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L’effet Hall, un phénomène anciennement connu, est source de découvertes étonnantes en Physique

mardi 22 novembre 2016, par Robert Paris

David Thouless, très récent prix Nobel de Physique, dans « La physique de la matière condensée en dimension inférieure à trois » :

« (…) Nous décrivons maintenant une découverte expérimentale récente : l’effet Hall quantique. A très basse température et dans un champ magnétique intense, un courant électrique circule dans la direction orthogonale à la direction d’application de la différence de potentiel – c’est l’effet Hall classique, connu depuis plus d’un siècle. La nouveauté est que le rapport entre le courant et la tension est un multiple simple d’une quantité qui ne dépend que de constantes atomiques fondamentales. Les conséquences pratiques et théoriques de cette découverte sont très importantes. Ce phénomène fournit même un étalon de résistance électrique, à la fois facile à reproduire et à transporter qui permet de calibrer les appareils de mesure. (…)

En électrodynamique classique, il est bien connu qu’un champ magnétique uniforme B fait tourner une particule de masse m et de charge e sur une orbite circulaire, avec une fréquence de rotation eB/m, appelée fréquence cyclotron. Si on ajoute un champ électrique E dans une direction perpendiculaire au champ magnétique, les orbites circulaires dérivent avec une vitesse E/B dans la direction orthogonale aux deux champs…

Dans la plupart des métaux réels, même à très basse température, les électrons diffusent en un temps court devant la période d’une révolution. C’est pourquoi, quand on applique un champ magnétique et un champ électrique croisés, le courant total est largement dans la direction du champ électrique. Il reste néanmoins une petite composante perpendiculaire connue sous le nom d’effet Hall. C’est à ce phénomène que E. Hall s’est intéressé, il y a plus d’un siècle, mais il a fallu attendre le développement de la théorie quantique des solides, soixante ans plus tard, pour le comprendre en détail.

Quand on applique à un système bidimensionnel, comme un composant MOS ou une hétérojonction, un champ magnétique perpendiculaire à la surface, on provoque des modifications importantes de nature quantique. En premier lieu, la théorie quantique impose que les niveaux d’énergie du gaz d’électrons bidimensionnel soient discrets, égaux à un multiple entier de la constante de Planck multiplié par la fréquence cyclotron. Chacun de ces niveaux, appelés niveaux de Landau, est hautement dégénéré. On peut y trouver EB/h électrons par unité de surface, où h est la constante de Planck. En combinant la dégénérescence du niveau d’énergie et la vitesse de dérive, qui est identique en théorie quantique à la vitesse classique E/B, on calcule que la contribution de chaque niveau de Landau (rempli) au courant total est égale à e²E/h dans la direction perpendiculaire au champ. Ceci implique que le rapport entre le courant « Hall » et le potentiel électrique responsable de ce courant est un multiple entier de e²/h, pour peu que tous les niveaux soient ou bien vides ou bien remplis à ras bord, ce qui est le cas à suffisamment basse température. Le spin électronique provoque d’autres effets quantiques : comme il peut prendre deux orientations opposées, il dédouble chaque niveau de Landau. Dans les semi-conducteurs, l’énergie qui sépare les deux directions de spins est beaucoup plus faible qu’elle ne l’est entre deux niveaux obtenus à partir d’un niveau de Landau principal, proportionnel à la fréquence cyclotron. Dans le silicium cristallin (mais pas dans l’arséniure de gallium), la structure de bande dédouble une fois de plus les niveaux de Landau, ce dédoublement est connu sous le nom de « séparation des vallées ».

Récemment encore, on ignorait si les résultats simples obtenus pour un système bidimensionnel idéal s’appliqueraient à un système réel. K. von Klitzing, G. Dorda et M. Pepper ont étudié en 1980 un composant MOS en silicium placé dans un champ magnétique intense perpendiculaire à l’interface ; ils ont trouvé que les variations de la tension de la grille coïncidaient avec des valeurs du paramètre où le courant était perpendiculaire au champ électrique, et que le rapport entre le courant et le champ électrique était constant. Dans chaque région, la valeur de ce rapport était très proche d’un multiple entier de e²/h, ce que prédisait la théorie la plus simple. Les premiers résultats publiés étaient même précis à dix puissance moins cinq près ; des travaux plus récents ont confirmé cette valeur à dix puissance moins sept près…

