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Un récit de mai-juin 1968 par Daniel Bénard et Mouvement communiste

jeudi 22 décembre 2022, par Robert Paris

Qui était Daniel Bénard

https://www.matierevolution.fr/spip.php?breve280

Mai-juin 1968 : Une occasion sans autonomie ouvrière.

.

Dédié à la mémoire du camarade Daniel Bénard (1942-2010).

Introduction de Mouvement communiste

Le but de ce travail est le même que celui de beaucoup d’autres assumés par notre groupe : tenter de comprendre ce qu’était réellement l’un des mouvements sociaux constitutifs de la lutte des classes des quarante dernières années, en dépassant les enthousiasmes et les rejets excessifs et sans critique sans critique fondée. Dissiper les mythes et les enthousiasmes simplistes, et exposer les faits à la lumière de la critique est notre méthode. Et le mouvement de mai-juin 1968 en est un exemple exemplaire : la plus grande grève générale que le pays ait jamais connue. Mais comment situer cette grève générale ? Quels étaient ses acteurs ? Comment s’est-il organisé concrètement ? Quelle a été la participation des grévistes à la grève elle-même et aux autres actions ? Et, plus particulièrement pour nous, quels ont été les signes de l’autonomie ouvrière,

Compte tenu du petit nombre de témoignages de première main des participants d’une part, et du discours panégyrique[i] présent dans les publications immédiatement après mai-juin et jusqu’à dix ans après les événements d’autre part, force est de constater que l’équilibre des forces est difficile sans un travail minutieux qu’il ne nous est pas possible d’assumer. Les témoignages de deux collègues que nous avons inclus sont à eux seuls suffisamment précieux pour justifier la publication du texte.

Cependant, des problèmes importants peuvent être identifiés. Pour permettre une discussion autour du sujet, le texte comprend :

*Un bref aperçu de la situation avant mai 1968, *Une description chronologique commentée de mai et juin du point de vue des luttes ouvrières, *Les deux témoignages de première main, *Une tentative de conclusion.

Ainsi, afin de limiter le texte à ce qui nous semble le plus intéressant, nous nous concentrerons sur :

1. La première semaine de grève ouvrière (du 14 au 21 mai), 2. La reprise du travail (qui a commencé le 4 juin) et les tentatives pour s’y opposer, 3. Et surtout, des éléments d’autonomie ouvrière.

De plus, ce texte n’est pas l’œuvre d’un historien ; Vous ne pouvez pas inclure de témoignages ou d’analyses sur tout ce qui s’est passé. Donc, nous n’essayons pas de dire que les luttes qui ne sont pas mentionnées ne sont pas importantes ou qu’elles sont moins importantes, mais seulement que nous en avons pris.

De diverses sources, nous avons utilisé les ouvrages suivants :

  « La France de 68 », A. Delale et G. Ragache, Séoul, Paris, 1978
  « Puis-je trouver », J. Baynac, Robert Laffont, Paris, 1978
  « La Révolution imaginaire. Étudiants et ouvriers parisiens en 1968 », M. Seidman, Berhan Books, New York, 2004
  « Comités d’action ouvriers-étudiants, France mai 68 », R. Grégoire et F. Perlman, Black & Red Books, Kalamazoo, 1969
  Et el texte « Les grèves de Mai 68 » du site http://www.mondialisme.org/spip.php.

1-13 mai : les fondations

C’est le mouvement étudiant qui a créé les premiers jours de mai. Après la manifestation du 1er mai, la première autorisée depuis 1954 et un succès relatif qui a vu défiler cent mille personnes dans Paris, avec des affrontements entre le service d’ordre CGT et "l’extrême gauche", l’agitation qui a commencé à Nanterre le 22 mars , était arrivé à Paris.

Jeudi 2 mai, le doyen Pierre Grappin a décidé pour la deuxième fois cette année de fermer la faculté des lettres de Nanterre. Le lendemain, 500 CRS et unités mobiles de police occupent le campus, fouillent les voitures et arrêtent les « porteurs d’armes » (frondes, verrous, etc.). Six personnes ont été condamnées avec sursis.

Vendredi 3 mai, la police - agissant à la demande du recteur Roche - a dégagé la cour de la Sorbonne, qui avait été occupée par des étudiants, notamment de Nanterre, qui avaient participé à un rassemblement, les emmenant. Cela a provoqué des protestations d’autres personnes, entraînant six heures de violence et 600 arrestations par la police. Dans l’Humanité, Georges Marchais[ii] publie un éditorial dans lequel il fouette « l’anarchiste allemand Cohn-Bendit[iii] » et se moque des « révolutionnaires […] fils de la noblesse […] qui vont vite éteindre leur appel révolutionnaire à courir aux affaires de papa et à exploiter les ouvriers." Le gouvernement a annoncé la fermeture de la Sorbonne dimanche 5 mai.

A l’aube du lundi 6 mai, la police a bouclé le quartier latin. Depuis le matin (lors de l’audition disciplinaire de huit étudiants de Nanterre, dont Daniel Cohn-Bendit) il y a eu des rassemblements et des marches sur le boulevard Saint-Michel qui ont entraîné des heurts avec la police. Cela en a fait une marche de 6 000 personnes vers la Halle-aux-vins[iv]. L’UNEF appelle pour se rendre place Denfert-Rochereau à 18h30. Ils quittent ensuite le chantier en cortège vers le Quartier Latin, en passant par la rive droite de la Seine. Rue des Ecoles, charge violente et inattendue de la police, suivie d’une violente riposte des étudiants qui érigent des barricades. Au même moment, la manifestation de l’UNEF se formait place Denfert-Rochereau et affrontait les forces de l’ordre rue du Four. Il y avait des conflits violents et des barricades bien formées. La nuit, des manifestations très violentes éclatent dans le Quartier Latin (500 blessés et 400 interpellés), ainsi qu’en province, dont certaines violentes, comme à Grenoble.

Mardi 7 mai, un rassemblement a eu lieu à 18h30 sur la place Denfert-Rochereau. Une marche a traversé Paris (dans la mesure où les barrages policiers le permettaient) pendant quatre heures : Les Invalides, le Quai d’Orsay, la Concorde, l’Arc de Triomphe (21h30) ; puis, il est revenu sur le banc de gauche. La police avait bloqué l’intersection de la rue de Rennes et de la rue d’Assas. Cinquante mille manifestants étaient présents et les affrontements ont été plus dispersés que la veille, avec une forte part de violence de la part des forces de l’ordre.

Mercredi 8 mai, il y avait un rassemblement à la Halle-aux-Vins. La manifestation est passée par le boulevard Saint-Germain en direction du Sénat et de la place Edmond-Rostand. Certains députés PC ont voulu mener la marche, mais ont été repoussés dans la contestation. La Sorbonne était inaccessible. L’UNEF était en charge et a géré la dispersion sans aucun conflit.

Le jeudi 9 mai, il n’y a pas eu de manifestations, mais il y a eu quelques meetings politiques.

Le vendredi 10 mai, plus tard surnommé "la nuit des barricades", les choses ont commencé après une manifestation rassemblée place Denfert-Rochereau, lieu où, malgré l’opposition de l’UNEF, les manifestants ont commencé à ériger des barricades dans le Quartier Latin à partir du 9 :00h Au cours des heures qui suivirent, plus d’une soixantaine furent relevées. Vers 22 heures, le recteur lui-même s’est déclaré prêt à recevoir une délégation d’étudiants. Ensuite, un double dialogue s’engage sur les radios internationales : Geismar[v] répond au vice-recteur sur Radio Luxembourg tandis que Sauvageot[vi] () répond au recteur sur Europe 1. Les négociations s’enlisent sur la question des charges retenues contre le étudiants : le recteur s’est déclaré incompétent pour traiter le dossier. A 00h15, trois professeurs et trois étudiants ont été autorisés à entrer à la Sorbonne. Avant de partir, Cohn-Bendit – qui faisait partie de la délégation malgré l’interdiction du recteur – a donné l’ordre : "Occupation du Quartier latin, mais sans attaquer les forces de l’ordre." Une heure et demie plus tard, les négociations aboutissent à une impasse. Il était 2h15 du matin quand, après avoir donné les avertissements d’usage, la police a attaqué les manifestants. La bataille, extrêmement violente, se termine à 4h30 du matin, faisant des centaines de blessés de part et d’autre. les négociations ont abouti à une impasse. Il était 2h15 du matin quand, après avoir donné les avertissements d’usage, la police a attaqué les manifestants. La bataille, extrêmement violente, se termine à 4h30 du matin, faisant des centaines de blessés de part et d’autre. les négociations ont abouti à une impasse. Il était 2h15 du matin quand, après avoir donné les avertissements d’usage, la police a attaqué les manifestants. La bataille, extrêmement violente, se termine à 4h30 du matin, faisant des centaines de blessés de part et d’autre.

Les événements du Quartier Latin, décrits minute par minute par les radios internationales (Europe 1 et RTL)[vii], acquièrent une dimension importante et sont montrés (à la télévision) aux provinciaux stupéfaits et consternés comme le début d’une guerre civile.

Tirant les leçons de la nuit des tonneaux, Pompidou [premier ministre] a autorisé la réouverture de la Sorbonne le 11 mai. Le mouvement étudiant semble n’avoir abouti à rien. Les dirigeants de l’organisation ont appelé à une journée de grève nationale (pour protester contre la répression et les violences policières) pour le 13 mai.

13-18 mai : tremblements

La grève générale du 13 mai

Les manifestations du 13 mai ont été un véritable succès, mais plus en termes de nombre de participants que par rapport au nombre de grèves qui ont eu lieu. Le secteur des ouvriers industriels appartenant aux entreprises de moins de 50 salariés ne s’est pas joint à la grève, tandis que ceux des grandes entreprises, ou plus que tout du secteur étatique, étaient en tête : EDF et GDF (80 %), les chemins de fer (50%)[viii], la RATP (60%), l’éducation (75%) et surtout la Poste. Dans cette dernière, des grèves sporadiques éclatent depuis le 8 mai à Paris Nord (74 % de participation), Paris Est (33 %), Paris Austerlitz et Paris Brune ; et le 10 mai parmi les chauffeurs aux ordres de la CGT, en relation directe avec la croissance de l’agitation à partir de mars[ix].

Cependant, dans l’industrie métallurgique parisienne, les chiffres de participation n’étaient que de 25 à 35 %, principalement dans les industries automobile et aéronautique. 35 % des salariés de la Sécurité sociale et entre 10 et 16 % du secteur des assurances sont concernés. La participation de Renault-Billancourt est difficile à estimer (entre 40 et 80 % selon les chiffres), mais on sait que ce sont surtout les salariés syndiqués - donc les plus préparés - qui se sont rendus à la manifestation. A Thomson (Bagneux et Gennevilliers [Hauts-de-Seine]), le taux de participation était de 60-65 %. Au Centre d’énergie atomique (CEA) de Saclay (Essonne), le taux était de 75 %, alors qu’à Chausson il était de 90 %. A l’usine chimique Rhône-Poulenc de Vitry (Val-de-Marne), il était de 50 %. Ces quelques chiffres donnent une idée de l’ambiance parmi les ouvriers, car si une « journée d’action » syndicale n’avait pas eu autant de succès depuis longtemps, celle-ci n’était toujours pas une émeute. C’est sans doute ce qui pousse la direction de Citroën-Levallois à enfermer les ouvriers qui n’ont pas encore rejoint la grève.

Plus important encore est le fait que des milliers de travailleurs ont été touchés par les troubles étudiants et ont exprimé, bien que faiblement, leur désapprobation des autorités. Que se passerait-il ensuite ? La grève débute[x] le 14 mai à Woippy, dans la banlieue de Metz : 500 ouvriers de l’usine Claas (fabricant de machines agricoles) descendent dans la rue. Après une courte réunion, ils réclament l’application d’une convention collective de l’industrie métallurgique, une nouvelle grille des salaires, l’amélioration des conditions de travail et la révision des horaires de travail.Le lendemain, la grève illimitée est votée. Passons maintenant en revue certains des lieux de travail qui étaient importants au début de la grève.

Sud Aviation

La grève débute ensuite à l’usine Sud-Aviation, à Bouguenais, près de Nantes[xi]. Pendant quelques mois, il y a eu des menaces de licenciement et de réduction du temps de travail – par une réduction des activités, la direction a voulu réduire la semaine de travail de 48 à 47 heures, en payant 47 heures ; les ouvriers voulaient la coupure à 47 heures, mais le paiement à 48 –, ce qui provoqua une certaine agitation qui allait crescendo début mai. Ainsi, entre le 9 avril et le 10 mai, il y a eu treize jours de grèves déclenchées par les syndicats, d’une durée comprise entre une et huit heures[xii].

