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Vive le localisme ?

vendredi 11 août 2017, par Tiekoura Levi Hamed

Le localisme essaie de faire croire que l’enjeu ne serait pas entre exploiteurs et exploités, entre capitalistes et prolétaires, entre capital et travail, entre capitalisme et socialisme mais entre mondialisme et isolationnisme. En fait, c’est le capitalisme qui est bel et bien dans l’impasse et donc le localisme aussi puisqu’il ne prétend nullement en sortir !

Le localisme est-il une solution ou une nouvelle impasse ?

Un peu partout, sur la planète, les classes dirigeantes ont mille moyens de détourner aspirations et révoltes des masses populaires. Le repli sur soi en est une. Le communautarisme est en est une autre. Les divisions de toutes sortes entre les peuples en font également partie.

Le localisme est l’un de ces moyens. Il est actuellement développé un peu partout, à la fois au travers d’un discours localiste et de la mise en place d’initiatives, d’institutions, d’entreprises qui prétendent favoriser le local, le régional, le communautaire et autres. Cela va des produits locaux ou régionaux qu’il serait meilleur d’acheter pour favoriser aussi l’emploi et l’économie locaux à des institutions locales ou des marchés locaux et même des monnaies locales. En même temps, le régionalisme, le communautarisme, le départementalisme, l’autonomisme, l’indépendantisme de régions, la gestion locale sont favorisés dans les discours et dans les actes.

On pourrait, presque, croire, à entendre les communautaristes, les écologistes, les traditionalistes, que cela serait une solution aux maux de la planète et notamment à la crise économique mais aussi aux bureaucraties d’Etat, à la désaffection citoyenne vis-à-vis des institutions, aux problèmes de pollution, etc.

Cependant le localisme, loin d’être une solution ancienne, est un problème ancien des sociétés féodales, construites autour d’un château et ce dernier exemple rappelle que le local ne supprime ni l’exploitation ni l’oppression.

Sans aller chercher d’aussi anciennes situations, on a déjà fait l’expérience du localisme économique, que ce soit avec les expériences utopistes, socialistes ou communistes, ou encore sionistes (les kibboutz) ou des communautés indiennes ou encore les tentatives d’autogestion d’entreprises. L’échec est à chaque fois au bout. Même les kibboutz, très développés au début même s’ils n’ont jamais été une part considérable de l’économie d’Israël, ont été happés par le capitalisme. Même le détournement des révolutions vers la gestion locale a été tenté, notamment dans la révolution prolétarienne italienne de 1920 ou dans la révolution prolétarienne espagnole de 1936. Le localisme a été également une dérive qui s’est parfois produite dans la révolution russe.

Les exemples sont multiples et divers, et ne sont pas identiques du tout, mais tous rappellent que l’on a affaire à un système mondial, gouverné de manière centrale et qu’on ne peut le combattre chacun dans son coin, en construisant son petit paradis dans son île car les voisins ne laissent pas faire et que le mal, étant mondial, est à combattre de manière internationale. La seule véritable force capable de combattre les maux du capitalisme est le prolétariat international et sa force ne doit surtout pas être divisée en petites unités locales séparées les unes des autres, cultivant leur particularisme, faisant de la gestion locale au lieu de postuler à la direction de la société à l’échelle de la planète.

Par exemple, en France les monnaies locales en projet se multiplient. Les monnaies de ce type sont également appelées monnaies complémentaires (admises en plus de la monnaie nationale ou internationale). Elles prennent de nombreuses formes, aussi bien matérielles que virtuelles. Parler de monnaie locale, c’est s’inscrire dans un discours économique particulier. Il en existe plusieurs milliers dans le monde et plusieurs dizaines en France (Sol-violette à Toulouse, Stück à Strasbourg, etc.). Ses défenseurs, comme Jane Jacobs, soutiennent que ce type de monnaie permet à une région économiquement morose, voire déprimée, de se remettre d’aplomb, en donnant aux habitants un moyen de paiement contre des biens et des services localement produits ou assurés.

