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UN NOUVEAU "FRONT POPULAIRE" CONTRE... LE PEUPLE

mercredi 1er juillet 2020, par Robert Paris

Barta

21 novembre 1943

UN NOUVEAU "FRONT POPULAIRE" CONTRE... LE PEUPLE

Les partis qui ont déterminé à Alger la nouvelle physionomie du "comité de la libération nationale" sont les mêmes qui devaient, par leur alliance en 1935, vaincre le fascisme et la guerre et alléger la situation du peuple. Le nom en moins c’est bel et bien le "Front Populaire" qui renaît à Alger, un nouveau front politicien contre... le peuple.

Certes, cette fois il ne s’agit plus, en apparence, d’entente sur un programme défini de politique intérieure mais d’une lutte pour la libération de la "patrie" ; il ne s’agit plus d’un pacte électoral pour empêcher l’entrée au Parlement de députés hostiles au cartel ; mais de "l’union sacrée" pour rendre au peuple français sa SOUVERAINETE afin qu’il décide lui-même ensuite de son propre sort. Mais, pour être plus "désintéressé", ce programme n’est que plus dangereux pour l’avenir du prolétariat et, par conséquent, de la liberté ("souveraineté") du peuple français.

Quel est en effet le caractère essentiel de la politique du comité d’Alger ? Sa lutte pour la "libération du sol de la patrie", trouve son complément nécessaire dans la lutte pour l’asservissement du sol de la patrie d’autres peuples : les Libanais qui viennent de tomber sous les balles des soldats de De Gaulle, réinscrivent de leur sang la marque "esclavagistes" sur le front des politiciens d’Alger. C’est cette politique de rapines que les prétendus socialistes et communistes ont fait leur, bafouant ainsi le drapeau prolétarien qui porte la devise "UN PEUPLE QUI EN OPPRIME UN AUTRE, N’EST PAS UN PEUPLE LIBRE".

Mais, politique extérieure et politique intérieure d’un gouvernement ne sont que l’avers et le revers d’une même médaille. Alors que, dans les relations entre les peuples, l’action du comité d’Alger s’efforce de maintenir l’exploitation de la bourgeoisie sur des esclaves coloniaux, quels rapports intérieurs pourraient naître en France d’une victoire d’Alger ?

"La libération du sol de la patrie" par De Gaulle et Cie, signifierait que plus que jamais le sol, le sous-sol et tout ce qui recouvre le sol de la France, resterait la propriété des capitalistes ou soumis à leur exploitation indirecte (la petite propriété paysanne, commerciale, etc...) Or, le maintien du régime capitaliste dans un pays appauvri par la guerre et qui a perdu sa position de grand brigand ("grande puissance"), signifie non seulement le maintien de l’esclavage salarié, mais aussi son aggravation, avec les bas salaires et le chômage comme principaux moyens de la bourgeoisie française pour maintenir son exploitation. Si bien que le soutien du comité d’Alger par les prétendus socialistes et communistes, en reniant le programme socialiste de L’EXPROPRIATION DES EXPROPRIATEURS, doit mener le peuple français à une nouvelle série de souffrances.

Pour "libérer la patrie" (c’est-à-dire pour que les capitalistes français puissent retrouver leur position privilégiée pour l’exploitation du peuple français et d’autres peuples), il faut reconstituer une armée impérialiste, placée sous le commandement du corps des officiers. Les épurations d’Alger, qui ont éliminé un certain nombre d’officiers, loin d’être un gage pour le peuple français, ne visent précisément qu’à donner une plus grande cohésion au corps des officiers, des généraux Giraud et De Gaulle. En soutenant la formation d’une telle armée, les prétendus socialistes et communistes renient ouvertement la stratégie prolétarienne : NOS BALLES SONT POUR NOS PROPRES GENERAUX.

Pour opérer la concentration de toutes les "forces françaises", le comité d’Alger est obligé de sacrifier à l’idole "République" et au dieu "démocratie". C’est ce qui constitue une ombre de justification pour les prétendus socialistes et communistes de la nouvelle union sacrée (tout comme dans l’ancienne d’ailleurs). Mais qu’y-a-t-il derrière de si beaux mots ? La République démocratique n’a jamais été qu’une forme de domination des capitalistes. Même la première République (1792), qui, elle nettoya la France du féodalisme et donna naissance à la nouvelle société bourgeoise, interdit sous peine de mort toute association ouvrière sous quelque forme que ce fut (loi Le Chapelier).

