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La stratégie des centrales syndicales françaises, ce n’est pas la lutte des classes !!!

dimanche 9 juillet 2017, par Robert Paris

Edito

La stratégie des centrales syndicales françaises, ce n’est pas la lutte des classes !!!

En cette rentrée, les syndicats se disent opposés aux projets de nouvelle loi Macron, nous dit-on, mais on remarque que leurs protestations sont molles. La CGT serait la première à se dire décidée à se battre contre, elle qui a déjà organisé un rassemblement contre la future loi et appelle à une grève. En cette rentrée, ce syndicat s’est déjà montré « radical » dans deux conflits : celui des transporteurs de carburants et matériaux dangereux et celui de la menace de fermeture de GM&S de La Souterraine. Mais pourquoi particulariser ces conflits en les isolant des autres. Ils ne sont ni les seuls mal payés, pour les uns, ni les seuls licenciés, pour les autres. Le résultat de cet isolement d’une lutte ne se fait pas attendre : les premiers reprennent le travail sans rien avoir obtenu, pas même de négocier, et les seconds voient leur entreprise fermer sans rien obtenir que de se mettre en situation de soi-disant « radicaliser » la lutte en menaçant de brûler l’entreprise ! Voilà où mènent les stratégies les plus radicales. Pour le reste, ce sont des syndicats qui négocient, discutent, font des propostions aimables à Macron et compagnie !!!!

Quant à la future loi Macron, de quoi est-elle menacée : d’une reprise à minima des mobilisations contre son ancêtre, la loi El Khomri, qui était déjà la loi Macron 2, la loi Macron 1 étant passée elle aussi malgré l’opposition syndicale.

Il faut dire que toutes ces oppositions syndicales se gardent bien de faire peur aux classes possédantes : mener autre chose que des journées d’action, développer des luttes d’ensemble, généralisables, reconductibles, faire passer les salariés en lutte à l’intérieur des autres entreprises, mettre en place des assemblée interpro, relier entre elles les luttes sociales, du privé et du public, des actifs et des chômeurs, des CDI et des CDD, d’organiser partout des assemblées démocratiques pour décider des objectifs et des modes d’action, de remettre en question le droit des patrons sur leurs entreprises, de proposer aux salariés de s’organiser en comité, la seule forme d’organisation qui fasse peur au patronat car elle permet aux travailleurs de contester l’ordre bourgeois. Oui, les syndicats n’ont pas l’intention de lancer une lutte de classe et cela fait belle lurette qu’ils ne l’ont pas fait, n’ayant dirigé des luttes que parce qu’ils en prenaient la tête pour mieux les envoyer dans l’impasse, comme cela a été le cas notamment en 36, en 68 et en 95…

Pendant qu’on ne parle que de l’entreprise de la Souterraine, isolée dans son combat, on se garde de la relier à toutes les autres qui licencient ! Il y a actuellement 700.000 licenciements par an !!! Citons notamment : toutes les banques, Michelin, Airbus, Yahoo !, Veolia, Colgate-Palmolive, SFR, Nobel Plastiques, Hanon Systems, Seita, CastMetal, Whirpool, Nestlé, Avadel, Haribo, Engie, Vivarte, Mim, Tati, Accor, etc, etc…

Bien entendu, l’aide à l’embauche du gouvernement consiste en une aide au droit à licencier…

Et, sur ce plan, les syndicats protestent mais ne contestent pas le fond de l’affaire : le sacro-saint droit des capitaux sur les entreprises. En fait, elles ne contestent rien du fond même de la logique capitaliste. Elles pleurent seulement pour une meilleure répartition des richesses. Même quand le capitalisme n’est plus capable d’offrir des emplois, n’est plus capable de développer de nouveaux investissements productifs, ne sait que spéculer sur la chute du système, casse l’économie, casse la société, casse l’humanité, ces syndicats sont incapables d’affirmer que les prolétaires peuvent se passer de ce système, peuvent faire fonctionner une société au service de la collectivité. Le capitalisme peut bien menacer toute la planète d’une guerre généralisée à tous les peuples, les syndicats continueront à négocier le poids des chaînes !

Bien sûr, de nombreux travailleurs estiment qu’il vaut mieux avoir les avocats, les tampons sociaux, les négociateurs syndicaux, car ils risquent sinon de se retrouver sans personne pour les défendre. Cela provient du fait que toutes les dernières expériences de lutte n’ont fait qu’affaiblir la classe ouvrière et lui faire perdre confiance dans ses propres forces.

Mais ces travailleurs ne réalisent pas le prix énorme qu’ils paient de disposer d’avocats syndicaux car, que ces appareils soient reconnus et financés par l’Etat et aux patrons a un coût : la mise en place d’appareils bureaucratiques qui n’ont plus rien à voir avec la défense exclusive des intérêts du monde du travail. Et ces appareils ont alors agi dans le sens de l’encadrement des luttes ouvrières, pour les empêcher de remettre en cause l’ordre social qui leur donne cette place d’intermédiaires, de tampons sociaux.

