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Covid, classes possédantes et gouvernement contre les autochtones amérindiens du Canada

vendredi 14 août 2020, par Robert Paris

Plus d’un tiers des autochtones canadiens ont du mal à payer les produits de première nécessité pendant la pandémie

Un rapport récemment publié par Statistique Canada a révélé que plus d’un tiers des populations autochtones du Canada ont du mal à payer les produits de première nécessité pendant la pandémie. Le rapport, intitulé « Impact économique de la COVID-19 chez les populations autochtones », fait partie d’une série de quatre études publiées par Statscan ces derniers mois qui examinent comment les Canadiens autochtones ont été touchés par les crises sociales, économiques et sanitaires provoquées par la COVID-19.

Ces rapports cherchent à englober les éléments suivants : les effets sur la santé et les conditions sociales des peuples autochtones dans les communautés rurales ; les vulnérabilités auxquelles ils sont confrontés dans les zones urbaines face aux impacts socio-économiques de la COVID-19 ; l’impact de la pandémie sur leur santé mentale ; et l’étude susmentionnée de l’effet de la COVID-19 sur leur bien-être économique.

Publiés entre le 17 avril et le 14 juillet, les quatre rapports montrent que plus de 36 % des autochtones sondés ont déclaré que la pandémie avait eu un impact « fort ou modéré » sur leur capacité à payer les produits de première nécessité, contre 25 % des Canadiens non autochtones qui ont déclaré avoir été touchés de la même manière.

Les rapports ont également révélé que par rapport au reste de la population, des pourcentages plus élevés d’autochtones disent avoir des difficultés financières, se méfier des capacités décisionnelles du gouvernement fédéral et avoir demandé une aide fédérale au revenu.

Les résultats de récents sondages réalisés par d’autres groupes, comme l’Association des femmes autochtones du Canada, confirment cette évidence. Leurs conclusions suggèrent que les femmes autochtones, en particulier, connaissent de plus grandes difficultés financières que beaucoup d’autres Canadiens, ainsi qu’une augmentation des taux de violence domestique qui est directement liée à ces difficultés financières.

En fait, les chiffres présentés par Statistique Canada sous-estiment les horribles conditions sociales auxquelles est confrontée cette partie très opprimée de la population.

Les conclusions des rapports ont été recueillies à l’aide d’une méthode de collecte de données connue sous le nom de crowdsourcing. Le crowdsourcing est le processus qui consiste à obtenir des informations et des opinions d’un grand groupe de personnes qui soumettent leurs données via l’internet. Dans ce cas, Statscan a fait participer les personnes interrogées à un questionnaire en ligne. Cette méthode exclut automatiquement un grand nombre d’autochtones qui n’ont pas ou très peu accès à l’internet en raison de la pauvreté et de l’itinérance.

Une petite note de bas de page dans le dernier rapport de la série contient un avertissement à cet effet, déclarant : « Il est important de noter que les autochtones sont souvent surreprésentés parmi les personnes en situation de logement précaire ou d’itinérance. Ces populations peuvent ne pas être représentées par ces données. »

La méthode utilisée pour mesurer la pauvreté dans le rapport est également dépassée. Le seuil de pauvreté officiel du Canada, la MPC ou mesure du panier de consommation, est basé sur le coût d’un « panier » spécifique de biens et de services représentant un niveau de vie modeste et de base. Il comprend le coût de la nourriture, des vêtements, du logement et du transport, ainsi que d’autres articles considérés comme nécessaires pour qu’une famille puisse vivre dans le Canada d’aujourd’hui.

La dernière mise à jour de la MPC en vigueur au moment où ces études récentes ont été entreprises a eu lieu entre 2008 et 2010. Une mise à jour de cette MPC a été lancée en 2018, mais n’a pas été achevée avant juin 2020 ; les études récentes ont été publiées d’avril à juillet, et donc pour certains rapports, sinon tous, l’indicateur de pauvreté de référence utilisé était dépassé de plus d’une décennie. Le Canada a connu un taux d’inflation national de 19,89 % de 2008 à 2020, ce qui signifie que le coût de la vie est certainement beaucoup plus élevé qu’il y a 12 ans.

