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2017 en France - Au seuil de la contre-révolution ?... Ou au seuil de la révolution ?

samedi 29 avril 2017, par Robert Paris

Pancarte lors de la manifestation du premier mai à Paris

Au seuil de la contre-révolution ?...

Ou au seuil de la révolution ?

Sommes-nous en 1787-1788 en France (peu avant la « grande Révolution de 1789) ou bien en 2017 ? Jugez-en !

 Parfum de scandales, affaires de corruption à répétition, informations publiques qui rebondissent sans cesse et éclaboussent tout le personnel dirigeant de la société tombent comme de l’huile sur la poelle bouillante du mécontentement lié à la crise économique et sociale. La colère publique est sans cesse alimentée par des nouvelles sur les frasques coûteuses des classes dirigeantes alors que les comptes publics dans le rouge justifient des sacrifices pour l’immense majorité de la population.

 Des gouvernements sont discrédités à peine arrivés au pouvoir. Les alternances ne suffisent plus à calmer la population. Les gouvernants ne cessent de prendre des mesures de plus en plus impopulaires, de plus en plus opposées aux aspirations populaires sans tenir compte du discrédit qu’ils subissent dans l’opinion. Les gouvernants cachent leur faiblesse, de plus en plus grande, derrière des mesures de plus en plus oppressives et dicatoriales.

 Des affaires touchant les classes dirigeantes mènent à de nombreux scandales qui touchent d’autant plus les milieux populaires que la situation économique et sociale des plus démunis se dégrade sans cesse. Les scandales qui se multiplient éclaboussent les gouvernants qui servent de paratonnerre pour camoufler le rôle destructeur des possédants.

 La finance privée vit d’expédients et ponctionne les finances publiques pour se protéger de la faillite. La banqueroute financière menace mortellement le crédit de l’Etat. Même en supprimant sans cesse des services publics, l’Etat est de plus en plus endetté, au profit d’intérêts privés. Les guerres extérieures, aux quatre coins du monde, contribuent à transformer les finances publiques en gruyère à trous. L’escroquerie financière a gagné toute l’économie et tout le fonctionnement de l’Etat au point qu’on ne peut plus faire de différence entre les affaires et les trafics de bandits à grande échelle. La dette de l’Etat met les finances publiques à la merci des prêteurs qui l’enfoncent sans cesse davantage dans le rouge. Les classes dirigeantes corrompent de manière de plus en plus évidente le personnel d’Etat au scandale de tous ceux qui vivent de plus en plus difficilement.

 Les plus riches, très peu nombreux, ne cessent de s’enrichir mais ils n’irriguent plus l’économie et la société, ne développent plus la production de richesses, ne font que vivre en parasites sur le dos du peuple. Leur luxe scandalise les milieux populaires, contraints de se serrer de plus en plus la ceinture, qui ne cachent plus leur mépris des profiteurs et affairistes et des gouvernants corrompus. La vie personnelle des membres des classes dirigeantes est désignée du doigt et brocardée publiquement.

 Les villes sont de plus en plus gagnées par des ceintures de la misère, des masses de démunis sans emploi avec des conséquences inévitables sur l’insécurité et la peur des populations. La répression, de plus en plus évidente et violente, n’est pas un facteur de sécurité.

 Pour expliquer que le système cesse de jouer un rôle dirigeant de toute la société et de faire fonctionner l’économie, les classes dirigeantes tentent d’incriminer des boucs émissaires : complot étranger, classes dangereuses, bandits, et ils accréditent même l’idée que c’est le climat qui casse l’économie ! Le mauvais temps qui détruit les cultures des paysans et affame les villes sert de coupable idéal alors que les masses populaires accusent les profiteurs qui stockent les richesses et profitent de la pénurie de biens.

 Les possédants eux-mêmes sont gagnés par la peur du lendemain et poussent l’Etat vers un interventionnisme répressif de plus en plus violent, sans tenir compte de la montée du mécontentement populaire.