On a encore vu, aux dernières élections présidentielles, ces appareils syndicaux affirmer qu’il fallait « bien voter », faisant croire qu’il n’était pas question d’intervenir dans la rue durant cet épisode politique durant lequel la seule force sociale à s’être tue a été la classe ouvrière, même pas représentée au gouvernement et aux assemblées, ni, bien sûr, au sommet de l’appareil d’Etat (administration, justice, police, armée, prisons, entreprises publiques et semi-publiques, etc.) Les appareils syndicaux ont toujours joué la division : aux partis la politique et aux syndicats la lutte sociale. Et, en même temps, ils ont combattu contre la politique dans l’entreprise. Du coup, ils nous ont piégés, puisqu’ils admettaient d’emblée le résultat des « élections démocratiques ». Et maintenant, ils ne se voient plus que discuter aux marges les projets antisociaux de Macron qui, lui, se prévaut de ses résultats électoraux pour affirmer que sa « loi travail » aurait été cautionnée par les Français !

Comme si l’élection justifiait tout, comme si tous les gouvernants qui avaient mis en place des plans antisociaux n’avaient pas été eux aussi élus, et même élus avec un nombre de voix bien plus considérables que Macron ! Et comme si cela avait empêché, par exemple, les travailleurs de faire ravaler ses plans à la droite au pouvoir en 1995 !

Bien entendu, ce n’est pas l’élection dite démocratique, qui n’est rien d’autre qu’une élection bourgeoise, qui décide du rapport de forces entre les classes. Par contre, il est exact que les appareils syndicaux, eux, respectent l’élection bourgeoise comme tout l’ordre bourgeois d’ailleurs. Ils admettent que l’Etat soit présenté comme celui de tous les citoyens alors qu’il n’est que la dictature des classes possédantes, des propriétaires de capitaux. Ils admettent que les entreprises appartiennent à des propriétaires privés et leur demandent seulement de conserver les emplois et les salaires. Et même maintenant qu’il s’avère que les capitalistes privés n’investissent plus dans la production, sans ponctionner les fonds publics, les appareils syndicaux ne sont pas davantage partisans d’en finir avec la dictature du capital et de l’Etat à son service. Ils revendiquent juste de pouvoir négocier, discuter, avoir un rôle de représentants des salariés qui soit reconnu, qui soit financé. Eh bien, Macron, s’il affiche sa volonté de faire payer les salariés par tous les bouts, d’aggraver l’exploitation, le code du travail, de rogner les droits sociaux, les services publics, de favoriser le privé, de le financer massivement à comptes publics, Macron a en même temps annoncé qu’il allait augmenter le financement par l’Etat des syndicats ! Plus les salariés sont attaqués, plus les syndicats sont favorisés, s’ils restent bien calmes… Ainsi était passée sous silence une réforme de Hollande qui supprimait le droit des salariés de se faire défendre par d’autres salariés en Prud’hommes en même temps que les salariés ne pouvaient plus être défendus que par des représentants syndicaux dont les noms seraient déposés à l’avance par les syndicats. Et, bien entendu, pour tous ces rôles d’ « intermédiaires sociaux » des appareils syndicaux, ceux-ci sont payés à coups de « budgets de formation » !

Pas étonnant dans ces conditions que les centrales syndicales aient torpillé toutes les grèves générales en France ! Ainsi, la grève de 1936 s’était étendue spontanément à tout le pays, des usines jusqu’aux garçons de café mais, pour ne pas déstabiliser la bourgeoisie et le gouvernement, la CGT avait imposé la non participation à la grève de… tous les services publics, y compris les transports, la poste, l’enseignement, etc. Et c’est elle qui avait fait reprendre le travail aux salariés, avec bien des difficultés cependant. Résultat : les reculs momentanés du patronat étaient remis en cause un an après et la classe possédante, convaincue des risques sociaux par la grève générale, s’orientait vers le fascisme et la guerre.

Le voilà l’exemple cité maintes fois par les syndicats de ce qui est considéré comme leur heure de gloire ! Avec comme aboutissement le pouvoir d’extrême droite de Vichy, cautionné par le même parti socialiste qui avait soutenu Blum !

En 1968, jamais les syndicats, pas même la CGT, n’ont appelé les travailleurs à la grève générale et jamais les appareils syndicaux n’ont aucun craint d’être débordés. Ils ne craignaient pas la bourgeoisie, ils ne craignaient pas la répression, ils ne craignaient pas l’extrême droite ni la droite. Ils craignaient ce qu’ils appelaient « le gauchisme », c’est-à-dire d’être débordés par les travailleurs en colère ! Oui, les appareils syndicaux se donnent un rôle de rétablissement de l’ordre dans la classe ouvrière et monnaient ce rôle auprès du patronat et de l’Etat !

