Accueil > 08- LUTTE DES CLASSES - CLASS STRUGGLE > Terrorisme en Allemagne et politique des classes dirigeantes

Terrorisme en Allemagne et politique des classes dirigeantes

vendredi 30 décembre 2016, par Robert Paris

Les preuves montent que l’Etat était au courant des préparatifs de l’attentat de Berlin

Anis Amria, le Tunisien de 24 ans qui aurait conduit le camion qui a tué lundi douze personnes et fait 50 blessés sur le marché de Noël de Berlin, été abattu dans la nuit de 22 au 23 décembre par la police à Milan.

Les enquêteurs auraient trouvé ses papiers d’identité, son téléphone portable et ses empreintes digitales à l’intérieur du camion qui a servi à perpétrer l’horrible attentat. L’Etat islamique a publié une vidéo, probablement enregistrée il y a quelques semaines déjà, dans laquelle Amria prête allégeance à l’organisation terroriste et lance un appel à « abattre les infidèles. »

L’événement reste confus, et les circonstances dans lesquelles il s’est déroulé soulèvent de nombreuses questions. A présent, on sait que les services de sécurité savaient parfaitement qu’Amria planifiait des attaques terroristes. Il avait été en prison en Italie, puis arrêté en Allemagne et surveillé pendant plusieurs mois. Les conditions légales pour le détenir étaient réunies, mais les autorités ont refusé de le faire.

De plus, vu comment on se sert de cet événement pour affaiblir la chancelière Angela Merkel et faire virer la politique allemande encore plus à droite, ce serait une erreur que de ne pas envisager une possible implication de sections de l’Etat – si ce n’est en dirigeant l’attentat, alors en créant les conditions permettant à Amria d’agir.

L’Allemagne a une longue tradition de provocations politiques. En 1933, les nazis ont organisé l’incendie du Reichstag, puis déclaré qu’un communiste néerlandais malvoyant était l’unique responsable. Le but était d’écraser le Parti communiste et de faire voter la Loi d’habilitation (Ermächtigungsgesetz) sanctionnant la dictature de Hitler.

Les services secrets ont aussi joué un rôle dans la démission du chancelier Willy Brandt en 1974. Tout en sachant déjà que son conseiller Günter Guillaume était un espion des services secrets de la République démocratique allemande, ils ont permis à Brandt, qui ne se doutait de rien, de prendre ses vacances avec Guillaume afin de le discréditer totalement.

Cet attentat s’est produit sur fond de conflits aigus au sein de la classe dirigeante allemande. Depuis sa brève ouverture des frontières allemande l’année dernière, au plus fort de la crise des réfugiés, on dénonce âprement Merkel, y compris au sein de son propre parti.

Ces forces ont vite réagi à l’attentat en exigeant un changement brutal de politique. Le sang des victimes n’avait pas encore séché que le dirigeant de l’Union chrétienne sociale bavaroise, Horst Seehofer, proclamait que « la politique en matière d’immigration et de sécurité » devait à présent être « repensée et réajustée. »

L’extrême-droite a réagi encore plus agressivement. Le représentant de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), Marcus Pretzell, a écrit sur Twitter : « Ce sont les morts de Merkel ! » Quelques heures à peine après l’attentat, le professeur de droite de l’université Humboldt, Jörg Baberowski, a réclamé la démission du ministre de l’intérieur Thomas de Maizière, un proche de Merkel.

En octobre 2015, le Welt am Sonntag a publié un article intitulé « Les autorités de sécurité attendent impatiemment le feu vert de Merkel », qui fait état d’une « résistance massive » à la politique de Merkel sur les réfugiés parmi les services secrets et le renseignement. Le Welt cite un document qui circulerait dans le milieu du renseignement, et qui insiste qu’il faut stopper les réfugiés à la frontière, même si Merkel ordonne le contraire.

Ce que l’on sait sur l’attaque à l’heure actuelle suggère aussi une implication de l’Etat.

Dans le Süddeutsche Zeitung, Heribert Prantl soulignait vendredi que les services d’immigration, les procureurs et l’appareil judiciaire auraient facilement pu arrêter Amria qui avait tenté de s’armer illégalement, au nez des services secrets et de la police.

Selon Prantl, on aurait pu imposer à Amria de strictes règles de séjour en le classifiant en tant que « danger pour la sécurité », puis l’arrêter s’il n’observait pas ces restrictions. Or, cela n’a pas été fait. Prantl écrit : « Les autorités qui le surveillaient ont-elles assumé les risques qu’il présentait parce qu’elles espéraient obtenir des renseignements en le surveillant ? N’ont-elles rien dit aux autres autorités parce qu’elle voulait garder les informations pour elle-même ? »

Avant l’arrivée d’Amria en Allemagne, il avait fait quatre ans de prison en Sicile pour vol, où de toute évidence il s’est tourné vers l’extrémisme islamique. La police pénitentiaire a envoyé un rapport détaillé sur sa « radicalisation et sa volonté de pratiquer le terrorisme islamiste. »

Amria a toutefois pu échapper à la déportation et partir en Allemagne au milieu de 2015. Selon le Süddeutsche Zeitung, les autorités italiennes n’auraient pas transféré ces données en temps utile au Système d’information européen. Les autorités italiennes contestent ce point.

En Allemagne, Amria a immédiatement rejoint le groupe islamiste du prédicateur Abou Walaa. Selon le Süddeutsche Zeitung, les renseignements allemands avaient placé un mouchard dans ce groupe et connaissaient bien ses activités. Ils savaient que certains de ses membres s’apprêtaient à se battre pour l’Etat islamique ou à commettre des attentats en Allemagne.