 Les milieux moyens, la base de la stabilité sociale et politique, sont gagnés par le mécontentement et la méfiance. Ils se retournent eux aussi contre les gouvernants, accusés de tous les maux, de la corruption (sans accuset les corrupteurs, les possédants), du déclin économique, de la chute des finances publiques, de la prévarication, etc. Ils passent sans cesse de l’euphorie à l’abattement, de l’exaltation à l’affolement, de l’enthousiasme pour les solutions les plus absurdes à la peur du lendemain. Les épargnes, elles-mêmes, sont menacées par la faillite de l’Etat et des financiers. Une spéculation folle ponctionne les revenus des milieux moyens, après avoir détourné de l’investissement les richesses des possédants les plus riches.

 Le mécontentement général grandit, même s’il ne trouve pas les moyens politiques ou organisationnels de son expression. Tous les canaux qui permettent ordinairement à la colère sociale de sortir et de s’évacuer commencent d’être bouchés les uns après les autres. Les organisations classiques, liées à l’ordre social et politique, se discréditent elles-mêmes à grande vitesse.

 Chacun est déboussolé dans ses anciennes convictions, dans ses orientations, dans sa confiance, dans la validité de l’ordre social et politique. Un grand pessimisme se développe dans tous les milieux populaires et dans les milieux moyens qui sont de plus en plus révoltés et ne voient plus aucune issue à la situation. Les bruits et ragots les plus divers alimentent la fièvre et le mécontentement.

 Par ci, par là, des explosions spontanées de colère se produisent, comme signe avant-coureur d’une explosion générale pas encore mûre mais qui explore ses voies.

 La fissure entre la classe dirigeante, une infime minorité de possédants, de plus en plus réduite et de plus en plus riche, et une population de plus en plus menacée par la croissance de la misère et le déclin économique et social, continue de s’ouvrir comme un immense gouffre.

 Les institutions d’Etat ne forcent plus le respect. Même les élections, organisées par elles, ne jouent plus leur rôle pour calmer et détourner le mécontentement. Les moyens de répression sont de plus en plus sollicités pour faire face aux explosions de colère. La jeunesse est dans la rue et se heurte aux forces de l’ordre. Le discrédit de tous ceux qui détiennent du pouvoir devient général et il mine toutes les mesures, tant économiques que sociales ou politiques, que les gouvernants et les classes dirigeantes tentent de prendre.

 Toutes les anciennes règles du fonctionnement social semblent dépassées par les événements. L’opinion change sans cesse de sauveur. Elle n’arrête pas de basculer de la croyance dans une « solution » dans son inverse.

 La croyance dans les réformateurs et dans les réformes chute irrémédiablement.

 Les forces de répression commencent à agir de manière autonome. Leurs chefs agitent des visées personnelles et dictatoriales, déclarant à qui veut les entendre qu’elles vont « balayer la racaille ».

 Le système dominant est complètement bloqué. Il suffit d’une étincelle pour mettre le feu au baril de poudre : un gouvernement qui agit avec arrogance, qui parle sans respect des masses populaires, qui impose les intérêts des profiteurs par des mesures un peu trop virulente. Une simple fissure suffit désormais à ouvrir toutes les petites failles de l’édifice.

La situation révolutionnaire est celle où le système n’est pas seulement contesté par les opprimés mais ne fonctionne plus, y compris pour les oppresseurs. Eux-mêmes se sentent menacés. Et toutes les classes sociales sont bouleversées, pas seulement les prolétaires.

On se souvient de la définition que donnait Lénine des conditions qui mènent à une révolution sociale :

« La loi fondamentale de la révolution (...), la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. Cette vérité s’exprime autrement en ces termes : la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs). »

Extrait de Lénine, "La maladie infantile du communisme", 1920

« Pour réussir, l’insurrection doit s’appuyer non pas sur un complot, non pas sur un parti, mais sur la classe d’avant-garde. Voilà un premier point. L’insurrection doit s’appuyer sur l’élan révolutionnaire du peuple. Voilà le second point. L’insurrection doit surgir à un tournant de l’histoire de la révolution ascendante où l’activité de l’avant garde du peuple est la plus forte, où les hésitations sont les plus fortes (dans les rangs de l’ennemi et dans ceux des amis de la révolution faibles, indécis, pleins de contradictions ; voilà le troisième point. Telles sont les trois conditions qui font que, dans la façon de poser la question de l’insurrection, le marxisme se distingue du blanquisme. »

Extrait de Lénine, "Le marxisme et l’insurrection", septembre 1917

« Dans une société prise de révolution, les classes sont en lutte. Il est pourtant tout à fait évident que les transformations qui se produisent entre le début et la fin d’une révolution, dans les bases économiques de la société et dans le substratum social des classes, ne suffisent pas du tout à expliquer la marche de la révolution même, laquelle, en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution.