Enfin, le mardi 14 mai, grève de 14h30 à 15h00 et de 15h30 à 16h00, avec marche à travers les lieux de travail. La rencontre entre les délégués et la direction n’a abouti à rien. Pour la première fois, des salariés ont participé à la grève. Le manager Duvochel a été enfermé dans son bureau en attendant une réponse des managers à Paris. Les délégués ont bloqué les issues pour empêcher les ouvriers de partir, instaurant une prise de contrôle de facto, parfaitement contrôlée par la CGT. Le directeur et ses adjoints ont donc été maintenus dans les bureaux de la direction avec téléphones et alimentés par les syndicats jusqu’à leur libération le 29 mai.

Renault Cléon

Le 15 mai à Cléon[xiii] les syndicats ont pris la température de l’usine pour voir s’ils pouvaient rebondir après le succès du 13 mai et mettre un peu de pression sur la suppression de certaines réglementations de la Sécurité sociale, imposées par le gouvernement le 21 mai. Août 1967. Ils ont réussi à obtenir la décision de tenir une heure d’arrêt par quart de travail.

Lors du débrayage du matin, les ouvriers, menés par une jeunesse renaissante, ont défilé dans les ateliers pour exhorter les non-grévistes à arrêter le travail. Ils appellent à la formation d’un comité de grève et mentionnent à peine la question de la réglementation dans leurs slogans. Il a fallu toute la diplomatie d’un officier de la CFDT pour ramener les travailleurs à leur poste et, dans certains endroits, le travail a été fréquemment interrompu pour discuter et tenir les travailleurs qui arrivaient au courant de ce qui s’était passé. Pour l’équipe de l’après-midi, le scénario de la grève était similaire, mais sous la pression de la jeunesse, ils organisèrent une marche. A sa tête, 200 jeunes ont défilé et scandé sous les fenêtres de la direction. Là, ils se sont rencontrés ils se sont tenus devant leurs délégués stupéfaits et ont exigé qu’ils aient la réunion (ce à quoi le directeur s’est opposé). Dans les bureaux, les chefs de service paniquent, barricadant les portes avec des barreaux de fer. Voyant cela, les travailleurs ont annoncé que la direction ne quitterait pas leurs bureaux avant d’avoir rencontré la délégation. À 18 heures, personne d’autre ne travaillait et la reprise a été approuvée avec enthousiasme par un vote. Les cadres sont alors enfermés comme dans Sud Aviation dès l’après-midi du 15. La CGT tente de les libérer le 17, mais ils doivent se rendre face aux protestations que leur proposition rencontre. Ils ont finalement gagné l’argument le 19 mai. les chefs de service paniquent, barricadant les portes avec des barreaux de fer. Voyant cela, les travailleurs ont annoncé que la direction ne quitterait pas leurs bureaux avant d’avoir rencontré la délégation. À 18 heures, personne d’autre ne travaillait et la reprise a été approuvée avec enthousiasme par un vote. Les cadres sont alors enfermés comme dans Sud Aviation dès l’après-midi du 15. La CGT tente de les libérer le 17, mais ils doivent se rendre face aux protestations que leur proposition rencontre. Ils ont finalement gagné l’argument le 19 mai. les chefs de service paniquent, barricadant les portes avec des barreaux de fer. Voyant cela, les travailleurs ont annoncé que la direction ne quitterait pas leurs bureaux avant d’avoir rencontré la délégation. À 18 heures, personne d’autre ne travaillait et la reprise a été approuvée avec enthousiasme par un vote. Les cadres sont alors enfermés comme dans Sud Aviation dès l’après-midi du 15. La CGT tente de les libérer le 17, mais ils doivent se rendre face aux protestations que leur proposition rencontre. Ils ont finalement gagné l’argument le 19 mai. Les cadres sont alors enfermés comme dans Sud Aviation dès l’après-midi du 15. La CGT tente de les libérer le 17, mais ils doivent se rendre face aux protestations que leur proposition rencontre. Ils ont finalement gagné l’argument le 19 mai. Les cadres sont alors enfermés comme dans Sud Aviation dès l’après-midi du 15. La CGT tente de les libérer le 17, mais ils doivent se rendre face aux protestations que leur proposition rencontre. Ils ont finalement gagné l’argument le 19 mai.

Les syndicats créent un service de commande, qui organise la reprise – qui consiste notamment à protéger les machines – et propose un cahier de revendications qui paraît sous forme de tract à 23 heures : « Réduction du temps de travail à 40 heures sans perte de paiement ; salaire minimum de 1 000 francs ; abaissement de l’âge de la retraite ; conversion des travailleurs contractuels en personnel permanent ; augmenter les droits syndicaux.

Cette même nuit, la grève, déjà complète chez Renault, paralyse encore deux localités de la région : Kléber-Colombes à Elbeuf et La Roclaine à Saint-Etienne-du-Rouvray. Cependant, la CGT (et les anciens) prend rapidement le contrôle de la grève.

Renault Flins

A Flins[xiv], le matin du 16 mai, des militants du syndicat CFDT ont prévu une réunion pour discuter de la mise en pratique des orientations de la confédération en matière de réglementation. Avant qu’elle n’ait lieu, l’un des adhérents a entendu au téléphone que l’usine de Cléon était en grève illimitée, avec prise de contrôle et que les dirigeants avaient été retenus. Du coup, les CFDT-istes décident d’aller voir la CGT pour proposer une grève d’une heure à 10h15. Par équipes de deux (l’un de la CFDT et l’autre de la CGT), les militants syndicaux se rendent dans les ateliers donner l’ordre. . À l’heure convenue, environ 500 travailleurs ont arrêté leur travail et se sont rassemblés devant les bâtiments. Ils sont retournés dans les ateliers en marchant pour encourager les autres à arrêter de travailler. A 11h30, ils se sont regroupés devant la salle à manger. Les deux agents CFDT et CGT expliquent ce qui s’est passé à Cléon et proposent de déclencher une grève illimitée. La proposition a été adoptée et la reprise a été organisée immédiatement. Au départ, cette organisation consistait à dresser des lignes de piquetage et à inscrire les noms des bénévoles sur les listes de piquetage.

Avant de se séparer pour le déjeuner, ils se sont retrouvés à 14h00 pour une autre réunion avec les travailleurs de l’après-midi. Cette assemblée a également adopté le principe de la grève illimitée avec occupation. A 15h30, la direction a fermé l’usine pour ceux qui travaillaient encore. Cette version des faits vient d’un syndicaliste CFDT.

La réunion du matin était avant tout une question de solidarité avec Cléon. Dans l’après-midi, l’un des syndicats a présenté un cahier de revendications : « 40 heures sans perte de salaire ; 1000 francs SMIC ; retraite à 60 ans (à 55 ans pour les femmes) ; cinq semaines de vacances pour les jeunes ; annulation de règlements ; droits pour les syndicats.

Renault Billancourt

On a beaucoup parlé des versions CGT/PCF du début de la grève, de leurs impressions, des faits biaisés ou faux, etc. Soulignons qu’il n’y a que le témoignage d’Aimé Halbeher, secrétaire général de la CGT de Renault Billancourt, qui a ce soupçon d’honnêteté. "Le 17 à 6 heures du matin, ils ont ouvert les portes des équipes qui venaient travailler et ont arrangé un lieu pour un rendez-vous sur l’île Seguin à 10 heures" et, en plus, "ils ont décidé vendredi une reprise pour le week-end » [xv] Ce qui est vrai, sauf que l’usine avait déjà arrêté ses activités la veille, car c’est plutôt le 16, jeudi, que les secteurs ont bougé spontanément. À aucun moment il n’y a eu de lien entre les grévistes des sections 55 et 70 et ceux de la section 37 (qui se trouve sur le promontoire situé en aval de l’île Isla Seguin)[xvi]. Contrairement à ce qui était écrit sur certains sites (cf. Mondialisme.org), le secteur 37 s’est mis en grève vers 17 heures seulement. Comment, alors, a-t-il pu y avoir une réunion conjointe entre deux secteurs de grévistes au carrefour Zola ? autre extrémité du secteur 37 (plus de deux kilomètres à pied) ?

C’est la version d’un collègue qui travaille à la section 37, un tôlier, composé de travailleurs qualifiés. A cette époque, il est en contact avec le groupe Voix Ouvrière (« Voix Ouvrière », VO). Le fameux 16 mai à midi, il y eut une tentative de meeting place Nationale par le groupe trotskyste du PCI[xvii] (groupe "Lambert") et les ouvriers des immeubles environnants qui revenaient du casino. Ils s’arrêtent quelques minutes, discutent puis retournent dans les ateliers, tandis que les autres déjeunent, se retirent, etc. En conséquence, les travailleurs des sections 55 (découpage) et 70 (petite mécanisation) ont commencé à se mobiliser sans être en grève déclarée, mais sans trop travailler ni pendant deux ou quatre heures. La nouvelle s’est répandue dans l’île que la grève avait commencé, mais on ne savait pas ce qui s’était passé et, dans la section 37, l’esprit grandit. Les gars ont dit « ok, allons-y », puis ça a encore chuté. Puis ça a recommencé, avec des discussions entre tous. Le délégué syndical de la CGT locale était dans le même cas que les autres, sans rien savoir. Enfin, vers 17 heures, sans que personne en particulier ne prenne la tête, la grève a commencé en masse quand entre 200 et 300 garçons de la section ont commencé à défiler vers l’île Seguin, traversant ainsi les lignes d’assemblage (métallurgie, carrosserie et assemblage), un lieu où travaillaient majoritairement des immigrés (et où la présence de la CGT et du PCF était plus faible). Les lignes se sont arrêtées et la masse des ouvriers non qualifiés a immédiatement déserté l’usine. Il est difficile de dire que les chaînes de montage faisaient partie de la grève. Ils ne travaillaient plus, c’est sûr, mais beaucoup de ces travailleurs ont simplement fui avant la marche, s’enfuyant et quittant l’usine. Peu d’ouvriers des lignes se joignent à la marche des grévistes de la section 37. Dans une situation d’improvisation totale, les ouvriers commencent l’occupation. Il ne s’agissait pas d’occuper toute l’île, car ils ne suffisaient pas. Ils allèrent ainsi occuper le secteur du Bas-Meudon et, ainsi, en même temps ils fermèrent l’accès sud à l’île Seguin en bloquant le pont de Meudon. Le lendemain, vendredi 17, l’usine était fermée. Il y avait du monde au rassemblement organisé par la CGT à 10h au milieu de l’île Seguin. La CGT mobilise difficilement les secteurs où elle a le plus d’influence, c’est-à-dire les secteurs professionnels, qui étaient nombreux, même s’il y avait aussi des secteurs de la chaîne de montage sur l’île. Après le rassemblement, le contingent CGT s’est rendu dans le Bas-Meudon soi-disant pour "renforcer les piquets". En fait, depuis, les ouvriers qui prenaient le relais la veille sont passés au second plan et c’est l’appareil CGT qui a pris en charge la situation avec tous les moyens à sa disposition : casinos, comités d’entreprise, etc., et qui était la tendance jusqu’à la fin de la grève.

En guise de résumé après cette révision considérable, la grève a commencé le jeudi 16 mai dans deux parties distinctes de l’usine et à deux heures d’intervalle, sans aucun lien direct entre elles :

Sections 55 et 70, vers 14h15 Section 37, vers 17h00

Ces deux débuts se sont déroulés "en dehors des syndicats", comme le reconnaît Halbeher dans un commentaire ailleurs[xviii].

Premières impressions

Géographiquement, les points forts de cette première vague de grèves ont été la région parisienne et la vallée de la Seine, ainsi que Le Havre, la région Nantes Saint-Nazaire et la région lyonnaise. Dans d’autres régions, la grève était encore très limitée.

Le 17 mai, le nombre de grévistes atteint 200 000. Le mouvement se propage comme une traînée de poudre dans les régions d’origine puis s’installe dans le sud-est, de Besançon à la Provence. Dans la banlieue parisienne, de nombreuses usines sont en grève, mais, jusqu’au 17 au soir, ce sont surtout les ouvriers de province qui mènent l’action.

