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Pourquoi les luttes syndicales et réformistes sont toujours battues

jeudi 13 février 2020, par Robert Paris

édito

Prolétaires ! un seul ennemi le grand capital, un adversaire immédiat le réformisme !

Aujourd’hui les réformistes, vaincus même par des gouvernants décriés et affaiblis, prétendent s’interroger : pourquoi les journées d’inaction syndicale sont inefficaces, pourquoi les grèves corporatistes sont inefficaces, pourquoi les manifestations même massives sont inefficaces, pourquoi les blocages syndicaux sont inefficaces, de même qu’ils se sont interrogés après les déceptions des gouvernants « de gauche », sur pourquoi les élections sont inefficaces. Mais ils n’ont aucune réponse à nous offrir sur le fait que toutes leurs fausses perspectives dites « réformistes » ne mènent qu’à des défaites et des reculs.

Bien des travailleurs, bien des gens de milieu populaire aussi, se demandent pourquoi toutes les luttes sociales conduites par les syndicats sont vaincues depuis la crise de 2007-2008 et répondent que c’est parce que les gouvernants sont les mauvais, que les réformes ne sont pas les bonnes, ou que les riches sont trop gourmands. Ils se demandent aussi pourquoi le pouvoir n’a pas reculé toutes ces années devant des luttes syndicales et s’est senti contraint de reculer devant les gilets jaunes ! Et ils ignorent que la réponse aux deux questions est exactement la même !

La réponse est pourtant simple : la crise actuelle du capitalisme de 2007-2008 n’est pas conjoncturelle mais révolutionnaire, ce qui signifie qu’elle ne peut se résoudre que par la mort, soit celle du grand capital, soit celle de la démocratie capitaliste, la fin de l’époque du réformisme. Si le réformisme n’a pas plus cours dans cette situation, ce n’est pas du fait de particularités négatives des gouvernants, que ce soit Macron, Hollande ou Sarkozy. Ce n’est même pas du fait de particularités des organisations réformistes elles-mêmes, qu’elles soient syndicales, politiques ou associatives. C’est bel et bien le réformisme en général qui est devenu incapable d’agir de manière positive sur la société capitaliste, sur ses classes dirigeantes et possédantes.

Quand nous disons « le réformisme », nous ne voulons pas parler seulement des appareils réformistes, des partis, des associations et des syndicats réformistes et du rôle complètement négatif que jouent ces organisations par rapport aux capacités de s’organiser, de se mobiliser et de se battre des exploités. Il ne sert à rien de se plaindre de leur réformisme : ils ne peuvent pas changer, quelle que soit la pression, la révolte et même la révolution des exploités et des opprimés, rien ne leur permettra de changer de nature. Même s’ils étaient persuadés eux aussi qu’on ne peut rien réformer, ils resteraient réformistes. Si notre avenir dépendait du fait que les appareils en question soient réformistes ou pas, nous n’aurions aucun avenir, nous serions d’avance foutus !

Les organisations qui prétendent réformer… les réformistes sont des menteurs, y compris et surtout celles qui se disent révolutionnaires ! Elles affirment que des réformistes combatifs seraient meilleurs, qu’ils pourraient être plus démocratiques ou plus offensifs…

Non, la cible de ce texte n’est pas les appareils politiques, associatifs et syndicaux, même si le réformisme de ceux-ci piège les travailleurs, mène leurs luttes vers des impasses, les désorganise, les empêche de s’organiser, etc. Nous l’avons déjà écrit maintes fois et ce n’est pas le sujet de cet écrit.

Nous voulons discuter et critiquer le plus durement possible un autre réformisme, qu’il faut absolument détruire de fond en comble et que l’on peut, contrairement au précédent, supprimer, démolir, discréditer à fond, que l’expérience peut aider à casser alors qu’aucune expérience ne peut transformer les appareils bureaucratiques et conservateurs.

Ce réformisme-là, que nous ciblons ouvertement ici, c’est celui des travailleurs eux-mêmes et des milieux populaires aussi. C’est celui qui amène bien des gens à dire : « nous ne voulons pas faire la révolution, nous voulons seulement faire revenir les classes dirigeantes sur une attaque précise qui est inacceptable », ce qui signifie que les bases mêmes de la société capitaliste, nous les acceptons mais pas telle ou telle mesure.

