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Qu’est-ce que la barrière des espèces vivantes ?

vendredi 24 février 2017, par Robert Paris

Qu’est-ce que la barrière des espèces vivantes ?

L’hypothèse autrefois couramment admise qu’il existe une véritable barrière d’espèces est de plus en plus discutée. Elle a notamment été mise en cause par Chastel, qui a introduit le concept de réussite émergentielle chez les pathogènes émergents et pour les maladies émergentes. Ainsi pour C. Chastel, « La prétendue barrière d’espèce, censée nous protéger des virus issus du monde animal, domestique ou sauvage, apparaît de plus en plus comme un concept » et parmi les pathogènes zoonotiques qui semblent pouvoir assez facilement passer d’espèces animales à l’homme figurent quelques virus à fort potentiel pandémique :

Qu’est-ce que la vie ?

L’espèce vivante, une catégorie dialectiquement contradictoire

Evolution ou révolution des espèces ?

Les espèces séparées par des barrières infranchissables ?

La grippe, un exemple de franchissement de la barrière des espèces

Comment apparaît la nouveauté au sein du vivant

L’ADN se contente-t-il de conserver l’espèce ?

La notion d’espèce

Darwin, dans « L’Origine des espèces » :

« Les
naturalistes
admettent
généralement
que
les
croisements
entre
espèces
distinctes
ont
été
frappés
spécialement
de stérilité
pour
empêcher
qu’elles
ne se confondent.
Cette
opinion,
au premier
abord,
paraît
très
probable,
car
les
espèces
d’un
même
pays
n’auraient
guère
pu
se
conserver
distinctes,
si elles
eussent
été
susceptibles
de s’entre-croiser
librement.
Ce
sujet
a pour
nous
une
grande
importance,
surtout
en ce
sens
que
la stérilité
des
espèces,
lors
d’un
premier
croisement,
et celle
de leur
descendance
hybride,
ne peuvent
pas
provenir
, comme
je le
démontrerai,
de la conservation
de degrés
successifs
et avantageux
de
stérilité.
La
stérilité
résulte
de différences
dans
le système
reproducteur des espèces parentes.
On
a d’ordinaire,
en traitant
ce sujet,
confondu
deux
ordres
de faits
qui
présentent
des
différences
fondamentales
et qui
sont,
d’une
part,
la
stérilité
de l’espèce
à la suite
d’un
premier
croisement,
et, d’autre
part,
celle des hybrides qui proviennent de ces croisements.
Le
système
reproducteur
des
espèces
pures
est,
bien
entendu,
en
parfait
état,
et cependant,
lorsqu’on
les
entre-croise,
elles
ne produisent
que
peu
ou point
de descendants.
D’autre
part,
les
organes
reproducteurs
des
hybrides
sont
fonctionnellement
impuissants,
comme
le
prouve
clairement
l’état
de l’élément
mâle,
tant
chez
les
plantes
que
chez
les
animaux,
bien
que
les
organes
eux-mêmes,
autant
que
le microscope
permet
de le constater
, paraissent
parfaitement
conformés.
Dans
le premier
cas,
les
deux
éléments
sexuels
qui
concourent
à former
l’embryon
sont
complets
 ; dans
le second,
ils
sont
ou complètement
rudimentaires
ou plus
ou
moins
atrophiés.
Cette
distinction
est
importante,
lorsqu’on
en vient
à considérer
la cause
de la stérilité,
qui
est
commune
aux
deux
cas
 ; on
l’a
négligée
probablement
parce
que,
dans
l’un
et l’autre
cas,
on
regardait
la stérilité
comme
le résultat
d’une loi absolue dont les causes échappaient à notre intelligence.
La
fécondité
des
croisements
entre
variétés,
c’est-à-dire
entre
des
formes
qu’on
sait
ou
qu’on
suppose
descendues
de parents
communs,
ainsi
que
la fécondité
entre
leurs
métis,
est,
pour
ma
théorie,
tout
aussi
importante
que
la stérilité
des
espèces
 ; car
il semble
résulter
de ces
deux
ordres
de phénomènes
une
distinction
bien
nette
et bien
tranchée
entre les variétés et les espèces.
Degrés de stérilité.
Examinons
d’abord
la stérilité
des
croisements
entre
espèces,
et
celle
de leur
descendance
hybride.
Deux
observateurs
consciencieux,
Kölreuter
et Gärtner
, ont
presque
voué
leur
vie
à l’étude
de ce sujet,
et
il est
impossible
de lire
les
mémoires
qu’ils
ont
consacrés
à cette
question
sans
acquérir
la conviction
profonde
que
les
croisements
entre
espèces
sont,
jusqu’à
un
certain
point,
frappés
de stérilité.
Kölreuter
considère
cette
loi
comme
universelle,
mais
cet
auteur
tranche
le
nœud
de la question,
car
, par
dix
fois,
il n’a
pas
hésité
à considérer
comme
des
variétés
deux
formes
parfaitement
fécondes
entre
elles
et
que
la plupart
des
auteurs
regardent
comme
des
espèces
distinctes.
Gärtner
admet
aussi
l’universalité
de la loi,
mais
il conteste
la fécondité
complète
dans
les
dix
cas
cités
par
Kölreuter
. Mais,
dans
ces
cas
comme
dans
beaucoup
d’autres,
il est
obligé
de compter
soigneusement
les
graines,
pour
démontrer
qu’il
y a bien
diminution
de fécondité. Il compare
toujours
le nombre
maximum
des
graines
produites
par
le premier
croisement
entre
deux
espèces,
ainsi
que
le maximum
produit
par
leur
postérité
hybride,
avec
le nombre
moyen
que
donnent,
à
l’état
de nature,
les
espèces
parentes
pures.
Il introduit
ainsi,
ce me
semble,
une
grave
cause
d’erreur
 ; car
une
plante,
pour
être
artificiellement
fécondée,
doit
être
soumise
à la castration
 ; et,
ce qui
est
souvent
plus
important,
doit
être
enfermée
pour
empêcher
que
les
insectes
ne lui
apportent
du pollen
d’autres
plantes.
Presque
toutes
les
plantes
dont
Gärtner
s’est
servi
pour
ses
expériences
étaient
en pots
et placées
dans
une
chambre
de sa maison.
Or
, il est
certain
qu’un
pareil
traitement
est
souvent
nuisible
à la fécondité
des
plantes,
car
Gärtner
indique
une
vingtaine
de plantes
qu’il
féconda
artificiellement
avec
leur
propre
pollen
après
les
avoir
châtrées
(il faut
exclure
les
cas
comme
ceux
des
légumineuses,
pour
lesquelles
la manipulation
nécessaire
est
très
dif
ficile),
et la moitié
de ces
plantes
subirent
une
diminution
de
fécondité.
En
outre,
comme
Gärtner
a croisé
bien
des
fois
certaines
formes,
telles
que
le mouron
rouge
et le mouron
bleu
(
Anagallis
ar
 