Les premiers jours, la spontanéité ouvrière était évidente. "Prise d’usine : nous en avons assez !" proclamait la bannière de l’usine Vinco (ameublement de bureau en métal) à Dieppe. Ce n’est pas un cas isolé : l’anagramme que les ouvriers font avec les lettres BERLIET, remplacées par LIBERTÉ, est chargé de valeur symbolique. Aucune de ces actions ne correspondait à un slogan particulier.

La première vague a souvent été présentée comme spontanée, ce qui n’est tout à fait vrai que si l’on entend spontanément « l’absence de slogans syndicaux au niveau fédéral ou confédéral ». En l’absence de rapports détaillés de chaque usine, il apparaît néanmoins que de nombreuses grèves sont déclenchées ou soutenues par la CGT[xix] ; cependant, elles sont souvent imposées ou portées par des minorités (comme les 200 jeunes de Cléon), qui entraînent les autres ou obtiennent leur approbation passive. Même en région parisienne, où nous avons des rapports du CATE (Comité de Acción Obrero Estudiantil) de Censier sur les contacts pris cette semaine-là dans de nombreux lieux de travail (FNAC, BHV, RadioTechnique, NMPP, etc.), nous pouvons établir que seule une minorité de les travailleurs, y compris les délégués CGT, ils se sont demandé « que devons-nous faire ? et ils n’étaient pas hostiles aux étrangers qui venaient discuter avec eux. Quelles en étaient les causes ?

Premièrement, ce furent des années frustrantes, tant pour les jeunes que pour les anciennes générations de travailleurs. Ensuite, il y a eu la fatigue des journées d’action, jugées répétitives et inutiles même par les militants syndicaux. Enfin, on avait le sentiment que les autorités étaient affaiblies et qu’elles pouvaient en profiter. Plus marginalement, pour certains militants syndicaux du PCF, il y avait quelque chose dont ils pouvaient bénéficier. Ces pressions diverses n’ont même pas été combattues par la direction de la CGT sans nécessairement en faire la publicité. Mais une partie du mouvement a continué et s’est propagée. Voyons un petit aperçu des secteurs qui se sont mis en grève du 14 au 17 mai. Parmi les premières usines, 45 étaient liés à la métallurgie lourde ou à la mécanique, 19 autres liés à la construction automobile et 13 à l’aéronautique. Cependant, la présence massive dans cette avant-garde de travailleurs des industries chimiques et textiles artificiels (23 usines), de l’électrotechnique (17), de l’agro-alimentaire (15), du bâtiment (2) et d’autres secteurs indique un mécontentement profond et général qui a dépassé problèmes simples sectorisés.

18-20 mai : le tournant

Des hésitations dans les syndicats au niveau confédéré sont apparues au cours de cette semaine. La CFDT tente de se donner une image d’ouverture aux intentions des étudiants, tandis que FO reste prudente et ne veut pas se retrouver en conflit avec la CGT, elle-même vacillante.

Le 15 mai, journée d’action contre la nouvelle réglementation, planifiée longtemps à l’avance, n’a pas eu le succès escompté : peu de grèves, quelques délégations et des marches exceptionnelles qui n’ont pas suscité beaucoup d’enthousiasme. Le même jour, la CFDT déclare à nouveau sa volonté d’établir des relations avec des étudiants « progressistes ». Quelques officiers et militants de la confédération s’entretiennent avec les occupants de la Sorbonne. La fédération de la métallurgie a même conseillé à ses membres : « Il conviendrait de développer le débat avec les étudiants, non seulement pour leur dire que nous sommes d’accord avec leurs revendications, mais aussi – et surtout – que nos préoccupations concernant la démocratie au travail, le droit au travail et la véritable démocratisation de l’éducation doit être comprise et partagée par eux.

Au nom de FO, André Bergeron[xx] rencontre les dirigeants CFDT place Montholon, se déclarant prêt à soutenir les occupations, mais restant indépendant de la CGT.

Ce dernier a gardé une attitude réservée sur le sujet. Les revendications d’autogestion et de réformes structurelles clamées par la CFDT sont brutalement qualifiées de « formules creuses » par le leader CGT Georges Séguy[xxi]. La section CGT de Billancourt a désapprouvé l’initiative de l’UNEF d’organiser une marche de solidarité à l’usine, tandis que les sections CFDT et FO se sont déclarées heureuses de faire le geste de sympathie. Le 16, la CGT publie un communiqué vantant la tentative désormais ritualisée de « former un front syndical sans division » et dans laquelle, dans une phrase séparée, elle prévoit « le remplacement du pouvoir existant par un gouvernement populaire ». Enfin, la CGT a appelé à « la mobilisation des travailleurs pour régler les comptes en suspens ».

Mais le flot des petites grèves n’a cessé de croître et la CGT (et le PCF, même s’il est difficile de les distinguer au bureau confédéral) ont décidé de réagir. La décision était simple mais dure : parmi les étudiants en particulier, et parmi les jeunes en général, le PCF apparaissait déconsidéré et de toute façon ses organisations de jeunesse n’avaient plus de poids : pouvait-il courir le risque qu’il en soit de même au sein du la classe ouvrière ? Le mouvement reste très minoritaire (200 000 grévistes dans la nuit du 17), faiblement organisé (c’est la prise de contrôle de l’usine qui, accompagnée ou non de l’enfermement des cadres ou directeurs, tient lieu d’organisation), très spécifique dans sa localisation géographique et, contrairement aux illusions des gauchistes, il était loin d’être révolutionnaire. Mais le danger était bien là.

Ainsi, pour le PCF-CGT, il ne s’agissait pas de « chevaucher le tigre » mais plutôt d’étouffer ce mouvement embryonnaire en lançant une grève dont la CGT avait les moyens, qui s’est déroulée principalement au SNFC, à la RATP, La Poste ou dans les banlieues (comme dans le parti Seine Saint-Denis), où la somme des poids des militants sur le lieu de travail, des dirigeants syndicaux et des employés municipaux pourrait forcer la grève. Mais il s’agissait aussi de couper le courant dans les lieux de travail par l’intermédiaire des salariés d’EDF syndiqués à la CGT, comme en Seine Saint-Denis depuis le 20 mai, pour « s’en tirer ». C’est l’exemple de l’usine Carbone Lorraine (1 200 salariés) à Gennevilliers,

D’un point de vue général, selon le ministre de l’Intérieur, sur les 77 entreprises métallurgiques de la région parisienne, 68 ont connu des grèves appelées par la CGT, 6 par la CFDT et 3 par FO. Selon les mêmes statistiques, 58 % des grèves ont été initiées par des salariés âgés de 30 à 40 ans ; 27 % par des salariés entre 20 et 30 ans ; 8 % par les salariés de moins de 20 ans et 7 % par les salariés de plus de 40 ans. Selon les statistiques de l’UIM (Union patronale de la métallurgie), 75 % des grèves ont été décidées après discussion, alors que dans les 25 % des cas, les grévistes ont fait usage de la force pour amener le lieu de travail à faire grève.

vers la décision

L’arrêt des transports en commun, de la SNCF et de la RATP (à Paris), a donné à tous les salariés des petites entreprises et aux salariés isolés en général une bonne excuse pour ne pas aller travailler. Mais si le danger d’être déjoué existait, le fait d’appeler à la grève présentait un danger encore plus grand : qui pouvait dire qu’une fois les vannes ouvertes aux ouvriers débordés, les choses pourraient facilement revenir à la normale ?

Même sans pouvoir suivre les discussions au sein de la direction CGT, la vérité est que ce n’est que dans l’après-midi du 17, après une longue réunion extraordinaire du comité national, que la CGT a décidé d’exploiter le mouvement, sans nécessairement parvenir à l’unité d’action, tandis que Séguy déclarait avec fermeté que « tant à la CFDT qu’à la FEN persiste une vision floue des choses ». Mais après cette formule éculée, la décision était prise, et bien prise.

Dès le lendemain, 18 mai, le déclenchement de la grève « générale » réussit à paralyser le pays pendant cinq jours. Le nombre de grèves augmente rapidement : le 18, vers midi, un million d’ouvriers sont au chômage ; À la tombée de la nuit, ils étaient plus de 2 millions[xxii] ! Après la pause de dimanche, les grèves avaient touché toutes les régions et tous les secteurs : plus de 4 millions lundi après-midi, de 6 à 7 millions mardi, 8 millions mercredi 22 mai, et le lendemain jour de l’Ascension, le 9 million de dollars a été dépassé. Le 18, les bus et trains du métro de la région parisienne sont restés à leurs terminaux. Déjà le 17 mai, les ouvriers d’Achères[xxiii] et de Saint Lazare[xxiv] déclenchaient la grève. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 85 000 des 92 000 cheminots de la région parisienne étaient en grève depuis l’après-midi du 18 mai, tandis que 29 000 des 30 300 salariés de la RATP étaient en grève. Dans tout le pays, les bureaux de poste ont fermé, un à un. Dans les jours qui suivent, EDF/GDF (dont 33 200 salariés sur 38 700 sont en grève en région parisienne) et des enseignants rejoignent le mouvement. Les postes, par exemple, ont donné le 21 mai aux grévistes les chiffres suivants : 50 000 sur 80 000 ouvriers en région parisienne et 66 000 sur 175 000 en province. La plupart des centres de tri parisiens sont pris, tandis que les bureaux de poste sont fermés par les grévistes. Le 18 mai, la direction de la poste a envoyé la police pour expulser la centaine de grévistes du centre de télécommunications du deuxième arrondissement, près de la Bourse. Après négociations avec la CGT, le centre a été livré dans le calme.

Tous les secteurs de l’industrie ont été touchés, y compris les banques et les assurances, les administrations publiques, etc.

Concernant l’enseignement secondaire, les écoles étaient déjà en grève le 18 mai, avant l’ordre de grève générale donné par la FEN le 22 de ce mois. Les grands magasins ont fermé leurs portes, les pêcheurs sont restés à terre, les péages et les douaniers ont dressé leurs barrières. Dans les champs, les ouvriers agricoles et routiers ont arrêté leur travail. La France était paralysée. 20-29 mai : la marée montante

Mais peut-on parler de « grève active »[xxv] ? En dehors des quelques exemples sur lesquels nous reviendrons plus tard, et sans trop nous focaliser sur l’exemple de Renault-Billancourt, il faut dire ceci : les ouvriers ne travaillaient pas, mais ils restaient chez eux. Les usines sont reprises, mais par une poignée d’ouvriers, la plupart du temps des syndicalistes militants (et surtout de la CGT). Ils ont voté quotidiennement pour la poursuite ou non de l’action. Ils sont allés à la recherche de nouvelles ou de fournitures, mais n’ont pas discuté du déménagement ni des mesures à prendre. Ce fut la plus grande grève générale (à son apogée, 9 millions de grévistes sur dix jours) de l’histoire et aussi celle avec la plus faible participation des travailleurs. C’est le paradoxe de mai-juin 1968.

Il en va de même pour les travailleurs agricoles.…[xxvi]

Dispersés dans les campagnes, les ouvriers agricoles avaient traditionnellement du mal à coordonner leurs actions. Cependant, en 1968, la grève a également pris un caractère massif dans ce secteur. Dès le 13 mai, la CFDT (largement majoritaire) et la CGT ont appelé à une solidarité active avec les étudiants. Puis, alors que la grève s’étendait à tout le pays, les travailleurs agricoles de nombreux endroits ont refusé de faire cause commune avec leurs employeurs organisés au sein de la FNSEA ou du MODEF[xxvii]. Ils voulaient se battre pour développer leur terre avec leurs propres revendications. Ils ont exigé :

Un salaire minimum au moins égal à celui de l’industrie, De meilleures conditions de logement, Une régulation du temps de travail, Un régime de retraite qui permettrait une vie décente.

Le mouvement est né dans les grandes fermes valaisannes[xxviii], où un militant CFDT a lancé deux manifestations avec ses compagnons : l’une à Crépy, l’autre au Plessis-Belleville, lieu où, avec l’aide de plus ou moins de trente étudiants, une barricade a été érigée qui traversait la route nationale 2.

Depuis le 24 mai, l’agitation s’étend : 6 000 grévistes en Picardie, 5 000 en Anjou (les ouvriers des vergers défilent aux côtés des ouvriers des usines d’Angers), 2 000 en Provence (notamment les ouvriers forestiers) et 6 000 dans le Languedoc. Dans ces régions, les ouvriers agricoles recherchent le contact avec d’autres salariés plutôt qu’avec d’autres paysans.