Les monnaies locales voient parfois le jour dans des situations de tourmente économique touchant la monnaie nationale. La crise économique argentine de 2002 en fournit un exemple : les certificats de reconnaissance de dettes, sans prise d’intérêt et en petites coupures, mis en circulation par les administrations locales adoptèrent rapidement, et avec succès, certaines des caractéristiques des monnaies locales.

Le recours à des monnaies locales pour doper les économies régionales est fermement défendu par l’institut Instrodi des Pays-Bas.

Les monnaies locales font partie de la stratégie économique de nombreux groupes écologiques orientés vers des pratiques de vie durable, comme par exemple le parti vert de l’Angleterre et du pays de Galles.

Il y a eu de nombreuses expériences historiques : celle de Wörgl qui fut conduite de juillet 1932 à novembre 1933 en Autriche, Le système de monnaie de Joshua Norton, les certificats de prospérité, la monnaie de Wära (en Allemagne, en 1931), les bons d’achats de la « commune libre de Lignières » (Cher), le système Fureai Kippu de crédits au Japon, l es pièces QQ de Tencent en Chine, la livre de Lewes en Angleterre, etc.

A la faveur de la crise mondiale, l’utilisation de monnaies locales a fortement augmenté dans les vingt dernières années. Aujourd’hui, plus de 2 500 systèmes de monnaie locale sont utilisés à travers le monde. L’un des plus en vue est le SEL, le Système d’Échange Local, un réseau d’échange supporté par sa propre monnaie interne. Démarré à l’origine à Vancouver, au Canada, plus de 30 systèmes SEL sont aujourd’hui actifs au Canada, et plus de 400 au Royaume-Uni. L’Australie, la France, la Nouvelle-Zélande et la Suisse possèdent des systèmes similaires.

En France, la plupart des monnaies locales ont été lancées après la crise mondiale :

• l’abeille, à Villeneuve-sur-Lot (février 2011) ;

• l’agnel, à Rouen et Elbeuf et leurs environs (novembre 2015) ;

• la Bel monnaie, à Valence et Romans sur Isère (janvier 2016), monnaie uniquement électronique (Association pour le développement de l’économie locale par la monnaie) ;

• la beunèze, en Saintonge (mai 2015) ;

• le Bou’Sol, à Boulogne-sur-Mer (17 mai 2013) ;

• le boyard, sur le pays Marennes-Oléron (2014 ou 2015) ;

• le céou, en Bouriane (Lot) (mars 2014) ;

• la Commune sur le bassin de vie du Roannais (2010) ;

• la doume, dans le Puy-de-Dôme, portée par l’ADML 63 (Association pour le développement de monnaies locales dans le Puy-de-Dôme et alentours) ;

• l’elef, à Chambéry (22 novembre 2014) ;

• l’eusko, au Pays basque (janvier 2013) ;

• la Gabare, monnaie locale de Touraine (septembre 2016) ;

• le Galais dans le pays de Ploërmel dans le Morbihan (novembre 2015) ;
• le galléco, en Ille-et-Vilaine (2013) ;

• la Gentiane, à Annecy (automne 2017) ;

• la Gonette, à Lyon et dans certaines villes de l’agglomération ou du département du Rhône (7 novembre 2015)

• le Grain, dans la région havraise, porté par l’association Le Grain Monnaie Locale (septembre 2015) ;

• l’heol, au pays de Brest (janvier 2012) ;

• Le Louis, à Carrières-sous-Poissy dans les Yvelines (18 février 2017) ;

• la Luciole en Ardèche du Sud et Ardèche Méridionale, portée par l’association Les Lucioles ;

• la Maillette dans le pays de Dinan ;

• la Muse pour le Maine et Loire, portée par l’association Agir pour la Transition ;

• la mesure, à Romans-sur-Isère – Drôme (mai 2011) ;

• la Miel (Monnaie d’Intérêt Économique Local), dans le Libournais, l’Entre-deux-Mers et le Sud-Gironde (janvier 2013) ;

• la Mige, en Creuse (14 mai 2017) ;

