut en effet que l’art se serve de ses instruments, et l’âme de son corps. »

  • Extrait de « Essai sur l’entendement humain » - John Locke :

    « En effet, puisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit annexée à une seule substance individuelle, ou qu’elle ait la possibilité de durer à travers une succession de substances diverses. Car dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. Car c’est par la conscience qu’il a de ses pensées et de ses actions présentes qu’il est maintenant soi pour soi-même ; et ainsi, il demeurera le même soi, dans la limite des actes passés et à venir que peut couvrir la même conscience. Par l’écoulement du temps ou par le changement de substance, il ne serait pas deux personnes, pas plus qu’un homme ne deviendrait deux hommes en portant après la coupure d’un sommeil plus ou moins long des vêtements différents de ceux d’hier. C’est en effet la même conscience qui unit des actions séparées en une même personne, quelles que soient les substances qui ont participé à leur production. »

  • Extrait de « Questions discutées : De l’âme » - Thomas d’Aquin :

    « Il est manifeste que ce par quoi le corps vit est l’âme. Or vivre est l’être (esse) des vivants. L’âme est donc ce par quoi le corps humain possède l’être en acte. Or la forme est de cette sorte. Par conséquent l’âme humaine est la forme d’un corps. De nouveau, si l’âme était dans le corps comme un matelot sur un navire, elle ne donnerait une espèce ni au corps, ni à ses parties ; or le contraire apparaît par le fait que l’âme s’éloignant, chaque partie du corps ne retient son nom premier que d’une manière équivoque. En effet l’œil d’un mort est appelé œil d’une manière équivoque, comme un œil peint ou un œil de pierre, et il en est de même quant aux autres parties. Et en outre, si l’âme était dans le corps comme un matelot sur un navire, il suivrait que l’union de l’âme et du corps serait accidentelle. La mort donc, qui signifie leur séparation, ne serait pas une corruption substantielle, ce qui est évidemment faux. Il reste, par conséquent, que l’âme est un ce quelque chose en tant qu’elle peut subsister par elle-même, non comme possédant en elle-même une espèce achevée, mais comme apportant sa perfection à l’espèce humaine de sorte qu’elle est forme d’un corps. Ainsi elle est en même temps une forme et un ce quelque chose. »

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