Dans le sud-est, en Bretagne et dans les montagnes, où prédomine l’exploitation à petite échelle, il n’y a pas eu de grand mouvement autonome. Là, les petits agriculteurs mènent l’action, mais ce sont les agriculteurs locaux qui peuvent « flanquer » la FNSEA. Partout, les coopératives et les instituts de recherche agricole ont été pris en charge. En 68, les ouvriers agricoles ne sont pas en reste. Le calme revient progressivement dans les fermes à partir du 6 juin.

Crise politique et révolte

De Gaulle[xxix] part en voyage en Roumanie le 14 mai. A son retour le 19 mai, il prononce sa célèbre phrase "La fête est finie", puis "Réforme oui, chaos non !" et annoncé un discours à la radio et à la télévision pour le 24 mai.

Pendant ce temps, Pompidou[xxx] avait fort à faire. Pris au dépourvu par le développement de la grève générale, il doit mettre le maintien de l’ordre en tête de liste. Dans cette situation, sans précédent historique, il devait s’assurer que l’État disposait encore d’une force de police suffisante et qu’en cas de besoin, il pouvait recourir à l’armée pour une intervention rapide. Et pendant ce temps, le mécontentement régnait, également dans les forces de l’ordre. Le gouvernement n’a pas pu réagir immédiatement contre le développement des grèves, même si elles avaient touché des secteurs stratégiques pour l’Etat, comme la poste, les chemins de fer ou le contrôle aérien. Tandis que le bureau Central-Radio, qui maintenait les communications téléphoniques avec les autres pays, Autrefois occupée par la police et confiée à l’armée, le gouvernement n’avait plus assez de forces pour s’emparer de tous les centres de télécommunications provinciaux. L’Etat doit compter sur le civisme des facteurs en grève et attendre désormais l’ouverture de négociations entre les syndicats ouvriers et les organisations patronales.

Dans l’après-midi du 24 mai, de Gaulle prend la parole. La crise est, selon lui, une crise de structure, et sa solution se trouve dans une "participation plus large de tous au déroulement et aux résultats de l’activité qui concerne chacun". Cette conception s’était déjà exprimée maintes fois dans le passé : il n’y avait donc rien de nouveau sur le plan politique.

La méthode était aussi très dans la tradition gaulliste : référendum immédiat ; un chèque en blanc (ou presque) remis au président de la république ; plébiscite. Il s’agissait de court-circuiter toute la « classe politique » et d’appeler à duper le pays : un vote négatif signifiait une vacance du pouvoir et le risque « d’aller, par la guerre civile, vers les aventures les plus détestables et les plus ruineuses ». usurpations ».

Lors des manifestations à la gare de Lyon à Paris, des milliers de mouchoirs ont été sortis des poches ; Les protestants ont dit au revoir à de Gaulle. Dans l’après-midi, l’une des manifestations les plus violentes a eu lieu à Paris ; la même chose s’est produite dans les provinces. Lyon, Strasbourg, Nantes et Paris ont vécu leur plus grande "nuit des barricades", et le lendemain Bordeaux a eu son tour. Il y a eu au total un décès et 500 hospitalisations, dont 144 dans un état grave. Dans tous les cas, le principal slogan lié à l’interdiction de séjour qui a giflé Daniel Cohn-Bendit : "Nous sommes tous des juifs allemands !"

Entre le 22 et le 26 mai, plus d’une centaine de manifestations ouvrières-étudiantes ont eu lieu dans toute la France. Ces manifestations n’avaient aucun caractère systématique ; tout dépendait de la situation locale. Dans certaines villes, des marches "unies, énormes et pacifiques" ont pu avoir lieu tant que l’ambiance restait harmonieuse. A Caen, par exemple, des étudiants ont visité des usines occupées lors d’une marche avant de partir rejoindre un rassemblement intersyndical devant la préfecture. A Marseille, les étudiants ont demandé à être intégrés à la marche de la CGT. Pour ce faire, ils devaient enrouler les toiles portant le nom de Cohn-Bendit, et le service d’ordre de la CGT les séparait des ouvriers. A Clermont-Ferrand, le 25 mai, la cellule syndicale s’effondre en pleine manifestation :

Dans d’autres cas, il n’y avait pas d’unité. A Toulouse, le mouvement du 25 avril[xxxi] dégénère en affrontements sporadiques entre minuit et 4 heures du matin. Le lendemain, sans qu’aucune organisation ne donne le moindre ordre, 300 jeunes attaquent les forces de l’ordre. Aussitôt les étudiants quittent la Sorbonne. Ils semblaient divisés : certains ont rejoint les manifestants ; d’autres ont formé une chaîne et ont tenté de briser le combat. Mais la nouvelle l’annonçait à la radio et en moins d’une heure un millier de jeunes convergèrent vers le Quartier Latin. Ils se sont battus solidement pendant neuf heures et il y a eu plus de 150 blessés. Les objectifs des manifestants sont devenus de plus en plus divers. Il ne s’agissait plus de combattre la police. Ils attaquèrent les cachettes de l’ennemi : bureaux du parti gaulliste, commissariats, préfectures, des mairies et même la bourse ont été attaquées et, dans certains cas, pillées ou incendiées. A Bordeaux, le Grand Théâtre est investi pour la seconde fois. Hormis les bagarres, les vitrines ont été brisées et, à Lyon, place des Cordeliers, un grand magasin a été partiellement pillé.

C’est l’intensité des affrontements qui ont duré longtemps : dix heures à Paris, huit heures à Lyon, sept heures à Nantes le 24 et huit heures à Bordeaux le 25. La police a reçu l’ordre d’éviter tout contact rapproché pour limiter leurs pertes. . Lorsque les manifestants étaient assez nombreux pour occuper un ou plusieurs quartiers d’une ville, ils s’y retranchaient solidement, et c’était un travail long et difficile de les chasser de leurs positions. Seule exception, Strasbourg, où les manifestants n’étaient pas assez nombreux pour occuper le terrain et n’ont pu résister aux charges policières que pendant deux heures.

Partout la violence atteint un sommet où il aurait été difficile d’aller plus loin sans l’usage des armes à feu. Et forcément ce que le gouvernement essayait d’empêcher se produisit : il y eut un mort dans la nuit du 24 mai. René Lacroix, commissaire de police, a eu la poitrine écrasée par un camion rempli de pierres que des manifestants lyonnais ont envoyé à toute allure vers le pont Lafayette afin de dégager la voie. Dans les villes les plus conflictuelles, comme Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Paris, des manifestations ont eu lieu quotidiennement. Les forces de l’ordre ne pouvaient suivre ce rythme effarant, alors qu’il fallait disperser leurs forces dans toute la France pour faire face aux troubles ouvriers et paysans.

La tourmente sur le terrain

Souvent méconnue ou oubliée, la tourmente a également eu lieu dans les campagnes en 1968. Outre la lutte des ouvriers agricoles déjà évoquée (et encore plus oubliée), le monde agricole était en mouvement. Delale et Ragache citent plusieurs exemples[xxxii] :

« De plus, les manifestations ont commencé par un blocage du parti de l’Allier. Ils se sont lentement développés le 24, les régions hardcore se lançant dans l’action avant toute autre chose.

Les formes prises par l’agitation dans les campagnes sont variées. En raison du manque d’essence et des difficultés de communication, il y avait moins de monde que prévu dans les rues et sur les routes. Le nombre total de manifestants paysans dans tout le pays a cependant atteint 200 000.

Dans certains cas, la FNSEA s’est contentée de réunir son conseil départemental et d’appeler à la mobilisation. A Chamalières, près de Clermont-Ferrand, le président de la FNSEA a tenu un briefing en présence du préfet. A Tulle, le MODEF a tenu un meeting de ses membres à huis clos, confisqué les drapeaux rouges, expulsé les citadins et refusé de se joindre au meeting ouvrier qui se déroulait dans la ville.

Alors qu’à Argentan et Besançon les paysans se sont contentés d’une marche de solidarité brève et silencieuse, ailleurs, comme à Limoges, ils ont rejoint les marches unitaires, mais les paysans de quelques régions ont également eu recours à leurs méthodes traditionnelles d’action violente : blocus systématique des routes nationales dans les départements de l’Allier, du Vaucluse et des Landes. En Gironde, des dizaines de poteaux télégraphiques ont été vus tomber au cours de la nuit.

[…] Il y eut aussi des manifestations surprises : 1 000 paysans de Cahors et de Caussac envahirent le petit village de Cajarc dont le maire s’appelait Georges Pompidou. Enfin, il y a eu les attentats contre les bâtiments officiels : la sous-préfecture de Guingamp le 22 (3 porcelets ont été pendus aux barreaux), la préfecture de Rennes le 24, et celle d’Agen, où les paysans ont envahi les locaux officiels et y ont mis le feu avant d’être chassés par la police, qui a dû s’emparer de plusieurs barricades. Au Puy, les manifestants ont été chassés de la place où se trouvait la préfecture et se sont retranchés dans les étals de la foire. Là, des grenades lacrymogènes ont semé la panique et un garçon de dix ans a été grièvement blessé.

A Nantes, les manifestants paysans ont fait la une des journaux : rassemblés en quatre marches aux abords de la ville, le 24 au matin, ils ont « envahi » la ville derrière une immense banderole où l’on pouvait lire « Non au régime capitaliste, oui au régime complet ». révolution de la société ! », et rebaptisa solennellement la Plaza Real en « Plaza del Pueblo ». Certains d’entre eux n’ont pas hésité à se joindre aux réunions d’étudiants et d’ouvriers de nuit qui ont attaqué la préfecture et érigé des dizaines de barricades pendant huit heures.

Les accords de Grenelle

Le 25 mai, à 15 heures, Georges Pompidou ouvre la première réunion de réflexion en présence des patrons (représentés par le CNPF, dont le président est P. Huvelin[xxxiii]) et des syndicats CGT, CFDT, FO, FTC et CGC.

Les syndicats ont souligné que les pourparlers qui avaient été lancés ne portaient que sur des revendications générales et que tout document d’accord devait être complété par une convention collective à tous les niveaux. La CGT pose l’abrogation du règlement de Sécurité sociale d’août 1967 comme un préalable. La CFDT en a ajouté une seconde : l’approbation immédiate d’une loi fondamentale "relative à l’exercice des droits et du pouvoir syndicaux sur le lieu de travail".

L’ordre du jour proposé par les syndicats CGT-CFDT a ensuite été restreint. Les négociations se sont poursuivies en marathons de deux jours avec pour principaux participants le triumvirat Pompidou-Huvelin-Séguy. Quel était le contenu de l’accord ? Étaient :

Augmentation du SMIG [salaire minimum], à 3F de l’heure, le premier juin (ce qui était encore loin du salaire minimum de 600F par mois) Augmentation générale des salaires dans l’industrie privée (7% le premier juin et 3% au premier octobre), La proposition patronale de réduction du temps de travail à 44 heures, La réduction immédiate de la contribution des patients pour frais médicaux de 30 à 25%, Les modalités pratiques d’indemnisation des jours de grève. Il y aurait un avancement immédiat aux ouvriers, qui représentait la moyenne du nombre total d’heures requises.

Au-delà des mesures financières, le succès lui-même revient avant tout aux syndicats. Le gouvernement a promis de voter une loi pour « l’exercice des droits des syndicats dans le travail », qui s’appuierait sur le texte élaboré conjointement par des représentants de FO et de la CFDT. Quant à la CGT, elle s’est presque totalement désintéressée de la question, mais pas du rétablissement d’une échelle mobile des salaires, ni de l’abolition des règlements de la Sécurité sociale.

La CGT décide que G. Séguy présentera les premiers résultats de l’accord à l’assemblée des grévistes de Renault Billancourt le lundi 27 mai 1968 à 7 heures du matin. Partout dans les usines, les grévistes écoutaient à la radio les termes de l’accord définitif. Dans de nombreuses grandes usines, comme Renault-Flins, Renault-Sandouville, Berliet, Sud-Aviation, Rhodiaceta, Citroën, etc., ils ont voté à main levée pour poursuivre la mobilisation : ils espéraient que "les managers se montreraient" et seraient d’accord discuter de toutes les revendications des comités de grève locaux.

