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Vie et oeuvre de Jean Malaquais

samedi 10 août 2024, par Robert Paris

Vie et Œuvre de Jean Malaquais

De son nom complet Malacki Wladimir Jan Pavel Israël Pinkus, Jean Malaquais est d’origine juive. Il nait en 1908 dans une famille en rupture avec les traditions. Son père enseigne le latin et le grec. Il a un petit frère, Salomon Monniek.

A 17 ans, le bac en poche, il part à la découverte du monde, traverse l’Europe, se rend en Afrique et exerce, pour survivre, des dizaines de métiers.

En France, il se lie avec Marc Chirik, oppositionnel au stalinisme, et devient un compagnon de route de groupes internationalistes. À la fin des années vingt, il se fait embaucher dans la mine de plomb et d’argent de La Londe les Maures - expérience qui lui fournira la matière de son premier roman Les Javanais.

En 1935, il fait la rencontre d’André Gide, avec lequel il entretient une correspondance jusqu’en 1950. Gide l’encourage à écrire, le recommande auprès de directeurs de revues. Malacki fait paraître quelques nouvelles, puis en 1937, il se lance dans la rédaction de L’Île de Java, qui devient Les Javanais en 1939. Ce roman, inspiré de son expérience parmi les mineurs venus des quatre coins du monde est édité chez les Éditions Denoël sous le pseudonyme de "Jean Malaquais". Il obtient le Prix Renaudot en 1939 face à Sartre pour Le Mur.

Apatride, d’origine juive et "marxien", il est pourtant mobilisé, contre son gré, durant la Seconde Guerre mondiale. Il détaille son expérience dans Journal de guerre.

En danger parce que juif, il fuit à Marseille. En 1943, il part pour le Vénézuela, le Mexique, grâce à l’aide de Gilberto Bosques puis pour les États-Unis grâce à Varian Fry*, où il acquiert la nationalité américaine.
En 1947, il publie Planète sans visa, grand roman de la France sous l’occupation.

Il participe en 1942 et après la guerre au groupe de la Gauche communiste de France (GCF) avec Marc Chirik, Clara Geoffroy, Robert Salama dit "Robert Salama (redirection)", Serge Bricanier, Louis Évrard, Pierre Bessaignet.

Il traduit Norman Mailer, Les Nus et les morts et publie, en 1953, un dernier roman Le Gaffeur, qui met en scène un personnage aux prises avec la Cité : celle-ci, après l’avoir privé de son domicile, de sa femme, de son travail, va jusqu’à lui retirer sa propre identité.

Il écrit une pièce de théâtre, La Courte Paille, qui n’est jouée qu’une fois en privé et n’est publiée qu’à titre posthume en 2000.
En 1960, il rencontre Elizabeth Deberdt-Malaquais, puis s’éloigne du roman pour se consacrer à la philosophie. Il s’intéresse notamment à Søren Kierkegaard. À la fin de sa vie, il effectue un grand travail de réécriture de ses romans.

MALAQUAIS Jean [MALACKI Vladimir dit]

Né le 11 avril 1908 à Varsovie, mort à Genève le 22 décembre 1998 ; écrivain ; oppositionnel

Jean Malaquais -de son vrai nom Vladimir Malacki- naquit à Varsovie le 11 avril 1908 dans une famille polonaise d’extraction juive mais non croyante. Son père, professeur de lettres, était un amoureux des livres. Sa mère était une militante socialiste du Bund juif internationaliste qui s’était développé en Pologne. Sa famille disparut dans les camps hitlériens pendant la deuxième guerre mondiale.
En 1926, le bac en poche, il décida de quitter Varsovie pour la France. Il y travailla comme ouvrier ; notamment dans les mines de Provence. De cette expérience au milieu des étrangers parias et damnés de la terre, il tira la matière de son livre : Les Javanais, prix Renaudot 1939.
Il s’intéressa vite aux idées révolutionnaires. Le stalinisme le dégoûtait tout autant que l’ambiance nationaliste et xénophobe régnant en France. Il gravita autour de la Ligue communiste trotskyste dirigée par Alfred Rosmer, Pierre Frank, Pierre Naville, mais ne s’y engage pas à la différence de son ami Marc Chirik. Vers 1933, Vladimir Malacki, qui se fait appeler Jean Malaquais (comme un quai de Paris), prend contact avec les groupes révolutionnaires à gauche du trotskisme : l’Union communiste de Henri Chazé (Gaston Davoust), les bordiguistes italiens -regroupés autour des publications Prometeo et Bilan- immigrés en France et Belgique (Ottorino Perrone*, Otello Ricerri*, Bruno Zecchini*).
Dans la difficulté à Paris, il fait tous les métiers, y compris débardeur aux Halles, sans avoir de domicile fixe. À la Bibliothèque Sainte-Geneviève, où il se réfugie, il lit Céline et Gide. Un soir de 1935, il tombe soudainement sur ces lignes de Gide : « Je sens une infériorité de n’avoir jamais gagné mon pain ». Jean Malacki, scandalisé, lui écrit pour lui parler des conditions de ceux qui n’ont pas de toit et vivent dans la misère au jour le jour. Gide lui répond à la poste restante de la rue Cujas, Malaquais n’ayant pas d’adresse, et lui envoie 100 francs, qui lui furent retournés. Il rencontre enfin André Gide à son domicile : “C’est toi Malacki ?”. “C’est toi Gide ?” Personne n’avait osé tutoyer le grand écrivain. Flairant vite un écrivain doué, passionné et riche d’une expérience de paria, Gide lui donna de l’argent qui lui servit à louer une maison en province, tout le temps nécessaire à l’écriture de son livre Les Javanais. Ce livre social sur l’immigration dans la France xénophobe des ligues d’extrême droite et du préfet Chiappe fut d’abord refusé par Gallimard, puis publié chez Denoël en 1939. Le livre est couronné par le prix Renaudot en 1939. Il fut traduit dans plusieurs langues.
En août 1936, il part en Espagne lorsqu’éclatent la révolution et la guerre civile ; il prend contact avec les milices du POUM et la colonne Lénine, dirigée par des dissidents bordiguistes italiens comme Enrico Russo (Candiani*). Il rencontre Kurt Landau, trotskyste qui fut bientôt assassiné par le GPU, Andres Nin, théoricien du POUM et autre victime du GPU, et Gorkin, chef du POUM, qu’il retrouva et côtoya à Mexico pendant la guerre. Il a le malheur de se retrouver un jour face à Ilya Ehrenburg, écrivain stalinien promu chef de brigade internationale. Il fut à deux doigts d’être exécuté comme “agent fasciste” et provocateur. Il réussit à retourner en France, en septembre-octobre 1936. Il noua des liens avec Ante Ciliga et surtout Victor Serge, tous deux échappés du Goulag stalinien.