Selon un membre des services, Amria a fait partie de ce groupe et participé à des exercices. Il aurait évoqué sans cesse sa volonté de commettre des attentats.

Peu après ce signalement, deux policiers ont stoppé Amria le 30 juillet 2016 pour un contrôle d’identité à Friedrichshafen. En vertu du rejet de sa demande d’asile, Amria devait quitter le territoire et n’était pas autorisé à séjourner en dehors de Rhénanie-du-Nord/Westphalie. Mais la police l’a seulement détenu un jour à Ravensburg avant de le relâcher, sous prétexte qu’elle ne pouvait le déporter faute de documents.

A cette date, le renseignement intérieur savait aussi grâce aux écoutes et à la surveillance des chats Internet qu’Amria planifiait quelque chose de dangereux. Selon la Bayerischer Rundfunk, une mention existait dès mars dernier dans son fichier d’un risques terroristes, selon laquelle Amria cherchait à recruter des gens partout en Allemagne « pour perpétrer avec lui des attaques à motivation islamiste. »

Et pourtant, le procureur fédéral qui avait repris en mars 2016 l’enquête sur le groupe d’Abou Walaa, transféra l’affaire contre Amria aux autorités de Berlin. Les autorités berlinoises ont survillé Amria 24h sur 24, mais en septembre dernier, mystérieusement, cette surveillance a été interrompue.

Bien que sa relation avec le groupe d’Abou Walaa ait été bien documentée, et que les services de sécurité marocains aient averti en septembre et en octobre leurs collègues allemands qu’Amria planifiait un attentat, ces derniers n’ont rien fait.

La réaction des autorités à l’attentat pose davantage de questions. Immédiatement, la police a interpellé un réfugié pakistanais innocent sur la base d’un seul témoignage douteux. On l’a présenté comme étant fortement suspecté, dans l’absence totale de preuves, que ce soit de sang ou de résidus de tir, qui l’auraient relié au crime.

Ce n’est qu’après la publication de rapports par la presse qu’on avait trouvé les papiers d’identité d’Amria dans le camion que les enquêteurs reconnurent que le réfugié était innocent, et qu’ils recherchèrent Amri. Vendredi, suite à une nouvelle inspection du camion, il s’avéra qu’on avait aussi trouvé le téléphone portable d’Amri.

L’explication officielle de la découverte tardive des papiers d’identité est loufoque. Paraît-il qu’il a fallu mener d’autres enquêtes d’abord, avant de pouvoir inspecter la cabine du camion.

Cette histoire est encore décrédibilisée par le tweet de l’un des politiciens d’extrême droite les plus connus d’Allemagne, le fondateur de Pegida, Lutz Bachmann. Deux heures à peine après l’attentat, il écrivait, « Info interne venant de la direction de la police de Berlin : l’auteur (de l’attaque) est un musulman tunisien. »

Si ce n’est pas du pur hasard, ceci prouve que les enquêteurs avaient déjà su plus tôt qui était responsable de l’attentat et que c’était l’extrême droite, en plus, que l’on a informée d’abord.

Les liens étroits qui existent en Allemagne entre les services secrets et l’extrême-droite sont bien documentés. De nombreux éléments laissent croire que les groupes d’extrême-droite et les autorités publiques étaient impliqués dans l’attentat de l’Oktoberfest en 1980. Dans les années 1990 et 2000, le groupe terroriste d’extrême-droite NSU a commis au moins dix meurtres sous le nez des autorités. Dans les deux cas, on mobilisa de considérables ressources et une bonne dose d’énergie criminelle pour dissimuler ces liens.

Le soutien, du moins indirect, par Berlin des milices islamistes en Libye et en Syrie a aussi renforcé les liens entre le gouvernement allemand et ces milices, dont les membres ont souvent pu se déplacer librement entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Par Christoph Vandreier - WSWS

L’offensive xénophobe s’intensifie après l’attentat terroriste à Berlin

Le contexte de l’attentat contre un marché de Noël à Berlin reste flou, mais les politiciens et les médias l’utilisent comme prétexte pour monter une offensive en Allemagne et partout en Europe.

Faute de preuves tangibles qu’il avait lancé le poids-lourd sur la foule place Breitscheidtplatz, en plein centre de Berlin, la police a dû relâcher mardi un réfugié de 23 ans, originaire du Pakistan. Les recherches se concentrent sur un jeune Tunisien, qui en vit Allemagne depuis juillet 2015 et que les services de sécurité ont placé sous surveillance parce qu’il serait lié à l’Etat islamique.

Selon la presse, les enquêteurs ont trouvé une pièce d’identité d’Anis Amri sous le siège du conducteur du camion lancé sur la foule à la Breitscheidtplatz. La raison pour laquelle ils ne l’ont découverte qu’une journée et demi plus tard, bien qu’ayant précédemment examiné le véhicule pour prélever les traces de DNA du premier suspect, reste tout aussi énigmatique que la raison pour laquelle un auteur en fuite laisserait sa carte de visite sur les lieux du crime.

Selon Ralf Jäger, le ministre de l’Intérieur de Rhénanie-du-Nord/Westphalie, le Land où vivait Amri, la participation de cet homme à l’attentat n’était « pas encore du tout élucidée. »

Sur la base des seules informations disponibles, on ne peut dire rien de définitif sur les origines de l’attentat. Un contexte islamique ne peut pas être exclu ; une provocation d’extrême-droite non plus. Il faut se rappeler que l’attaque perpétrée par un jeune étudiant de 18 ans à Munich l’été dernier avait immédiatement été qualifiée d’acte terroriste islamiste, jusqu’à ce qu’il s’avère que le délinquant était un extrémiste de droite.