Mais l’attention de tous était braquée sur l’émission de radio que la CGT organisait sur l’île Séguin, au centre des usines Renault-Billancourt. Dès 7 heures du matin, 10 000 ouvriers attendaient. A l’insu des journalistes (ils n’étaient pas encore arrivés), l’événement principal s’était produit : selon un rapport du représentant CGT de l’intersyndicale de l’usine, A. Halbeher, la poursuite de la grève avait été décidée. Les dirigeants syndicaux nationaux ont pu s’exprimer. Benoît Frachon[xxxiv] (CGT), qui n’était pas au long meeting de la veille au soir à Grenelle, parlait sans notes et jouait le rôle d’un avocat de la défense, rappelait 1936[xxxv], et s’exclamait : « Les accords de la rue de Le Grenelle offrira à des millions de travailleurs un bel avenir dans lequel ils n’avaient aucun espoir. André Jeanson[xxxvi] de la CFDT se réjouit du vote initial pour la poursuite de la grève et appelle à la solidarité des travailleurs avec les étudiants et lycéens en difficulté. Il a été applaudi. Arrive ensuite George Séguy, qui s’attache à faire un « bilan objectif » de ce qui « a été gagné à Grenelle ». Au début, il y a eu des sifflements et à la fin des huées sérieuses qui ont mis plusieurs minutes à se calmer. Séguy a conclu : « D’après ce que j’entends, je dirais que vous ne vous laisserez pas écraser. Ils l’ont applaudi et les militants du PCF ont scandé « Gouvernement populaire, gouvernement populaire ! qui s’attache à faire un "bilan objectif" de ce qui "a été gagné à Grenelle". Au début, il y a eu des sifflements et à la fin des huées sérieuses qui ont mis plusieurs minutes à se calmer. Séguy a conclu : « D’après ce que j’entends, je dirais que vous ne vous laisserez pas écraser. Ils l’ont applaudi et les militants du PCF ont scandé « Gouvernement populaire, gouvernement populaire ! qui s’attache à faire un "bilan objectif" de ce qui "a été gagné à Grenelle". Au début, il y a eu des sifflements et à la fin des huées sérieuses qui ont mis plusieurs minutes à se calmer. Séguy a conclu : « D’après ce que j’entends, je dirais que vous ne vous laisserez pas écraser. Ils l’ont applaudi et les militants du PCF ont scandé « Gouvernement populaire, gouvernement populaire !

Que peut-on déduire des événements de l’île Seguin ?

Les gauchistes qui voyaient dans les événements de l’assemblée de l’île Seguin, à cette époque ou dans les années suivantes, une forme de radicalisation de la base contre la CGT ont montré, une fois de plus, combien ils étaient simplistes. Halbeher a voté la poursuite de la grève avant que Séguy n’intervienne et c’était la CGT. Mais Frachon était aussi à la CGT et présentait les résultats comme une grande victoire. Et Séguy, qui présentait aussi les faibles résultats du début comme une belle avancée, a toujours été la CGT.

Connaissant la ruse des cadres de l’appareil CGT, on peut dire qu’ils ont prévu toutes les éventualités. Si le peu présenté par Séguy était accepté, tant mieux. S’il n’était pas accepté, la CGT aurait gardé le vote pour le maintien, il n’y aurait pas de problème. L’appareil aurait pu retomber sur ses pieds (et c’est ce qui s’est passé). Mais connaissant les protagonistes, on peut aussi dire que tous, rivaux en coulisses, ont défendu des politiques différentes, représentant les différents courants au sein du PCF.

Quelle est la bonne version ? Nous ne saurons jamais.

Pourtant, le jour de l’annonce radio du meeting de Billancourt, certains militants staliniens (comme chez Alsthom) croyaient déjà que Séguy avait été désavoué à Billancourt. En tout cas, ils ont vite oublié que chez Citroën, Krasucki a été époustouflé par les grévistes lors de la présentation des résultats du Grenelle. Il n’en est pas moins vrai qu’après dix grèves la tendance n’était pas à la reprise du travail. Mais les syndicats ont su agir et ont attendu une semaine avant de commencer à ordonner un retour au travail.

Charléty et après

L’UNEF appelle à une série de grandes manifestations pour le 27 mai dans toute la France, et organise un meeting au stade Charléty à Paris. La CGT a répondu en convoquant 12 meetings, "dans le but d’informer la classe ouvrière et la population sur les résultats des négociations du Grenelle". Il rassemble à peine 10 000 fidèles, alors qu’à Charléty 30 000 personnes écoutent les intervenants de l’« alt-gauche ».

La réunion est volontairement placée sous le « parrainage » des syndicats dont les pires bureaucrates tentent une reconversion, comme M. Laby, patron de la Fédération FO Chimie. Il y avait aussi des représentants, outre l’UNEF et le SNESup, de : la CFDT de Paris, 4 fédérations FO, la FEN, la CAL ou encore le syndicat CGT de l’ORTF. En revanche, certains groupes d’extrême gauche se sont soustraits à la rencontre, dont les objectifs leur paraissaient trop flous. Le mouvement du 22 mars organise parallèlement quelques petites réunions locales, avec l’aide des Comités d’action qu’il anime.

Mais Mendès France[xxxvii], l’ancien président du Conseil des ministres et membre du PSU, attendait en coulisse, à côté du Centre national d’études et de formation, un club qui faisait partie de la FGDS[xxxviii]. Les politiciens ne se sont pas exprimés. Ce sont les syndicats qui ont pris leur place en posant leurs points de vue sur la révolution, la CGT, la « dualité de pouvoir », etc., les uns après les autres, sans s’engager bien au-delà de la responsabilité individuelle ni avancer vers une perspective tangible.

Au final, le meeting de Charléty n’a été qu’un échange, dans lequel leurs bonnes intentions révolutionnaires ont été exposées sans prendre de décision concrète, et une véritable tentative de récupération et de lancement d’hommes politiques alternatifs au PCF, essayant de trouver une légitimité au sein du mouvement.

La CGT reprend l’initiative et donne l’ordre national d’une marche le mercredi 29, qui doit se disperser devant la gare Saint-Lazare. De Gaulle commença à chercher l’appui du général Massu[xxxix], en Allemagne. Les 29 et 30 mai, plus de 60 marches, regroupant plus d’un demi-million de personnes, se sont soulevées en province dans une atmosphère d’unité car la CGT avait localement adouci ses attaques contre l’UNEF. A Paris, quelques étudiants et professeurs se sont joints à la marche ouvrière qui est allée de la Bastille à la gare Saint-Lazare avec 350 000 personnes et cela s’est passé dans le plus grand calme.

Cette démonstration de force, qui pendant trente-six heures a constitué la terreur et le fantasme d’une mesure de force PCF pour certains membres du gouvernement, n’a finalement donné lieu qu’à une relance des négociations au sein de la gauche entre le FGDS et le PCF.

La contre-offensive gaulliste

Le 30 mai à midi, de Gaulle rentre au palais de l’Élysée. A 14h30, il reçoit Pompidou et lui dit « On reste. J’ai cédé à un référendum." Le Premier ministre a demandé au président de dissoudre la Chambre des députés.

A 15 heures, en Conseil des ministres, De Gaulle présente sa position et annonce : "Après les élections, le gouvernement démissionnera". Pompidou s’est rendu compte, malgré ce que le président lui avait dit ce matin-là, qu’il s’agissait de fixer une date pour sa propre expulsion. Le discours a eu lieu à la radio à 16h30. C’était une déclaration combative dans laquelle la philosophie de la participation n’avait pas sa place. Il s’agissait surtout d’organiser une contre-offensive.

La manifestation organisée la veille à l’instigation des « barons » du gaullisme[xl] se réunit une heure plus tard sur la place de la Concorde. Il comptait entre 700 000 et 800 000 participants et était le premier signe que la vague tournait. Le coup psychologique a porté ses fruits, et les partis de gauche l’ont compris. Ils se sont adaptés à la nouvelle situation politique en quelques heures et tout le monde a commencé à se préparer pour les élections législatives.

30 mai au 7 juin : le déclin

Les premiers prélèvements

Au cours des cinq premiers jours de juin, de nombreuses interventions policières ont touché toutes les grandes villes de France. Les cibles prioritaires étaient les bureaux de poste, les centres bancaires, les bureaux des impôts, les dépôts d’essence, les émetteurs ORTF, etc.

Les syndicats ont émis des consignes de retenue : empêcher les briseurs de grève de reprendre le travail, mais pas s’opposer à l’intervention policière. Cependant, il y a eu des incidents à Dijon, Nancy, Metz, Nantes et Rennes, où la poste centrale a dû être évacuée à l’aide de grenades lacrymogènes.

La SNCF posait un problème particulier : elle ne pouvait imaginer un retour au travail sérieux uniquement au niveau local. L’occupation par la police d’un commissariat ou d’un seul dépôt ne pouvait à elle seule entraîner un résultat significatif. Pourtant, le gouvernement comptait sur elle pour se répandre comme une traînée de poudre, en raison de la supposée démoralisation des grévistes. Le 3 juin, à Paris, la police a vidé la gare de Lyon, et dans l’Est celles de Strasbourg, Colmar et Mulhouse. Quelques trains de banlieue sont mis en service pour Strasbourg, mais à Mulhouse les grévistes se couchent sur les voies et réoccupent les cabines de signalisation. A 3 heures du matin, les grévistes réoccupent pacifiquement les gares de Strasbourg et de Mulhouse. Les briseurs de grève démoralisés ont préféré rentrer chez eux.

Même déception aux PTT pour les autorités : à quelques exceptions près, le personnel non gréviste n’a pas suffi à maintenir les niveaux minimaux de sécurité. Chaque matin, ils devaient retourner sous la protection de la police et les moqueries des grévistes rassemblés. Après bien des hésitations, le ministre a reconnu sa défaite et, dans certains cas, a rendu aux piquets les immeubles évacués, à condition qu’ils s’engagent à maintenir un « service minimum d’intérêt public ».

Ainsi, ils ont dû attendre les résultats des grandes négociations qui avaient lieu. Celles-ci se déroulaient dans les cabinets de différents ministres et selon les modalités mises en œuvre lors des accords de Grenelle, ressemblant à de véritables marathons. Dans la plupart des cas, il y a eu une impasse : les syndicats ont exigé une augmentation substantielle de l’enveloppe financière allouée aux nouvelles mesures sociales ; les ministres ont déclaré que cela sortait de leur domaine de compétence.

Retour au travail à la SNCF

Le gouvernement proposa à la SNCF 1 200 millions de francs comme valeur des concessions ; les syndicats voulaient 200 millions supplémentaires. Le gouvernement a accepté dans un ultime effort à la condition que les syndicats ordonnent un retour au travail. Ainsi, il y avait 1400 millions. Les syndicats ont voté entrepôt par entrepôt, poste par poste. L’Alsace-Lorraine était de la partie : le vote du 4 juin a donné une réponse négative massive.

Dans la journée du 5 juin, nouvel arrêté ministériel : toutes les heures perdues seraient considérées comme immédiatement récupérées, le retour du réseau à la normale nécessitant un "effort exceptionnel" de la part des cheminots. Aucun train n’avait circulé depuis près de trois semaines, et il a fallu préparer les voies pour permettre le fonctionnement des signaux lumineux, vérifier si les signaux fonctionnaient, reconstruire les trains dont les wagons avaient été dispersés au hasard dans toute la France par la grève, etc. .

Mais ce dernier "cadeau", qui en 1968 était unique, s’accompagnait d’un élément de chantage : si vous ne reprenez pas le travail le lendemain, la prestation était annulée. Dans la soirée, de nouvelles consultations ont été organisées avec des résultats mitigés : alors que les trains circulaient déjà dans l’Est et que la reprise du travail avait été globalement décidée dans le Nord et à Paris, il y a eu des votes favorables à la poursuite de la mobilisation Ils sont venus du Ouest et Sud.

Les organisations syndicales publient alors un communiqué commun qui leur permet de céder au chantage ministériel tant que l’illusion de « démocratie syndicale » et « d’unité ouvrière » est maintenue. Citant des résultats mitigés avec une faible majorité de retour au travail (bien que les résultats n’aient pas encore été reçus), ils ont appelé à un arrêt complet de la grève. Par ailleurs : "En réponse aux inquiétudes de coordination exprimées par de nombreux militants, les fédérations exigent que les cheminots des centres qui ont décidé de reprendre le travail organisent à l’unisson leur retour dans les prochaines heures."