vensis
et
Anagallis
caerulea
), que
les
meilleurs
botanistes
regardent
comme
des
variétés,
et qu’il
les
a trouvées
absolument
stériles,
on
peut
douter
qu’il
y ait
réellement
autant
d’espèces
stériles,
lorsqu’on
les croise, qu’il paraît le supposer
.
Il est
certain,
d’une
part,
que
la stérilité
des
diverses
espèces
croisées
diffère
tellement
en degré,
et offre
tant
de gradations
insensibles
 ;
que,
d’autre
part,
la fécondité
des
espèces
pures
est
si aisément
affectée
par
dif
férentes
circonstances,
qu’il
est,
en pratique,
fort
difficile
de
dire

finit
la fécondité
parfaite
et où
commence
la stérilité.
On
ne
saurait,
je crois,
trouver
une
meilleure
preuve
de ce fait
que
les
conclusions
diamétralement
opposées,
à l’égard
des
mêmes
espèces,
auxquelles
en sont
arrivés
les
deux
observateurs
les
plus
expérimentés
qui
aient
existé,
Kölreuter
et Gärtner
. Il est
aussi
fort
instructif
de comparer
— 
sans
entrer
dans
des
détails
qui
ne sauraient
trouver
ici la place
nécessaire
— les
preuves
présentées
par
nos
meilleurs
botanistes
sur
la question
de savoir
si certaines
formes
douteuses
sont
des
espèces
ou
des
variétés,
avec
les
preuves
de fécondité
apportées
par
divers
horticulteurs
qui
ont
cultivé
des
hybrides,
ou par
un
même
horticulteur
,
après
des
expériences
faites
à des
époques
dif
férentes.
On
peut
démontrer
ainsi
que
ni la stérilité
ni la fécondité
ne fournissent
aucune
distinction
certaine
entre
les
espèces
et les
variétés.
Les
preuves
tirées
de cette
source
offrent
d’insensibles
gradations,
et donnent
lieu
aux
mêmes
doutes
que
celles
qu’on
tire
des
autres
différences
de constitution et de conformation.
Quant
à la stérilité
des
hybrides
dans
les
générations
successives,
bien
qu’il
ait
pu en élever
quelques-uns
en évitant
avec
grand
soin
tout
croisement
avec
l’une
ou
l’autre
des
deux
espèces
pures,
pendant
six
ou
sept
et même,
dans
un
cas,
pendant
dix
générations,
Gärtner
constate
expressément
que
leur
fécondité
n’augmente
jamais,
mais
qu’au
contraire
elle
diminue
ordinairement
tout
à coup.
On
peut
remarquer
, à
propos
de cette
diminution,
que,
lorsqu’une
déviation
de structure
ou
de constitution
est
commune
aux
deux
parents,
elle
est
souvent
transmise
avec
accroissement
à leur
descendant
 ; or, chez
les
plantes
hybrides,
les
deux
éléments
sexuels
sont
déjà
affectés
à un
certain
degré.
Mais
je crois
que,
dans
la plupart
de ces
cas,
la fécondité
diminue
en
vertu
d’une
cause
indépendante,
c’est-à-dire
les
croisements
entre
des
individus
très
proches
parents.
J’ai
fait
tant
d’expériences,
j’ai
réuni
un
ensemble
de faits
si considérable,
prouvant
que,
d’une
part,
le croisement
occasionnel
avec
un individu
ou une
variété
distincte
augmente
la vigueur
et la fécondité
des
descendants,
et, d’autre
part,
que
les
croisements
consanguins
produisent
l’ef
fet
inverse,
que
je ne saurais
douter
de l’exactitude
de cette
conclusion.
Les
expérimentateurs
n’élèvent
ordinairement
que
peu
d’hybrides,
et,
comme
les
deux
espèces
mères,
ainsi
que
d’autres
hybrides
alliés,
croissent
la plupart
du
temps
dans
le même
jardin,
il faut
empêcher
avec
soin
l’accès
des
insectes
pendant
la floraison.
Il en résulte
que,
dans
chaque
génération,
la fleur
d’un
hybride
est
généralement
fécondée
par
son
propre
pollen,
circonstance
qui
doit
nuire
à sa fécondité
déjà
amoindrie
par
le fait
de
son
origine
hybride.
Une
assertion,
souvent
répétée
par
Gärtner
, fortifie
ma
conviction
à cet
égard
 ; il affirme
que,
si on féconde
artificiellement
les
hybrides,
même
les
moins
féconds,
avec
du
pollen
hybride
de la même
variété,
leur
fécondité
augmente
très
visiblement
et va
toujours
en augmentant,
malgré
les
effets
défavorables
que
peuvent
exercer
les
manipulations
nécessaires.
En
procédant
aux
fécondations
artificielles,
on prend
souvent,
par
hasard
(je
le sais
par
expérience),
du
pollen
des
anthères
d’une
autre
fleur
que
du
pollen
de la fleur
même
qu’on
veut
féconder
, de sorte
qu’il
en résulte
un
croisement
entre
deux
fleurs,
bien
qu’elles
appartiennent
souvent
à la même
plante.
En
outre,
lorsqu’il
s’agit
d’expériences
compliquées,
un observateur
aussi
soigneux
que
Gärtner
a dû
soumettre
ses
hybrides
à la castration,
de sorte
qu’à
chaque
génération