Le deuxième rapport de la série indique qu’environ 24 % des autochtones vivant dans les zones urbaines vivent dans la pauvreté ; en comparaison, 13 % de la population non autochtone des zones urbaines vivent dans la pauvreté. Cependant, ces données excluent complètement ceux qui vivent dans les territoires et dans les communautés des réserves, même si ces dernières répondent absolument aux propres normes de classification géographique de Statistique Canada pour ce qui constitue une « zone urbaine » ; un exemple frappant de désinformation.

Statistique Canada justifie cette exclusion en disant qu’elle est due à un « contexte différent ». Pourtant, il est fort à parier que si les données recueillies auprès des peuples autochtones résidant dans les territoires et les réserves étaient incluses dans leurs rapports, les résultats mettraient en évidence une crise beaucoup plus aiguë.

Le Nunavut, par exemple, a le taux le plus élevé d’insécurité alimentaire au Canada, avec d’immenses inégalités de salaires et des prix alimentaires criminellement élevés qui font que 57 % de la population du territoire connaît une grave insécurité alimentaire. Le dernier recensement du Nunavut a montré que 83,8 % de la population s’identifie comme Inuit.

Il est particulièrement important de prendre en compte les communautés des réserves confrontées à la menace de la COVID-19 lorsqu’on tente de comprendre les effets de la pandémie sur les populations autochtones. Par exemple, 55 réserves des Premières Nations dans tout le pays ont des avis d’ébullition de l’eau, mais six autres ont des avis de « ne pas consommer ». Toute personne vivant dans ce type d’environnement trouvera pratiquement impossible de respecter les recommandations en matière de lavage des mains et d’hygiène visant à limiter la propagation de la pandémie.

Si les chiffres officiels indiquent que les réserves des Premières Nations ont relativement bien réussi à empêcher la propagation de la COVID-19 jusqu’à présent, cela peut être largement attribué à leur isolement relatif et à la décision des autorités locales de les isoler en grande partie de la zone environnante. De plus, le manque d’infrastructures sanitaires fait qu’il est probable que les niveaux de dépistage soient plus faibles parmi les populations des réserves.

La pauvreté endémique et la misère sociale auxquelles est confrontée la grande majorité des peuples autochtones sont le produit direct du capitalisme canadien. Après avoir détruit les formes de propriété collective des peuples autochtones au cours du 19e siècle pour établir les bases de l’expansion capitaliste d’un océan à l’autre, l’élite dirigeante canadienne a chassé les autochtones dans des réserves, a cherché à éliminer leurs cultures et a fait mourir de faim des milliers de personnes. Plus récemment, la volonté de l’élite dirigeante d’accéder aux terres qui restent sous contrôle autochtone s’est intensifiée grâce à la dépendance du capitalisme canadien à l’égard des industries d’extraction des ressources, notamment le pétrole, le gaz et les pipelines nécessaires à l’exportation de ces produits sur le marché.

C’est dans la poursuite de cette politique que le gouvernement Trudeau a annoncé en grande pompe une politique de « réconciliation » de « nation à nation » avec la population autochtone du Canada. En réalité, cette politique équivaut à un effort pour « réconcilier » la population autochtone de plus en plus agitée avec l’exploitation capitaliste. À cette fin, les libéraux ont travaillé depuis leur retour au pouvoir en octobre 2015 à cultiver une élite autochtone restreinte mais privilégiée, représentée par l’Assemblée des Premières Nations et d’autres groupes avec lesquels elle peut faire des affaires. Le fait que les horribles niveaux de pauvreté et de misère sociale révélés dans les rapports de Statistique Canada persistent constitue une réfutation accablante de l’affirmation des libéraux selon laquelle ils travaillent à l’amélioration des conditions de vie de la majorité des autochtones.

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral n’a fourni qu’une aide supplémentaire dérisoire aux autochtones canadiens : 303 millions de dollars pour aider les communautés autochtones à se préparer au virus en mars, et 285 millions de dollars supplémentaires en mai pour « soutenir la réponse de santé publique ». C’est une goutte d’eau dans l’océan, étant donné que les gouvernements libéraux et conservateurs successifs ont systématiquement sous-financé les soins de santé et autres services sociaux essentiels pour les communautés autochtones, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves.

La classe ouvrière doit se mobiliser en tant que force politique indépendante dans la lutte pour l’égalité sociale et pour un gouvernement ouvrier qui réorganisera l’économie selon des bases socialistes pour répondre aux besoins sociaux de tous, mettant ainsi fin à l’oppression systématique des populations autochtones, à leurs mauvais traitements et à la violation de leurs droits.