La deuxième République (1848), après avoir noyé dans le sang les aspirations du prolétariat qui voulait des institutions sociales, succomba misérablement sous le sabre de bois de Louis Bonaparte (Napoléon III).

La troisième République (septembre 1870) étrangla la Commune de Paris ("l’aube de la révolution prolétarienne") et assassina, après le désarmement des ouvriers, 30.000 de nos grand-pères. La IIIème République fut l’œuvre de l’Assemblée des Ruraux, royaliste, mais qui ne put s’entendre, divisée qu’elle était par des intérêts de la propriété foncière et capitaliste, sur le choix d’un roi. La République parlementaire permettait à la bourgeoisie de régler ses conflits par la machine électorale. D’autre part, l’essor économique et les pillages coloniaux lui permirent de former une aristocratie ouvrière hautement payée, grâce à laquelle elle put s’assurer du prolétariat. En effet, dans les heures graves, celle-ci se rangeait à ses côtés, notamment en 1914. La bourgeoisie avait d’ailleurs en réserve des moyens d’action plus directs, comme l’armée, la police, la garde-mobile, qui intervenaient de façon presque permanente contre les ouvriers.

Mais cette république démocratique est morte avec les conditions qui l’ont fait naître. L’économie capitaliste de libre concurrence s’est transformée en économie impérialiste dans laquelle une étroite poignée de capitalistes, les 200 familles, dirige toute l’économie et domine les groupes bourgeois plus petits. La guerre de 1914 fut une explosion de ce système économique, qui faisait de tous les vieux pays capitalistes des pays réactionnaires, indépendamment de leur forme politique. C’est pourquoi le prolétariat, suivant les décisions de la IIème Internationale (socialiste) et plus tard la IIIème Internationale (communiste), rejeta la défense "nationale", qui n’est qu’un masque dont se pare la bourgeoisie pour mener à bien ses brigandages.

En invoquant de nouveau le prétexte de la démocratie pour appuyer la politique impérialiste du comité d’Alger, les prétendus socialistes et communistes trompent le prolétariat, qui lutte en effet pour les libertés démocratiques (droit de grève, de presse, de réunion, amnistie pour tous les militants ouvriers), mais pour renverser la bourgeoisie et établir la DICTATURE DU PROLETARIAT, alors qu’eux visent à rétablir le parlementarisme bourgeois, organe politique de la dictature des capitalistes. Mais dans les conditions d’une économie capitaliste de plus en plus pourrie et d’événements politiques et militaires semblables à ceux qui se sont déroulés depuis février 34, derrière la pompeuse étiquette "république démocratique", il n’y aurait même pas un système parlementaire à fonctionnement "normal" ("paix sociale" relative), mais une dictature militaire policière avec des dehors "démocratiques", un ersatz républicain de fabrication bonapartiste.

Nous restons fidèles au mot-d’ordre : LES SOVIETS PARTOUT !

Tout cela est bien vrai, nous dira un ouvrier qui n’a pas perdu son sens critique et qui reste attaché aux meilleures traditions de la classe ouvrière. Comme Daladier et Pétain, De Gaulle n’est que l’agent de la bourgeoisie et la bourgeoisie, à travers toutes les péripéties de la guerre, de sa guerre, poursuit des buts de classe visant au renforcement de l’exploitation des travailleurs. Pour cela tous les moyens sont bons : la "démocratie" sert d’appât pour jeter le pays dans la guerre ("contre le fascisme"), la défense nationale de Daladier sert de prétexte à l’épuration et à la domestication des organisations ouvrières, la défaite met en avant Pétain le "vainqueur" du militarisme prussien en 1918, pour qu’il impose au pays la grande pénitence. Et comme réserve "démocratique" (bonapartiste), De Gaulle doit réussir par d’autres moyens là où la réaction ouverte a échoué. Au-dessus de tous les politiciens de la bourgeoisie, se tiennent les 200 familles qui exploitent la France. Les travailleurs n’auront quelque chose à défendre qu’en renversant la bourgeoisie, qu’en expropriant les 200 familles au profit de la véritable nation française, les ouvriers et les paysans.