un croisement
a dû
sûrement
avoir
lieu
avec
du
pollen
d’une
autre
fleur
appartenant
soit
à la même
plante,
soit
à une
autre
plante,
mais
toujours
de même
nature
hybride.
L’étrange
accroissement
de fécondité
dans
les
générations
successives
d’hybrides
fécondés
artificiellement
, contrastant
avec
ce qui
se passe
chez
ceux
qui
sont
spontanément
fécondés,
pourrait
ainsi
s’expliquer
,
je crois, par le fait que les croisements consanguins sont évités.
Passons
maintenant
aux
résultats
obtenus
par
un
troisième
expérimentateur
non
moins
habile,
le révérend
W. Herbert.
Il affirme
que
quelques
hybrides
sont
parfaitement
féconds,
aussi
féconds
que
les
espèces-souches
pures,
et il soutient
ses
conclusions
avec
autant
de
vivacité
que
Kölreuter
et Gärtner
, qui
considèrent,
au contraire,
que
la
loi générale
de la nature
est
que
tout
croisement
entre
espèces
distinctes
est
frappé
d’un
certain
degré
de stérilité.
Il a expérimenté
sur
les
mêmes
espèces
que
Gärtner
. On
peut,
je crois,
attribuer
la différence
dans
les
résultats
obtenus
à la grande
habileté
d’Herbert
en horticulture,
et au fait
qu’il
avait
des
serres
chaudes
à sa disposition.
Je citerai
un
seul
exemple
pris
parmi
ses
nombreuses
et importantes
observations :
« Tous
les
ovules
d’une
même
gousse
de
Crinum
capense
fécondés
par
le
Crinum
revolutum
ont
produit
chacun
une
plante,
fait
que
je n’ai
jamais
vu dans
le cas d’une fécondation naturelle. »
Il y a donc
là une
fécondité
parfaite
ou
même
plus
parfaite
qu’à
l’ordinaire
dans
un premier
croisement
opéré
entre
deux
espèces
distinctes.
Ce
cas
du
Crinum
m’amène
à signaler
ce fait
singulier
, qu’on
peut
facilement
féconder
des
plantes
individuelles
de certaines
espèces
de
Lobelia
, de
Verbascum
et de
Passiflora
avec
du
pollen
provenant
d’une
espèce
distincte,
mais
pas
avec
du pollen
provenant
de la même
plante,
bien
que
ce dernier
soit
parfaitement
sain
et capable
de féconder
d’autres
plantes
et d’autres
espèces.
Tous
les
individus
des
genres
Hippeastrum
et
Corydalis
, ainsi
que
l’a
démontré
le professeur
Hildebrand,
tous
ceux
de divers
orchidées,
ainsi
que
l’ont
démontré
MM. 
Scott
et Fritz
Müller
, présentent
cette
même
particularité.
Il en résulte
que
certains
individus
anormaux
de quelques
espèces,
et tous
les
individus
d’autres
espèces,
se croisent
beaucoup
plus
facilement
qu’ils
ne
peuvent
être
fécondés
par
du pollen
provenant
du même
individu.
Ainsi,
une
bulbe
d’
Hippestrum
aulicum
produisit
quatre
fleurs
 ; Herbert
en féconda
trois
avec
leur
propre
pollen,
et la quatrième
fut
postérieurement
fécondée
avec
du pollen
provenant
d’un
hybride
mixte
descendu
de trois
espèces
distinctes
 ; voici
le résultat
de cette
expérience :
« les
ovaires
des
trois
premières
fleurs
cessèrent
bientôt
de se développer
et
périrent,
au bout
de quelques
jours,
tandis
que
la gousse
fécondée
par
le pollen
de l’hybride
poussa
vigoureusement,
arriva
rapidement
à maturité,
et produisit
des graines excellentes qui germèrent facilement. »
Des
expériences
semblables
faites
pendant
bien
des
années
par
M. 
Herbert
lui
ont
toujours
donné
les
mêmes
résultats.
Ces
faits
servent
à
démontrer
de
quelles
causes
mystérieuses
et insignifiantes
dépend
quelquefois la plus ou moins grande fécondité d’une espèce.
Les
expériences
pratiques
des
horticulteurs,
bien
que
manquant
de
précision
scientifique,
méritent
cependant
quelque
attention.
Il est
notoire
que
presque
toutes
les
espèces
de
Pelargonium
, de
Fuchsia
de
Calceolaria
, de
Petunia
, de
Rhododendron
, etc.,
ont
été
croisées
de
mille
manières
 ; cependant
beaucoup
de ces
hybrides
produisent
régulièrement
des
graines.
Herbert
affirme,
par
exemple,
qu’un
hybride
de
Calceolaria
integrifolia
et de
Calceolaria
plantaginea
, deux
espèces
aussi
dissemblables
qu’il
est
possible
par
leurs
habitudes
générales,
« s’est
reproduit
aussi
régulièrement
que
si c’eût
été
une
espèce
naturelle
des
montagnes
du Chili
 ». J’ai
fait
quelques
recherches
pour
déterminer
le degré
de fécondité
de quelques
rhododendrons
hybrides,
provenant
des
croisements
les
plus
compliqués,
et j’ai
acquis
la conviction
que
beaucoup
d’entre
eux
sont
complètement
féconds.
M.
C.
Noble,
par
exemple,
m’apprend
qu’il
élève
pour
la greffe un grand