Au matin du 6 juin, les délégués syndicaux ont pour tâche de liquider la grève coûte que coûte. Ils procédèrent à un nouveau vote parmi les ouvriers obstinés et, lorsque le refus fut obtenu - malgré toutes les pressions - une fois de plus (comme ce fut le cas à Nantes et à la gare de Montpellier), ils décidèrent même alors de revenir, au nom de la « discipline des ouvriers » et « ne pas s’opposer au reste de la France ».

Cette technique de retour forcé au travail a été utilisée dans d’autres branches et a provoqué le dégoût des grévistes les plus impliqués dans l’action. Certains d’entre eux, à certains endroits, ont encouragé la rupture de leurs cartes syndicales. Mais cette réaction diplomatique ne reflétait qu’en partie l’impuissance des grévistes à prendre seuls la grève, en plus de leur isolement.

Reprendre le travail à la RATP

A la RATP, le retour au travail devenait beaucoup plus compliqué. Après le refus de reprendre le travail le 3 juin, de nouvelles enquêtes sont entreprises par la Corporation qui accepte quelques concessions supplémentaires : un budget plus conséquent et des congés payés augmentés d’un jour. Le 5 juin, les entrepôts ont de nouveau voté.

La CGT et les indépendants se sont déclarés sans ambiguïté favorables à la reprise du travail. Le Département confédéral de la CGT n’a-t-il pas dit que « dans tous les lieux où les revendications essentielles ont été satisfaites, l’intérêt des salariés réside à se prononcer en masse pour une reprise unifiée du travail » ? Cependant, une minorité de salariés s’est déclarée favorable à la poursuite déterminée des mobilisations. Le 6 juin au matin, cinq lignes de métro, la station Nation et trois dépôts de bus (dont le dépôt Lebrun dans le XIIIe arrondissement) sont totalement paralysés.

Depuis la veille après-midi, de violentes discussions avaient eu lieu entre les responsables syndicaux et une partie de leurs propres militants, soutenus par de nombreux n’appartenant à aucune organisation et des camarades liés au comité d’action de Censier.

Surtout, la CGT a systématiquement diffusé de la désinformation sur la reprise du travail dans d’autres entrepôts pour contrecarrer les ouvriers récalcitrants et leur faire croire que tel ou tel entrepôt était le seul à vouloir continuer[xli]. On pouvait voir des conducteurs monter dans leur véhicule en pleurant. Mais ce que cela montre, c’est que les liaisons horizontales entre entrepôts n’en étaient qu’à leurs balbutiements et que la CGT était maîtresse de la centralisation. Avec le retour de la RATP à la SNCF, la vie normale en région parisienne pourrait reprendre.

Retour au travail dans d’autres secteurs

Dans les PTT, dans les mines de charbon et métallurgiques de l’Est, dans les raffineries, il a fallu près d’une semaine pour négocier un accord et du temps pour convaincre les ouvriers qu’ils devaient accepter cet accord. Mais depuis le 6 juin, le retour au travail a été accepté par les salariés malgré les grèves sporadiques qui se sont poursuivies pendant quelques jours jusqu’à ce que les patrons utilisent des briseurs de grève et des précaires pour briser les grèves. Dans l’après-midi du vendredi 7 juin, même si la situation était encore loin d’être normale, la France n’était plus vraiment paralysée. Mais les derniers secteurs de grévistes ont été plus résistants au retour des patrons. Ainsi, parmi les enseignants des écoles primaires de Paris, les manifestants ont appelé à un rendez-vous pour la nuit du lundi 10 au marché de l’emploi. Les syndicats ont refusé d’occuper le sac. Mais à l’heure dite, 3 000 professeurs furieux demandent à être entendus. Le retour à la normale dans l’enseignement primaire n’a eu lieu que le 14 juin. Dans de nombreux autres secteurs, tels que la métallurgie, l’électronique et l’industrie du caoutchouc, le conflit ne semble pas s’arrêter. Se sentant encouragées par la vague gaulliste, les chambres de commerce rejettent toute idée de convention collective nationale et tentent, au mieux, de lutter pour une application stricte des accords de Grenelle. Cependant, le régime remporte une victoire psychologique de l’opinion publique : l’essence réapparaît dans les stations-service. Le retour à la normale dans l’enseignement primaire n’a eu lieu que le 14 juin. Dans de nombreux autres secteurs, tels que la métallurgie, l’électronique et l’industrie du caoutchouc, le conflit ne semble pas s’arrêter. Se sentant encouragées par la vague gaulliste, les chambres de commerce rejettent toute idée de convention collective nationale et tentent, au mieux, de lutter pour une application stricte des accords de Grenelle. Cependant, le régime remporte une victoire psychologique de l’opinion publique : l’essence réapparaît dans les stations-service. Le retour à la normale dans l’enseignement primaire n’a eu lieu que le 14 juin. Dans de nombreux autres secteurs, tels que la métallurgie, l’électronique et l’industrie du caoutchouc, le conflit ne semble pas s’arrêter. Se sentant encouragées par la vague gaulliste, les chambres de commerce rejettent toute idée de convention collective nationale et tentent, au mieux, de lutter pour une application stricte des accords de Grenelle. Cependant, le régime remporte une victoire psychologique de l’opinion publique : l’essence réapparaît dans les stations-service. dans le meilleur des cas, se battre pour une application stricte des accords de Grenelle. Cependant, le régime remporte une victoire psychologique de l’opinion publique : l’essence réapparaît dans les stations-service. dans le meilleur des cas, se battre pour une application stricte des accords de Grenelle. Cependant, le régime remporte une victoire psychologique de l’opinion publique : l’essence réapparaît dans les stations-service.

Blocage des réservoirs de carburant

En région parisienne, trois complexes assurent l’approvisionnement en essence : le port de Gennevilliers, Villenueve le Roi/Choisy et Colombes. Dès le 21 mai, les dépôts de Gennevilliers (Mobil, Elf, Antar et SITESC) sont occupés, avec Total à Saint-Ouen, Antar à Villeneuve et Desmarais à Colombes. Le 23 mai, des grévistes tentent de prendre d’assaut la raffinerie Shell de Nanterre sans succès, malgré la destruction de câbles téléphoniques. Mais dans les faits, à l’exception du SINTESC à Gennevilliers, les principaux gisements pétroliers étaient protégés par des piquets très faibles (Total Saint-Ouen) ou par aucun piquet (Antar Gennevilliers, Mobil Gennevilliers, Total Colombes).

Testimonio : El CA Montreuil

La création du Comité d’action de Montreuil

J’ai fini par quitter la JCR. Pendant un an et demi j’ai travaillé à l’AFTAM (Association pour l’Accueil et la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches) en tant que responsable d’un foyer pour travailleurs migrants (Maliens et Sénégalais originaires de la région de Kayes, à l’ouest du Mali). Avec une amie psychologue du bureau central de l’AFTAM (où elle faisait de l’alphabétisation), nous avons créé la section CGT.

Des réunions des futurs militants du Comité d’action de Montreuil avaient souvent lieu dans cette auberge aux côtés de sérigraphies et d’affiches disant des choses comme « La bourgeoisie a peur ».

Le 3 mai, j’ai entendu à la radio qu’une violente manifestation étudiante allait avoir lieu au Quartier Latin dans l’après-midi. J’ai volé jusqu’au boulevard Saint-Germain à côté de la place Maubert et j’ai vu la façade d’un immeuble en feu et des décombres partout. Le but de la manifestation était de défendre les universitaires punis d’expulsion pour avoir occupé le complexe de l’Université de Nanterre. La demande initiale était que les garçons aient le droit de visiter le bâtiment des filles et évidemment vice versa. Deux ou trois jours plus tard, je faisais à nouveau partie d’une nouvelle marche. Je n’ai jamais vu des gens aussi déterminés et préparés à affronter la police, qui se repliait souvent sur le boulevard Saint-Germian, qui était bloqué par les CRS et deux canons à eau – nous avions attaqué et pris de force une de ces voitures. Plus tard, nous avons attaqué la police avec toutes sortes de projectiles. Bien sûr, nous avons utilisé des bouts de trottoir, mais aussi des bombes fumigènes et des grenades éclair qui ont été rendues à la police (certaines personnes ont été gravement blessées aux mains à ces occasions).

Nous l’avons vécu comme s’il s’agissait vraiment d’une fête, après de nombreuses années à nous courber devant l’État gaulliste et sa police : à commencer par le même coup d’État gaulliste de 1958, puis la répression de la révolte algérienne et les manifestations contre la guerre d’Algérie . Le seul mouvement réussi avait été la grève des mineurs de charbon pour refuser le travail forcé en 1963, qui commençait à être vécue comme une victoire ! et l’anti-impérialisme, mais aussi comme préparation à la révolution.

Par conséquent, dans ces premiers jours jusqu’au 10 mai, les marches ont eu lieu presque tous les jours. Malgré les nombreux blessés, nous avions le sentiment de descendre dans la rue, de nous faire respecter et enfin nous espérions que cela déboucherait sur quelque chose, quelque chose dont nous avons commencé à discuter dans la rue et après les marches. Le socialisme semblait possible. Pour moi et bien d’autres ? Il y avait une pression croissante depuis dix ans qui a fini par exploser et sans le contrôle des staliniens, réformistes et autres organisateurs professionnels.

Au terme d’une marche très mouvementée vers Montparnasse, nous avons coordonné l’évasion de la police avec deux jeunes menuisiers rencontrés dans la voiture (Roland et Michel). Ils vivaient à Rosny sous Bois à côté de Montreuil, et nous avons décidé de nous revoir le lendemain pour discuter politique et aller à nouveau ensemble aux manifestations. Ils sont venus à la première rencontre avec deux autres amis, un plombier et un autre menuisier (Little Swiss et Yoyo).

Après la réoccupation de la Sorbonne par les étudiants, quelques futurs gauchistes et l’UNEF (dont certains soulèveront plus tard Libération) lancent une tentative de formation de comités d’action. J’ai écrit mon nom et mon adresse sur l’une des listes au cœur de la Sorbonne et des garçons et des filles ont commencé à venir me voir à l’auberge. A Montreuil, il y avait initialement deux comités d’action qui ont rapidement fusionné. L’un des comités était dirigé par des militants de la JCR. Le comité dont je faisais partie comptait entre 20 et 30 personnes et les militants de base n’ont pas compris pourquoi il y avait deux CA, alors ils ont fusionné au bout de quelques jours. Fin mai ou en juin, certaines plénières rassemblaient une centaine de personnes.

Quelles étaient les activités des membres des Comités d’action ?

Nous étions actifs à Montreuil et certains des membres de notre comité de Montreuil venaient pour cela de Rosny, mais nous n’avons jamais cherché à toucher des gens d’ailleurs, ce qui me paraît incroyable aujourd’hui. En général, nous étions assez naïfs pour croire que la faiblesse du mouvement - le manque de relations avec les ouvriers de l’usine (qui étaient nombreux à l’époque à Montreuil), le manque d’évolution politique et l’absence d’organisation que s’il n’était pas militaire, il constituerait au moins un service d’ordre – il se résoudrait au cours du développement des mobilisations que l’on pensait durer des années plutôt que des mois.

J’écoutais beaucoup la radio. A chaque newsletter, nous apprenions que de nouveaux lieux de travail, après la grande manifestation du 13 mai, se mettaient en grève et cela nous maintenait le moral.

Tout ce qu’il savait, c’était que ce ne serait pas exactement un pique-nique. Une nuit, je montai dans la voiture avec l’intention d’aller voir les usines situées entre Pantin et la banlieue nord-est (route nationale 3). Je suis allé aux portes de 5 ou 6 usines et à chaque fois j’arrivais plein d’enthousiasme. A l’intérieur, j’ai croisé les délégués CGT, probablement des membres du PCF. Il était impossible d’entrer dans les usines et de discuter avec les grévistes. Je me rendis compte que les usines n’étaient pas occupées et que l’ambiance n’était pas si terrible : ce n’était pas 1936. J’espérais que les marches viendraient briser ce blocus.