On a mesuré la tension perpendiculairement au courant (VH) et parallèlement au courant (VP). Pour certaines valeurs de la tension du collecteur, qui correspondent sans doute au remplissage des niveaux de Landau, la valeur de VP est très faible et la tension de Hall correspondante, VH, passe par un plateau, où sa valeur est très précisément égale à une constante divisée par un entier n. Le plateau le plus élevé correspond à n=2, les deux niveaux d’énergie les plus bas sont remplis, et le spin ne prend qu’une valeur. Le plateau suivant correspond à n=3, les deux états de spin remplissent chacun une des deux vallées. Pour n=4, les deux vallées sont remplies de spins des deux orientations dans le niveau de Landau le plus bas. Au-delà, la structure due aux deux vallées et aux états de spins est pratiquement perdue, mais les plateaux correspondants à n=8 et n=12 sont encore bien visibles. Pour ces travaux, von Klitzing a reçu le prix Nobel en 1985.

Dire que la description simple qu’on obtient en partant d’un modèle d’électrons idéalement libres dans un champ magnétique uniforme donne une explication correcte des courants de Hall quantiques serait très exagéré. On sait, par exemple, que les impuretés dans les semiconducteurs doivent entraîner un désordre et une localisation des états électroniques. Cependant, on peut montrer sans trop de difficulté que les valeurs quantifiées du courant de Hall obtenues à partir de la théorie la plus simple ne sont pas changées, ni a fortiori annulées, par l’existence de désordre et de niveaux électroniques localisés, ou d’interactions entre électrons, pour que ces effets ne soient pas trop forts. L’effet Hall permet de déterminer la valeur de certaines constantes fondamentales, comme la constante de structure fine, avec une précision comparable aux meilleures méthodes existant par ailleurs. Cet effet fournit déjà un étalon reproductible de résistance électrique dont la précision est incomparablement meilleure que le meilleur étalon de laboratoire.

Il est possible, dans les hétérojonctions, de placer les électrons de manière qu’ils aient des mobilités encore plus grandes que dans les composants MOS, c’est-à-dire de manière qu’ils aillent encore plus loin avant d’être diffusés. D. Tsui, H. Stormer et A. Gossard ont découvert en 1982 qu’on obtient, avec des composants à haute mobilité, des régions plates sur la courbe du potentiel de Hall qui correspondent à des valeurs fractionnaires plutôt qu’entières. Cet effet Hall fractionnaire a été observé pour la première fois à la valeur 1/3, avec une précision dix puissance moins 4. Beaucoup d’autres valeurs ont été observées depuis. Les dénominateurs sont toujours impairs et on a pu en identifier jusqu’à neuf. Ce fait est beaucoup moins bien compris que l’effet Hall entier, mais une théorie à peu près satisfaisante a été proposée par R. Laughlin. On admet généralement que l’effet Hall quantique fractionnaire est dû à l’interaction entre les électrons. »

L’effet Hall, un phénomène anciennement connu, est source de découvertes étonnantes en Physique

L’effet Hall est souvent utilisé pour effectuer des mesures très précises, et parfois réduit à tort à un précieux mécanisme d’étalonnage. Il est très commenté, souvent bien interprété, reste pourtant un phénomène qui mène à des résultats renversants pour la Physique. Il est différent dans les métaux et dans les semi-conducteurs, dans un matériel tridimensionnel ou bidimensionnel, il est parfois classique, parfois quantique entier et parfois quantique fractionnaire, il est alors incompatible avec une vision réductionniste de la matière, il mène à des charges électriques fractionnaires qui agissent collectivement comme un ensemble de charge entière. Deux autres points sont plus qu’étonnants : sa précision extraordinaire et le fait que les mesures de résistance ne dépendent pas des impuretés du matériau, ce qui est particulièrement curieux…

Non seulement, on remarque, dans les semi-conducteurs, que les trous (absence de particules chargées négativement) se comportent comme des particules chargées positivement, ce qui signifie, philosophiquement, que la négation devient affirmation, mais nous remarquons aussi que lorsqu’il y a palier de résistance dans le sens perpendiculaire au champ et au mouvement, il n’y a plus de résistance dans leur direction. Là encore, c’est la négation qui est en action.

