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Grèves des ouvriers du textile au Bangladesh

vendredi 27 août 2010

Le journal patronal Les Echos écrit : "Ces événements peuvent nous paraître lointains, mais ils nous concernent pourtant directement."

On peur lire également dans la presse :

Après la Chine où l’on a vu apparaître des mouvements de grève très durs notamment dans les usines de construction automobile c’est le Bangladesh qui s’enflamme.Les 800 000 ouvriers travaillant dans 700 usines textiles situées au Bangladesh, qui étaient en grève depuis le 19 juin pour réclamer des salaires plus élevés, ont repris le travail mercredi 23 juin. Le mouvement avait provoqué de violentes manifestations, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes et réprimées par les forces de l’ordre.

Mardi, dans la zone industrielle d’Ashulia, au nord de Dacca, la police anti-émeute a tiré des balles en caoutchouc et des bombes lacrymogènes sur les manifestants pour les disperser. Pour la quatrième journée consécutive, ils avaient érigé des barricades avec de vieux pneus, mis le feu à des camions, et lancé des projectiles sur les forces de l’ordre.

Ces mouvements ont créé un "climat de panique et d’anarchie", avec le saccage d’une cinquantaine d’usines, empêchant de livrer des commandes à temps, selon le patronat des fabricants et des exportateurs de textile (BGMEA). Celui-ci avait décidé le même jour la fermeture de ces usines jusqu’à nouvel ordre.

Après des mois de grèves et de manifestations pour réclamer l’augmentation de leurs salaires, ces ouvriers, les moins payés du monde dans leur secteur, et qui travaillent pour des grandes marques occidentales, le gouvernement, après une longue sourde oreille, a fini par leur proposer une légère augmentation qu’ils refusent d’emblée.

Sous la pression d’un conflit qui dure et des manifestations violentes qui commencent à s’étendre à l’extérieur de Dacca, le gouvernement, patronat et syndicats ont décidé, à l’issue d’une négociation, de faire passer le salaire mensuel de ces ouvriers du textile de 1.662 takas par mois (19,1 euros) , salaire le plus bas du monde encore une fois, à 3.000 takas (34,5 euros). Décision jugé insuffisante à la fois par les ouvriers et les syndicats, et ils réclament 5.000 takas par mois (55,9 euros) pour « faire face à l’augmentation du coût de la vie ». Et ils menacent d’appeler à une grève générale dans pays.

Durant les manifestations de samedi, des milliers d’ouvriers, principalement des ouvrières, ont bloqué les autoroutes, attaqué des usines et saccagé des commerces de Dacca. La police, qui a fait usage de gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants a fait au moins 50 blessés et plus de 100 manifestants arrêtés, selon les syndicats.

« Plus de 20.000 ouvriers ont quitté leur travail et nombre d’entre eux ont affronté la police à coups de pierres. Nous avons tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour les disperser » a indiqué à l’AFP un responsable de la police Nasir Ahmed. « Les manifestants ont également brûlé des pneus, bloqué la route une importante route reliant Dacca au nord du pays, s’en sont pris à des usines et ont contraint des policiers à reculer, au moins 10.000 ouvriers ont bloqué une route au sud de Dacca à Narayanganj ». Les propriétaires d’usines étaient obligés de fermer leurs portes, expliquant que « la violence était quelque peu retombée mais que la situation était toujours tendue ».

« Le gouvernement a simplement fait ce que les propriétaires des usines veulent, déclare Mosherafa Mishu, représentante du Forum des ouvriers du textile, cette offre n’est pas acceptable » indique la même source.

« Ces chaînes occidentales comme Wal-Mart, Tesco, H&M, Zara, Carrefour, Gap, Marks & Spencer, Levi Strauss, importent l’essentiel de leurs produits textiles du Bangladesh, où l’industrie emploie 3,5 millions de personnes, tout en bénéficiant d’incitations fiscales extrêmement généreuses du coût de production très bas et seul un très faible pourcentage du capital investi profite finalement au pays », constate l’association humanitaire Action Aid. « Le seul chiffre d’affaires d’H&M est supérieur au budget annuel total du gouvernement bangladais » souligne encore cette ONG.