Ceci n’empêche pas les politiciens et les médias d’utiliser l’attentat de Berlin pour lancer une campagne concertée contre les réfugiés et exiger un renforcement massif de l’appareil d’Etat. Le parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et l’Union chrétienne-sociale (CSU), l’allié bavarois de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) au pouvoir, mènent la meute.

Ils ciblent directement ou indirectement la présidente du CDU, Angela Merkel, qui briguera, aux élections de l’automne prochain, un quatrième mandat de chancelière d’Allemagne. Merkel a depuis longtemps renoncé à sa posture plus favorable aux réfugiés fuyant les guerres impérialistes en Irak, en Syrie, en Libye, et dans d’autres pays de la région, pour basculer vers le refoulement et de la déportation. Toutefois, ses critiques continuent de l’accuser d’être « molle » face au « problème » des réfugiés.

Immédiatement après l’attentat, Marcus Pretzell, un politicien influent de l’AfD, a écrit sur son compte Twitter : « Ce sont les morts de Merkel ! » Mercredi soir, l’AfD a organisé une veillée devant la chancellerie à laquelle allaient également participer des organisations d’extrême-droite dont Pegida, les Identitaires (Identitären) et le NPD.

Mardi, le ministre-président bavarois, Horst Seehofer (CSU), a annoncé à Munich : « C’est notre devoir envers les victimes, leurs familles et toute la population que de repenser et de réajuster l’ensemble de notre politique en matière d’immigration et de sécurité. »

Le ministre bavarois de l’Intérieur, Joachim Herrmann, a affirmé au micro de la radio Deutschlandfunk que les délinquants étaient « des gens qui étaient arrivés en Allemagne dans le cadre du flux de réfugiés. » Il a ajouté, « les risques sont évidents. »

Lors du talk-show « Maischberger » diffusé mardi par l’ARD, on a réclamé un renforcement massif de l’Etat. Shlomo Shpiro, un « expert » israélien en terrorisme, a qualifié l’attentat de Berlin de « 11 septembre allemand ». Aux Etats-Unis, a-t-il dit, les gens avaient du jour au lendemain pris conscience de la menace terroriste. « Les solutions », a-t-il dit, « sont la police, le renseignement, la politique sécuritaire mais aussi sociale ».

Il a réclamé la suppression des« lois, des règlementations et des structures dépassées » ancrées dans la constitution allemande suite à l’expérience du régime nazi. Shpiro a dit qu’il faudrait centraliser l’appareil de surveillance ainsi que l’appareil policier. Il a avoué que le « renseignement a mauvaise réputation en Allemagne – mots-clés Stasi, Gestapo, etc. » Mais, a-t-il dit, l’époque où on s’épanchait sur les crimes de ces organisations est « révolue. »

Klaus Bouillon, président de la conférence des ministres de l’Intérieur, a réclamé des « solutions simples » face au terrorisme qui « se poursuivra certainement. » Il a ajouté, « Il nous faut donc renforcer la police, de nouvelles formes d’organisation, et plus d’armes. Nous devons nous demander s’il nous faut légiférer afin d’aider les autorités chargées des enquêtes et s’il faut contrôler davantage les nouveaux médias ? »

Les Verts et le parti La Gauche (Die Linke) participent à cette campagne. Lors de l’émission de Maischberger, la présidente du groupe des Verts au Bundestag, Katrin Göring-Eckardt, a attaqué Shpiro et Bouillon sur leur droite. Elle a critiqué l’absence de centralisation du renseignement, qui selon elle aurait dû se faire il y a longtemps. Le Vert Boris Palmer a exigé au micro de la radio allemande Deutschlandfunk : « Il faut plus de déportations. »

Die Linke (La Gauche) exige quant à elle depuis longtemps davantage de policiers.

Partout en Europe, les partis de droite et les gouvernements se servent de l’attentat de Berlin en guise de confirmation de leur politique autoritaire et xénophobe.

Le ministre tchèque des Finances, Andrej Babis, un homme d’affaires millionnaire, a dit que la politique de Merkel était « responsable de cet acte terrible. (...) C’est elle qui a laissé entrer en Allemagne et dans toute l’Europe des flux incontrôlés de migrants sans papiers, sans savoir qui ils étaient vraiment. » Les migrants n’ont « pas de place » en Europe, a-t-il souligné.

Le politicien d’extrême-droite néerlandais Geert Wilders a publié une image de Merkel avec les mains couvertes de sang et a rendu les « lâches dirigeants de l’Europe » responsables d’un « tsunami » d’attaques terroristes islamiques.

