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Edito - Que reste-t-il à réformer ?

lundi 9 novembre 2015, par Robert Paris

Edito - Que reste-t-il à réformer ?

On l’a trouvé, le responsable du chômage en France, et ce serait paraît-il… le code du travail. Il n’y aurait plus qu’à le jeter à la poubelle en déchirant méthodiquement ses pages pour réussir à faire baisser le chômage dit le gouvernement (le bien nommé gouverne... ment). Juste avant, on nous avait dit que c’était l’impôt et les taxes… Tout cela parce qu’Hollande court après sa promesse de réduction du chômage ? Non ! Parce que la classe dirigeante, en France comme dans le monde, a besoin d’un chômage élevé pour s’attaquer sans luttes sociales d’ampleur au niveau de vie de la classe ouvrière. Pour la bourgeoisie, le chômage de masse n’est pas un mal mais un bienfait : il casse les salaires, il impose des charges de travail accrues, il casse les luttes, il justifie que l’Etat aide les capitalistes sous prétexte de lutter contre le chômage tout en sachant parfaitement bien que les patrons aidés ne vont pas davantage embaucher ni moins précariser ou licencier.

Les entreprises, qui ne créent pratiquement pas d’emplois, développent la précarité, organisent des plans de licenciements, exportent une partie de leurs bénéfices pour échapper à l’impôt, ont pourtant reçu de l’Etat 65 milliards d’euros d’aides de toutes sortes et bénéficié de milliards d’euros d’exonérations fiscales. Sur deux années, cela représente environ 130 milliards d’euros soit pratiquement l’équivalent du budget annuel européen pour la période 2007-2013 ou le montant du déficit record du budget de la France fin 2009 contre 56,3 milliards en 2008. La dette publique de la France atteint aujourd’hui des sommets en se situant, selon l’INSEE, à 1413,6 milliards d’euros pour le premier trimestre 2009 soit 72,9% du Produit Intérieur Brut (montant des richesses créées dans un pays sur une année entière). De même, l’Etat et les dirigeants des grandes sociétés privées doivent des milliards d’euros à la Sécurité Sociale qui ont déjà été payés par les salariés aux entreprises et les consommateurs mais ne sont toujours pas reversés à l’organisation de solidarité nationale par le grand patronat. Voilà comment le gouvernement organise les déficits. Quand le Président de la République et les ministres de l’Intérieur qui se succèdent affirment « qu’il n’y a pas de zone de non droit » en ciblant la jeunesse amputée d’avenir qui se révolte, ils se moquent ouvertement du monde. Les premières zones de non droit se situent au sein même de structures de l’Etat et elles sont le fait de leur politique qui conduit le pays à la ruine ! Ce n’est qu’un aspect qui explique aussi la violence du système vis-à-vis de toutes les résistances qu’il rencontre et de celles qui en découlent de manière plus générale dans les rapports sociaux.

La nouvelle ministre du travail, celle qui ne sait pas combien de fois un patron a le droit de reconduire un CDD sans embaucher en fixe, l’a clairement déclaré : elle va transformer le code du travail en passoire pour abus patronaux sous prétexte de ne plus empêcher les patrons d’embaucher, sous prétexte de tenir compte aussi de la réalité de l’emploi, c’est-à-dire de pérenniser la précarité et le chômage, en les considérant comme des droits. Il s’agit de considérer le CDI comme une exception et non comme la règle puisque 87% des embauches actuelles se font en CDD. Il s’agit de permettre et de justifier les suppressions d’emplois, les licenciements, y compris les licenciements abusifs. Il s’agit de ne plus conditionner les suppressions d’emploi sur un accord des organisations syndicales et sur un plan soumis aux inspecteurs du travail. Toute l’idée, qui est également celle de la droite et de l’extrême droite, sans parler du MEDEF, consiste à affirmer que les patrons embaucheront plus facilement s’ils peuvent licencier à tout moment sans que cela leur coûte et sans risques judiciaires ni prud’homaux.