En septembre 1939 Malaquais, bien qu’apatride fut jugé suffisamment français pour se sacrifier pour la patrie. Pendant la drôle de guerre, il remplissait ses carnets de ses impressions au fil des jours, dans un style sarcastique, rebelle et iconoclaste : ces carnets deviendront ses « Carnets de guerre ». Prisonnier en mai 1940 il réussit à s’évader. Il rejoignit Marseille, avec sa compagne russe Galy Yurkevitch, où il survécut de 1940 à 1942. Dans la cité phocéenne, s’entassaient des écrivains fuyant le nazisme et en attente d’un hypothétique visa pour les Amériques : André Breton, Benjamin Péret, Victor Serge font partie du lot. Il travailla dans la coopérative le “Croque-Fruit” dirigée par des trotskistes –comme Sylvain Itkine – et fournissant un emploi à toutes catégories d’apatrides, Juifs, trotskystes et internationalistes. Avec son ami Marc Chirik, il dénonça l’exploitation dans la coopérative ouvrière. Il reçut alors son compte. Marc Laverne (pseudonyme de Chirik), qui se fit licencier avec lui, fut le héros principal de son second roman publié en 1947 : Planète sans visa. Stepanoff, l’autre héros du roman, a pour clef le Russe Victor Serge.

Jean Malaquais fut hébergé par Jean Giono en attente d’un hypothétique visa pour les Amériques. Ce visa il l’obtint par chance et grâce au Comité d’aide aux intellectuels. Gide, surtout, lui arrangea un passage sur un bateau en direction du Vénézuela. En octobre 1942, Jean Malaquais passa en Espagne ; il réussit avec Galy à gagner par bateau le Vénézuela. Il trouva par hasard de l’aide auprès d’une riche famille catholique, philanthrope, les Schlumberger, qui contribuaient anonymement à un Fonds d’aide aux réfugiés espagnols antifranquistes, et même subvenaient aux besoins de la veuve de Trotsky, sans ressources. De Caracas, il partit pour le Mexique.
En 1943, il fut à Mexico avec Victor Serge, André Breton, Benjamin Péret, Marceau Pivert et Munis. Il dénonça farouchement la guerre impérialiste dans les deux camps. Il rédige ses “Carnets de guerre” qui partant de la drôle de guerre dénoncent toute forme de patriotisme et de chauvinisme. Il rencontre le couple Alice et Otto Rühle avant leur suicide, et soutient l’écrivain allemand Gustav Regler, accusé par le parti communiste mexicain –comme Munis, Serge et Gorkin– de faire partie d’une “cinquième colonne fasciste”. Il donne des conférences à l’Institut Français d’Amérique Latine (IFAL), à Mexico, dont Marceau Pivert, son ami d’exil, était le secrétaire général. Il écrivit -tout comme Benjamin Péret- dans la revue surréaliste d’Octavio Paz : El hijo prodigo. Cependant, Jean Malaquais fit face à des attaques de Benjamin Péret et surtout de Victor Serge. Avec ce dernier, son amitié se brise : attaqué publiquement, tout comme Marceau Pivert, par Victor Serge, il rompit avec lui.