L’ancien dirigeant d’UKIP (Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni) Nigel Farage a publié sur Twitter : « Terribles nouvelles de Berlin mais ce n’est pas surprenant. De tels événements seront l’héritage de Merkel. »

Le dirigeant du parti au pouvoir PiS, Jaroslaw Kaczynski, a promis : « Nous défendrons la Pologne. » Le ministre de l’Intérieur du pays, Mariusz Blaszcak, a signalé : « Si l’ancien gouvernement était encore au pouvoir, nous aurions plusieurs milliers, voire 10.000 immigrés islamistes dans le pays. Alors, le risque serait grand. Il s’agit toujours d’une ‘lutte des civilisations’. » Il a ajouté que ce n’était « pas par hasard qu’on a ciblé un marché de Noël. »

Le rédacteur du journal Die Zeit, Josef Joffe, exultait dans les pages du journal britannique Guardian : « Finalement, le cocon a éclaté pour de bon. Les Allemands, préoccupés en permanence de la protection des données, accepteront bientôt une surveillance intensifiée par nos services de renseignement et ceux de nos alliés… Dorénavant, l’Allemagne ... montrera peut-être un peu plus de gratitude à la NSA [américaine], au GCHQ [anglais] et à la DGSE [le renseignement extérieur français]. »

Le militarisme allemand en profiterait aussi, a-t-il poursuivi. « Le pacifisme traditionnel de la nation suite à la Seconde Guerre mondiale perd son prestige face à l’expansionnisme de Poutine qui empiète sur les frontières orientales de l’OTAN, et Donald Trump rejettera l’alliance traitée ‘d’obsolète’. »

Il conclut : « Mais avant tout, s’il se révélait que l’auteur du crime est un réfugié, on révisera fondamentalement la ‘porte ouverte’ de Merkel aux réfugiés. » Cette politique était « un grand geste moral résultant du vilain passé de l’Allemagne – un acte d’expiation historique. » Mais, a-t-il ajouté, « Les intentions les plus nobles tournent mal lorsque le terrorisme légitime des partis anti-immigrants et isolationnistes de droite et d’extrême-gauche. »

Rien n’indique que la campagne xénophobe bénéficie d’un soutien significatif. L’atmosphère à Berlin est calme. La plupart des personnes interviewées expriment leur tristesse et l’espoir que l’attentat n’empoisonnera pas le climat politique et ne donnera pas de nouvel essor à l’extrême-droite. En visant à politiser cet horrible événement à peine 14 heures plus tard, Seehofer a suscité une indignation généralisée.

On assiste à une campagne délibérée des cercles dirigeants, qui voient dans l’attentat contre le marché de Noël un prétexte idéal. C’est en cela, quelles que soient les affirmations de l’« expert » en terrorisme, Shpiro, que réside le véritable parallèle au 11 septembre.

L’attentat à New York et à Washington, dans lequel le renseignement américain a joué un rôle qui reste non élucidé, a fourni un prétexte aux guerres impérialistes au Moyen-Orient, par lesquelles l’impérialisme américain a cherché à défendre son hégémonie mondiale, tout en érigeant un vaste appareil de surveillance en vue de réprimer la classe ouvrière. Le produit achevé de ce processus est l’élection de Donald Trump, dont le gouvernement est composé de membres de l’oligarchie financière et de l’armée.

Les élites dirigeantes d’Europe suivent à présent la même voie. Elles réagissent ce faisant aux tensions sociales grandissantes et à l’éclatement de l’Union européenne. Les conflits entre et au sein des partis bourgeois sont de nature purement tactique. Tous les partis traditionnels s’accordent sur les grandes lignes politiques : le militarisme et la contre-révolution sociale.

Par Peter Schwarz - WSWS

Le suspect de l’attentat terroriste de Berlin était connu des services de police

Quatre jours après l’attentat contre un marché de Noël à Berlin, les autorités ont publié de nouvelles preuves impliquant l’homme qu’elles avaient signalé comme le principal suspect, Anis Amri, un ressortissant tunisien. Un communiqué de presse publié conjointement par la chancelière Angela Merkel, le ministre de la Justice Heiko Maas et le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a indiqué que les empreintes d’Amri avaient été trouvées dans le camion qui avait foncé sur le marché en tuant 12 personnes et en en blessant 48 autres.

De Maizière a dit qu’il « y avait d’autres indications selon lesquelles le suspect était très probablement le coupable. » Une pièce d’identité au nom d’Amri avait été trouvée dans la cabine du camion, ce qui a donné aux services de sécurité de très importantes informations sur le suspect, dont des photos.

Des forces de sécurité lourdement armées sont en train de rechercher Amri partout en Europe. Selon certains articles de presse, la police a pris d’assaut un appartement à Dortmund en interpellant quatre personnes. Jeudi matin, une centaine de policiers, dont des membres des forces spéciales lourdement armées, ont perquisitionné un foyer de réfugiés à Emmerich au bord du Rhin dans lequel le suspect tunisien aurait séjourné.

Toujours jeudi, dans le cadre de la traque d’Amri, la police danoise a fouillé un ferry. Elle a dit avoir reçu une information selon laquelle le suspect se trouvait à bord d’un navire en partance de Grenaa vers Jutland en Suède. Elle est cependant rentrée bedrouille.

L’identification de l’auteur supposé du crime et la chasse à l’homme paneuropéenne lancée pour le capturer soulèvent de nombreuses questions troublantes qui restent sans réponse.

Pourquoi le portefeuille contenant le document d’identité d’Amri n’a-t-il été découvert dans le camion que plusieurs heures après l’attaque ? Selon la version officielle, les enquêteurs n’avaient tout d’abord envoyé que des chiens dans la cabine du camion dans le but de détecter l’odeur du délinquant. Il n’y aurait eu des fouilles que bien des heures plus tard.