« Notre but n’est pas de combattre toutes les réformes mais une mauvaise contre-réforme pour mettre en place une bonne réforme », voilà la teneur du discours réformiste qui plait à bien des travailleurs et bien des gens, y compris des plus démunis.

« Nous ne visons pas à en finir avec la domination du capitalisme, mais à changer un peu la dureté de nos conditions d’existence » disent-ils.

Bien sûr que ceux-là on les comprend. Et on sait bien ce qui les inquiète. Ils ont en tête tout ce qui a été dit sur les révolutions : sanglantes, dictatoriales, inutiles, avec des souffrances sans nombre pour des avancées plus que discutables…

On sait aussi ce qu’ils croient : le capitalisme est indépassable, il pourra toujours retomber sur ses pieds. « Pot de fer contre pot de terre » dit le proverbe toujours aussi populaire selon lequel les démunis, les exploités et les opprimés, même s’ils sont l’immense majorité, seront toujours écrasés par l’infime minorité des exploiteurs et oppresseurs…

Ce qui distingue la lutte des gilets jaunes de tous les mouvements réformistes, par exemple le dernier mouvement syndical contre la réforme des retraites, c’est que c’était un mouvement révolutionnaire et pas un mouvement réformiste. C’est ce qui a poussé le gouvernement de Macron pourtant le plus offensif contre les exploités de ces dernières années, à reculer sur bien des points, craignant que l’ensemble de la classe ouvrière soit entraînée par lui vers la révolution sociale…

Les gilets jaunes sont le premier mouvement depuis de longues années qui ait affirmé en France la nécessité d’en finir non seulement avec telle ou telle politique du capital et de son gouvernement mais avec le pouvoir capitaliste lui-même, avec la mainmise capitaliste sur toutes les richesses, avec la mainmise également du capital sur le pouvoir d’Etat, un mouvement qui ait refusé réellement tout dialogue avec le pouvoir capitaliste, toute négociation avec lui, toute tentative d’arrangement, de compromis, d’entente, exactement à l’inverse des réformistes qui ne réclament que cela !

Mais, redisons-le une fois encore, ce qui permet aux appareils réformistes de mener leurs manœuvres grandes et petites, c’est qu’elles peuvent s’adresser à la population travailleuse ou au moins à une majorité de celle-ci et lui dire : « Vous aussi, vous ne voulez pas autre chose qu’une bonne réforme et vous ne souhaitez pas tout révolutionner ». Et pour le moment cela reste vrai. C’est seulement dans le mouvement des gilets jaunes que l’on n’avait pas trouvé une majorité pour céder à ce type de discours…

La révolte a été si profonde et radicale, le fossé si large entre riches et pauvres, entre les capitalistes et les plus démunis, les provocations du pouvoir si insupportables que les gilets jaunes se sont le plus souvent proclamés ouvertement révolutionnaires, résolus à refuser les compromis et les fausses négociations, et à déclarer qu’ils ne voulaient rien réformer mais tout changer radicalement.

Bien sûr, ils sont nombreux ceux qui n’ont pas confiance dans les appareils réformistes, nombreux y compris au sein de ces organisations, même parmi les militants de celles-ci, à dire qu’elles ne sont pas assez radicales, qu’elles font trop de cadeaux à nos ennemis, qu’elles ne proposent pas des stratégies de lutte suffisantes pour améliorer le rapport de forces. Mais ces critiques, y compris celles de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche opportuniste, ne touchent nullement au fond de la question, celle du réformisme.

Et cela n’a rien à voir avec une particularité française. Partout dans le monde, le réformisme n’est plus capable que de soutenir ou d’aider des contre-réformes qui détruisent les services publiques, les aides sociales, la santé, l’éducation, le niveau de vie des travailleurs, des chômeurs, des misérables. Au plan social et politique, ces réformistes ne font que sauver les gouvernants, les capitalistes et de défendre le système capitaliste lui-même. Ainsi, ils ne font que donner crédit aux démagogies des extrêmes droites fascistes qui peuvent se créditer de dénoncer plus radicalement le système !