Le premier ministre canadien proclame que « les barricades doivent maintenant être levées »

Lors d’une conférence de presse vendredi après-midi, le premier ministre canadien Justin Trudeau a exigé que les blocus autochtones qui ont paralysé le système ferroviaire canadien ces deux dernières semaines « doivent maintenant être levés ».

En ordonnant à la GRC, à la Police provinciale de l’Ontario et à la Sureté du Québec d’enlever de force les barricades, le premier ministre libéral exécute les diktats des grandes entreprises, qui ont fait pression avec une frénésie croissante au cours des deux dernières semaines pour que les manifestations soient réprimées.

Quelques minutes après que Trudeau eut terminé son allocution, la Sureté du Québec est intervenue pour démolir un barrage mis en place à Saint-Lambert, au sud de Montréal. Le premier ministre québécois populiste de droite, François Legault, demandait depuis des jours à Trudeau d’ordonner une action policière coordonnée à travers le Canada pour mettre fin aux blocus.

La conférence de presse de Trudeau s’est tenue alors que la clameur de la classe dirigeante pour la fin forcée de la campagne de deux semaines de manifestations de solidarité en faveur de la campagne menée par les chefs héréditaires Wet’suwet’en contre le gazoduc Coastal Gas Link (CGL) eut atteint un point culminant.

Les 6 et 7 février, des agents armés de la GRC ont perpétré une violente agression sur un blocus d’une route isolée du nord-est de la Colombie-Britannique qui avait été mis en place par les chefs héréditaires Wet’suwet’en pour protester contre les plans de CGL de traverser leurs terres traditionnelles. Après l’arrestation par la GRC d’une vingtaine de militants Wet’suwet’en, des blocus de solidarité de lignes ferroviaires ont été mis en place à plusieurs endroits du pays, notamment en Ontario et au Québec.

Bien que Trudeau ait cherché à plusieurs reprises à adopter une attitude conciliante au cours des deux dernières semaines, notamment en insistant sur le fait qu’il souhaitait une solution « pacifique », son message de vendredi n’aurait pas pu être plus clair. « Les injonctions doivent être respectées et la loi doit être respectée », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse qui a suivi une réunion du groupe secret d’intervention en cas d’incident, un organe composé de membres du cabinet et de hauts fonctionnaires qui se réunit lors d’une « crise nationale. »

L’invocation de l’« État de droit » par Trudeau et tous ceux qui, au sein de l’élite économique et politique, ont exigé qu’il lâche la police sur les manifestants est une imposture hypocrite. Pendant plusieurs siècles, l’élite dirigeante du Canada a systématiquement ignoré, manipulé et réécrit la loi pour saisir les terres des autochtones et nier leurs droits fondamentaux. De plus, le canard de la défense de l’« État de droit » est régulièrement invoqué par les gouvernements de toutes tendances politiques pour justifier la criminalisation des grèves des travailleurs.

Alors même que Trudeau sanctionnait publiquement une attaque policière contre les blocus, il cherchait cyniquement à absoudre son gouvernement de tout blâme pour une décision qui pourrait facilement entraîner une violence sanglante ou pire, comme le montre l’issue fatale des affrontements d’Oka et d’Ipperwash dans les années 1990. « Toutes les tentatives de dialogue ont été faites », a-t-il déclaré avec arrogance, avant d’informer les « dirigeants autochtones » que « c’est sûr eux que repose le fardeau. »

L’exigence de Trudeau d’une répression d’État justifie pleinement les avertissements répétés du World Socialist Web Site depuis le début des protestations. Comme nous l’écrivions le 19 février, « La convocation de l’IRG par le gouvernement – en fait une déclaration selon laquelle les blocages constituent une “crise nationale” – et ses engagements répétés à faire respecter “l’État de droit” sont des signes indéniables qu’il prépare la violence d’État s’il ne parvient pas à convaincre les manifestants autochtones de démanteler leurs barricades. »

Ces derniers jours, les grandes entreprises canadiennes ont clairement fait savoir qu’elles ne toléreraient plus les protestations. Une lettre ouverte conjointe des dirigeants du Conseil canadien des entreprises, de la Chambre de commerce du Canada, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et des Manufacturiers et exportateurs du Canada a dénoncé les manifestations comme des « perturbations illégales » et a affirmé que « les dommages infligés à l’économie canadienne et au bien-être de tous nos citoyens augmentent d’heure en heure. »