nombre
d’individus
d’un
hybride
entre
le
Rhododendr
on Ponticum
et
le
Rhododendron
Catawbiense
, et que
cet
hybride
donne
des
graines
en aussi
grande
abondance
qu’on
peut
se l’imaginer
. Si la fécondité
des
hybrides
convenablement
traités
avait
toujours
été
en diminuant
de génération
en génération,
comme
le croit
Gärtner
, le fait
serait
connu
des
horticulteurs.
Ceux-ci
cultivent
des
quantités
considérables
des
mêmes
hybrides,
et c’est
seulement
ainsi
que
les
plantes
se trouvent
placées
dans
des
conditions
convenables
 ; l’intervention
des
insectes
permet,
en effet,
des
croisements
faciles
entre
les
différents
individus
et empêche
l’influence
nuisible
d’une
consanguinité
trop
rapprochée.
On
peut
aisément
se convaincre
de l’efficacité
du
concours
des
insectes
en examinant
les
fleurs
des
rhododendrons
hybrides
les
plus
stériles
 ; ils ne produisent
pas
de pollen
et cependant
les
stigmates
sont
couverts de pollen provenant d’autres fleurs.
On
a ait
beaucoup
moins
d’expériences
précises
sur
les
animaux
que
sur
les
plantes.
Si l’on
peut
se fier
à nos
classifications
systématiques,
c’est-à-dire
si les
genres
zoologiques
sont
aussi
distincts
les
uns
des
autres
que
le sont
les
genres
botaniques,
nous
pouvons
conclure
des
faits
constatés
que,
chez
les
animaux,
des
individus
plus
éloignés
les
uns
des
autres
dans
l’échelle
naturelle
peuvent
se croiser
plus
facilement
que
cela
n’a
lieu
chez
les
végétaux
 ; mais
les
hybrides
qui
proviennent
de ces
croisements
sont,
je crois,
plus
stériles.
Il faut,
cependant,
prendre
en considération
le fait
que
peu
d’animaux
reproduisent
volontiers
en captivité,
et que,
par
conséquent,
il n’y
a eu que
peu
d’expériences
faites
dans
de bonnes
conditions
 : le serin,
par
exemple,
a été
croisé
avec
neuf
espèces
distinctes
de moineaux
 ; mais,
comme
aucune
de ces
espèces
ne se reproduit
en captivité,
nous
n’avons
pas
lieu
de nous
attendre
à ce que
le premier
croisement
entre
elles
et le
serin
ou entre
leurs
hybrides
soit
parfaitement
fécond.
Quant
à la fécondité
des
générations
successives
des
animaux
hybrides
les
plus
féconds,
je ne
connais
pas
de cas
où l’on
ait élevé
à la fois
deux
familles
d’hybrides
provenant
de parents
dif
férents,
de manière
à éviter
les
effets
nuisibles
des
croisements
consanguins.
On
a, au contraire,
habituellement
croisé
ensemble
les
frères
et les
sœurs
à chaque
génération
successive,
malgré
les
avis
constants
de tous
les
éleveurs.
Il n’y
a
donc
rien
d’étonnant
à ce que,
dans
ces
conditions,
la stérilité
inhérente aux hybrides ait été toujours en augmentant.
Bien
que
je ne connaisse
aucun
cas
bien
authentique
d’animaux
hybrides
parfaitement
féconds,
j’ai
des
raisons
pour
croire
que
les
hybrides
du
Cervulus
vaginalis
et du
Cervulus
Recvesii
, ainsi
que
ceux
du
Phasianus
colchicus
et du
Phasianus
torquatus
, sont
parfaitement
féconds.
M.
de Quatrefages
constate
qu’on
a pu observer
à Paris
la fécondité
inter
se
, pendant
huit
générations,
des
hybrides
provenant
de
deux
phalènes
(
Bombyx
cynthia
et
Bombyx
arrindia
). On
a récemment
affirmé
que
deux
espèces
aussi
distinctes
que
le lièvre
et le lapin,
lorsqu’on
réussit
à les
apparier
, donnent
des
produits
qui
sont
très
féconds
lorsqu’on
les
croise
avec
une
des
espèces
parentes.
Les
hybrides
entre
l’oie
commune
et l’oie
chinoise
(
Anagallis
cygnoides
), deux
espèces
assez
dif
férentes
pour
qu’on
les
range
ordinairement
dans
des
genres
distincts,
se sont
souvent
reproduits
dans
ce pays
avec
l’une
ou
l’autre
des
souches
pures,
et dans
un seul
cas
inter
se
. Ce
résultat
a été
obtenu
par
M.
Eyton,
qui
éleva
deux
hybrides
provenant
des
mêmes
parents,
mais
de pontes
dif
férentes
 ; ces
deux
oiseaux
ne lui
donnèrent
pas
moins
de huit
hybrides
en une
seule
couvée,
hybrides
qui
se trouvaient
être
les
petits-enfants
des
oies
pures.
Ces
oies
de races
croisées
doivent
être
très
fécondes
dans
l’Inde,
car
deux
juges
irrécusables
en pareille
matière,
M.
Blyth
et le capitaine
Hutton,
m’apprennent
qu’on
élève
dans
diverses
parties
de ce pays
des
troupeaux
entiers
de ces
oies
hybrides
 ; or, comme
on
les
élève
pour
en tirer
profit,
là où au
cune
des
espèces
parentes
pures
ne se rencontre,
il faut
bien
que
leur
fécondité soit parfaite.