Les réformistes essaient de se recréditer à partir des attaques antisociales et ils font de même avec la menace que représentent les fascistes, mais, en fait, ils ne servent à rien pour combattre ces deux menaces. Au contraire, ils empêchent toute riposte, empêchent les travailleurs et les démunis de s’organiser pour riposter, et ils permettent à nos ennemis de faire croire à leur force et de faire croire que les exploités, eux, ne disposent ni de forces ni de perspectives…

La base même des thèses réformistes, c’est justement que l’ « on ne peut pas changer le système, il faut seulement l’adapter ». Les mêmes affirment ne pas vouloir s’en prendre aux capitalistes mais seulement amoindrir le fossé social. Ils affirment ne pas combattre pour supprimer la possession privée du grand capital mais permettre au plus grand nombre d’accéder au droit de réussir, au droit d’entreprendre, au droit de s’enrichir. La réalité montre qu’ils mentent : partout dans le monde, on ne permet au plus grand nombre que de devenir plus pauvres, plus précaires, plus démunis, plus menacés, plus attaqués, plus étouffés. Y compris quand ces prétendus réformistes gouvernent.

Le terme même de réformistes est mensonger car ces prétendues « gauches » ou « centres gauches » ou « gauches de la gauche », une fois au gouvernement, s’attaquent autant aux exploités que les prétendues droites et même s’unissent parfois à elles ou aux extrêmes droites.

En période de crise révolutionnaire du monde capitaliste, toutes les colorations politiques de la grande bourgeoisie convergent vers l’attaque violente contre les exploités, vers la répression violente des actions de ces derniers, vers l’écrasement violent des opprimés.

Et les réformistes, ou prétendus tels, ne réforment rien du tout. Parce que le pouvoir capitaliste, depuis sa crise révolutionnaire, n’est plus, depuis 2007-2008, capable d’autre chose que de casser les droits, les revenus, la vie de tous les exploités. Malgré la profondeur ce cette crise économique, le capitalisme n’a rien pu réformer du tout et il en est incapable parce que ce qui est cause de son effondrement c’est justement le droit des propriétaires privés à miser sur ce qui est le plus profitable, y compris quand c’est de miser sur l’effondrement…

C’est aussi vrai en France qu’au Chili, en Algérie qu’en Irak, en Guinée qu’en Chine ! C’est aussi vrai avec un gouvernement de gauche, du centre que de droite ou d’extrême droite. C’est la même chose avec telle ou telle personnalité des gouvernants.

Loin de vouloir dialoguer sur des réformes, les gouvernants du monde entier négocient à coups de matraques, de tirs au corps, de grenades, d’arrestations, de répression violente. Les séances de dialogues et les propositions de réformes ne sont que de la poudre aux yeux.

Si ces gens-là peuvent se permettre tout cela alors qu’ils ne représentent, au plan social et politique, que moins d’un pourcent de milliardaires, ce n’est pas seulement grâce à la tromperie des organisations réformistes. C’est parce que les exploités recherchent d’abord l’arrangement, le compromis, la réforme, avant de se décider à tout remettre en cause.

Ce qui caractérise les derniers mouvements de révolte dans le monde, c’est justement que le nombre de ceux qui ne marchent plus dans le réformisme devient plus considérable, même si un grand nombre de travailleurs des grandes entreprises n’en sont pas encore à s’organiser eux-mêmes pour construire un pouvoir d’un type nouveau.

On sent, et même les commentateurs bourgeois sentent, que les mouvements qui ont explosé en 2019-2020 sont beaucoup plus sociaux, plus politiques, plus radicaux et plus révolutionnaires, ont plus tendance à remettre en cause l’ensemble du système et à ne plus accepter aucun pouvoir capitaliste et aucune entente avec les capitalistes.

Et c’est là que réside l’avenir, ce n’est pas à seriner que le capitalisme serait un horizon indépassable alors que les capitalistes eux-mêmes ne parviennent plus à le faire fonctionner, ce n’est pas à répéter qu’il y aura toujours des riches et des pauvres, alors que le fossé entre eux rend impossible de continuer, ce n’est pas à prétendre qu’il n’y a pas d’avenir socialiste possible sous prétexte que le stalinisme était une tromperie mortelle et la social-démocratie aussi.