Mais la réalité de la montée du chômage, le gouvernement se garde de s’y attaquer puisque ce sont les plans sociaux des grandes entreprises capitalistes sans parler des suppressions d’emplois de fonctionnaires où c’est le gouvernement lui-même qui cause la hausse du chômage et la suppression de toute perspective d’emploi pour les jeunes générations du fait du non remplacement des partants en retraite.

Quel est le but de la réforme du code du travail ? Demandons-le justement à la nouvelle ministre qui l’expose ainsi : « augmenter le temps partiel », « sécuriser le forfait-jour », « pouvoir augmenter ponctuellement la charge de travail des salariés en fonction de la demande », « organiser des consultations directes des salariés sur les aménagements du contrat de travail demandées par les employeurs », « développer le dialogue social ». Sous ces doux termes, on voit clairement se profiler le contrat qui n’engage le patron à absolument rien, ni en termes de salaire, ni en termes d’emploi, ni en termes de durée, ni en termes de charge de travail et les consultations consistent, on l’a vu, en des chantages patronaux sur les emplois grâce auxquels les salariés sont menacés s’ils refusent d’entériner des reculs sociaux d’ampleur.

La réforme du code du travail ne fait que suivre la manie de réformes de Valls, de Hollande, la manie de réformes de Sarkozy, et aucune de ces prétendues « réformes » n’a consisté à améliorer de quelque manière que ce soit la situation sociale et au contraire a remis en cause les droits sociaux, les aides sociales, les services publics, la santé, les retraites, les droits des chômeurs, les finances publiques et à détruire la confiance des travailleurs dans leur propre force, avec l’aide des appareils syndicaux, ceux qui signent, ceux qui négocient, ceux qui font semblant de mobiliser contre les réformes comme ceux qui les soutiennent.

Quelle sera la limite de ces attaques qui se camouflent sous le doux nom de « réformes » ? Eh bien, la Grèce nous démontre non seulement que le chemin des réformes mène d’enfers en enfers mais aussi que ce chemin est sans fin, chaque attaque en prépare une autre encore pire. L’Etat affirme toujours être plus endetté et, même s’il ne se charge même plus de la santé, de l’éducation, des transports, des aides sociales, sa dette ne cesse de croitre au bénéfice des prêteurs.

Casser les retraites, casser les droits sociaux, casser les services publics ne sont même pas le bout de leurs réformes. Le vrai but est de casser la classe ouvrière. Et dans cette perspective, rien de mieux que le chômage. Il sert non seulement à permettre des chantages multiples à l’emploi, il sert surtout à casser les luttes et à faire croire aux salariés que l’on n’a pas besoin de leur force de travail, que se mettre en grève n’aurait aucune efficacité puisque les patrons ne rêvent que de diminuer les effectifs.

Et effectivement, dans tous les secteurs d’activité, du public, du semi-public comme du privé, les patrons suppriment massivement des emplois.

AREVA : 4000 suppressions d’emplois

EDF : 6000 suppressions d’emplois

Fonctionnaires : 100.000 suppressions d’emplois (cheminots, postiers, infirmières, aides soignantes, enseignants, collectivités locales, etc.) alors que 150.000 ont déjà été supprimés dans les cinq dernières années !

Banques : 10.000 suppressions de postes avec la disparition de 25% et l’effondrement des emplois en BPI (dont Société Générale 2000, mais aussi Crédit Agricole 2350, LCL 1000, BNP 1400, HSBC 50.000 dans le monde, etc.) Au total, 110.000 suppressions d’emplois dans le monde.

Automobile : 9.000 suppressions d’emplois (dont Renault 2700, PSA 2650, Volvo 512, Renault Trucks 500, Cenntro Motors France 263, et aussi les sous-traitants, etc.)