Mais cette lutte pour le renversement du capitalisme est-elle possible quand tout le pays (et chaque prolétariat doit faire la révolution dans son propre pays) est occupé par une armée impérialiste étrangère, et que par dessus le marché il s’agit de l’armée impérialiste d’un pays fasciste (la pire oppression contre la classe ouvrière) ? En ce qui concerne la première objection, nous rappelons que la IIème et la IIIème Internationale ont eu comme fondement de leur action la solidarité essentielle des ouvriers de tous les pays. Et ce, non pas comme simple phrase, mais comme terrain sur lequel elles ont agi effectivement, la IIème Internationale de 1889 à 1914, la IIIème de 1919 à 1933. Le crime de la IIème Internationale reconnu ouvertement par tous les ouvriers conscients depuis 1914, a été de renier cette solidarité des travailleurs en faveur de la "défense nationale". Sous d’autres prétextes, la IIIème Internationale – reniée ouvertement par Staline – agit actuellement de la même façon ignominieuse que la IIème Internationale en 1914 : en élevant un mur de mensonges, de préjugés, de haine contre les "Boches".

Or, si l’armée allemande est une armée impérialiste, c’est pour les mêmes raisons que l’armée anglaise, américaine ou celle de De Gaulle : ouvriers et paysans allemands sous l’uniforme sont soumis au commandement du corps des officiers au service de la bourgeoisie. La tâche des véritables militants ouvriers, qui luttent pour un avenir meilleur pour les exploités, c’est d’utiliser toutes les circonstances de la guerre pour rendre consciente dans les cerveaux des exploités français et allemands cette solidarité essentielle de leurs intérêts, afin qu’ils se retournent chacun, en s’aidant fraternellement, contre leurs propres exploiteurs.

Mais le fascisme ? Pendant des années le fascisme a été l’épouvantail justifiant les volte-face des prétendus communistes. Mais depuis la chute de Mussolini, non seulement les ouvriers avancés, mais n’importe quel exploité, a vu clairement que le fascisme n’a pas le don d’abolir la lutte des classes et de soumettre irrémédiablement les exploités à leurs exploiteurs. Hitler ne maintient plus sa dictature sur le peuple allemand que parce que, devant la politique de Staline associée à celle des impérialistes, il peut aussi dire au peuple allemand (articles de Goebbels) : même si vous n’êtes pas contents de nous, il n’y a pas de troisième voie ; ou une victoire ou la mort du peuple allemand.

Mais cette troisième voie existe. C’est la voie de la révolution prolétarienne, par l’union entre les exploités de France et d’Allemagne contre leur bourgeoisie. C’est la seule voie permettant l’effondrement du fascisme au profit du peuple de France et d’Allemagne et non pas au profit des impérialistes alliés. Plus tôt les ouvriers s’engageront en rangs serrés dans cette voie, en renouant avec la solidarité internationale des travailleurs, plus tôt cesseront les souffrances de l’humanité, plus tôt guériront ses plaies.

CETTE VOIE, C’EST CELLE DES ETATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE, LA VOIE DE LA QUATRIEME INTERNATIONALE.
PROPOS DE L’OUVRIER....

11 novembre 1918. Pendant 4 ans, pour que nos enfants ne connaissent plus de guerres, pour la "der des der" nous avons sacrifié 1.500.000 des nôtres, ouvriers et paysans. Mais le 11 novembre 1918 n’était pas notre victoire comme beaucoup d’entre nous pouvaient le croire, c’était la victoire des capitalistes, des propriétaires...

La "der des der" ? Ce fut au contraire la première d’une série de guerres impérialistes qui ensanglantent de plus en plus le monde entier. Notre victoire ? Avons-nous jamais retrouvé, après 1918, le niveau de vie d’avant 1914 ? Seuls les patrons ont vu leurs bénéfices s’accroître énormément, leur position mondiale s’améliorer par suite des nouvelles rapines coloniales.