Personnellement, et aussi en tant que représentant du comité, j’ai vu des comités d’action à Paris et ça m’a tout de suite énervé, alors j’y suis allée le moins possible. Il devait au moins aller chercher les journaux et les brochures. J’ai quitté les réunions régulières de coordination des CA et personne d’autre n’était là pour nous représenter. En fait, personne ne voulait vraiment se mêler de politique et affronter les ennemis de la gauche. Le comité d’action était composé de travailleurs mais il s’agissait toujours de personnes isolées, qui ne représentaient pas un groupe sur leur lieu de travail ou seulement si leur lieu de travail était petit, etc. C’étaient pour la plupart des camarades anarchistes - l’un d’eux (Roland) avait des contacts avec la Fédération anarchiste (FA). On avait aussi Princet, un autre anarch qui a pavé de métier, un peu vieux pour nos 20-25 ans (le dicton de notre vieux est devenu : "c’est le reflux"), une secrétaire du MNEF (Mutuelle étudiante), Michelle –coordinatrice chez Léo Lagrange[xlii] –et une technicienne de Roussel-Uclaf, à Romainville, qui avait participé à la Résistance pendant la guerre en Corrèze. Il y avait aussi des professeurs et des étudiants.

Nous essayons surtout de contacter les lieux de travail qu’ils soient à Montreuil ou ailleurs. Il y avait un lieu de travail qui faisait beaucoup de télévision, Grandin, certainement très important. Nous pouvions facilement discuter avec les travailleurs devant la porte, mais nous ne pouvions pas entrer et participer à leurs réunions. Le CA veut mener des actions communes avec les ouvriers de Grandin, mais la CGT et les maoïstes tentent d’éviter tout contact. Nous pensions qu’il était très négatif d’avoir des confrontations verbales (ou pire) aux portes de l’usine. Nous n’étions certainement pas si persistants et rester à la porte comme des patelles n’était pas dans notre intérêt.

Nous n’avions nullement de contacts soutenus et politiques avec les ouvriers des grandes usines, indépendants des syndicats.

En fait, à Montreuil comme ailleurs, si les ouvriers eux-mêmes n’ont pas voulu s’organiser, l’activité des militants venus d’ailleurs (tracts, affiches ou meetings) n’a rien donné tant que les prolétaires ont continué à faire confiance aux syndicats et aux partis de gauche. . .

Nos liens avec la population générale étaient également assez superficiels. Nous nous sommes beaucoup disputés avec les personnes qui demandaient à discuter à ce moment-là. Dans certaines grandes marches, nous pouvions entraîner 200, 300 ou même 400 personnes. Honnêtement, il était content de parler aux gens, mais il était trop calme et dès qu’on s’est approché de la police on a préféré sentir les gaz lacrymogènes et l’essence des cocktails Molotov.

Quelle organisation ou quel manque d’organisation ?

Deux, trois et quatre fois par semaine, il y avait une nouvelle édition du journal Acción. La presse des CA était vendue presque tous les jours. On allait chercher une pile de 100 exemplaires dans le Quartier Latin et on les vendait tous en une heure, généralement devant la mairie de Montreuil, et les tankies [surnom donné aux membres du parti communiste]. N. del T.] ne nous a jamais dérangés. Le 13 mai, pendant la marche d’une journée, j’ai vendu sept piles de 100 journaux Accion (700 exemplaires) par moi-même. J’ai sauvé quelques éditions d’Acción et, en les relisant, le contenu était très réformiste, certaines pages parlaient de théorie marxiste ou, au début, tout le journal parlait de répression : un mélange amusant. Ce n’était pas un bon journal de propagande ou de réflexion, et à l’époque on ne s’en rendait pas compte. Nous n’avons pas écrit d’articles pour Action, personne ne nous a demandé et personne n’a voulu essayer de s’impliquer dans le montage. Le journal nous servait surtout de moyen de discussion avec les passants et nous y travaillions très bien. On allait chercher les affiches Beaux-Arts[xliv] et on faisait aussi des affiches locales avec sérigraphie et nos propres textes. Cela ressemblait à un pamphlet et je me souviens encore des titres : « La bourgeoisie a peur » et du second, « La bourgeoisie a encore peur », juste avant les vacances, sans doute, fin juillet.

Certains matins, nous distribuions des dépliants CA, d’autres matins ou soirs, nous collions des affiches. Nous n’avons jamais eu de problèmes, sauf avec une brigade gaulliste fin juin, lors des élections. Il n’y avait pas de leaders, juste certaines personnes qui faisaient plus que d’autres. Il m’a semblé que j’avais une activité de rencontre et de coordination avec une amie, Sylvia, Roland L., technicien de Roussel, une femme qui encourageait, etc. De manière informelle ou organisée, nous sortions deux ou plusieurs fois par jour, selon les besoins de l’action. Nous étions certainement des militants. Nous pensions que c’était maintenant ou jamais.

On est passé d’une trentaine de membres ou quelque chose comme ça à une centaine dans une plénière qui se déroulait dans une salle de réunion protestante. Bien que la plupart des jours douze ou quinze d’entre nous aient fait quelques actions, les autres n’allaient qu’à des marches et c’était tout ce qui était servi « au menu ». Presque chaque jour, les réunions avaient lieu chez quelqu’un ou dans un café. Nous avons discuté de la situation politique actuelle et décidé si nous allions participer aux actions de tous les comités d’action. Il n’y avait ni secrétaire, ni trésorier, ni charges privées. Les décisions étaient prises à la majorité mais nous avons souvent essayé de trouver l’unanimité. Les discussions portaient souvent sur des questions pratiques et il n’y avait pas de désaccords majeurs en dehors de ceux entre les militants organisés venus vendre leur marque particulière de maoïsme ou de trotskysme. Les maoïstes venaient pêcher (sans succès, comme partout ailleurs) tandis que les trotsks étaient plus subtils ; au moins deux ont participé et ont convaincu un collègue et un bulletin d’information d’un lieu de travail.

Nous sommes également allés soutenir le piquet de grève des salariés au grand magasin Printemps, entre Nation et Vincennes.

Fin juin, nous avons contacté quelqu’un au Krema Hollywood (usine de bonbons). La mère d’une femme qui faisait partie du comité d’action travaillait dans cette entreprise. Avec elle et un ou deux autres travailleurs, nous avons créé un bulletin d’information pour les travailleurs du Krema. Nous avons critiqué les politiques salariales du lieu et les conditions et la sécurité du travail. L’un des problèmes était la santé, en particulier pour les femmes qui devaient nettoyer les machines tous les matins avec des produits puissants et dangereux. Parfois, ils s’évanouissaient. Nous avons écrit le bulletin en nous inspirant du fait que nous parlions aux travailleurs, alors qu’eux-mêmes n’écrivaient rien. Ils étaient distribués à la porte tandis que les ouvriers les distribuaient secrètement à l’intérieur.

Pendant ces deux ou trois mois, nous avons eu l’impression que les deux seules forces politiques à Montreuil étaient le PCF et le CA. C’était un spectacle. Nous n’avions pas de contacts avec le PCF et nous n’avons pas essayé d’en avoir, encore moins de proposer des actions communes. A Montreuil, le jour du discours de de Gaulle annonçant son référendum, le PCF appelle à une marche locale pour empêcher les gens de se rendre à la Bastille. Par chance, les deux marches, celle du PCF et celle du CA qui se rendait à Paris, se sont croisées. Ils étaient presque de la même taille. Il n’y a pas eu de conflits ni d’insultes, mais chacun a suivi son propre chemin.

Nous trouvions que les membres du PCF étaient facilement dupes, mais, dans notre optimisme, nous espérions et pensions que les militants du PCF et de la CGT perdraient bientôt leurs œillères, que les prolétaires feraient ce que faisaient les étudiants.

Lors des élections législatives de fin juin, nous avons mené une campagne d’abstention modérément active : « Les élections sont un piège à cons » était notre slogan. Le jour des élections, nous sommes allés pêcher dans la campagne avec quelques amis du CA et, à notre retour, nous sommes allés provoquer les gens du PCF dans les bureaux de vote avec nos cannes à pêche. Ils étaient vraiment en colère et ne pouvaient pas nous enlever nos roseaux, mais les ouvriers de Montreuil et de Rosny ont voté, et en grand nombre !

Un après-midi, le 17 mai, les comités d’action ont convoqué une visite chez Renault. Sur l’île Seguin, nous avons chanté une ballade et essayé de discuter avec des ouvriers, mais les portes étaient toujours verrouillées et il n’y avait aucun contact. Nous sommes allés un autre jour début juin à Flins : cette fois la police nous attendait et bien sûr le trajet a fait un détour par quelques champs…

J’ai été convoqué par la police début juillet. Il avait défiguré "Après février, octobre !" sur le mur de la maison de quelqu’un qui ne l’appréciait pas. Il se souvenait de mon numéro de plaque d’immatriculation, et il avait agi seul, en plein jour et dans ma voiture. Début juillet on avait déjà pensé que le mouvement s’était momentanément calmé, mais qu’il reprendrait à l’automne.

Ce qui s’est passé à Montreuil n’est pas isolé du reste de la situation. Le 10 mai, le soir des barricades, le boulevard Saint-Michel était bondé de monde et j’ai eu l’occasion de discuter avec de nombreux jeunes travailleurs. Je n’avais pas de stratégie en tête, mais j’étais content. On sortait de dix ans de gaullisme protégé partout et du PCF qui bloquait tout à la classe ouvrière. Pendant les journées de mai et de juin, on a même pu voir une grande fenêtre s’ouvrir sur le futur !

Nous ne savions pas que le PCF avait encore assez de force pour refermer la fenêtre, même s’il devait y mourir et ne plus jamais pouvoir passer pour un parti révolutionnaire ; ni que la bourgeoisie moderniste avait assez de tours dans son sac pour re-cadenasser ladite fenêtre avec l’aide d’anciennes vedettes « 68istes ».

En septembre 1968, j’ai participé à une marche contre le massacre de la Plaza de las Tres Culturas qui s’est produit pendant les Jeux Olympiques au Mexique. Alors que quelques semaines plus tôt nous aurions été prêts à insulter la police, nous avons lancé des centaines d’incitations sans aucune réaction. Un collègue est arrivé avec des pics dans sa voiture. Personne ne voulait les emmener au combat. Les piloris ont fini par être jetés dans le caniveau. C’était comme si l’atmosphère de Mai 68 avait complètement disparu.

En décembre 1968, un peu agacé, je suis allé à Madagascar pour être un « développeur culturel » [développant essentiellement des activités culturelles et de développement comme l’alphabétisation, par exemple. N. del T.] (nous étions quatre du CA Montreuil) et nous ne sommes rentrés en France qu’en janvier 1971 avec l’idée de donner un coup de main à Lutte Ouvrière, faute de mieux à faire.

Traduit en espagnol par Valentin Truijillo.

Acronymes utilisés dans le texte

Fédération syndicale « modérée » Fondée en 1948 par scission de la CGT, elle était organisée par des représentants des États-Unis et composée d’un curieux mélange de socialistes de droite, de syndicalistes « purs », de trotskystes et d’anarcho-syndicalistes. . JCR Jeunesses communistes révolutionnaires (Jeunesse communiste révolutionnaire – organisation trotskiste/guévariste) Elle a été créée en 1966 par des personnes issues des organisations étudiantes et de jeunesse du PCF et des trotskistes appartenant à la Quatrième Internationale (tendance mandéliste). Elle a été dissoute par le gouvernement en juin 1968, devenant plus tard la Ligue communiste (LC). JOC Jeunesse ouvrière chrétienne. LCR Ligue Communiste Révolutionnaire. Fondée en 1973 après la dissolution du LC (voir ci-dessus) après la manifestation de masse à Paris contre le groupe d’extrême droite Ordre Nouveau, au cours de laquelle les manifestants ont violemment et avec succès affronté la police. Il est affilié à la Quatrième Internationale (tendance Mandelista) et aux élections, il soutient toujours la gauche officielle. LO Lutte Ouvrière (Lutte Ouvrière – Parti Trotskyste qui existe encore aujourd’hui). En 1940, un militant trotskyste roumain vivant en France refuse de rejoindre la Quatrième Internationale française parce qu’elle est « petite bourgeoise » dans ses méthodes d’organisation. Ce militant (Barta, alias David Korner) était le fondateur de l’UC (Union Communiste). Ce groupuscule mène un combat à Renault Billancourt en avril et mai 1947 contre la domination stalinienne du syndicat. l’un du PCF et l’autre de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). Une fois inséré dans certaines usines, en 1968, il tenta de remplir un rôle de liaison entre le mouvement, les organisations de gauche et la gauche pro-gouvernementale. PTT Postes, Télégraphes, Téléphones (poste, télégraphe, téléphone - monopole d’État du courrier et des communications). RATP Régie autonome des transports parisiens (Société Publique Autonome des Transports Parisiens) RTL Radio, Télévision Luxembourg (Radio Télévision Luxembourg.