Mais il n’est pas vrai que leur direction s’imposant aux luttes ouvrières soit une fatalité. Il n’est pas vrai que les travailleurs ne soient pas capables de s’organiser par eux-mêmes et ils l’ont montré bien des fois. Il n’est pas vrai que les travailleurs ne seraient pas capables, par eux-mêmes de se coordonner, par delà les divisions d’entreprises, de secteurs, de professions, de corporations, de catégories. Et, par contre, une lutte menée de manière dynamique par des travailleurs s’organisant eux-mêmes ferait autrement peur au patronat et à l’Etat bourgeois qu’une lutte dirigée par les interlocuteurs syndicaux que le pouvoir fréquente sans cesse et dont il connaît par cœur les faiblesses !

Il n’y avait au départ aucune raison pour que les syndicats de salariés prennent cette tournure là. Aucune raison qu’ils combattent l’organisation démocratique de comités de grèves, de coordinations, d’assemblées interprofessionnelles, etc. Il était même de tradition aux débuts de la CGT que celle-ci soit une centrale lutte de classe, remettant en question la propriété privée des moyens de production, l’Etat bourgeois et tout l’ordre établi, affirmant que les travailleurs menaient une lutte non seulement pour des revendications mais pour la révolution sociale, pour en finir avec l’ordre capitaliste. Mais il y a belle lurette que les centrales syndicales ne sont plus des centrales ouvrières, des centres de la lutte des classes, mais des centres de la concertation de classe et même de la collaboration avec l’Etat bourgeois. On les voit même dans certaines manifestations collaborer avec les forces de l’ordre sous prétexte de la présence de casseurs ou d’autonomes !

Et surtout, on les voit cautionner l’ordre bourgeois, ne pas remettre en cause l’état d’urgence, la répression policière, les violences contre les banlieues, les immigrés, les jeunes, ne pas remettre en cause les aides publiques au patronat privé, cautionnant l’idée que ces aides servent les emplois. On les voit mettre en avant le nationalisme économique qui met en concurrence les salariés de différents pays. On les voit accepter que l’entreprise soit aux mains des capitalistes, les syndicats se mobilisant pour trouver des patrons repreneurs, pour demander aussi des aides sur fonds publics, pour « aider l’activité économique », prétendant défendre ainsi les emplois…

Eh bien, s’ils le décident, les travailleurs peuvent parfaitement se passer, non seulement de leurs défenseurs institutionnels, mais même des patrons et de l’ordre social du capitalisme. Ils l’ont montré depuis belle lurette, même si c’est souvent dans des occasions de montées exceptionnelles des luttes. Déjà en 1830, avec les canuts de Lyon et, en 1848 et en 1871, à Paris, comme lors du chartisme en Angleterre, les travailleurs s’étaient organisé par eux-mêmes, dirigeant leurs propres luttes de manière indépendante des autres classes et, dans la Commune de 1871, avaient même pris le pouvoir pour la première fois dans une grande ville. Cela allait se reproduire dans de nombreux pays dont la Russie lors de la vague révolutionnaire de 1917 à 1919. Par la suite, la trahison de la social-démocratie et des syndicats, allant jusqu’à organiser et armer les bandes fascistes pour massacrer le prolétariat révolutionnaire, puis la trahison stalinienne, fondée sur la bureaucratie contre-révolutionnaire pactisant avec la bourgeoisie mondiale pour défendre son statu quo avec les puissances impérialistes, allaient détruire durablement toute confiance du prolétariat dans ses forces et ses perspectives propres.

Il faudra probablement un nouveau cycle historique de luttes révolutionnaires du prolétariat pour balayer toutes ces scories et redonner au prolétariat confiance dans ses capacités. Cela ne signifie pas que les militants révolutionnaires et les travailleurs conscients doivent attendre, comme le messie, le « grand jour » pour militer en faveur de l’auto-organisation, en faveur de revendications et de perspectives qui ne s’inclinent respectueusement ni devant l’Etat bourgeois et ses lois capitalistes, ni devant l’ordre patronal et son sacro-saint droit des capitaux privés à posséder l’entreprise, privant les travailleurs de tout sur celle-ci, y compris le droit de s’y exprimer, de s’y organiser, d’y imposer la défense de leurs intérêts vitaux.

Les révolutionnaires et les travailleurs conscients ne doivent pas attendre pour faire connaître et faire réussir leur combat en faveur de l’unité de la classe ouvrière (contre les nationalismes, les corporatismes, les racismes et toutes les divisions), en faveur de la conscience de classe (contre toute collaboration entre les classes, contre l’idéologie de la réforme et de la négociation, de l’entente sociale), et pour l’organisation autonome de la classe ouvrière (en comités, en collectifs, en coordinations et en assemblées interprofessionnelles se dirigeant elles-mêmes).

Les travailleurs n’ont que leurs chaînes à perdre et un monde nouveau à construire. Plus tôt ils en seront conscients et agirons en conséquence, plus vite ils renverseront le rapport de forces et feront passer le pouvoir capitaliste de l’offensive à la défensive.

Sur la question… …Que signifierait une lutte sociale menée en tant que lutte de classes :

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