Dans ses remarques de vendredi, Trudeau a clairement indiqué qu’il partageait l’avis des chefs d’entreprise selon lequel les protestations étaient illégitimes. Il a affirmé qu’il existe deux types de protestations : celles motivées par de véritables « torts historiques » qui cherchent à promouvoir la « réconciliation » entre les autochtones et le Canada ; et celles, dans ce qui était une référence incontestable aux blocus, lancées par des personnes qui « s’attachent » à une question « pour faire avancer un point de vue particulier. »

En d’autres termes, le gouvernement libéral est prêt à tolérer des activités conformes à son faux programme de « réconciliation », qui vise à cultiver une minuscule élite privilégiée au sein de la population autochtone pour fournir à la bourgeoisie canadienne une « licence sociale » pour les grands projets d’énergie et de ressources naturelles. Toutefois, les protestations qui remettent en cause les intérêts économiques fondamentaux immédiats du capitalisme canadien seront traitées de façon impitoyable.

Le fait que le gouvernement Trudeau ordonne la répression par l’État va renforcer les forces politiques de droite les plus réactionnaires, qui ont créé un climat politique toxique ces derniers jours contre les protestations.

Mardi, le chef du Parti conservateur Andrew Scheer a dénoncé les « actions illégales » des « activistes radicaux » et a exhorté Trudeau à prendre rapidement des mesures pour faire respecter « l’État de droit. » Il s’est également posé avec cynisme en défenseur des travailleurs, dénonçant Trudeau pour ne pas avoir agi lorsque les compagnies de chemin de fer CN et CP ont procédé à des licenciements temporaires de leurs employés. Cette campagne frauduleuse a été amplifiée par les médias d’entreprise, qui ont choisi d’ignorer le fait gênant que le CN licencie des travailleurs depuis l’année dernière.

Erin O’Toole, l’un des principaux candidats pour remplacer Scheer dans la prochaine course à la direction du Parti conservateur, a déclaré qu’en tant que premier ministre, il promulguerait une loi pour criminaliser le blocus des « infrastructures nationales essentielles » et lui imposer de sévères sanctions. Une telle législation, a-t-il souligné, permettrait à la police de démanteler les barricades sans avoir à obtenir une injonction du tribunal.

Marilyn Gladu, une autre candidate à la direction, a déclaré que l’armée devrait être appelée si Trudeau craignait que la police soit incapable d’enlever les barricades.

L’intervention la plus importante sur le plan politique a sans doute été celle de Peter McKay, un autre candidat à la direction du Parti conservateur, qui a explicitement fait l’éloge des actions de la milice autoproclamée de United We Roll:un groupe d’extrême droite de camionneurs indépendants en Alberta. United We Roll a répondu mercredi à un petit blocus de solidarité dans l’ouest d’Edmonton en le démolissant et en emportant les barricades dans un camion. « Heureux de voir que quelques Albertains avec une camionnette peuvent faire plus pour notre économie en un après-midi que Justin Trudeau ne pourrait le faire en quatre ans », a dit McKay sur Twitter. Après une réaction publique négative, il a supprimé le tweet. Cependant, vendredi, il a clairement indiqué que sa remarque avait été bien réfléchie lorsqu’il a déclaré que les militants de United We Roll étaient de « bons samaritains. »

En vérité, le groupe, qui a organisé un convoi de l’Alberta à Ottawa l’année dernière pour protester contre ce qu’il percevait comme une réglementation abusive du secteur pétrolier et gazier, est un refuge pour les forces racistes et carrément fascistes. Les protestations du convoi sur la colline du Parlement en février 2019 ont été dominées par des insignes d’extrême droite et comprenaient des demandes pour mettre fin à l’immigration au Canada. Le mouvement a été salué par le site web d’extrême droite Rebel Media, qui est connu pour son soutien au fasciste britannique Tommy Robinson.

Le groupe United We Roll s’est senti capable de se faire lui-même justice parce qu’il est activement promu par des sections de l’élite dirigeante canadienne. Scheer a pris la parole lors du rassemblement de protestation du groupe à Ottawa l’année dernière. Au cours du lock-out en cours de 750 travailleurs de la raffinerie de pétrole Federated Cooperatives Ltd. en Saskatchewan, les militants de United We Roll, ouvertement encouragés par le directeur général de FCL Scott Banda et le premier ministre de droite de la Saskatchewan Scott Moe, ont brisé un piquet de grève secondaire établi par des travailleurs affiliés à Unifor sur un site de FCL en Alberta.