Notes [i] Comme celles sur les violences « ouvrières » exagérant les exemples de Renault Flins et Peugeout Sochaux, ou celles sur l’auto-organisation exaltant les « comités centraux de grève », etc. Mais aujourd’hui, quarante ans plus tard, il ne reste rien des grèves ouvrières dans les publications d’aujourd’hui.

[ii] Georges Marchais (1920-1997), ouvrier mécanique et militant PCF depuis 1947. Il gravit la hiérarchie de l’appareil bureaucratique, d’abord de la CGT, puis du PCF. Membre du Comité central en 1956, puis de la direction politique en 1959 et enfin secrétaire de l’organisation en 1961. C’est un produit typique du stalinisme, un homme qui doit beaucoup à l’appareil. Il devient secrétaire général du PCF en 1972 jusqu’en 1994. En 1968, il est le plus limité des dirigeants du PCF dans ses accusations contre les étudiants.

[iii] Daniel Cohn-Bendit (1945-). En 1968, il est étudiant militant à Nanterre et proche du magazine « Noir et rouge ». Symbole du mouvement étudiant.

[iv] Faculté des sciences, située dans d’anciens marchés aux vins.

[v] Alain Geismar (1939-), secrétaire national du SNESup en 1968.

[vi] Jacques Sauvageot (1943-), alors membre du PSU et vice-président de l’UNEF depuis le début de 1968.

[vii] En 1968, il y avait une radio publique nationale (France Inter) et deux radios privées (Europe 1 et RTL) situées hors de France.

[viii] Avec une très forte participation tant à Paris qu’en province.

[ix] D’après le témoignage relatif à Paris Austerlitz.

[x] Delale et Ragache pointent le premier cas d’une reprise d’usine, Wisco à Givet, dans les Ardennes, où le patron a refusé d’appliquer un traité collectif régional à partir d’avril : « Les ouvriers ont répondu par une série d’arrêts sans résultat . Le 9 mai, ils décident de s’emparer de l’usine par surprise : à 2 heures du matin, les piquets prennent position. Le patron a alors appelé deux unités de gendarmes et l’huissier. En réponse, les grévistes se retranchent dans le bâtiment (des syndicalistes de la CFDT, de la CGT et de la FEN défilent pour leur apporter leur soutien). L’affrontement a duré deux jours. Craignant des troubles, le préfet fait appliquer la convention par le patron, et les premiers "occupants" rentrent victorieux chez eux le 10 mai, à 21h30.

[xi] En janvier 1968, Sud-Aviation Bouguenais employait 2 682 ouvriers, dont 1 793 ouvriers à l’heure et 831 ouvriers et techniciens salariés.

[xii] Pour plus de détails, consultez : www.mondialisme.org

[xiii] L’usine a été construite récemment (1958) et installée dans une zone rurale où les industries traditionnelles (comme le textile à Elbeuf) se sont rapidement perdues. Elle employait 5 200 personnes, dont 750 sous-traitants. Le taux de syndicalisation était de 18 % (la moyenne nationale était de 22 %), il y avait 11 % de travailleurs immigrés et 1 600 de moins de 25 ans. La plupart des travailleurs n’étaient pas qualifiés et il y avait 95 types de salaire horaire différents ! L’usine produisait des moteurs et des boîtes de vitesses.

[xiv] Construite en 1952, l’usine de Flins, qui recrutait essentiellement des ruraux, était connue pour la dureté de son régime. Surtout, c’est là que Renault a mis en pratique le principe du salaire travaillé, avant sa généralisation dans tous les établissements. Selon ce principe, un travailleur est payé en fonction du travail qu’il effectue, et non en fonction de sa qualification. Le salaire travaillé avait alors un double effet : une division infinie dans les situations particulières des ouvriers, et le pouvoir renforcé du patron, qui pouvait soit changer le travail d’un ouvrier en celui d’un voyou, soit le promouvoir. L’usine employait environ 10 500 ouvriers au début de l’année et 12 300 à la fin. L’année 1968 est également marquée par le passage au travail en deux équipes de 8 heures.

[xv] Selon Aimé Halbeher (voir n°34, avril 1998, « Un début modeste dans la “forteresse ouvrière” ») : « Chez Renault, le mouvement de grève a commencé le matin du 16 mai à Cléon, puis au Branche du Mans. A Billancourt, après avoir entendu à la radio ce qui s’est passé, nous avons convoqué une réunion sur l’île Seguin et nous étions des milliers parmi quelque 35 000 travailleurs. Environ un millier d’entre nous occupons l’île Seguin. On l’a pris le soir, mais ce n’était pas pour se décider à la place des garçons, on l’a occupé pour éviter la fermeture par les patrons. Le soir, quelques centaines de salariés nous ont rejoints après s’être fait une idée de l’évolution du mouvement à la radio. Le 17 à 6 heures du matin, ils ont ouvert les portes des équipes qui venaient travailler et ont fixé un lieu pour une réunion sur l’île Seguin à 10 heures. Il y avait beaucoup de gens là-bas. La CGT était très majoritaire dans l’usine, mais elle avait cherché à s’allier au plus vite. Dans la nuit, ils rejoignent FO et la CFDT et appellent ensemble à la grève.

Une grève massivement votée chaque matin

Ils n’ont pas appelé à une grève illimitée, mais à une grève renouvelable avec occupation, votée en assemblée générale chaque matin. C’était une nouvelle approche. Ils ont décidé de prendre un week-end vendredi pour donner à la direction le temps d’ouvrir des négociations sans perturber sérieusement la production. Des comités de grève sont créés par section et par atelier, chacun réalisant son cahier de revendications. La direction n’a donné aucun signe de vie. Lundi, il y a eu un nouveau meeting de masse au cours duquel les trois organisations syndicales ont proposé de poursuivre la grève renouvelable, qui a été votée en masse chaque matin.

Chaudes journées pour la première rencontre étudiant-travailleur

La première nuit où les radios ont diffusé le slogan que les étudiants vont dans les usines pour montrer leur solidarité avec les travailleurs, nous avons appelé les étudiants à ne pas venir. Nous ne voulions pas donner à la police une excuse pour intervenir. Les élèves n’ont pas compris que nous leur refusions l’entrée. Ce fut la première confrontation ouvrier-étudiant. Je suis sûr que si nous avions laissé entrer les étudiants, le lendemain les ouvriers ne seraient pas rentrés dans l’usine pour l’occuper avec nous. En ces chaudes journées de mai, nous allions souvent en délégation à Nanterre. J’ai même invité Sauvageot à débattre sur la Place Nationale autour des thèmes du « pouvoir ouvrier » et du « pouvoir étudiant ». Ils ont refusé de débattre, mais ils ont organisé un débat auquel je suis allé au milieu de la nuit. C’était un monde fou. Sauvageot n’était pas présent. J’ai expliqué les droits qu’on avait déjà chez Renault et que leurs slogans de cogestion n’apportaient pas quelque chose de très cool qu’on ne savait pas avant, et que tout ça n’était pas très révolutionnaire. Nous avons eu des débats comme celui-ci tout au long de la grève.

[xvi] En 1968, Billancourt compte 38 230 salariés. L’usine Renault, en 1968, couvrait une superficie de 2 km2 répartis sur la ville de Boulogne-Billancourt (1,8 km2), l’île Seguin (0,12 km2) et la ville de Meudon (0,08 km2).

[xvii] Parti Communiste Internationaliste [N. du T.]

[xviii] Voir la note précédente sur les paroles du même.

[xix] Ver M. Seidman, « La révolution imaginaire », p. 169

[xx] André Bergeron (1922-), ouvrier imprimeur, syndicaliste et socialiste avant la Seconde Guerre mondiale. Il participe à la scission de la CGT en 1948. Secrétaire général de FO de 1963 à 1989.

[xxi] Georges Séguy (1927-), typographe, jeune militant PC, déporté à Mauthausen en 1944. A partir de 1945, il travaille à la SNCF et monte dans la hiérarchie de la CGT (dirigeant de la Fédération des chemins de fer de 1954 à 1965, général secrétaire de 1967 à 1982) et du PCF (il entre au comité central en 1954 et à la direction politique de 1956 à 1982.)

[xxii] Rappelons que jusqu’alors, travailler le samedi (ou un samedi sur deux) était normal.

[xxiii] Suburbio de Paris (20 km al noroeste).

[xxiv] Une des gares principales de Paris.

[xxv] Les militants du CATE Censier étaient conscients de ce problème et appelaient à la « grève active » dans leurs pamphlets, ce qui prouve qu’elle n’était pas active.

[xxvi] Ver Delale y Ragache, pp 89

[xxvii] MODEF : Mouvement de Défense des Exploitations Familiales, un sindicato agricultor muy cercano al PCF.

[xxviii] Valois : région agricole très riche au nord-est de Paris (entre 40 et 100 km), dans l’Oise et l’Aisne

[xxix] Charles de Gaulle (1890-1970) Président de la France de 1958 à 1969. Colonel en 1939, chef de la résistance bourgeoise de 1940-1944, chef du gouvernement de 1944-1946. Artisan de la décolonisation, il a mis fin à la guerre d’Algérie (1954-1962).

[xxx] Georges Pompidou (1911-1974) Premier ministre du gouvernement de Gaulle (1962-1968) et président de 1969 à 1974.

[xxxi] Souvent présentées comme le pendant toulousain du mouvement du 22 mars à Nanterre, la CFDT et le CNJA appellent à manifester le 24. La mairie est pacifiquement envahie par la foule qui fraternise avec les employés municipaux en grève. Le lendemain, la CGT a mené sa propre marche, toute seule.

[xxxii] Printemps pp. 99 – 100

[xxxiii] Paul Huvelin (1902 – 1995), PDG de l’usine de pneumatiques Kléber Colombes et secrétaire du CNPF de 1966 à 1972.

[xxxiv] Benoît Frachon (1893-1975), métallurgiste et anarcho-syndicaliste jusqu’en 1919. Plus tard, il fut membre du PCF et de la CGTU (la CGTU fut le syndicat stalinien de 1921 à 1936). Il se consacre au travail politique du PCF à partir de 1928, dirigeant clandestin pendant la guerre et dirigeant de la CGT de 1948 à 1967.

[xxxv] En 1936, après la vague spontanée de grèves de mai et juin, le premier ministre socialiste récemment élu Léon Blum (du gouvernement du « front populaire », avec le soutien du stalinisme) tient une réunion avec les groupes patronaux et la CGT ( représenté par Léon Jouhaux et Benoît Frachon). Cette réunion a abouti aux « Accords de Matignon » le 7 juin, considérés par tous les participants comme une victoire pour les travailleurs et une avancée du progrès social : 40 heures hebdomadaires de travail, deux semaines de congés payés, entre la 7e et 15 % d’augmentation des salaires (et le SMIC par branche a augmenté jusqu’à 35 %), la reconnaissance des délégués syndicaux de base, etc. La vérité est que c’était une arme contre les luttes ouvrières pour les faire retourner au travail. R) Oui, En 68, Frachon veut profiter du passé glorieux pour présenter les accords de Grenelle aux ouvriers de Renault comme une victoire. [N. du T.]

[xxxvi] André Jeanson (1911-1994), employé de l’État, membre du syndicat chrétien CFTC à partir de 1937 et président de la fédération des salariés (1951-1967). Leader du courant de déconfessionnalisation de la CFTC, il fut l’un des fondateurs de la CFDT (1964) puis son secrétaire national (1967-1970).

[xxxvii] Pierre Mendès-france (1907-1982), avocat (le plus jeune de France en 1928), militant du parti radical et député (1928). Il soutient le gouvernement du Front populaire et devient secrétaire d’État dans le gouvernement Blum (1938) ; Il a été président du conseil (1954-1955) du gouvernement de centre-gauche qui a mis fin à la guerre d’Indochine.

[xxxviii] FGDS : Fédération de la Gauche démocratique et socialiste, regroupement électoral autour de la SFIO, du Parti radical et de plusieurs formations « de gauche » face au résultat de la candidature de Mitterrand en décembre 1965.

[xxxix] Jacques Massu (1908-2002), gaulliste pendant la guerre mondiale ; Général en chef des forces françaises d’occupation en Allemagne (1966-1969). Il remporte la bataille d’Alger (1957-1958) contre le FLN officialisant la pratique de la torture.

[xl] Debré, Malraux, Mesmer, Guichard, etc. Dirigeants gaullistes « historiques » et membres du gouvernement Pompidou. Lien connexe : http://rojoynegrocel.wordpress.com

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