(…)

Etudions
maintenant
avec
un
peu
plus
de détails
les
lois
qui
régissent
la stérilité
des
premiers
croisements
et des
hybrides.
Notre
but
principal
est
de déterminer
si ces
lois
prouvent
que
les
espèces
ont
été
spécialement
douées
de cette
propriété,
en vue
d’empêcher
un
croisement
et un
mélange
devant
entraîner
une
confusion
générale.
Les
conclusions
qui
suivent
sont
principalement
tirées
de l’admirable
ouvrage
de Gärtner
sur
l’hybridation
des
plantes.
J’ai
surtout
cherché
à m’assurer
jusqu’à
quel
point
les
règles
qu’il
pose
sont
applicables
aux
animaux,
et,
considérant
le peu
de connaissances
que
nous
avons
sur
les
animaux
hybrides,
j’ai
été
surpris
de trouver
que
ces
mêmes
règles
s’appliquent généralement aux deux règnes.
Nous
avons
déjà
remarqué
que
le degré
de fécondité,
soit
des
premiers
croisements,
soit
des
hybrides,
présente
des
gradations
insensibles
depuis
la stérilité
absolue
jusqu’à
la fécondité
parfaite.
Je pourrais
citer
bien
des
preuves
curieuses
de cette
gradation,
mais
je ne
peux
donner
ici qu’un
rapide
aperçu
des
faits.
Lorsque
le pollen
d’une
plante
est
placé
sur
le stigmate
d’une
plante
appartenant
à une
famille
distincte,
son
action
est
aussi
nulle
que
pourrait
l’être
celle
de la
première
poussière
venue.
A partir
de cette
stérilité
absolue,
le pollen
des
dif
férentes
espèces
d’un
même
genre,
appliqué
sur
le stigmate
de
l’une
des
espèces
de ce genre,
produit
un nombre
de graines
qui
varie
de façon
à former
une
série
graduelle
depuis
la stérilité
absolue
jusqu’à
une
fécondité
plus
ou moins
parfaite
et même,
comme
nous
l’avons
vu,
dans
certains
cas
anormaux,
jusqu’à
une
fécondité
supérieure
à celle
déterminée
par
l’action
du pollen
de la plante
elle-même.
De
même,
il y a des
hybrides
qui
n’ont
jamais
produit
et ne produiront
peut-être
jamais
une
seule
graine
féconde,
même
avec
du pollen
pris
sur
l’une
des
espèces
pures
 ; mais
on
a pu,
chez
quelques-uns,
découvrir
une
première
trace
de fécondité,
en ce sens
que
sous
l’action
du
pollen
d’une
des
espèces
parentes
la fleur
hybride
se flétrit
un
peu
plus
tôt
qu’elle
n’eût
fait
autrement
 ; or, chacun
sait
que
c’est
là un
symptôme
d’un
commencement
de fécondation.
De
cet
extrême
degré
de stérilité
nous
passons
graduellement
par
des
hybrides
féconds,
produisant
toujours
un plus
grand
nombre
de graines
jusqu’à
ceux
qui
atteignent à la fécondité parfaite.
Les
hybrides
provenant
de deux
espèces
difficiles
à croiser
, et dont
les
premiers
croisements
sont
généralement
très
stériles,
sont
rarement
féconds
 ; mais
il n’y
a pas
de parallélisme
rigoureux
à établir
entre
la
difficulté
d’un
premier
croisement
et le degré
de stérilité
des
hybrides
qui
en résultent
— 
deux
ordres
de faits
qu’on
a ordinairement
confondus.
Il y a beaucoup
de cas