Les dirigeants de United We Roll sont bien conscients du rôle que certaines sections de l’élite dirigeante les encouragent à jouer dans la répression de l’opposition populaire, quelle que soit la forme qu’elle prend. Le leader Glen Carritt a établi un parallèle direct entre la violation du piquet de grève de FCL et le démantèlement du blocus d’Edmonton, en lançant un avertissement inquiétant : « L’Alberta ne va pas tolérer cela. Nous avons eu la même chose à Carseland avec le blocus d’UNIFOR et nous allons continuer à nous battre. »

Comme on pouvait s’y attendre, l’aile « gauche » officielle de l’élite dirigeante du Canada a resserré les rangs autour de la répression des manifestations. Les néo-démocrates, qui dirigent un gouvernement minoritaire en Colombie-Britannique soutenu par les Verts, ont approuvé la répression initiale de la GRC contre le camp de Wet’suwet’en comme une opération visant à faire respecter « l’État de droit ». Dans sa conférence de presse de vendredi, Trudeau a fait spécifiquement référence au premier ministre néo-démocrate John Horgan, soulignant le contact étroit qu’il avait maintenu avec son collègue du NPD depuis le début des blocus. Pour sa part, le chef fédéral du NPD, Jagmeet Singh, a offert une couverture « progressiste » aux préparatifs de Trudeau pour la violente répression des blocus en participant à une réunion à huis clos avec le premier ministre mardi pour discuter de la manière dont les protestations pourraient prendre fin.

Malgré ses promesses de dialogue, Trudeau prépare un assaut de l’État canadien contre les manifestations autochtones

À la consternation des grandes entreprises et des médias, une grande partie du réseau ferroviaire canadien reste paralysée par les blocages mis en place par les Premières Nations pour soutenir l’opposition du chef héréditaire Wet’suwet’en au gazoduc Coastal GasLink (CGL).

Il y a près de deux semaines, la GRC, lourdement armée, a démantelé une barricade sur une route d’accès à un chantier de CGL sur les terres traditionnelles des Wet’suwet’en dans le nord-est de la Colombie-Britannique et a arrêté deux douzaines de manifestants. Des manifestations de solidarité ont suivi dans tout le Canada.

Le premier ministre Justin Trudeau a convoqué lundi une réunion du groupe secret d’intervention en cas d’incident (IRG) du gouvernement. Créé en 2018, l’IRG est officiellement décrit comme un « comité d’urgence spécialisé qui se réunira en cas de crise nationale ou d’incidents ayant des implications majeures pour le Canada ».

Lors d’une brève interaction avec les journalistes à la fin de la réunion, Trudeau a déclaré : « Je comprends combien cette situation est inquiétante pour de nombreux Canadiens et difficile pour de nombreuses personnes et familles à travers le pays. Nous allons continuer à nous concentrer sur la résolution rapide et pacifique de cette situation ».

Les grandes entreprises sont furieuses que Trudeau n’ait pas donné suite à la demande du chef du parti conservateur Andrew Scheer d’ordonner immédiatement à la police de démanteler les barricades « illégales », qui en sont maintenant à leur treizième jour.

Les dirigeants du Conseil canadien des entreprises, de la Chambre de commerce du Canada, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et des Manufacturiers et exportateurs du Canada ont adressé une lettre commune à Trudeau hier après-midi pour lui demander d’agir immédiatement. « Les dommages infligés à l’économie canadienne et au bien-être de tous nos citoyens augmentent chaque heure où l’on permet à ces perturbations illégales de se poursuivre », peut-on lire dans la lettre.

La plupart des premiers ministres provinciaux, dont le Québécois François Legault et l’Ontarien Doug Ford, font également pression publiquement sur le gouvernement libéral fédéral pour qu’il déploie immédiatement la police contre les manifestants. Qualifiant les blocages des voies ferrées d’« inacceptables », le premier ministre du Québec a déclaré lundi qu’« il doit y avoir des limites » aux négociations.