Futura Science commente :

« L’effet Hall est un phénomène bien connu dans le domaine de l’électromagnétisme des matériaux. Il porte le nom de son découvreur en 1879, l’américain Edwin Hall, originellement associé à des effets de physique classique, il possède des prolongements fascinants dans le domaine quantique, les effets Hall quantique entier et fractionnaire. Ces deux derniers ayant donné lieu à l’obtention de plusieurs prix Nobel. Dans le cas classique, il apparaît lorsque l’on plonge un ruban de métal, souvent un semi-conducteur, dans un champ magnétique. Le ruban étant parcouru par un courant électrique I selon sa longueur, elle-même perpendiculaire au champ magnétique B, il apparaît alors une différence de potentiel VH due à l’accumulation de charges sur les faces opposées du ruban selon sa largeur. Une simple application de la force de Lorentz F sur les électrons portant une charge -e, et se déplaçant à vitesse v comme indiqué sur le schéma, suffit à expliquer pourquoi les électrons dans le courant sont partiellement déviés sur le côté et s’accumulent sur celui-ci en donnant lieux à un champ électrique. Une première surprise est venue du fait que certains matériaux ne possédaient pas le bon signe de porteur de charges, celui-ci était positif au lieu d’être négatif ! C’est la théorie quantique des solides qui a donné la solution de cette énigme, la conduction dans les semi-conducteurs pouvant se faire par des trous positifs. On peut introduire un coefficient RH, dit de Hall, reliant VH, B et I. Si l’on étalonne RH pour un champ magnétique donné on peut alors se servir de l’effet Hall pour mesurer de faibles champs magnétiques, ce qui permet de créer des capteurs aujourd’hui largement répandus. Inversement, pour un champ magnétique donné, on peut déterminer RH, qui est directement relié aux propriétés de conduction d’un matériau, c’est très pratique dans l’étude des semi-conducteurs. »

1- Effet Hall classique découvert en 1879 par Edwin Hall

2- Effet Hall quantique entier découvert en 1980 par Klaus von Klitzing

3- Effet Hall quantique fractionnaire mis en évidence dans les années 1980 par Horst Störmer et Daniel Tsui et explicité en 1983 par Robert B. Laughlin

4- Effet Hall quantique de spin (excitation topologique) découvert par Kane et Meleen 2000

5- Effet Hall quantique bosonique par Wen et Xioa-Gang

6- Effet Hall quantique relativiste par Goerbig

1- Effet Hall classique

En 1879, Edwin Hall découvre l’effet Hall : il apparaît entre les parois latérales d’un semi-conducteur, une tension proportionnelle au champ magnétique auquel il est soumis.

Un fil parcouru par un courant électrique et plongé dans un champ magnétique voit apparaître une petite tension latérale, dont le rapport avec le courant est appelé la résistance de Hall. Cette résistance croît avec le champ magnétique.

L’effet Hall, connu depuis 1879, produit par la force de Laplace, très bien connue, a été énoncé par Hall de la manière suivante : "un courant électrique traversant un matériau baignant dans un champ magnétique, engendre une tension perpendiculaire à ce dernier".

Cependant à basse température et haute précision, une surprise apparaît. La résistance de Hall n’augmente pas linéairement avec le champ mais présente des paliers, inexplicables selon la physique classique. Seul le cadre quantique permet d’étudier ce phénomène.

L’existence de paliers permet des mesures de très haute précision. On les utilise pour obtenir la meilleure définition de l’ohm, l’unité de résistance électrique.

En 1980, Klaus von Klitzing alors à Grenoble, découvrit dans le cas de semi-conducteurs à très basse température plongés dans un champ magnétique intense que RH variait par paliers en liaison avec un multiple entier de h /e2, où e est la charge électrique élémentaire et h la constante de Planck. Cet effet Hall quantique entier a généré beaucoup de travaux en physique théorique avancée. On le retrouve maintenant dans le cadre de la théorie quantique topologique des champs, la géométrie non commutative et même la théorie des cordes appliquée aux trous noirs et en cosmologie.