deux
espèces
pures,
dans
le genre
Verbascum
, par
exemple,
s’unissent
avec
la plus
grande
facilité
et produisent
de nombreux
hybrides,
mais
ces
hybrides
sont
eux-mêmes
absolument
stériles.
D’autre
part,
il y a des
espèces
qu’on
ne peut
croiser
que
rarement
ou
avec
une
difficulté
extrême,
et dont
les
hybrides
une
fois
produits
sont
très
féconds.
Ces
deux
cas
opposés
se présentent
dans
les
limites
mêmes
d’un
seul
genre,
dans
le genre
Dianthus
, par
exemple.
Les
conditions
défavorables
affectent
plus
facilement
la fécondité,
tant
des
premiers
croisements
que
des
hybrides,
que
celle
des
espèces
pures.
Mais
le degré
de fécondité
des
premiers
croisements
est
également
variable
en vertu
d’une
disposition
innée,
car
cette
fécondité
n’est
pas
toujours
égale
chez
tous
les
individus
des
mêmes
espèces,
croisés
dans
les
mêmes
conditions
 ; elle
paraît
dépendre
en partie
de la
constitution
des
individus
qui
ont
été
choisis
pour
l’expérience.
Il en
est
de même
pour
les
hybrides,
car
la fécondité
varie
quelquefois
beaucoup
chez
les
divers
individus
provenant
des
graines
contenues
dans une même capsule, et exposées aux mêmes conditions.
On
entend,
par
le terme
d’affinité
systématique,
les
ressemblances
que
les
espèces
ont
les
unes
avec
les
autres
sous
le rapport
de la structure
et de la constitution.
Or
, cette
affinité
régit
dans
une
grande
mesure
la fécondité
des
premiers
croisements
et celle
des
hybrides
qui
en
proviennent.
C’est
ce que
prouve
clairement
le fait
qu’on
n’a
jamais
pu
obtenir
des
hybrides
entre
espèces
classées
dans
des
familles
distinctes,
tandis
que,
d’autre
part,
les
espèces
très
voisines
peuvent
en
général
se croiser
facilement.
Toutefois,
le rapport
entre
l’af
finité
systématique
et la facilité
de croisement
n’est
en aucune
façon
rigoureuse.
On
pourrait
citer
de nombreux
exemples
d’espèces
très
voisines
qui
refusent
de se croiser
, ou
qui
ne le font
qu’avec
une
extrême
difficulté,
et des
cas
d’espèces
très
distinctes
qui,
au contraire,
s’unissent
avec
une
grande
facilité.
On
peut,
dans
une
même
famille,
rencontrer
un
genre,
comme
le
Dianthus
par
exemple,
chez
lequel
un grand
nombre
d’espèces
s’entre-croisent
facilement,
et un autre
genre,
tel
que
le
Silene
, chez
lequel,
malgré
les
efforts
les
plus
persévérants,
on
n’a
pu réussir
à obtenir
le moindre
hybride
entre
des
espèces
extrêmement
voisines.
Nous
rencontrons
ces
mêmes
différences
dans
les
limites
d’un
même
genre
 ; on
a, par
exemple,
croisé
les
nombreuses
espèces
du
genre
Nicotiana
beaucoup
plus
que
les
espèces
d’aucun
autre
genre
 ; cependant
Gärtner
a constaté
que
la
Nicotiana
acuminata
, qui,
comme
espèce,
n’a
rien
d’extraordinairement
particulier
, n’a
pu
féconder
huit
autres
espèces
de
Nicotiana
, ni être
fécondée
par
elles. Je pourrais citer beaucoup de faits analogues.
Personne
n’a
pu encore
indiquer
quelle
est
la nature
ou le degré
des
dif
férences
appréciables
qui
suf
fisent
pour
empêcher
le
croisement
de
deux
espèces.
On
peut
démontrer
que
des
plantes
très
dif
férentes
par
leur
aspect
général
et par
leurs
habitudes,
et présentant
des
dissemblances
très
marquées
dans
toutes
les
parties
de la fleur
, même
dans
le
pollen,
dans
le fruit
et dans
les
cotylédons,
peuvent
être
croisées
ensemble.
On
peut
souvent
croiser
facilement
ensemble
des
plantes
annuelles
et vivaces,
des
arbres
à feuilles
caduques
et à feuilles
persistantes,
des
plantes
adaptées
à des
climats
fort
différents
et habitant
des
stations tout à fait diverses.
Par
l’expression
de croisement
réciproque
entre
deux
espèces
j’entends
des
cas
tels,
par
exemple,
que
le croisement
d’un
étalon
avec
une
ânesse,
puis
celui
d’un
âne
avec
une
jument
 ; on peut
alors
dire
que
les
deux
espèces
ont
été
réciproquement
croisées.
Il y a souvent
des
différences
immenses
quant
à la facilité
avec
laquelle
on peut
réaliser
les
croisements
réciproques.
Les
cas
de
ce genre
ont
une
grande
importance,
car
ils
prouvent
que
l’aptitude
qu’ont
deux
espèces
à se
croiser
est
souvent
indépendante
de leurs
affinités
systématiques,
c’est-à-dire
de toute
différence
dans
leur
organisation,
le système
reproducteur
excepté.
Kölreuter
, il y a longtemps
déjà,
a observé
la diversité
des
résultats
que
présentent
les
croisements
réciproques
entre
les
deux
mêmes
espèces.
Pour
en citer
un
exemple,
la
Mirabilis
jalapa
est
facilement
fécondée
par
le pollen
de la
Mirabilis
longiflora
, et les
hybrides
qui
proviennent
de ce croisement
sont
assez
féconds
 ; mais
Kölreuter
a essayé
plus
de deux
cents
fois,
dans
l’espace
de huit
ans,
de féconder
réciproquement
la
Mirabilis
longiflora
par
du pollen
de la
Mirabilis
jalapa
, sans
pouvoir
y parvenir
. On
connaît
d’autres
cas
non
moins
frappants.
Thuret
a observé
le même
fait
sur
certains
fucus
marins.
Gärtner
a, en outre,
reconnu
que
cette
dif
férence
dans
la facilité
avec
laquelle
les
croisements
réciproques
peuvent
s’effectuer
est,
à un
degré
moins
prononcé,
très
générale.
Il l’a
même
observée
entre
des
formes
très
voisines,
telles
que
la
Matthiola
annua
et la
Matthiola
glabra
, que
beaucoup
de botanistes
considèrent
comme
des
variétés.
C’est
encore
un fait
remarquable
que
les
hybrides
provenant
de croisements
réciproques,
bien
que
constitués
par
les
deux
mêmes
espèces
— 
puisque
chacune
d’elles
a été
successivement
employée
comme
père
et ensuite
comme
mère
— 
bien
que
dif
férant
rarement
par
leurs
caractères
extérieurs,
dif
fèrent
généralement
un
peu
et quelquefois
beaucoup sous le rapport de la fécondité.
On
pourrait
tirer
des
observations
de Gärtner
plusieurs
autres
règles
singulières
 ; ainsi,
par
exemple,
quelques
espèces
ont
une
facilité
remarquable
à se croiser
avec
d’autres
 ; certaines
espèces
d’un
même
genre
sont
remarquables
par
l’énergie
avec
laquelle
elles
impriment
leur
ressemblance
à leur
descendance
hybride
 ; mais
ces
deux
aptitudes
ne
vont
pas
nécessairement
ensemble.
Certains
hybrides,
au lieu
de présenter
des
caractères
intermédiaires
entre
leurs
parents,
comme
il arrive
d’ordinaire,
ressemblent
toujours
beaucoup
plus
à l’un
d’eux
 ;
bien
que
ces
hybrides
ressemblent
extérieurement
de façon
presque
absolue
à une
des
espèces
parentes
pures,
ils
sont
en général,
et à de
rares
exceptions
près,
extrêmement
stériles.
De
même,
parmi
les
hybrides
qui
ont
une
conformation
habituellement
intermédiaire
entre
leurs
parents,
on
rencontre
parfois
quelques
individus
exceptionnels
qui
ressemblent
presque
complètement
à l’un
de leurs
ascendants
purs
 ; ces
hybrides
sont
presque
toujours
absolument
stériles,
même
lorsque
d’autres
sujets
provenant
de graines
tirées
de la même
capsule
sont
très
féconds.
Ces
faits
prouvent
combien
la fécondité
d’un
hybride
dépend
peu
de sa ressemblance
extérieure
avec
l’une
ou
l’autre
de ses formes parentes pures.