Aucune lutte ouvrière ne sera autre chose qu’une impasse impuissante tant que les travailleurs se laisseront impressionner par les discours réformistes, par les réformes du capitalisme, par la prétention que ce système mort peut encore être soigné.

Aucun réformiste n’est capable de dire quel est la maladie du système mais tous prétendent le soigner !!!

L’action réformiste la plus nombreuse, la plus forte, la plus soutenue, la plus combative, n’est utile à rien pour les exploités et les opprimés qu’à semer d’inutiles illusions.

Alors ne craignons pas de dire clairement que nous ne voulons rien réformer du tout, mais tout renverser : la propriété privée des moyens de production, des capitaux et la mainmise des capitalistes sur le pouvoir d’Etat.

Notre tâche première, pour combattre efficacement patronat et gouvernement à son service, c’est de combattre en notre propre sein, parmi les travailleurs et les démunis, les préjugés semés par nos ennemis, idées fausses selon lesquelles les richesses capitalistes produites par notre travail ne nous appartiennent pas et mensonges selon lesquelles nous, travailleurs, serions incapables de diriger la société et le gouvernement, et ne pourrions nous passer des capitalistes pour fonder une économie.

Ne craignons pas de dire clairement que le monde capitaliste est mort, qu’il n’a plus de capacité de se maintenir et ne peut plus que détruire l’humanité. Ne craignons pas de refuser de reconnaître toutes les institutions capitalistes ! Ne craignons pas d’offrir comme alternative aux pouvoirs capitalistes le gouvernement des comités de travailleurs, de précaires, de démunis et de chômeurs, de femmes et de jeunes ! Tout le pouvoir et toutes les richesses au peuple travailleur !

Messages

  • L’intersyndicale continue de mentir : elle est battue et fait semblant que tout ne fait que de commencer avec de nouvelles journées d’inaction !!!

  • La lutte dirigée par l’intersyndicale, ayant refusé la grève interprofessionnelle, ayant empêché la grève générale et ratatiné celle-ci en grève des transports, ayant récusé les comités de grève, ayant cantonné la lutte aux retraites, et celles-ci aux régimes spéciaux, ayant rejeté les coordinations réelles, ayant entravé le rôle décisionnel des assemblées générales, et étant quand même parvenu à garder la tête des opérations contre l’auto-organisation des gilets jaunes, a tellement rassuré les classes possédantes que celles-ci peuvent maintenant se permettre de menacer les ouvriers de Renault, dans l’ensemble des usines, en leur déclarant qu’ils vont sans doute en fermer une ou plusieurs, en France ou à l’étranger !!!

  • En négociant les retraites corporation par corporation, les syndicats ont trahi les intérêts de classe des travailleurs et trahi aussi leur propre mensonge de ce qui aurait dû être une grève interprofessionnelle défendant non une corporation mais les retraites de tous les travailleurs et même celles des chômeurs et des précaires, ce qui n’a nullement été le cas.

  • Même en se retirant, la CGT n’a pas voulu claquer brutalement la porte des négociations sur les retraites. Non, il faut faire cela doucement, en prenant son temps, en proposant une nouvelle négociation, en proposant une autre réforme, en mettant en place d’autres réunions de discussions… Surtout rien qui ressemble à une rupture ! Et tout à du réformisme !!!

  • Faible mobilisation pour la journée d’action pourrie des syndicats servant seulement à faire croire que les syndicats se sont battus jusqu’au bout alors qu’ils ne se sont escrimés qu’à démontrer l’inefficacité de l’action ouvrière… quand elle est dirigée par ses fossoyeurs !!!

  • Valse-hésitation de la CGT qui annonce à grands sons de trompette qu’elle quitte la "conférence de financement des retraites" où elle ne devait pas aller. Puis démenti. Annonce que la décision n’est pas prise. Puis silence radio... La CGT annonce préparer une contre-conférence avec FSU et Solidaires qui n’étaient même pas conviés à la conférence de Macron-Philippe... La CGT retrouve alors que c’était scandaleux que ces syndicats là ne soient pas invités ! Cela ne l’a pas empêché d’y aller au début !!! Tout à fait pipeau les stratégies des réformistes : ils veulent tellement croire à la bonne réforme qu’ils se convainquent eux-mêmes qu’elle va finir par arriver...

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