Le 11 novembre n’a jamais été notre fête. Il a toujours été et reste la fête des patrons et des petits bourgeois patriotes ou trompés par le masque "national" dont se pare la bourgeoisie. A l’occasion du 11 novembre nous avons toujours contre-manifesté. Et voilà qu’en ce 1943 les mauvais bergers, socialistes, syndicalistes, communistes, ont arboré le torchon tricolore, sans que nous sachions toute la signification de ce geste.

Nous avons laissé passer le 1er mai, parce que nous ne pouvions faire autrement, sans que notre drapeau rouge flotte fièrement sur les usines comme en juin 1936. Mais les prétendus socialistes et communistes qui n’ont pas tenté alors la plus petite manifestation prolétarienne n’ont pas hésité le 11 novembre à nous faire arborer les couleurs de nos exploiteurs, le tricolore : le tricolore de Cavaignac, assassin des insurgés de juin 1848, le tricolore de Thiers, assassin des Communards, le tricolore des occupants français massacrant les Annamites soulevés en 1940 pour leur indépendance et les étudiants libanais en novembre 1943.

Les frères ouvriers de tous les pays, en cette cinquième année de massacre impérialiste, doivent-ils s’éloigner de plus en plus les uns des autres derrière les torchons (tricolore ou à la croix gammée) de leurs exploiteurs, ou bien doivent-ils plus que jamais, s’ils veulent vivre, se rapprocher sous un même drapeau, le drapeau des insurgés de juin 1848, le drapeau des Communards, le drapeau de la Révolution d’Octobre 17, le drapeau des Spartakistes de Berlin en 1919, le drapeau d’Espagne et de France de 1936, le drapeau des prolétaires de Chine, d’Amérique, des Indes, d’Angleterre, du Japon, de l’URSS, le drapeau des prolétaires de tous les pays, LE DRAPEAU ROUGE, qui fait trembler tous les exploiteurs ?

Le drapeau rouge fut celui de nos pères, il a été le nôtre et il le restera, pour la victoire du socialisme et la fraternité internationale des peuples.

Les alliés prétendent construire un ordre nouveau basé sur "l’entente étroite et permanente" entre eux. Mais à peine la conférence de Moscou nous a-t-elle annoncé le début de cette ère merveilleuse, que déjà l’impérialisme anglais et l’impérialisme français se prennent aux cheveux au sujet de leur "mission civilisatrice" au Liban. Ce conflit entre "les nobles intérêts français dans cette terre du Levant" (sic !) et "le respect à la parole donnée" (re-sic !) de l’Angleterre risque, d’après la presse anglaise citée par Radio-Londres, "d’envenimer pour des années les relations entre la France et l’Angleterre" !

Evidemment le comité d’Alger c’est un petit roquet qui fait la grosse voix. Aussi doit-il en ce moment reculer devant l’impérialisme anglais, pour ne pas envenimer "pour des années" les relations entre les alliés, et pour ne pas casser le pot au lait déjà au Liban. Mais que demain, quand ils n’auront plus d’"ennemi commun" à combattre, un pareil incident surgisse entre deux "gros" alliés, entre les Etats-Unis et l’Angleterre par exemple ; alors, adieu veaux, vaches, cochons, couvées promis par la conférence de Moscou.

Et tout cela parce que les Libanais avaient essayé d’être au moins considérés comme des grandes personnes se gouvernant elles-mêmes. Un droit bien, bien maigre, puisque l’Egypte, qui possède ce droit, reste néanmoins soumise à la tutelle indirecte de l’Angleterre. Voilà pourquoi Churchill devient brusquement si soucieux de la "parole donnée" – sur le dos des esclavagistes français –. Mais aux Indes, les mêmes revendications de la part des Hindous sont repoussées par le fer et par le feu, auxquels s’ajoute la famine.

Exploités de la Métropole qui luttons pour notre émancipation, nous devons aider les peuples coloniaux à briser leurs chaînes politiques et économiques, dont les ont chargés nos capitalistes. C’est la seule alliance qui permette à tous les peuples de sortir des guerres et de se préparer un avenir meilleur.

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