Récemment, un effet Hall quantique fractionnaire a été découvert et il y a toujours débat sur la validité des explications théoriques à propos de l’effet Hall quantique. Du point de vue expérimental, l’effet Hall quantique entier permet d’obtenir des étalons de résistance très précis pour la physique et la technologie ainsi que des mesures fines de la valeur des constantes fondamentales comme h et e.

L’effet Hall trouve son origine dans la nature du courant qui traverse un matériau conducteur. Ce courant est le résultat du mouvement d’un grand nombre de porteurs de charges (combinaison d’électrons, trous et ions).

En présence d’un champ électrique, les porteurs de charges acquièrent une vitesse de dérive moyenne stationnaire qui est limitée par les collisions avec les impuretés du matériau et/ou les phonons. Dans ces conditions, les porteurs de charges ont une trajectoire en moyenne rectiligne. C’est ce principe qui génère un courant électrique. Lorsqu’on ajoute un champ magnétique de composante perpendiculaire au déplacement des électrons, les porteurs de charges sont, en plus d’être accélérés, mis en rotation autour de l’axe du champ magnétique. Dans certaines conditions, les porteurs de charges n’ont pas le temps de décrire un cercle complet autour de l’axe du champ magnétique. De ce fait, dès l’application du champ magnétique, les porteurs de charges ne pouvant pas sortir du solide vont s’accumuler sur une des faces du matériau. Cette accumulation de charges se traduit par l’apparition d’un champ électrique, selon la direction y, nommé champ de Hall. Ce champ électrique engendre sur les porteurs de charges une nouvelle force qui tend à diminuer la force de Lorentz (responsable de la mise en rotation des porteurs de charges). Au bout d’un temps assez court, le champ de Hall est suffisamment grand pour compenser la déviation des électrons. Le régime stationnaire est atteint, les porteurs de charges ne sont plus déviés par le champ magnétique. Une tension fixe est apparue sur les faces du solide, nommée tension de Hall.

Par sa définition et son origine, l’effet Hall dépend du courant induit dans le matériau par le champ électrique, du champ magnétique appliqué au matériau, mais également de la géométrie du matériau. En effet, plus ce dernier est « étroit » plus les porteurs de charges auront du mal à faire une rotation complète autour de l’axe du champ magnétique.

Effet Hall classique

Exposé vidéo très simple

Exposé video en anglais

The Hall Effect and Hall emf (en anglais)

2- Effet Hall quantique entier

« Mécanique quantique », cours de Feynman :

« Electrons et trous dans les semi-conducteurs

L’un des développements les plus remarquables et les plus spectaculaires au cours des dernières années a été l’application de la science à l’état solide à des progrès techniques dans les appareils électriques, tels par exemple, les transistors. L’étude des semi-conducteurs a amené la découverte de leurs propriétés utiles, et provoqué de très nombreuses applications pratiques…

Les substances semi-conductrices les plus communément utilisées aujourd’hui sont le silicium et le germanium. Ces éléments se cristallisent en un réseau de type diamant, c’est-à-dire une sorte de structure cubique dans laquelle les atomes sont reliés à leurs quatre voisins immédiats. Ce sont des isolants aux très basses températures – au voisinage du zéro absolu – cependant, à la température ambiante, ils sont un peu conducteurs de l’électricité. Ce ne sont pas des métaux ; on les appelle des « semi-conducteurs ».

Si, d’une manière ou d’une autre, nous mettons un électron supplémentaire dans un cristal de silicium ou de germanium placé à la température ambiante, nous aurons exactement la situation suivante : l’électron sera capable de se promener à l’intérieur du cristal, sautant du site d’un atome à un autre site voisin. A vrai dire, nous n’avons considéré que le comportement des électrons dans un réseau rectangulaire, les équations concernant les réseaux du silicium et du germanium seraient un peu différentes. Mais tous les résultats sont illustrés par les résultats sur le réseau rectangulaire…