D’après
les
règles
précédentes,
qui
régissent
la fécondité
des
premiers
croisements
et des
hybrides,
nous
voyons
que,
lorsque
l’on
croise
des
formes
qu’on
peut
regarder
comme
des
espèces
bien
distinctes,
leur
fécondité
présente
tous
les
degrés
depuis
zéro
jusqu’à
une
fécondité
parfaite,
laquelle
peut
même,
dans
certaines
conditions,
être
poussée
à l’extrême
 ; que
cette
fécondité,
outre
qu’elle
est
facilement
affectée
par
l’état
favorable
ou
défavorable
des
conditions
extérieures,
est
variable
en vertu
de prédispositions
innées
 ; que
cette
fécondité
n’est
pas
toujours
égale
en degré,
dans
le premier
croisement
et dans
les
hybrides
qui
proviennent
de ce croisement
 ; que
la fécondité
des
hybrides
n’est
pas
non
plus
en rapport
avec
le degré
de ressemblance
extérieure
qu’ils
peuvent
avoir
avec
l’une
ou
l’autre
de leurs
formes
parentes
 ; et, enfin,
que
la facilité
avec
laquelle
un
premier
croisement
entre
deux
espèces
peut
être
effectué
ne dépend
pas
toujours
de leurs
affinités
systématiques,
ou
du
degré
de ressemblance
qu’il
peut
y
avoir
entre
elles.
La
réalité
de cette
assertion
est
démontrée
par
la différence
des
résultats
que
donnent
les
croisements
réciproques
entre
les
deux
mêmes
espèces,
car
, selon
que
l’une
des
deux
est
employée
comme
père
ou comme
mère,
il y a ordinairement
quelque
dif
férence,
et parfois
une
dif
férence
considérable,
dans
la facilité
qu’on
trouve
à
effectuer
le croisement.
En
outre,
les
hybrides
provenant
de croisements réciproques dif
fèrent souvent en fécondité.
Ces
lois
singulières
et complexes
indiquent-elles
que
les
croisements
entre
espèces
ont
été
frappés
de stérilité
uniquement
pour
que
les
formes
organiques
ne puissent
pas
se confondre
dans
la nature
 ? Je
ne le crois
pas.
Pourquoi,
en effet,
la stérilité
serait
elle
si variable,
quant
au degré,
suivant
les
espèces
qui
se
croisent,
puisque
nous
devons
supposer
qu’il
est
également
important
pour
toutes
d’éviter
le
mélange
et la confusion
 ? Pourquoi
le degré
de stérilité
serait-il
variable
en vertu
de prédispositions
innées
chez
divers
individus
de la
même
espèce
 ? Pourquoi
des
espèces
qui
se croisent
avec
la plus
grande
facilité
produisent-elles
des
hybrides
très
stériles,
tandis
que
d’autres,
dont
les
croisements
sont
très
dif
ficiles
à réaliser
, produisent
des
hybrides
assez
féconds
 ? Pourquoi
cette
dif
férence
si fréquente
et
si considérable
dans
les
résultats
des
croisements
réciproques
opérés
entre
les
deux
mêmes
espèces
 ? Pourquoi,
pourrait-on
encore
demander
, la production
des
hybrides
est-elle
possible
 ? Accorder
à l’espèce
la propriété
spéciale
de produire
des
hybrides,
pour
arrêter
ensuite
leur
propagation
ultérieure
par
divers
degrés
de stérilité,
qui
ne sont
pas
rigoureusement
en rapport
avec
la facilité
qu’ont
leurs
parents
à se
croiser
, semble un étrange arrangement.
D’autre
part,
les
faits
et les
règles
qui
précèdent
me
paraissent
nettement
indiquer
que
la stérilité,
tant
des
premiers
croisements
que
des
hybrides,
est
simplement
une
conséquence
dépendant
de différences
inconnues
qui
affectent
le système
reproducteur
. Ces
différences
sont
d’une
nature
si particulière
et si bien
déterminée,
que,
dans
les
croisements
réciproques
entre
deux
espèces,
l’élément
mâle
de l’une
est
souvent
apte
à exercer
facilement
son
action
ordinaire
sur
l’élément
femelle
de l’autre,
sans
que
l’inverse
puisse
avoir
lieu.
Un
exemple
fera
mieux
comprendre
ce que
j’entends
en disant
que
la stérilité
est
une
conséquence
d’autres
différences,
et n’est
pas
une
propriété
dont
les
espèces
ont
été
spécialement
douées.
L’aptitude
que
possèdent
certaines
plantes
à pouvoir
être
gref
fées
sur
d’autres
est
sans
aucune
importance
pour
leur
prospérité
à l’état
de nature
 ; personne,
je présume,
ne supposera
donc
qu’elle
leur
ait été
donnée
comme
une
propriété
spéciale
, mais
chacun
admettra
qu’elle
est
une
conséquence
de certaines
différences
dans
les
lois
de la croissance
des
deux
plantes.
Nous
pouvons
quelquefois
comprendre
que
tel arbre
ne peut
se greffer
sur
un
autre,
en raison
de différences
dans
la rapidité
de la croissance,
dans
la dureté
du bois,
dans
l’époque
du flux
de la sève,
ou
dans
la
nature
de celle-ci,
etc.
 ; mais
il est
une
foule
de cas
où nous
ne saurions
assigner
une
cause
quelconque.
Une
grande
diversité
dans
la
taille
de deux
plantes,
le fait
que
l’une
est
ligneuse,
l’autre
herbacée,
que
l’une
est
à feuilles
caduques
et l’autre
à feuilles
persistantes,
l’adaptation
même
à différents
climats,
n’empêchent
pas
toujours
de
les
greffer
l’une
sur
l’autre.
Il en est
de même
pour
la greffe que
pour
l’hybridation
 ; l’aptitude
est
limitée
par
les
affinités
systématiques,
car
on
n’a
jamais
pu
greffer
l’un
sur
l’autre
des
arbres
appartenant
à des
familles
absolument
distinctes,
tandis
que,
d’autre
part,
on peut
ordinairement,
quoique
pas
invariablement,
gref
fer
facilement
les
unes
sur
les
autres
des
espèces
voisines
et les
variétés
d’une
même
espèce.
Mais,
de même
encore
que
dans
l’hybridation,
l’aptitude
à la greffe
n’est
point
absolument
en rapport
avec
l’affinité
systématique,
car
on
a pu
greffer
les
uns
sur
les
autres
des
arbres
appartenant
à des
genres
différents
d’une
même
famille,
tandis
que
l’opération
n’a
pu,
dans
certains
cas,
réussir
entre
espèces
du
même
genre.
Ainsi,
le poirier
se
gref
fe beaucoup
plus
aisément
sur
le cognassier
, qui
est
considéré
comme
un genre
distinct,
que
sur
le pommier
, qui
appartient
au même
genre.
Diverses
variétés
du
poirier
se gref
fent
même
plus
ou
moins
facilement
sur
le cognassier
 ; il en est
de même
pour
dif
férentes
variétés d’abricotier et de pêcher sur certaines variétés de prunier
.
De
même
que
Gärtner
a découvert
des
différences
innées
chez
différents
individus
de deux
mêmes
espèces
sous
le rapport
du croisement,
de même
Sageret
croit
que
les
différents
individus
de deux
mêmes
espèces
ne se prêtent
pas
également
bien
à la greffe.
De
même
que,
dans
les
croisements
réciproques,
la facilité
qu’on
a à obtenir
l’union
est
loin
d’être
égale
chez
les
deux
sexes,
de même
l’union
par
la gref
fe est
souvent
fort
inégale
 ; ainsi,
par
exemple,
on ne peut
pas
greffer
le groseillier
à maquereau
sur
le groseillier
à grappes,
tandis
que
ce dernier
prend,
quoique
avec
difficulté,
sur
le groseillier
à maquereau.