Entre-temps, il est clair qu’Amri avait été immédiatement après l’attentat de lundi dans la ligne de mire des services de sécurité. Zeit online avait publié un article disant : « Alors que l’opinion publique se demandait encore mardi si le jeune pakistanais avait commis l’attaque, les enquêteurs suivaient depuis longtemps une nouvelle piste menant à A. »

Selon le journal Die Welt, le procureur général et l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) étaient « fâchés » de la « publication prématurée des photos et des données personnelles du suspect. »

Si Amri est l’auteur du crime, alors l’attentat de Berlin correspond au schéma qui est apparu dans pratiquement chaque attaque terroriste majeure qui a eu lieu de par le monde au cours de ce siècle, à commencer par les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Dans le cas présent, comme dans le cas des attentats de Boston et plus récemment à Paris et à Bruxelles, les auteurs étaient connus des services secrets et de la police.

Avant son arrivée en Allemagne au milieu de 2015, Amri avait passé quatre ans en prison en Italie pour incendie criminel, blessures corporelles et vol. En Allemagne, il a rapidement attiré l’attention de la police de l’État qui l’a classé comme une « menace [islamiste] dangereuse » en le plaçant sous surveillance.

Il était également bien connu des agences de renseignement partout en Europe et aux États-Unis où il figure sur la « no fly list » (liste noire des personnes interdites de vol).

La radio bavaroise a rapporté qu’en mars de cette année déjà il avait fait l’objet d’une fiche dans le fichier « menace dangereuse » et en vertu duquel Amri cherchait à recruter partout en Allemagne d’autres personnes « pour perpétrer avec lui des attaques fondées sur des motivations islamistes. » Il aurait projeté selon l’inscription du fichier, « de se procurer par l’intermédiaire de personnes des milieux islamistes français des armes de gros calibre » et l’on pouvait s’attendre à ce qu’il poursuive ses projets terroristes « avec persistance et à long terme. »

Spiegel Online a écrit qu’Amri « semblerait avoir attiré il y a quelques mois déjà l’attention des services de sécurité allemands pour avoir fait des remarques alarmantes. » Suite « aux investigations ouvertes à l’encontre de plusieurs prédicateurs haineux », des résultats de la surveillance des télécommunications auraient émergé révélant qu’Amri « se serait proposé de commettre un attentat-suicide à la bombe. » Par ailleurs, Amri « se serait renseigné auprès d’une source des services de sécurité sur comment pouvoir obtenir des armes. »

Die Welt a relaté qu’Amri était actif dans les milieux gravitant autour du prédicateur salafiste Abu Walaa, qui est en prison depuis le 8 novembre. Walaa est accusé de diriger un groupe islamiste qui recrute des jeunes gens pour les envoyer à l’État islamique (ÉI). Le journal Tageszeitung a précisé qu’Amri était dans le collimateur de la police parce qu’il « aurait recruté des combattants pour l’ÉI et qu’il recherchait des armes. » Durant tout ce temps, il aurait aussi eu contact avec « un agent secret de la police [V-Mann]. »

Amri avait également été « classé comme une menace par les autorités à Berlin – en tant que militant islamiste susceptible de commettre des actes violents. » Il avait été « placé sous observation de mars à septembre dernier. » Des informations étaient disponibles selon lesquelles « le Tunisien projetait un cambriolage pour mobiliser des fonds pour l’achat d’armes automatiques. » Selon le parquet général, le but était « d’éventuellement commettre un attentat plus tard avec l’aide de complices devant encore être recrutés. »

Le journal Die Zeit écrit qu’à la fin de l’automne, des procédures judiciaires avaient été engagées contre Amri pour planification d’un acte criminel grave menaçant l’État et qui furent poursuivies plus tard par le parquet de Berlin. Toutefois, selon le ministre de l’Intérieur de Rhénanie-du-Nord/Westphalie, Ralf Jäger, l’enquête fut interrompue. Le ministre n’a fourni aucune explication pour la clôture de l’enquête.

« En dépit de tous ces signaux d’alarme, » Amri n’a été « ni arrêté ni déporté », a souligné Die Welt. Le journal a rapporté qu’une photo d’Amri publiée sur sa page Facebook le montre « en tenue typique de djihadiste. » En plus de membres de sa famille, « deux policiers et un employé du ministère tunisien de l’intérieur », avaient fait « like » sur la photo. Le fait qu’Amri ait « créé un lien vers le groupe terroriste libyen Ansar al-Charia dont le logo figurait sur sa page », ne semble « pas les avoir dérangés. »

Ansar-al-Charia est un groupe qui a des liens occasionnels avec Al-Qaïda et l’État islamique en Libye. En 2011, il avait fait partie des « rebelles » islamiques soutenus par l’Occident qui, avec l’aide des bombes de l’OTAN, ont renversé le régime de Mouammar al-Kadhafi et qui fut répertorié plus tard comme organisation terroriste.

Les milieux politiques et les médias ont affirment sans relâche que les autorités auraient « perdu de vue Amri » après qu’il se soit caché début décembre. « Il n’est pas encore clair s’il s’agit de l’histoire de la défaillance de l’État ou de l’histoire montrant à quel point il est difficile pour l’État de garder un œil sur le nombre croissant des menaces », ont écrit les journalistes Hans Leyendecker et Georg Mascolo dans le Süddeutsche Zeitung.

Personne n’a posé la vraie question : existait-il des forces au sein du milieu politique et de l’appareil de sécurité qui étaient au courant des projets d’attentat et qui étaient prêtes à les accepter dans le but de promouvoir leur programme de droite de renforcement des forces répressives, d’incitation de la haine contre les réfugiés et de promotion du militarisme ?