Nous aurons une situation très semblable si nous retirons un électron d’un isolant neutre. Un électron peut alors sauter à partir d’un atome voisin et ainsi combler le « trou » ; mais il laisse alors derrière lui un autre « trou ». Pour décrire ce processus, nous pouvons écrire l’amplitude pour trouver le « trou » à un atome particulier, en nous disant que le « trou » peut sauter d’un atome au suivant… Le calcul est alors exactement le même pour le « trou » que pour l’électron en surplus et l’énergie du trou est reliée à son nombre d’ondes par la même équation, avec, bien entendu, des valeurs numériques différentes pour les amplitudes. Le trou a une énergie reliée au nombre d’ondes de son amplitude de probabilité. Cette énergie est située à l’intérieur d’une bande restreinte, et au voisinage de la limite inférieure, elle varie comme le carré du nombre d’ondes – ou impulsion -. En refaisant le raisonnement, nous verrions que « le trou lui aussi se comporte comme une particule classique » ayant une certaine masse effective – à cela près que, dans un cristal non cubique, la masse dépend de la direction du mouvement. Le trou se comporte donc comme une particule positive se déplaçant à travers le cristal. La charge de la particule-trou est positive parce qu’elle st située en un lieu où il manque un électron : lorsqu’elle se déplace dans une direction, il y a en fait des électrons qui se déplacent dans la direction opposée.

Si nous mettons plusieurs électrons dans un cristal neutre, ils auront des mouvements très semblables à ceux des atomes d’un gaz de faible pression. S’ils ne sont pas très nombreux leurs interactions ne seront pas très importantes. Si nous mettons alors le cristal dans un champ électrique, les électrons commenceront à se déplacer ; d’où un courant électrique. En fin de compte, ils vont tous se retrouver sur l’un des bords du cristal et s’il y a là une électrode métallique, ils seront collectés, laissant ainsi le cristal dans un état neutre. (…)

« L’effet Hall

« Qu’il y ait, dans une substance où les seuls objets relativement libres soient les électrons, un courant électrique porté par des trous ayant le comportement de particules positives, ce n’est vraiment pas banal. Nous aimerions donc décrire une expérience qui montre de manière assez claire que le signe des porteurs du courant électrique est vraiment positif. Supposez que nous ayons un bloc fait d’un matériau semi-conducteur – ce pourrait aussi être un métal – et que nous lui appliquions un champ électrique, de manière à entraîner un courant dans une certaine direction, disons la direction horizontale comme représentée dans la figure.

Fig n°1.

Supposez que nous soumettions maintenant ce bloc à un champ magnétique orthogonal au courant, mettons perpendiculaire au plan de la figure. Les porteurs en mouvement subiront une force magnétique q(vxB). Puisque la vitesse moyenne de glissement est orientée ou bien à droite ou bien à gauche – selon le signe de la charge du porteur -, la force magnétique moyenne sur les porteurs sera ou bien vers le haut ou bien vers le bas.

Non, ceci n’est pas vrai ! Pour les directions du courant et du champ magnétique que nous avons supposées, la force magnétique sur les charges en mouvement sera toujours VERS LE HAUT.

Les charges positives se déplaçant vers la droite subiront une force vers le haut. Si le courant est porté par des charges négatives, celles-ci se déplaceront vers la gauche (pour le même signe du courant de conduction), elles subiront donc aussi une force vers le haut. Cependant, pour des conditions stables, il n’y aura pas de mouvement des porteurs vers le haut, car le courant ne peut s’écouler que de gauche à droite. Ce qui arrive, c’est qu’au début quelques charges se dirigent vers le haut, provoquant une accumulation de charges sur la surface supérieure du semi-conducteur – une même densité de charges mais de signe opposé est par là-même créée sur la surface inférieure du cristal. Les charges s’accumulent sur les surfaces supérieure et inférieure jusqu’à ce que les forces électriques qu’elles produisent sur les charges en mouvement compensent exactement (en moyenne) la force magnétique de sorte que le courant s’écoule horizontalement. Les charges sur les surfaces supérieure et inférieure produiront une différence de potentiel verticalement à travers le cristal et on peut mesurer ce potentiel avec un voltmètre à haute résistance, comme indiqué dans la figure suivante.

Fig n°2.

Le signe de la différence de potentiel enregistrée par le voltmètre dépendra du signe des charges des porteurs qui sont responsables du courant.