C’est qu’en effet une société ne modifie pas ses institutions au fur et à mesure du besoin, comme un artisan renouvelle son outillage. Au contraire : pratiquement, la société considère les institutions qui la surplombent comme une chose à jamais établie. Durant des dizaines d’années, la critique d’opposition ne sert que de soupape au mécontentement des masses et elle est la condition de la stabilité du régime social : telle est, par exemple, en principe, la valeur acquise par la critique social-démocrate. Il faut des circonstances absolument exceptionnelles, indépendantes de la volonté des individus ou des partis, pour libérer les mécontents des gênes de l’esprit conservateur et amener les masses à l’insurrection.

Les rapides changements d’opinion et d’humeur des masses, en temps de révolution, proviennent, par conséquent, non de la souplesse et de la mobilité du psychique humain, mais bien de son profond conservatisme. Les idées et les rapports sociaux restant chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives, jusqu’au moment où celles-ci s’abattent en cataclysme, il en résulte, en temps de révolution, des soubresauts d’idées et de passions que des cerveaux de policiers se représentent tout simplement comme l’œuvre de " démagogues ".

Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l’âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l’ancien régime. C’est seulement le milieu dirigeant de leur classe qui possède un programme politique, lequel a pourtant besoin d’être vérifié par les événements et approuvé par les masses. Le processus politique essentiel d’une révolution est précisément en ceci que la classe prend conscience des problèmes posés par la crise sociale, et que les masses s’orientent activement d’après la méthode des approximations successives. Les diverses étapes du processus révolutionnaire, consolidées par la substitution à tels partis d’autres toujours plus extrémistes, traduisent la poussée constamment renforcée des masses vers la gauche, aussi longtemps que cet élan ne se brise pas contre des obstacles objectifs. Alors commence la réaction : désenchantement dans certains milieux de la classe révolutionnaire, multiplication des indifférents, et, par suite, consolidation des forces contre-révolutionnaires. Tel est du moins le schéma des anciennes révolutions.

C’est seulement par l’étude des processus politiques dans les masses que l’on peut comprendre le rôle des partis et des leaders que nous ne sommes pas le moins du monde enclin à ignorer. Ils constituent un élément non autonome, mais très important du processus. Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient ni du cylindre ni du piston, mais de la vapeur. Les difficultés que l’on rencontre dans l’étude des modifications de la conscience des masses en temps de révolution sont absolument évidentes. Les classes opprimées font de l’histoire dans les usines, dans les casernes, dans les campagnes, et, en ville, dans la rue. Mais elles n’ont guère l’habitude de noter par écrit ce qu’elles font. Les périodes où les passions sociales atteignent leur plus haute tension ne laissent en générai que peu de place à la contemplation et aux descriptions. Toutes les Muses, même la Muse plébéienne du journalisme, bien qu’elle ait les flancs solides, ont du mal à vivre en temps de révolution. Et pourtant la situation de l’historien n’est nullement désespérée. Les notes prises sont incomplètes, disparates, fortuites. Mais, à la lumière des événements, ces fragments permettent souvent de deviner la direction et le rythme du processus sous-jacent. Bien ou mal, c’est en appréciant les modifications de la conscience des masses qu’un parti révolutionnaire base sa tactique. La voie historique du bolchevisme témoigne que cette estimation, du moins en gros, était réalisable. Pourquoi donc ce qui est accessible à un politique révolutionnaire, dans les remous de la lutte, ne serait-il pas accessible à un historien rétrospectivement ? »

Extrait de Léon Trotsky, préface à « l’histoire de la révolution russe » - février

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