Personne ne doit avoir foi en les promesses de dialogue du gouvernement libéral. Il a également affirmé son engagement envers le « droit de négociation collective » des travailleurs, tout en préparant une loi pour interdire la grève des postiers à l’automne 2018.

La convocation de l’IRG par le gouvernement – en fait une déclaration selon laquelle les blocages constituent une « crise nationale » – et ses engagements répétés à faire respecter « l’État de droit » sont des signes indéniables qu’il prépare la violence d’État s’il ne parvient pas à convaincre les manifestants autochtones de démanteler leurs barricades.

Trudeau n’a pas encore lancé d’ultimatum ni déclaré publiquement une date après laquelle il ordonnera une intervention de la police. Mais suite à la réunion de l’IRG de lundi, ses assistants ont suggéré aux journalistes que le gouvernement a une date limite secrète prévue à la fin de cette semaine.

CN Rail a obtenu de multiples injonctions des tribunaux contre les barricades, mais pour la plupart, la police n’y a pas donné suite. La raison en est qu’ils craignent, eux et surtout leurs maîtres politiques, que la répression violente par l’État d’une nouvelle manifestation autochtone n’enflamme les relations déjà tendues entre la population autochtone largement appauvrie et l’État canadien.

Un affrontement violent, potentiellement fatal, avec les manifestants des Premières Nations serait particulièrement préjudiciable politiquement au gouvernement libéral minoritaire. Il briserait toute crédibilité populaire qui subsisterait pour le programme de « réconciliation avec les autochtones » tant vanté par les libéraux. Bien qu’il se couvre de la rhétorique de la justice sociale, ce programme a été conçu dès le départ pour faire avancer les intérêts des grandes entreprises canadiennes. Au nom de l’établissement d’une relation « de nation à nation » entre l’État canadien et les peuples autochtones, il cherche à promouvoir une élite autochtone petite-bourgeoise qui peut fournir une « licence sociale » pour les projets d’extraction d’énergie et d’autres ressources sur les terres autochtones traditionnelles, et être utilisée pour désamorcer l’opposition sociale croissante parmi les travailleurs et les jeunes autochtones.

Plus généralement, le recours à la violence d’État saperait les efforts des libéraux, fortement encouragés par les syndicats et le NPD, qui tentent de se présenter comme une alternative progressiste aux conservateurs de droite. Il radicaliserait également les travailleurs alors qu’un nombre croissant d’entre eux entrent en lutte, comme les 200.000 enseignants et employés de soutien scolaire de l’Ontario qui vont organiser une grève d’une journée vendredi dans toute la province.

La vérité est que les libéraux utilisent leur relation corporatiste avec les syndicats, la politique identitaire et une rhétorique creuse sur l’inégalité sociale comme un écran de fumée pour mettre en œuvre une politique de droite contre la classe ouvrière.

Il est particulièrement remarquable de voir comment le gouvernement libéral, soi-disant pro-dialogue, « féministe » et « pacifique », poursuit impitoyablement les intérêts de l’impérialisme canadien sur la scène mondiale. Sous Trudeau, le Canada mène un programme de réarmement massif, dépensant des dizaines de milliards de dollars en nouveaux navires de guerre et en avions de chasse. En outre, le Canada est de plus en plus profondément intégré dans les offensives militaires stratégiques de Washington contre la Chine et la Russie, qui sont dotées de l’arme nucléaire, au Moyen-Orient, riche en pétrole, ainsi que dans ses intrigues de changement de régime en Amérique latine.

La fausse politique de « réconciliation autochtone » des libéraux est liée à leur volonté d’augmenter les exportations canadiennes de pétrole et de gaz naturel et à leur prise de position hypocrite sur le changement climatique.

Le gazoduc CGL, qui doit transporter le gaz naturel du nord-est de la Colombie-Britannique jusqu’au port de Kitimat sur la côte du Pacifique, est essentiel à la réalisation des plans des gouvernements libéraux fédéraux et néo-démocrates de Colombie-Britannique visant à faire du Canada un grand exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Asie. Trudeau s’est vanté à plusieurs reprises que le projet de GNL de Kitimat, d’un montant de 40 milliards de dollars, serait le plus gros investissement jamais réalisé au Canada.

Prenant la parole au Parlement hier, Trudeau a lancé un avertissement contre « ceux qui voudraient que nous agissions à la hâte », appelant en fait la classe dirigeante à donner à son gouvernement plus de temps pour enrôler les dirigeants de l’Assemblée des Premières Nations et d’autres groupes autochtones reconnus par le gouvernement dans le démantèlement des barricades.