Radio France : 350 suppressions d’emplois

France Television : 600 suppressions d’emplois

Pétrolières : 3500 suppressions d’emplois (dont Total 2000, et aussi BP, Shell et ceux qui travaillent pour le pétrole comme Vallourec et Schlumberger et Technip supprime 6000 emplois dans le monde)

Air France : 2900 puis 5000 suppressions d’emplois

Thalès : 1500 suppressions d’emplois

Alstom : 1000 suppressions d’emplois

FNAC-Darty : 3000 suppressions d’emplois

Valeo : 5000 suppressions d’emplois dont 1600 en France

Michelin : 900 suppressions d’emplois

BTP : 7000 suppressions d’emplois

Labo pharmaceutiques : 9000 suppressions d’emplois (dont Sanofi 5000, Schering 83, DSM 1000 dans le monde,

Hewlett Packard : 30.000 suppressions de postes dont une partie en France

Sidel : 185 suppressions de postes

Siemens : 12.300 suppressions de postes dont une partie en France

La Halle - Vivarte : 1500 suppressions de postes

Microsoft : 18.000 suppressions d’emplois dans le monde dont une partie en France

Coca Cola : 2000 dans le monde dont la France

Secteur associatif : 40.000 suppressions d’emplois

Chimie : 3000 suppressions d’emplois

Etc, etc…

Au total, c’est 300.000 emplois qui s’apprêtent à être supprimés !!!

Que diraient le patronat, le gouvernement et les média si 300.000 salariés étaient en grève générale illimitée ? Eh bien, ces 300.000 doivent arrêter le travail… de force, parce que les patrons veulent simplement s’en débarrasser !!! Bien sûr, cela ne signifie pas autant de licenciements secs et la plupart sont, pour le moment, des départs volontaires et des départs en retraite ou préretraites non remplacés. Mais cela signifie 300.000 jeunes qui n’ont aucune chance de trouver un travail ! Et c’est même bien plus que 300.000 car cela fait des années que les patrons et l’Etat suppriment des emplois… C’est plusieurs millions d’emplois qui ont été supprimés en dix ans et cela signifie des millions de salariés qui seraient en grève générale permanente, grève imposée par le patronat et l’Etat à son service. Le plus gros blocage du travail au monde, c’est bien celui imposé par les capitalistes !!! Pas la peine de pester contre les grèves, les grévistes et les gréviculteurs : il n’y a pas plus grand destructeur du travail que le capital !!!

Et le plus extraordinaire, c’est qu’on ne cesse de présenter les patrons et le gouvernement comme des défenseurs de nos emplois et les salariés comme des destructeurs de l’emploi… Le plus extraordinaire aussi est qu’on continue à présenter les licenciements, les suppressions d’emploi et le chômage comme des problèmes séparés, les fermetures comme des problèmes individuels, ceux d’un seul patron, d’une seule entreprise, qu’on continue ainsi à diviser les réactions ouvrières. Cela permet que le tsunami des suppressions d’emplois continue grâce la politique criminelle des bureaucraties syndicales de refuser la lutte d’ensemble pour y faire face continue également…

Dans le nouveau code du travail, il n’y aura bien entendu rien qui interdise aux capitalistes de supprimer massivement des emplois, y compris dans les trust qui font des bénéfices, dans les trusts qui augmentent même leurs bénéfices comme Total, Air France, Renault et PSA !!!

Pour nous défendre, il n’y a qu’un seul moyen : il faut contre-attaquer ! Il ne faut pas s’accrocher à nos acquis, il ne faut pas craindre de remettre en question ceux du patronat. C’est comme cela que, dans un premier temps, les travailleurs ont fait reculer patronat et gouvernement en juin-juillet 1936 : ils ont occupé les usines et affirmé que l’usine n’appartenait plus de droit au patron ! Dès lors, les classes dirigeantes et le gouvernement de front populaire qui les représentait n’ont rien eu de plus pressé que de négocier des réformes, de vraies réformes, des avancées pour les salariés et les milieux populaires.

Oui, c’est à nous de réformer la société et pour cela, il est indispensable que nous, la classe qui produit toutes les richesses, nous prenions le pouvoir. Et le premier pas en ce sens est que nous prenions le pouvoir sur nos propres luttes, que nous les retirions des mains de ceux qui collaborent, qui discutent, qui s’entendent sur notre dos avec le patronat et le gouvernement : les bureaucraties syndicales.