Par Johannes Stern- WSWS

Merkel annonce un réarmement militaire massif

L’Allemagne prépare un renforcement militaire sans précédent. Cela ressort clairement du discours de la chancelière Angela Merkel à la « Journée de l’économie » du CDU, mardi soir, à Berlin. « Nous sommes confrontés à des conflits asymétriques d’une ampleur jusque-là inconnue, » a dit Merkel en s’adressant aux principaux représentants de l’industrie allemande. « Les capacités de défense de l’Union européenne, » n’étaient cependant pas « adaptées à garantir seules la sécurité de notre région. »

La chancelière en a conclu : « Il faut qu’entre un pays comme l’Allemagne qui dépense actuellement 1,2 pour cent de son produit intérieur brut pour la défense et un pays comme les Etats-Unis qui déboursent 3,4 pour cent du produit intérieur brut pour la défense, il y ait un rapprochement. » Ce ne se « passera pas bien pas à la longue si on dit simplement qu’on espère et qu’on attend que d’autres se chargent du fardeau de la défense, » a-t-elle dit.

Le discours de Merkel a été accueilli par les médias bourgeois allemands pour ce qu’il était : un nouveau jalon dans le retour du militarisme allemand après l’annonce du revirement dans la politique étrangère faite par le président Joachim Gauck, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et la ministre de la Défense Ursula von der Leyen à la conférence sur la sécurité de Munich, début 2014.

Jeudi, le journal économique Handelsblatt proclamait en grands caractères « L’Allemagne se remet à niveau », qualifiant la déclaration de Merkel de « tournant historique ». Au cours des 25 dernières années, écrit le journal, « Les gouvernements fédéraux, toutes tendances confondues, ont engrangé avec reconnaissance les bénéfices de la paix » et la part des dépenses de défense du PIB avait baissé de 3,4 pour cent au milieu des années 1980 pour n’atteindre que 1,2 pour cent. Merkel signalait à présent « qu’elle [était] prête à s’y mettre. »

Le journal indique ce que le gouvernement fédéral veut dire par « s’y mettre ». Il cite le commissaire parlementaire aux forces armées, Hans-Peter Bartels (SPD) qui déclare qu’afin de recruter les 7.000 soldats prévus et équiper l’armée « de chars ou d’hélicoptères », la Bundeswehr (armée allemande) doit « faire passer dans un avenir proche la part du PIB à 1,4 ou 1,5 pour cent. » L’article conclut en disant : « Au jour d’aujourd’hui, cela représenterait des dépenses supplémentaires de 9 milliards d’euros par an. »

Afin de justifier une mise à niveau massive, le journal réitère l’antienne du gouvernement fédéral d’un « monde sorti de ses gonds » qui obligeait l’Allemagne à agir. La « nouvelle ère » n’était pas le fruit du « hasard. » Le conflit en Ukraine et le terrorisme avaient alarmé Berlin, augmentant en même temps « les attentes de ses alliés » et imposant de nouvelles exigences spéciales à la Bundeswehr relatives aux « projets de dissuasion de l’OTAN visant la Russie. »

Le Handelsblatt est bien conscient qu’il s’agit dans la modernisation militaire de l’acquisition de matières premières et de nouveaux marchés pour l’industrie allemande, avide d’exportations. Début 2013, le journal avait publié un éditorial intitulé « Expédition matières premières : le nouveau cours de l’Allemagne », remarquant que « Les précédentes mesures politiques prises pour garantir des matières premières atteignent leurs limites, » et que Berlin devait une fois de plus être prêt à mener des guerres pour s’assurer des ressources.

L’annonce de Merkel comme quoi l’Allemagne cherchait à « se rapprocher » des dépenses militaires américaines afin « de garantir sa propre région », montre que l’élite allemande est de nouveau prête à préserver si nécessaire ses propres intérêts économiques et géostratégiques face à ses anciens alliés d’après-guerre.

Dans un récent long article relatif au référendum sur un "Brexit", le magazine Der Spiegel avait prévenu que la désintégration de l’UE pourrait entraîner un éclatement de son alliance avec les Etats-Unis. En tant que « plus grande puissance centrale du continent », l’Allemagne serait alors « définitivement obligée de jouer le rôle dirigeant, » écrivait le magazine.

Dans un autre récent article paru dans Foreign Affairs sous le titre « Le nouveau rôle mondial de l’Allemagne, » le ministre allemand des Affaires étrangères Steinmeier s’est distancié des Etats-Unis et a souligné la nouvelle revendication de l’Allemagne à être une superpuissance. Il a carrément déclaré que l’Allemagne était une « importante puissance européenne, » obligée de « réinterpréter les principes qui guident sa politique étrangère depuis plus d’un demi-siècle. »

La mise à niveau militaire est d’ores et déjà en train de s’effectuer à grands pas à l’insu de la population. Le Handelsblatt écrit que les mêmes géants de l’industrie de l’armement qui avaient construit la Wehrmacht de Hitler dans les années 1930, préparent à l’heure actuelle des chars pour l’armée allemande. « Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et Rheinmetall ont aménagé un dépôt secret où ils rassemblent des chars de combat utilisés en provenance d’Autriche et de Suède. » Au total, l’industrie allemande a déjà racheté plus de 100 chars de combat Leopard 2. « Bien maintenus et bien lubrifiés » ils doivent maintenant être « remis à niveau aux standards du « 21ème siècle » pour un coût de 5 millions d’euros pièce afin d’avoir « une seconde vie dans la Bundeswehr. »

La remise à niveau des chars n’est qu’un projet parmi d’autres. L’actuel rapport militaire du gouvernement énumère « plus de 20 projets totalisant un budget de 60 milliards d’euros ». Sur la liste, divers modèles de chars, des hélicoptères d’appui « Tigres », un avion de transport A400M, « des Eurofighter », des missiles « Iris-T » et des navires « Meteor » (dont des frégates, des corvettes et le navire de combat multi-mission 180) ainsi qu’un système de défense aérienne tactique.