La pauvreté et les conditions sociales déplorables dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres du monde expliquent en effet cette attraction des grandes marques internationales qui font fabriquer leurs vêtements dans certaines des 4.000 fabriques textiles au Bangladesh. Coût du travail très bas va de fait avec une rentabilité très haute.

Et comme pour le Bangladesh le travail du textile représente 80% des ses devises, environ 12 milliards de dollars (9,1 milliards d’euros) ce qui est une quasi sinon une totale dépendance économique du pays, étant donné qu’il n’a pas une autre ressource équivalente, alors, des industriels du textile « branché », se permettent en toute conscience d’exploiter des ouvriers, la majorité des ouvrières, à 19 euros par mois, sous le prétexte que la concurrence entre multinationales est très rude dans ce secteur.

En juin dernier uniquement, même si la machine bien rodée de la mondialisation s’est quelque-peu affaiblie ces temps-ci avec « la crise », qui en réalité, il n’y a que les rouages périphériques qui ont cessé de chauffer comme avant, les exportations ont battu un record, en atteignant 1,72 milliard de dollars, un niveau jamais réalisé depuis quarante ans.

Le ministre du travail, Mosharraf Hossain, avait alors promis, à l’issue d’une réunion d’urgence avec le patronat du textile, des hausses de salaires, mais avait aussi menacé de "mesures énergiques" les manifestants. Mercredi 23 juin, après avoir reçu l’assurance du gouvernement que la sécurité serait garantie pour entamer des négociations, le BGMEA a décidé de rouvrir les usines. Celles-ci travaillent aussi bien pour les enseignes Walmart, H&M, Tesco, Carrefour, Metro que pour de grandes marques comme Tommy Hilfiger, Gap ou Levi Strauss.

Les ouvriers exigent un salaire d’au moins 5 000 takas (60 euros) par mois ; l’actuel salaire minimum, fixé en 2006, n’est que de 2 000 takas. Le Bangladesh est le pays où les ouvriers du textile sont le moins bien payés de la planète, selon l’International Trade Union Confederation, spécialisée dans le droit du travail et basée à Vienne (Autriche).

Les ouvriers affirment qu’ils ne peuvent plus subvenir aux besoins de leurs familles, en raison de la récente hausse des prix des biens de consommation. Rashida Akter, une jeune couturière de 23 ans employée sur un site de Dacca, dit ainsi qu’il lui "est devenu impossible de payer, comme par le passé, toutes ses factures avec un salaire de 1 200 takas".

Au Bangladesh, l’industrie du textile représente 80 % des exportations et pèse, dans la balance commerciale, 12 milliards de dollars (9,8 milliards d’euros). Elle emploie quelque 2 millions de personnes, soit 40 % de la main-d’oeuvre nationale, réparties dans 4 000 usines. La plupart des employées sont des femmes.

Wal-Mart, Zara, Marks § Spencer, Gap, H§M, Carrefour, Levi Strauss, Tommy Hilfiger, Tesco, Metro, JCPenny, Khol’s, la liste est longue des grandes marques internationales qui font fabriquer leurs vêtements dans certaines des 4.000 fabriques textiles du Bangladesh, qui emploient environ deux millions d’ouvriers et - surtout - d’ouvrières. Une habitude qui s’explique par les conditions sociales déplorables dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, qui permettent d’obtenir un coût du travail très bas, qui va de pair avec une rentabilité très haute.

Mais ces derniers mois, la machine bien huilée de la mondialisation s’est quelque-peu grippée. Et ce sont les plus petits rouages qui ont cessé de tourner : les ouvriers se sont révoltés. Il faut dire que si le modèle économique en place permet à certains de s’offrir du bon temps à Saint-Jean-Cap-Ferrat, sur la French Riviera ou ailleurs, d’autres en revanche, ne parviennent même pas loger et nourrir correctement leurs familles.