Scheer, en réponse, se moqua de Trudeau, qualifiant son discours de « réponse la plus faible à une crise nationale historique du Canada ». Il a dénoncé Trudeau pour ne pas avoir condamné les actions « illégales » des « activistes radicaux », et a accusé « le premier ministre d’avoir encouragé ce genre de comportement ».

Comme la direction de CN Rail, Scheer a tenté de façon démagogique de rallier le soutien à l’action de la police en invoquant les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs que le CN et d’autres entreprises licencient en raison de l’effondrement du trafic de marchandises.

Pour sa part, le NPD a appelé lundi à un débat d’urgence de la Chambre des communes sur les blocages. « Le refus du premier ministre de prendre des mesures plus substantielles et plus rapides a permis aux tensions de monter, d’exercer une pression importante sur l’économie canadienne et de menacer les emplois dans tout le pays », a écrit le leader parlementaire du NPD, Peter Julian, dans sa demande.

Hier, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a rejoint les chefs du Bloc Québécois et des Verts lors d’une réunion à huis clos avec Trudeau pour discuter de la manière de mettre fin aux protestations.

Les sociaux-démocrates du Canada, sous la forme du premier ministre de la Colombie-Britannique John Horgan, ont cautionné la première répression violente de la police sur la barricade de Wet’suwet’en les 6 et 7 février, affirmant qu’elle était nécessaire pour maintenir « l’État de droit ».

Le nombre de participants aux blocus et autres manifestations de solidarité est relativement faible. Néanmoins, la population éprouve une grande sympathie pour les manifestants, car il est largement reconnu que l’État canadien a perpétré de nombreuses injustices dans l’histoire à l’encontre des peuples autochtones. Il existe également une forte hostilité à l’égard de la politique bidon des libéraux en matière de changement climatique, sans parler de l’opposition croissante à l’égard de l’élite dirigeante dans son ensemble, dans un contexte de lutte croissante de la classe ouvrière contre l’austérité, les réductions d’emplois et de salaires et les attaques contre les pensions et autres droits sociaux.

Lorsque les politiciens et les médias invoquent l’« État de droit » pour justifier leurs demandes que la police intervienne pour réprimer la contestation autochtone, c’est le comble de l’hypocrisie. L’élite dirigeante du Canada a réécrit et carrément violé la loi à d’innombrables reprises pour saisir les terres des peuples autochtones et les condamner à la pauvreté et à la misère.

Avec sa rhétorique de la « loi et l’ordre », l’élite dirigeante attise les forces politiques les plus réactionnaires. Un commentaire de la presse a exhorté Trudeau à s’inspirer de Margaret Thatcher quand elle a eu recours à la violence policière de masse pour briser la grève des mineurs de charbon britanniques de 1984-85 et de son propre père, Pierre Eliot Trudeau, qui a imposé la loi martiale au Québec à l’automne 1970 sous le prétexte que deux enlèvements perpétrés par le Front de libération du Québec constituaient une « insurrection appréhendée ».

Les travailleurs doivent s’opposer énergiquement à toute tentative d’écraser violemment les barricades des autochtones. Une telle évolution ne représenterait pas seulement une attaque frontale contre les droits démocratiques. Elle créerait un dangereux précédent pour la répression violente par l’État des protestations de masse et d’autres formes d’opposition de toutes les sections de la classe ouvrière.

Cela étant dit, la politique des protestataires, basée sur une perspective nationaliste autochtone qui cherche à assurer l’« autonomie » au sein de l’État capitaliste canadien sur la base d’appels à l’établissement d’une « relation de nation à nation », n’offre aucune voie d’avenir. Si une telle initiative devait se concrétiser, elle aboutirait à la consolidation d’une minuscule élite politique privilégiée au sein de la population autochtone, chargée de maintenir l’ordre auprès des travailleurs et des jeunes autochtones appauvris, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves.

L’oppression historique des peuples autochtones et la myriade de maux sociaux qu’elle a engendrés ne peuvent être vaincus que par la mobilisation de l’ensemble de la classe ouvrière, autochtone et non autochtone, dans la lutte pour mettre fin au capitalisme et établir l’égalité sociale pour tous.

Les articles qui précèdent publié par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI)

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