Soixante-quinze ans à peine après l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, le tout récent discours de Merkel montre dans quelle effrayante continuité l’élite allemande s’inscrit.

Par Johannes Stern- WSWS

Le gouvernement allemand veut constituer une nouvelle « unité antiterroriste »

Selon des informations des médias, une nouvelle unité spéciale, lourdement armée, viendra renforcer la police fédérale allemande en sus de l’unité antiterroriste déjà existante GSG 9. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a confirmé que cette mesure faisait l’objet d’une « considération » toute particulière.

Le magazine Der Spiegel a révélé que la nouvelle unité – appelé par plaisanterie « GSG 4 1/2 » – sera progressivement élargie de façon à inclure plusieurs centaines de recrues dont l’équipement ressemblera à celui de l’armée plutôt qu’à celui d’une force de police. En plus des armes d’épaule et de poing (pistolets, pistolets mitrailleurs et mitrailleuses lourdes), l’unité devrait aussi être équipée de véhicules blindés, de casques et de gilets pare-balles capables de résister aux fusils d’assaut tels le Kalachnikov. Contrairement au GSG 9, créé en 1972, la nouvelle unité doit pouvoir être utilisée dans le cadre d’« interventions policières normales ».

La création de fait en Allemagne d’une force de police paramilitaire fait partie d’une large campagne de militarisation sur le plan national et international. Mise à part l’augmentation de 8 milliards d’euros du budget de la défense, le gouvernement allemand a également décidé mercredi dernier de mettre à niveau l’appareil sécuritaire. L’année prochaine, le budget du ministère de l’Intérieur s’accroîtra de 6,7 pour cent pour atteindre 6,6 milliards d’euros. Et, d’ici 2019, la police, l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) ainsi que l’Office fédéral de protection de la constitution (BfV) devraient être dotés au total de 750 nouveaux postes et bénéficier de 328 millions d’euros supplémentaires. Sur cette somme, plus de 200 millions d’euros seront directement investis pour équiper le BfV et la police.

Le prétexte officiel pour la mise en place de cette unité spéciale est la « lutte contre le terrorisme ». Le but prétendument poursuivi est « de permettre une intervention rapide et flexible [de ces forces] en cas d’attentats en Allemagne » et de « se préparer tout particulièrement à des situations d’urgence liées au terrorisme comme celles survenues en début d’année à Paris et à Copenhague. » (Spiegel Online).

Le ministre bavarois de l’Intérieur, Joachim Herrmann (CSU) a dit au micro d’une radio bavaroise : « Sur la base de conclusions relatives aux révoltantes attaques terroristes à Paris, nous sommes contraints d’accroître l’efficacité des forces policières en Allemagne. » On ne pouvait pas dire que la police soit « parfaitement équipée » quand quelqu’un se sert d’armes lourdes, a-t-il ajouté.

Armin Schuster, l’expert en affaires intérieures pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU), a dit qu’il fallait, avec « une robuste unité… capable de faire le travail », combler l’écart entre l’unité d’élite hautement spécialisée GSG 9 et la police en uniforme. Il a jugé qu’il était « du devoir du gouvernement de fournir le cas échéant de telles forces à l’Etat. » Schuster a proposé que « la première unité pleinement opérationnelle de la nouvelle force antiterroriste [soit] disponible pour la police fédérale d’ici la fin de l’année. » Ceci signifierait que « la première unité de cent policiers parfaitement entraînés et bien équipés serait alors disponible pour venir à bout d’incidents terroristes dans tout le pays. »

En réalité, le terrorisme islamique n’est que le prétexte du renforcement de forces de police opérationnelles partout dans le pays. Les auteurs des attaques perpétrées à Paris et Copenhague servant à justifier la mise à niveau de l’appareil sécuritaire, étaient, dans les deux cas, connus préalablement des services de renseignement. Dans le contexte d’accroissement de l’inégalité sociale dans le pays et de militarisation de la politique étrangère, la principale priorité de la classe dirigeante allemande est d’entamer des préparatifs pour la répression d’une opposition populaire grandissante.

L’unité antiterroriste projetée fait partie de la transformation de la police fédérale en force policière paramilitaire comparable à celles d’autres pays européens comme les compagnies républicaines de sécurité (CRS) et la gendarmerie en France, les carabiniers italiens et la garde civile espagnole. Ces forces sont encasernées et placées sous l’autorité des ministères de la Défense et de l’Intérieur des pays respectifs. Elles forment de facto des unités militaires qui assument sur demande des tâches policières sur le plan intérieur. En Allemagne, la séparation de la police et de l’armée est inscrite dans la Constitution. Toutefois, le respect de celle-ci a constamment été battu en brèche.

La police fédérale [en Allemagne la police est traditionnellement du ressort des Lands, ndt.] sortie en 2005 de la Police fédérale des frontières (Bundesgrenzschutz), s’entraîne depuis plusieurs années avec des unités paramilitaires d’autres pays dans le combat urbain et autres scénarios de guerre civile. En 2010 ont eu lieu au camp militaire de Lehnin, dans le Land de Brandebourg, des manœuvres impliquant 26 polices européennes et auxquelles participaient aussi des contingents de la Force de gendarmerie européenne (EGF) créée en 2006.