Quelles seront nos réformes ? La première de celles-ci consistera à transformer la relation entre le capital et le travail. Ce n’est pas au capital d’autoriser ou pas le travail à vivre ou à survivre : c’est l’inverse. Assez d’autoriser les possesseurs de capitaux de décider de la vie et de mort de millions de familles de travailleurs ! La seconde réforme, c’est celle de l’Etat. Assez d’avoir un Etat qui récupère des impôts pour les distribuer aux banquiers et aux capitalistes ! Assez de voir les forces de l’ordre intervenir contre des salariés qui défendent leur emploi ! Assez de voir la justice condamner comme des coupables ceux qui défendent leur gagne-pain alors que des patrons responsables de morts d’hommes ne sont nullement inquiétés !

Mais le premier pas de toutes ces transformations d’une société capitaliste finissante, c’est que la classe ouvrière cesse d’être la grande muette en politique, qu’elle cesse d’être la seule classe de la société qui ne se réunit pas, qui ne discute pas, qui ne décide pas : c’est de constituer partout nos comités de travailleurs, de les fédérer, de leur permettre de tout décider, de tout contrôler, de tout discuter…

Gouvernants et classes dirigeantes veulent nous libérer du code du travail ? Prenons-les au mot et libérons-nous de toutes les lois bourgeoises fondées sur les droits absolus du Capital sur la Travail !!! Libérons-nous du droit des capitalistes sur les entreprises, libérons-nous du droit de licencier, libérons-nous du droit d’exploiter, libérons-nous du droit d’exiger l’obéissance à la hiérarchie, libérons-nous des profits des gros actionnaires, des bourses, des financiers, libérons-nous des dettes de l’Etat auprès des capitalistes, libérons-nous des cadeaux de l’Etat aux banquiers et aux capitalistes ! Ce qui reste à mettre à la réforme, c’est la loi de la propriété privée des capitaux, elle qui fait de nous des exploités un jour et des licenciés le lendemain, elle qui pousse au suicide les surexploités, elle qui justifie qu’on ferme des usines, des comptes en banque, des arrivées de gaz et d’électricité, des lignes téléphoniques, qu’on jette à la rue, qu’on expulse et qu’on détruise des régions entières, mais aussi qu’on lance des guerres, qu’on pousse les peuples à la haine, au fascisme, à la barbarie.

Après la crise de 2007-2008, les grands de ce monde avaient prétendu qu’ils avaient compris et qu’ils allaient réformer le capitalisme et la finance. Bien entendu, ils n’en ont rien fait ! Car c’est à nous, travailleurs, de mettre le vieux monde de l’exploitation à la réforme !!!

Messages

  • Grève à l’AFP, pas de quotidiens nationaux mardi dernier.
    À la suite d’un mouvement lancé par la CGT du Livre – en solidarité avec la grève à l’Agence France-Presse –, les quotidiens sont absents des kiosques.

    Par contre, pas de mouvement commun avec Radio France, France Télévisions, la SNCF, l’APHP, pourtant frappés exactement par les mêmes politiques !!!

  • Durant sa mandature, Nicolas Sarkozy avait supprimé 150.000 postes de fonctionnaires et s’engage maintenant à en supprimer 300.000… Hollande avait poursuivi les suppressions de postes de fonctionnaires : 100.000 de moins à son actif !

    C’est ce qu’ils appellent la lutte contre le chômage de supprimer des infirmières, des enseignants, des postiers et des cheminots !!!

    Tout en augmentant le nombre de flics, de gardiens de prison et de militaires !!!

  • L’impôt ne saigne que le malheureux…

    Bernard Arnault est un PDG français bien connu qui a l’avantage de payer ses impôts en Belgique pour ses sociétés financières, sans y employer grand monde. Cela lui permet de soustraire, sans protestation du fisc français, des revenus considérables aux impôts en France. Pas besoin ensuite de se plaindre que les comptes publics aient de tels trous !

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