Lorsque des expériences de ce genre ont été faites pour la première fois, on s’attendait à ce que le signe de la différence de potentiel soit négatif, comme prévu pour des électrons de conduction négatifs. Les gens furent donc très surpris de trouver que pour certains matériaux, le signe de la différence de potentiel était opposé. Il apparaissait donc que le porteur du courant était une particule ayant une charge positive. On comprend donc qu’un semi-conducteur de type-n doit produire une différence de potentiel dont le signe corresponde à des porteurs négatifs, et qu’un semi-conducteur de type-p doit produire une différence de potentiel opposée, puisque le courant est porté par des trous de charges positives.

L’anomalie de signe de la différence de potentiel dans l’effet Hall fut d’abord découverte pour un métal et non pour un semi-conducteur. On pensait que dans les métaux la conduction était toujours due aux électrons ; or on s’est aperçu que pour le béryllium la différence de potentiel était du mauvais signe.

On sait aujourd’hui pourquoi dans certaines circonstances les « objets » responsables de la conduction peuvent être des trous, pour les métaux aussi bien que pour les semi-conducteurs. Bien qu’en fin de compte ce soient les électrons qui, dans un cristal, sont en mouvement, néanmoins la relation entre énergie et impulsion et la réaction à des champs extérieurs est exactement ce que l’on attendrait pour un courant électrique porté par des particules positives.

Voyons si nous pouvons donner une estimation quantitative de la différence de potentiel attendu par l’effet Hall. Si le voltmètre de la figure n°2 ne tire qu’un courant négligeable, les charges à l’intérieur du semi-conducteur doivent alors se déplacer de gauche à droite, et la force magnétique verticale doit être exactement compensée par le champ électrique vertical que nous désignons Etr (le « tr » est pour « transversal »). Pour que ce champ électrique compense les forces magnétiques, il faut que l’on ait :

Etr = - vitesse de glissement x B

En utilisant la relation entre la vitesse de glissement et la densité du courant électrique, nous obtenons :

Etr = - jB/qN

La différence de potentiel entre le haut et le bas du cristal est évidemment ce champ électrique multiplié par la hauteur du cristal. L’intensité du champ électrique Etr dans le cristal est proportionnel à la densité de courant et à l’intensité du champ magnétique. La constante de proportionnalité 1/qN est appelée coefficient de Hall ; on la représente habituellement par le symbole RH. Le coefficient de Hall ne dépend que de la densité des porteurs – à condition qu’il y ait en forte majorité des porteurs d’un seul signe. La mesure de l’effet Hall constitue donc une méthode pratique pour la détermination expérimentale de la densité des porteurs dans un semi-conducteur. »

Effet Hall quantique entier

Exposé video en anglais : Integer and fractional quantum Hall effects - An Introduction

Quantum Hall Effect (en anglais)

3- Effet Hall Quantique fractionnaire

L’effet Hall quantique fractionnaire, dans un gaz d’électrons soumis à certains champs magnétiques, est le seul autre cas d’expérience interprétable par des charges électriques fractionnaires. Cela ne signifie pas que dans cette expérience les charges soient fractionnaires en tant que charges attribuables individuellement à des particules. L’interprétation de ce phénomène reste controversée mais ce qui ne l’est pas, c’est qu’il s’agisse d’un effet global qui est une propriété émergente de la matière, dans laquelle la charge individuelle des véritables particules est inchangée mais c’est leur effet collectif qui change. Des quasi-particules ont ainsi des charges électriques fractionnaires ou, plus exactement, se comportent comme s’ils en avaient.

C’est en 1982 que Horst L. Störmer et Daniel C. Tsui découvrent au M.I.T. une nouvelle forme de fluide quantique dont les excitations portent une fraction de la charge électrique élémentaire. Cet étonnant « effet Hall fractionnaire » est l’apparition d’un état formé par des électrons placés dans un champ magnétique de plusieurs dizaines de teslas et refroidis jusqu’à une fraction de kelvin.

Le physicien allemand Horst Störmer partage avec Daniel C. Tsui et le théoricien Robert B. Laughlin le prix Nobel de physique 1998 pour leur découverte de l’effet Hall quantique fractionnaire, effet où les électrons forment une nouvelle forme de fluide quantique dont les excitations portent une fraction de la charge électrique élémentaire. Cet étonnant état est formé par des électrons placés dans un champ magnétique de plusieurs dizaines de teslas et refroidis jusqu’à une fraction de kelvin. L’expérience effectuée en 1982 au M.I.T. par Störmer et Tsui montrait que tout se passait comme s’il existait de nouvelles particules de charge trois fois plus petite que celle de l’électron. La découverte a été rendue possible par l’utilisation de couches très fines de semi-conducteurs à dopage modulé fabriquées par épitaxie par jet moléculaire ; ce procédé technologique fondé sur l’évaporation sous vide d’un matériau permet par ailleurs la production de nouveaux types de transistors à arséniure de gallium utilisés aujourd’hui dans certains téléphones cellulaires.