(…)

J’ai
pensé,
à une
époque,
et d’autres
ont
pensé
comme
moi,
que
la
stérilité
des
premiers
croisements
et celle
des
hybrides
pouvait
provenir
de la sélection
naturelle,
lente
et continue,
d’individus
un
peu
moins
féconds
que
les
autres
 ; ce défaut
de fécondité,
comme
toutes
les
autres
variations,
se serait
produit
chez
certains
individus
d’une
variété
croisés
avec
d’autres
appartenant
à des
variétés
différentes.
En
effet,
il est
évidemment
avantageux
pour
deux
variétés
ou
espèces
naissantes
qu’elles
ne puissent
se mélanger
avec
d’autres,
de même
qu’il
est,
indispensable
que
l’homme
maintienne
séparées
l’une
de
l’autre
deux
variétés
qu’il
cherche
à produire
en même
temps.
En
premier
lieu,
on peut
remarquer
que
des
espèces
habitant
des
régions
distinctes
restent
stériles
quand
on les
croise.
Or
, il n’a
pu évidemment
y avoir
aucun
avantage
à ce que
des
espèces
séparées
deviennent
ainsi
mutuellement
stériles,
et,
en conséquence,
la sélection
naturelle
n’a
joué
aucun
rôle
pour
amener
ce résultat
 ; on pourrait,
il est
vrai,
soutenir
peut-être
que,
si une
espèce
devient
stérile
avec
une
espèce
habitant
la même
région,
la stérilité
avec
d’autres
est
une
conséquence
nécessaire.
En
second
lieu,
il est
pour
le moins
aussi
contraire
à la théorie
de la sélection
naturelle
qu’à
celle
des
créations
spéciales
de supposer
que,
dans
les
croisements
réciproques,
l’élément
mâle
d’une
forme
ait
été
rendu
complètement
impuissant
sur
une
seconde,
et que
l’élément
mâle
de cette
seconde
forme
ait en même
temps
conservé
l’aptitude
à féconder
la première.
Cet
état
particulier
du
système
reproducteur
ne pourrait,
en effet,
être
en aucune
façon
avantageux
à
l’une ou l’autre des deux espèces.
Au
point
de vue
du rôle
que
la sélection
a pu jouer
pour
produire
la
stérilité
mutuelle
entre
les
espèces,
la plus
grande
difficulté
qu’on
ait à
surmonter
est
l’existence
de nombreuses
gradations
entre
une
fécondité à peine
diminuée
et la stérilité.
On
peut
admettre
qu’il
serait
avantageux
pour
une
espèce
naissante
de devenir
un
peu
moins
féconde
si
elle
se croise
avec
sa forme
parente
ou
avec
une
autre
variété,
parce
qu’elle
produirait
ainsi
moins
de descendants
bâtards
et dégénérés
pouvant
mélanger
leur
sang
avec
la nouvelle
espèce
en voie
de formation.
Mais
si l’on
réfléchit
aux
degrés
successifs
nécessaires
pour
que
la sélection
naturelle
ait développé
ce commencement
de stérilité
et
l’ait
amené
au point
où il en est
arrivé
chez
la plupart
des
espèces
 ;
pour
qu’elle
ait,
en outre,
rendu
cette
stérilité
universelle
chez
les
formes
qui
ont
été
dif
férenciées
de manière
à être
classées
dans
des
genres
et dans
des
familles
distincts,
la question
se complique
considérablement.
Après
mûre
réflexion,
il me
semble
que
la sélection
naturelle
n’a
pas
pu
produire
ce résultat.
Prenons
deux
espèces
quelconques
qui,
croisées
l’une
avec
l’autre,
ne produisent
que
des
descendants
peu
nombreux
et stériles
 ; quelle
cause
pourrait,
dans
ce cas,
favoriser
la persistance
des
individus
qui,
doués
d’une
stérilité
mutuelle
un
peu
plus
prononcée,
s’approcheraient
ainsi
d’un
degré
vers
la stérilité
absolue
 ? Cependant,
si on fait
intervenir
la sélection
naturelle,
une
tendance
de ce genre
a dû incessamment
se présenter
chez
beaucoup
d’espèces,
car
la plupart
sont
réciproquement
complètement
stériles.
Nous
avons,
dans
le cas
des
insectes
neutres,
des
raisons
pour
croire
que
la sélection
naturelle
a lentement
accumulé
des
modifications
de conformation
et de fécondité,
par
suite
des
avantages
indirects
qui
ont
pu en résulter
pour
la communauté
dont
ils font
partie
sur
les
autres
communautés
de la même
espèce.
Mais,
chez
un animal
qui
ne vit
pas
en société,
une
stérilité
même
légère
accompagnant
son
croisement
avec
une
autre
variété
n’entraînerait
aucun
avantage,
ni direct
pour
lui,
ni indirect
pour
les
autres
individus
de la même
variété,
de nature
à favoriser
leur
conservation.
Il serait
d’ailleurs
superflu
de
discuter
cette
question
en détail.
Nous
trouvons,
en effet,
chez
les
plantes,
des
preuves
convaincantes
que
la stérilité
des
espèces
croisées
dépend
de quelque
principe
indépendant
de la sélection
naturelle.
Gärtner
et Kölreuter
ont
prouvé
que,
chez
les
genres
comprenant
beaucoup
d’espèces,
on
peut
établir
une
série
allant
des
espèces
qui,
croisées,
produisent
toujours
moins
de graines,
jusqu’à
celles
qui
n’en
produisent
pas
une
seule,
mais
qui,
cependant,
sont
sensibles
à l’action
du pollen
de certaines
autres
espèces,
car
le germe
grossit.
Dans
ce cas,
il est
évidemment
impossible
que
les
individus
les
plus
stériles,
c’est-à-dire
ceux
qui
ont
déjà
cessé
de produire
des
graines,
fassent
l’objet
d’une
sélection.
La
sélection
naturelle
n’a
donc
pu amener
cette
stérilité
absolue
qui
se traduit
par
un effet
produit
sur
le germe
seul.
Les
lois
qui
régissent
les
différents
degrés
de stérilité
sont
si uniformes
dans
le
royaume
animal
et dans
le royaume
végétal,
que,
quelle
que
puisse
être
la cause
de
la stérilité,
nous
pouvons
conclure
que cette cause est la même ou presque la même dans tous les cas.

A l’égard
de la stérilité
des
hybrides
chez
lesquels
les
éléments
sexuels
ne sont
qu’imparfaitement
développés,
le cas
est
quelque
peu
différent.
J’ai
plus
d’une
fois
fait
allusion
à un ensemble
de faits
que
j’ai
recueillis,
prouvant
que,
lorsque
l’on
place
les
animaux
et les
plantes
en dehors
de leurs
conditions
naturelles,
leur
système
reproducteur
en est
très
fréquemment
et très
gravement
affecté.
C’est
là ce
qui
constitue
le grand
obstacle
à la domestication
des
animaux.
Il y a
de nombreuses
analogies
entre
la stérilité
ainsi
provoquée
et celle
des
hybrides.
Dans
les
deux
cas,
la stérilité
ne dépend
pas
de la santé
générale,
qui
est,
au contraire,
excellente,
et qui
se traduit
souvent
par
un
excès
de taille
et une
exubérance
remarquable.
Dans
les
deux
cas,
la
stérilité
varie
quant
au degré
 ; dans
les
deux
cas,
c’est
l’élément
mâle
qui
est
le plus
promptement
affecté,
quoique
quelquefois
l’élément
femelle
le soit
plus
profondément
que
le mâle.
Dans
les
deux
cas,
la
tendance
est
jusqu’à
un
certain
point
en rapport
avec
les
affinités
systématiques,
car
des
groupes
entiers
d’animaux
et de plantes
deviennent
impuissants
à reproduire
quand
ils sont
placés
dans
les
mêmes
conditions
artificielles,
de même
que
des
groupes
entiers
d’espèces
tendent
à produire
des
hybrides
stériles.
D’autre
part,
il peut
arriver
qu’une
seule
espèce
de tout
un groupe
résiste
à de grands
changements
de conditions
sans
que
sa fécondité
en soit
diminuée,
de même
que
certaines
espèces
d’un
groupe
produisent
des
hybrides
d’une
fécondité
extraordinaire.
On
ne peut
jamais
prédire
avant
l’expérience
si
tel animal
se reproduira
en captivité,
ou
si telle
plante
exotique
donnera des
graines
une
fois
soumise
à la culture
 ; de même
qu’on
ne peut
savoir
, avant
l’expérience,
si deux
espèces
d’un
genre
produiront
des
hybrides
plus
ou moins
stériles.
Enfin,
les
êtres
organisés
soumis,
pendant
plusieurs
générations,
à des
conditions
nouvelles
d’existence,
sont
extrêmement
sujets
à varier
 ; fait
qui
paraît
tenir
en partie
à ce
que
leur
système
reproducteur
a été
affecté,
bien
qu’à
un moindre
degré
que
lorsque
la stérilité
en résulte.
Il en est
de même
pour
les
hybrides
dont
les
descendants,
pendant
le cours
des
générations
successives,
sont,
comme
tous
les
observateurs
l’ont
remarqué,
très
sujets
à
varier.

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