• l’occitan, à Pezenas (janvier 2010) ;

• la pêche, à Montreuil (21 juin 2014) ;

• la Pive, en Franche-Comté (lancement en mai 2017) ;

• la pyrène, en Ariège ;

• le radis, à Ungersheim (juillet 2013) ;

• le Renoir, à Cagnes-sur-Mer (septembre 2016) ;

• le Retz’L, au sud de Nantes et dans le Pays de Retz (avril 2013) ;

• la roue, en Provence, en Vaucluse (janvier 2012) puis dans les Bouches-du-Rhône (avril 2014) ;

• l’unité Sel à nom variable des systèmes d’échange local (à partir de 1994) ;
• le sol-violette, à Toulouse, lancé au début 2011 pour une expérimentation de six mois, et toujours en vigueur aujourd’hui ;

• la SoNantes, à Nantes et dans l’agglomération nantaise (monnaie complémentaire non reconvertible – supports électroniques uniquement ; avril 2015) ;

• le stück, à Strasbourg (3 octobre 2015) ;

• la T !nda, en Béarn – Pyrénées-Atlantiques (juin 2014) ;

• la touselle, en Comminges (sud de la Haute-Garonne) ;

• le projet en vallée de chevreuse, Yvelines, Essonne (lancement 2018) ;

• I Soldi Corsi en Corse, actuellement en création, lancement probable au printemps 2017.

Les projets sont encore bien plus nombreux

Et ce n’est nullement une particularité française. On trouve partout dans le monde un tel développement de ces monnaies locales, des pays riches aux pays pauvres, et sur tous les continents, des Amériques à l’Asie et de l’Europe à l’Afrique. Citons ainsi l’Ora en Afrique du sud, le ducat en Slovaquie, le Berliner, en Allemagne, le Torekes de Gand en Belgique, le Demi de Gaspésie au Canada, le Credito en Argentine, et on en passe des milliers d’autres…

C’est bel et bien une politique des classes dirigeantes face à la crise pour donner une fausse perspective aux masses populaires.

Bien entendu, en réalité, les monnaies locales, tout comme les économies dites locales, et les organismes locaux ou régionaux, ou le fédéralisme, l’autonomisme et l’indépendantisme sont bien incapables de freiner ou de combattre les méfaits de l’effondrement du capitalisme et incapables aussi de remplacer le capitalisme par un autre mode de production. Il se contente de faire dériver, très légèrement, la consommation. Mais la société capitaliste n’est pas dirigée par un mode de consommation mais par un mode de production et des rapports de classes issues des relations entre exploiteurs et exploités dans la production.

Les institutions locales ou régionales, les altermondialistes, les écologistes, les producteurs locaux poussent à de telles solutions. Elles affirment créer ainsi de « nouvelles solidarités », des « systèmes possibles d’entraide », des « développement du pays », le terme pays devant être compris au sens très local et non national, bien entendu. C’est un nationalisme économique, encore plus étroit que le protectionnisme national qui nous est ainsi proposé.

En 2013, en France, la loi sur l’Economie Sociale et Solidaire reconnaît juridiquement le « titre de monnaie locale complémentaire ».

Si ces monnaies locales ont été reconnues par les Etats, qui sont pourtant très attachées à leur monopole du « battre monnaie », c’est bien que le système capitalisme, que l’Etat capitaliste et que le centralisme bourgeois n’en craignent absolument rien. La part de l’économie qui fonctionne au travers de ces monnaies est ridiculement faible, les banques et les trusts ne risquant pas d’utiliser de tels moyens de paiement et, malgré les espoirs des utopistes, il n’y a pas de risque qu’une part importante des échanges économiques passe au travers de ces monnaies ou de ces systèmes d’échange qui, parfois, reviennent au qausi troc ou échanges de services…

On nous dit que ces monnaies favorisent, en vrac, les emplois « locaux », les économies d’énergie, le développement des « territoires », la création de « liens humains », la vente des produits régionaux, l’accès à la monnaie, l’aide aux petites entreprises, l’écologie, la solidarité et l’équité, développer la démocratie, etc.