Cet étonnant état est formé par des électrons placés dans un champ magnétique de plusieurs dizaines de teslas et refroidis jusqu’à une fraction de kelvin. La découverte a été rendue possible par l’utilisation de couches très fines de semi-conducteurs à dopage modulé fabriquées par épitaxie par jet moléculaire ; ce procédé technologique fondé sur l’évaporation sous vide d’un matériau permet par ailleurs la production de nouveaux types de transistors à arséniure de gallium utilisés aujourd’hui dans certains téléphones cellulaires. L’expérience effectuée en 1982 au M.I.T. par Störmer et Tsui avait d’abord pour but d’approfondir la compréhension de l’effet Hall quantique découvert par le physicien allemand Klaus von Klitzing (Prix Nobel 1985). Le comportement électrique de l’échantillon apparut différent : tout se passe comme s’il existait de nouvelles particules de charge trois fois plus petite que celle de l’électron. Laughlin montra que ce n’était que la conséquence d’une réponse collective des électrons.

Robert Laughlin, dans « Un univers différent » (A different Universe, en anglais) :

Von Klitzing a découvert quelque chose qui n’aurait pas dû exister – ce qui nous rappelle brutalement que notre compréhension du monde st limitée, que nos préjugés ne sont pas des lois (…) – une mesure qui devenait anormalement stable sur toute une gamme d’intensités du champ magnétique. (…) Poussé par sa curiosité, par sa formation scientifique ou par une pure inspiration, il résolut de déterminer avec exactitude le degré de stabilité du phénomène (l’effet Hall), en étalonnant très précisément l’expérience. A sa grande stupéfaction, il découvrit que la mesure était identique d’une intensité de champ à la suivante, jour après jour, échantillon après échantillon, avec un degré d’exactitude supérieur à un millionième. En améliorant la qualité des échantillons et la technologie de réfrigération, on a depuis porté cette reproductibilité à un dix-milliardième. Pour donner une idée de ce degré de précision, c’est comme si, en comptant tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants de la Terre, on n’en oubliait pas un seul. La découverte de cette constance inattendue, personne ne l’avait prédite. (…) La mesure elle-même s’effectue simplement et elle a été reproduite dans des milliers de laboratoires à travers le monde, donc nous sommes sûrs qu’elle est juste. Lorsqu’on approche un aimant d’un fil électrique où passe un courant, une tension perpendiculaire à la direction du courant apparaît. Elle fait parce que les électrons qui passent dans le conducteur sont déviés par l’aimant, exactement comme ils le seraient à l’air libre. Ils s’accumulent donc d’un seul côté du fil, jusqu’au moment où la tension de réaction qu’ils génèrent équilibre exactement la déviation magnétique.

On appelle ce phénomène l’effet Hall, du nom du physicien Edwin H. Hall qui l’a découvert en 1879. On le présente d’ordinaire comme une résistance, que l’on calcule en divisant la tension de réaction par le courant qui circule dans le fil. Aux températures ordinaires, la résistance de Hall mesure la densité d’électrons dans le fil électrique, et elle est donc importante pour la technologie des semi-conducteurs, qui travaille en manipulant cette densité. Mais, à des températures très basses, la mécanique quantique entre en jeu. Graphiquement, le rapport entre résistance de Hall et densité n’est plus une ligne droite, comme il le serait à température ambiante, mais une ligne qui frétille. Dans le cas du type particulier de semi-conducteurs qu’étudiait Von Klitzing – des transistors à effet de champ, comme ceux que l’on trouve dans les puces de l’ordinateur-, ces frétillements se muent en un escalier aux marches extrêmement aplaties quand on baisse la température. Les hauteurs de ces marches sont les valeurs quantifiées universelles de la résistance de Hall.