Le mouvement de protestation, qui dure depuis le mois de juin, a de quoi inquiéter le gouvernement. De 1995 à 2010, le chiffre d’affaire du secteur est passé de 2 à 12,3 milliards de dollars (de 1,5 à 9,3 milliards d’euros) et il représente à lui seul 7 % du produit national brut (PNB). Cette croissance est due à l’augmentation des salaires en Chine et à "un vaste réservoir de main-d’oeuvre à bas coût et aux doigts fins", explique Munsur Khaled, porte-parole de la puissante Association des exportateurs et des fabricants bangladais de vêtements (BGMEA).

Depuis vingt ans, le gouvernement du Bangladesh a tout misé sur l’"eldorado du textile". Plus de six zones franches dédiées à l’exportation ont été créées. Le gouvernement a même inventé le statut de "commercially important people" réservé aux principaux exportateurs du pays, qui bénéficient, entre autres, de coupe-file à l’aéroport et du droit au port d’arme. Et puisque la survie du Bangladesh semble passer par les exportations, les petites fourgonnettes qui portent l’inscription officielle "Urgent. Livraison pour exportations" sont prioritaires dans le trafic congestionné de Dacca.

Quelque 80 % des exportations du pays dépendent du secteur de l’habillement, qui a créé plus de 3,5 millions d’emplois. "Jusqu’à présent, la main-d’oeuvre était surtout composée de femmes, réputées plus dociles. Avec l’arrivée des hommes, les revendications sont apparues. Et l’absence de dialogue social, en raison de l’interdiction des syndicats, conduit à la violence", explique Mustafizur Rahman, économiste, directeur du Centre for Policy Dialogue, un centre de recherche basé à Dacca.

Les syndicats ne sont autorisés que dans les usines, hors des zones franches, si au moins 30 % des salariés en font la demande. Autant dire qu’ils sont quasi inexistants, même si 28 fédérations de travailleurs, à la frange de la légalité, se sont créées. "Si nous autorisons les syndicats, les travailleurs dépendront d’éléments extérieurs qui perturberont le travail", explique Shamsuz Zaman, le directeur des opérations de l’usine Gildan.

Au Bangladesh, ce sont donc les acheteurs internationaux qui jouent le rôle des syndicats. Les distributeurs, comme H&M ou Zara, viennent inspecter les usines chaque mois pour vérifier leur conformité à des cahiers des charges très stricts : respect des horaires de travail, présence d’une infirmerie, sécurité anti-incendie et nombre de travailleurs au mètre carré.

"Ce ne sont que des apparences, maugrée Arjun, qui fabrique plus de 150 tee-shirts par jour, notamment pour H&M, lorsqu’ils viennent inspecter l’usine, on nous prévient à l’avance. Et on doit leur mentir sur nos salaires et nos horaires de travail." Arjun, âgé de 20 ans, gagne environ 54 euros par mois. Il réclame la création de dortoirs, pour économiser les coûts de transport, et surtout des jours de congé, pour ne pas être licencié lorsqu’il doit s’absenter quelques jours. Avec sa soeur et ses parents, il vit dans une petite pièce à peine plus grande que le lit, sur lequel tous dorment entassés. La cuisine, un point d’eau partagé avec les autres habitants du bidonville, se trouve à l’extérieur. Sous la pression de sa famille, qui a besoin de son salaire pour survivre, Arjun s’est résigné à ne pas rejoindre le mouvement de grève.

D’autres, souvent très jeunes, ont été arrêtés pour avoir manifesté. "Il suffit que les patrons les accusent d’incitation à la violence pour que tous soient mis en prison", explique Rafiqul. Islam, par exemple, a été libéré sous caution, il y a un mois. "Je demandais juste qu’on me rémunère mes heures supplémentaires. Les patrons nous disent qu’ils sont pauvres mais pourquoi ils construisent des usines partout et roulent en Mercedes s’ils n’ont pas d’argent ?", s’agace-t-il.

L’usine où il travaille désormais produit des tee-shirts pour l’étranger mais aucun inspecteur ne vient la contrôler. Car elle ne reçoit ses commandes que des usines voisines "homologuées", lorsque ces dernières sont en surcapacité. Ici, les réprimandes sont sévères. Un contremaître hurle, la main levée, sur une ouvrière, tandis qu’à ses côtés, d’autres cousent à un rythme effréné des tee-shirts dans une chaleur étouffante. Tous sont payés à la quantité produite.

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