Jean Malaquais chercha à gagner New York, où ses Carnets de guerre furent édités par la Maison française. Le vice-consul américain à Mexico, grand amateur d’art, fit en sorte qu’il puisse gagner les USA et New York, bien que ses demandes de visa aient été rejetées.
En 1946 il se vit octroyer un visa pour les USA. Il rencontra Souvarine, mais sans apprécier son évolution politique. Il rencontra Albert Camus, séjournant à New York. C’est aussi le début d’une longue amitié et d’une collaboration avec l’écrivain américain Norman Mailer (auteur de Les Nus et les Morts, roman qu’il traduisit en français), avec lequel il écrit pour un temps des scenarii pour Goldwyn Mayer.

En 1947, de retour à Paris, il rejoignit le groupe communiste de gauche issu du bordiguisme “Internationalisme”, dirigé par Marc Chirik, groupe politique de discussion auquel participent un temps Maximilien Rubel*, Louis Evrard* et Serge Bricianer*.

Il retourna aux USA fin 1947 et y enseigna la littérature européenne jusqu’en 1968, sans être rattaché à une université et en qualité de visiting professor. On lui donna, alors qu’il se considèrait fièrement comme un métèque et un apatride, la nationalité américaine, en gardant son nom de plume. Aux USA, il se lia d’amitié avec le théoricien communiste des conseils Paul Mattick, mais aussi avec Raya Dunayevskaya du groupe News and Letters, le philosophe allemand Herbert Marcuse. Sans être militant et en restant de tendance communiste libertaire indépendant, il demeure en contact avec des penseurs communistes des conseils européens comme Maximilien Rubel en France, Anton Pannekoek et Henk Canne-Meyer aux Pays-Bas.

De 1954 à 1960, sous la direction du philosophe existentialiste Jean Wahl, et pour combattre l’utilisation qui en était faite par Sartre, il entreprit une thèse sur Kierkegaard, allant jusqu’à apprendre le danois et à séjourner à Copenhague. Cette thèse fut partiellement publiée.
Lorsqu’il séjourna à Paris dans les années 1960, il participa aux réunions du groupe de Maximilien Rubel, centré sur les Cahiers pour le socialisme des conseils.

Au retour de deux années d’enseignement à l’université Monash de Melbourne (Australie), en 1967-1968, il se trouve plongé dans les événements de mai 1968 à Paris, qui l’enthousiasmèrent. Il se retrouva naturellement en discussion avec des groupes communistes de conseils ou antiautoritaires. Il retourna s’installer aux USA en 1969, non sans faire des séjours réguliers en France, qui étaient autant d’occasions de fréquenter tous les groupes antiautoritaires.
La grève de masse des ouvriers polonais en août 1980 l’incita à se rendre en Pologne, à Gdansk et Varsovie, et à discuter avec les ouvriers du nouveau syndicat Solidarnosc (“Solidarité”).

À partir du milieu des années 1980, Jean Malaquais s’installa à Genève avec sa femme, Elisabeth. Il garda des contacts avec Paris, et s’y déplaça pour porter la contradiction aux certitudes de petits groupes “ultragauches”, dont il adopta sinon les positions, du moins un rejet viscéral du mythe de la Russie socialiste, et de toute forme d’État. Sans appartenir à un groupe, Jean Malaquais demeura un point de liaisons dans ce qui est qualifié de courant “ultragauche”.

Les années 1996-1998, après un désintérêt de l’édition française pendant presque cinquante ans pour son œuvre, furent l’occasion d’une republication de certains de ses livres, témoignage dans le siècle de la résistance d’un métèque allergique à toute forme de patriotisme.
Jean Malaquais mourut à Genève le 22 décembre 1998, peu après avoir préparé la réédition de son ouvrage majeur : Planète sans visa.
Son œuvre suscite un intérêt croissant, comme en témoignent la publication des Cahiers Jean Malaquais et la constitution en avril 2010 de la Société Jean Malaquais.

https://maitron.fr/spip.php?article89270

Un grand écrivain

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/litterature/malaquais.htm

Jean Malaquais, une étoile filante de la littérature

https://journals.openedition.org/rief/1295

Les oeuvres
https://www.malaquais.org/oeuvres/

Marianka
1936

https://www.marxists.org/francais/malaquais/works/1944/00/marianka.htm

Marseille, Cap de Bonne Espérance
1942
https://www.marxists.org/francais/malaquais/works/1942/00/marseille.htm

Le nommé Louis Aragon ou le patriote professionnel

L’intelligence servile
février 1947

https://www.marxists.org/francais/malaquais/works/1947/02/patriote.htm

Planète sans visa

https://www.liberation.fr/livres/1999/04/15/malaquais-du-depart-marseille-1940-le-carrefour-chaotique-des-candidats-a-l-exil-decrit-par-un-des-l_271291/

La montre

https://www.google.fr/books/edition/Coups_de_barre/1wARLvLY6N4C?hl=fr&gbpv=1&dq=Jean+Malaquais&printsec=frontcover

Correspondance

https://www.google.fr/books/edition/Correspondance/J7hf3IXHRFQC?hl=fr&gbpv=1&dq=jean+malaquais&printsec=frontcover

Journal de guerre

https://books.openedition.org/enseditions/22978?lang=fr

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