Après avoir établi son universalité, Von Klitzing a pris conscience du fait que la valeur de la résistance de Hall ainsi définie était une combinaison de constantes fondamentales – la valeur indivisible de la charge électrique e, la constante de Planck h et la vitesse de la lumière c, autant d’éléments que nous concevons comme les composantes de base de l’univers.

Conséquence évidente : on peut mesurer ces composantes de base avec une exactitude époustouflante sans avoir affaire à elles directement. C’est extrêmement important, et extrêmement perturbant pour la plupart des physiciens. La chose a paru impossible aux plus réfléchis, qui ont refusé d’y croire jusqu’au jour où ils ont étudié les chiffres, et même alors ils se sont dit que quelque chose devait clocher quelque part.

Mais rien ne peut clocher éternellement. Les expériences sont surabondantes, invariantes et inattaquables. Il y a plus : il apparaît que l’exactitude de la mesure de Von Klitzing s’améliore sans limite quand on baisse la température et qu’on augmente la taille de l’échantillon. C’est pourquoi elle est devenue la définition admise de cette combinaison particulière de constantes fondamentales.
(…) Nous savions tous que les échantillons de Von Klitzing étaient imparfaits, donc nous nous attendions à des variations. Lorsqu’on fabrique des semi-conducteurs, il y a toujours des différences incontrôlables – défauts structurels du réseau cristallin, dopants incorporés de façon aléatoire, oxydes amorphes à la surface, bords irréguliers laissés par la lithographie optique, petits bouts de métal éparpillés sur la surface par des fers à souder déficients quand on fixe les fils électriques, etc. (…) L’effet Hall quantique, en fait, est un magnifique exemple de perfection émergeant de l’imperfection. L’indice crucial qui le montre, c’est que l’exactitude de la quantification – c’est-à-dire l’effet lui-même – disparaît si l’échantillon est trop réduit. Les phénomènes collectifs sont courants dans la nature et occupent aussi une place centrale dans la physique moderne, donc, de ce point de vue, ce qui se passe ici n’est ni sans précédent ni difficile à comprendre. Mais l’exactitude extrême de l’effet de von Klitzing rend sa nature collective incontestable, et son importance particulière est là. (…) Nous assistons à un changement de vision du monde : l’objectif n’est plus de comprendre la nature en la réduisant à des éléments toujours plus petits, mais de comprendre comment la nature s’auto-organise. (…) Si l’effet Hall quantique a levé le rideau sur l’ère de l’émergence, la découverte de l’effet Hall quantique fractionnaire a été l’ouverture de l’opéra. (…) Dan Tsui et Horst Strömer l’ont découvert par accident en cherchant des preuves de cristallisation de l’électron. (…) L’effet Hall quantique fractionnaire révèle que des quanta apparemment invisibles – en l’occurrence la charge de l’électron e – peuvent être fragmentés dans le cadre de l’auto-organisation d’états. Autrement dit, les éléments fondamentaux ne sont pas nécessairement fondamentaux. (…) L’observation des plateaux très précisément quantifiés de l’effet Hall quantique fractionnaire prouvait l’existence de nouveaux états de la matière où des excitations élémentaires – des particules – étaient porteuses d’une fraction exacte de e. (…)

On pensait auparavant que c’étaient les lois qui causaient l’organisation et non l’inverse… Autrement dit, nous pouvons prouver, dans ces cas simples, que l’organisation peut acquérir un sens et une vie bien à elle, et commencer à émerger au-delà des éléments dont elle est faite.« Le tout est plus que la somme des parties » n’est pas seulement une idée, mais un phénomène physique : voilà le message que nous adresse la science physique. La nature n’est pas uniquement régie par une règle fondamentale microscopique, mais aussi par de puissants principes généraux d’organisation. Si certains sont connus, l’immense majorité ne l’est pas. On en découvre constamment de nouveaux… Donc, si un phénomène physique simple peut devenir indépendant des lois fondamentales dont il descend, nous le pouvons aussi. Je suis du carbone, mais peu importe. J’ai un sens qui dépasse les atomes dont je suis fait.

Lecture by Professor Klaus von Klitzing

Un article de Laughlin sur le parallèle entre effet Hall quantique fractionnaire et supraconductivité hautes températures

Effet Hall quantique fractionnaire

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