Toutes les intiatives en question ont en commun de ne jamais poser le problème des maux qui minent la société capitaliste, de vouloir seulement réformer leur petit coin, en faisant abstraction des problèmes généraux, en prétendant les éviter ainsi ou les amoindrir pour un petit nombre.

Le caractère prétendument alternatif de telles initiatives est faux puisque ce ne sont pas du tout des alternatives au capitalisme.

Les politiciens locaux, les petits bourgeois, les partis réformistes adorent ce genre de « propositions novatrices et alternatives » qui n’innovent rien et ne sont nullement un moyen de dépasser les limites du système économique et social dominant.

Par contre, si ces propositions ont un effet économique et social très limité, en termes idéologiques, de telles idées ont un rôle rétrograde très important, même si bien des initiateurs n’avaient nullement l’intention par là d’aider les classes dirigeantes. On sait que « l’enfer est pavé de bonnes intentions »…

Même si le localisme prétend défendre une action proche de la base, loin des appareils, il ne fait que constituer des petits appareils locaux ou d’en appuyer, appareils qui ne sont nullement en opposition avec les appareils nationaux ou internationaux des classes dirigeantes.

Le localisme est une doctrine politique qui consiste à privilégier ce qui est local. Prétendant créer du lien, il institue de nouvelles barrières, de nouvelles frontières, de nouveaux « chacun pour soi », de nouvelles débrouilles, de nouvelles raisons de ne pas faire de politique en termes de classes, de ne pas unir les prolétaires et les amener à défendre leur propres perspectives de classe : le renversement du système capitaliste et des Etats au service des classes possédantes. Le localisme ne combat même pas le nationalisme, la xénophobie, le racisme, les guerres, ni les haines interreligieuses, inter-régionales, interethniques. Seule la lutte de classes du prolétariat peut être une perspective politique, sociale et économique face à un capitalisme à l’agonie. Non au retour aux petites féodalités localisées ! Oui à l’union internationale des prolétaires du monde !

Lire encore sur le localisme

Messages

  • Les syndicats réformistes, eux aussi, en tiennent pour des actions locales de solidarité avec les salariés des entreprises qui licencient ou ferment, pas avec l’action de classe. Comme si c’étaient seulement la population locale qui était concernée par des licenciements ! Et ils cherchent eux aussi des « solutions locales », n’étant pas réformistes pour rien !

  • Ces réformistes "localistes" prétendent même, par ces monnaies locales, supprimer la corruption et la spéculation. Avec des cartes bleues, on atteindrait ainsi la transparence dans les relations financières ! Ils affirment que les billets de banque en circulation sont la source principale de la nocivité du capitalisme et donc qu’un monde qu’avec des cartes bleue est la solution !!! Bla bla bla bla bla !

  • On peut aller à la pêche à Paris !!!

    "La pêche" est maintenant acceptée dans une dizaine de commerces de la capitale. Deux bureaux de change délivrent dès à présent cette monnaie locale.

    À Paris, terminé l’euro, bonjour la pêche. Enfin presque. À partir du samedi 12 mai, les Parisiens peuvent utiliser une monnaie locale pour régler leurs achats dans certaines boutiques de la capitale. Le Parisien précise que cette monnaie s’utilise désormais dans des commerces des XIe, XIIe, XVIIIe, XIXe, XIVe, XVe et XXe arrondissements.

    À quoi ça sert ? "L’objectif est d’agir local, de pratiquer une économie citoyenne et solidaire", confie au quotidien Lucas Rochette-Berlon, président de l’association "Une monnaie pour Paris". Avant de poursuivre : " La pêche permet de dépenser sur le territoire, dans des commerces qui pratiquent les circuits courts, et donc, de financer des projets vertueux en favorisant le lien social. La monnaie circule entre les acteurs locaux, sans être captée par les multinationales, les banques".

    Tu parles !

    Les commerces vont ensuite mettre leurs profits en banque !!!

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