Des forces provenant de huit gendarmeries européennes, basées à Vincenza en Italie, peuvent être déployées multilatéralement et relever du commandement de l’UE, de l’ONU, de l’OSCE ou de l’OTAN. L’EGF a jusqu’à présent été opérationnel en Bosnie Herzégovine, en Afghanistan et en Haïti.

Les activités des forces de police allemandes ne se cantonnent pas aux tâches habituelles de patrouille. La police a, au cours des 25 dernières années, fait partie intégrante de l’intervention impérialiste allemande dans d’autres pays. Depuis le premier déploiement de police en Namibie entre 1989 et 1994, quelque 9.000 policiers allemands ont participé à 28 missions en tout. Actuellement, 338 agents de police allemands sont en mission sous mandat des Nations unies ou de l’Union européenne en Afghanistan, en Bosnie Herzégovine, en Macédoine, au Kosovo, en Géorgie, au Liberia et au Soudan.

La police allemande apprend à ses « collègues » d’autres pays ce qu’elle est en train de préparer en Allemagne même. Ces dernières années, elle a souvent formé et équipé les unités spéciales de certains régimes répressifs, dont les unités spéciales ukrainiennes Berkut et les forces de sécurité en Biélorussie.

C’est peut-être en Arabie saoudite que la militarisation de la police est la plus évidente. Des agents de la police fédérale y forment depuis 2009 des gardes-frontières dans le maniement d’équipement lourd fourni par la société d’armement franco-allemande EADS. C’est Ulrich Wegener, à qui le ministre allemand de l’Intérieur de l’époque Hans-Dietrich Genscher avait demandé de mettre en place le GSG 9 après l’assassinat d’otages aux Jeux olympiques de Munich en 1972, qui a créé après son départ à la retraite des forces spéciales pour le régime dictatorial saoudien.

La création d’une unité antiterroriste armée jusqu’aux dents de la police fédérale est un avertissement pour la population laborieuse en Allemagne. Elle représente un développement identique à celui des Etats-Unis où des équipes de police SWAT (Special Weapons and Tactics) terrorisent la population locale à l’aide de matériel de guerre lourd, utilisé précédemment dans les guerres menées par les Etats-Unis, et occupent des villes entières comme elles l’ont fait l’été dernier à Ferguson pour y étouffer l’agitation.

Par Johannes Stern- WSWS

Messages

  • L’antiterrorisme allemand est mis en cause dans l’attentat de Berlin…

    Dix jours après l’attentat qui a fait 12 morts, les interrogations restent entières sur la façon dont Anis Amri a déjoué des mois de surveillance, avant de s’enfuir au nez et à la barbe des polices d’Allemagne et d’Europe.

    Selon le Süddeutsche Zeitung, le centre allemand de lutte antiterroriste (GTAZ) a traité à de nombreuses reprises de son cas en 2016, mais a jugé "peu probable" qu’il commette un attentat.

    Dans son ultime rapport rendu cinq jours avant l’attentat, l’antiterrorisme avait pourtant relevé qu’Amri disposait d’une "expérience (du fonctionnement) de la police" et de "la conspiration" inhabituelle, même pour un islamiste radical.

    Les autorités allemandes savaient que le jeune tunisien entretenait des contacts étroits avec les milieux jihadistes allemands et avait été catalogué par la police de Dortmund "sympathisant" du groupe Etat islamique (EI).

    Le parquet fédéral a d’ailleurs confirmé jeudi l’authenticité de la vidéo dans laquelle l’EI revendique le pire attentat islamiste commis sur le sol allemand.

    Les enquêteurs étaient aussi informés de longue date qu’Amri avait cherché sur internet les moyens de fabriquer une bombe et avait, dans une discussion en ligne, proposé ses services comme kamikaze, probablement à un membre de l’EI, rapporte le Süddeutsche Zeitung.

    Par ailleurs, les experts du GTAZ avaient établi que le Tunisien disposait de huit identités connues, circulait librement et constamment sur le territoire allemand et avait ses entrées dans une école islamique de Dortmund soupçonnée de préparer ceux voulant rejoindre les rangs de l’EI.

    Peu après l’attentat, les autorités allemandes avaient déjà admis que le Tunisien, arrivé d’Italie comme demandeur d’asile, était connu des services de police et classé comme individu potentiellement dangereux depuis des mois.

    De février à septembre, il a même été placé à Berlin sous surveillance policière car il était soupçonné de préparer un attentat, avant que l’affaire ne soit classée, faute d’éléments suffisants.

    Parmi les zones d’ombre de l’enquête figurent toujours les 48 heures qui ont suivi l’attentat : les enquêteurs perdent la trace d’Amri le lundi soir à Berlin pour le retrouver mercredi soir aux Pays-Bas. Il aurait ensuite rejoint Lyon en car, puis Chambéry et Milan en train, où il a été tué dans la nuit du 22 au 23 décembre lors d’un contrôle policier de routine.

    Enfin, le parquet fédéral allemand a confirmé jeudi les informations de plusieurs médias allemands indiquant que le système de freinage automatique du poids lourd avait arrêté la course mortelle du camion après 70 à 80 mètres, évitant "des conséquences encore pire".

    Le conducteur attitré du camion volé par Amri, Lukasz Urban, était déjà mort au moment de l’attentat, alors que dans un premier temps les enquêteurs envisageaient qu’il ait pu arrêter le véhicule. Il sera enterré vendredi en Pologne.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.