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Fukushima, six mois après : un technicien de la centrale raconte

dimanche 4 septembre 2011

Comment entrer en contact avec un ouvrier travaillant actuellement sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima ? Via le syndicat des employés de Tepco ? Impossible : ce syndicat-maison est entièrement inféodé à TEPCO, reçoit ses ordres de la direction de la compagnie nucléaire. Depuis le désastre de Fukushima, les ordres sont de ne pas parler aux médias.

J’ai tenté une voie de traverse : un petit syndicat indépendant, qui n’a pas de liens avec TEPCO. Il a fallu mobiliser plusieurs personnes de la direction pour obtenir finalement le contact d’un ouvrier. Celui-ci a une trentaine d’années et se fait appeler "Monsieur T.S." On me prévient que "Monsieur T.S." ne donnera pas son vrai nom. C’est lui qui a choisi la date de la rencontre, ainsi que le lieu, une arrière-salle de salon de thé à Iwaki, petite ville située à 30 kilomètres au Sud de la centrale de Fukushima. "Monsieur T.S." a précisé à notre intermédiaire qu’il ne parle pas l’anglais, et que je devais en conséquent venir à Iwaki avec un interprète.

"Monsieur T.S." est un solide gaillard au regard intelligent. Il pose sur la table un petit compteur Geiger, fabriqué en Australie, qui ne cessera de grésiller pendant l’entretien. L’activité radiologique dans ce quartier tranquille n’est pas affollante, mais elle n’est pas nulle. Je sors mon propre compteur ramené de Paris pour comparer les résultats : ils sont de fait concordants.

"Si ça s’apprenait, je perdrais mon travail"

"Je l’ai toujours sur moi, précise ’Monsieur T.S.’ Partout où je vais, je mesure systématiquement le niveau de radioactivité. Et quand je trouve des hotspots (des "points chauds") j’alerte les gens du coin". En somme, "Monsieur T.S." fait ce que le gouvernement ne fait pas : repérer les lieux où, par suite des vents et surtout du ruissellement, les particules se sont accumulées et dégagent assez de radioactivité pour déclencher le bip-bip du compteur. "Je le dis aux gens, pour qu’ils soient informés. Qu’ils ne laissent pas les enfants s’approcher de ces points, qu’ils demandent aux autorités une décontamination…"

"Monsieur T.S." pose également sur la table deux téléphones portables, dont un Iphone, "pour avoir Internet et lire mes mails", précise-t-il. L’autre téléphone correspond à un abonnement qui permet de bénéficier de tarifs moins chers à la minute. Pendant notre entretien, son téléphone sonnera d’ailleurs plusieurs fois. "J’ai déjà rencontré pas mal de journalistes. Comme ils ont mon numéro, ils m’appellent dès qu’il se passe quelque chose, pour vérifier les informations sur l’état de la centrale. Mais mes supérieurs ne savent pas que je parle aux médias. Si ça s’apprenait, je perdrais mon travail".

C’est quoi votre travail, au juste ?

 Je travaille à l’entretien des machines, comme technicien. Ca fait dix ans que je suis salarié chez TEPCO, et j’ai travaillé dans différentes centrales.

Pourquoi m’avoir donné rendez-vous ici ?

 Parce que j’habite ici, à Iwaki.

Est-ce que les mesures actuelles de sécurité sont suffisantes sur le site de la centrale ?

 Ils font de leur mieux. Mais ce n’est pas assez. Par exemple, on n’a pas de prises de sang, pas d’analyses d’urines, pas de mesures particulières en cas de chaleur. Or on sait que la chaleur augmente les risques. Il n’y a pas non plus de dépistage de cancer…

Ils font quoi au juste, alors ?

 Ils ont augmenté les "comptages du corps entier". Avant l’explosion, on en passait un tous les trois mois. Maintenant, c’est un tous les mois. Un comptage de deux minutes, uniquement du rayonnement béta.

Quels sont vos derniers résultats ?

 Ils sont plus élevés qu’avant, c’est sûr… Mais pas plus élevés que chez les collègues qui travaillent sur le site.

Ils vous ont donné des compteurs Geiger ?

 Non, ce compteur-ci m’appartient. Je l’ai acheté pour connaître le niveau de radiation chez moi. Mais chaque employé du site porte sur lui un système d’alarme qui sonne si la radioactivité dépasse un certain niveau. On sait qu’il faut s’arrêter, mais on ne sait pas quelle quantité on a absorbé, parce qu’il n’y a pas d’écran, il n’y a pas de mesure exacte. Sinon, on a aussi sur nous un dosimètre qui mesure le total des radiations absorbées sur un mois.

Quels sont les seuils considérés comme acceptables ?

 Avant l’accident, la limite était d’un millisievert par an, comme partout ailleurs. Aujourd’hui, le seuil a été porté officiellement à 80 millisieverts par an pour les personnels de la centrale. Mais l’alarme sonne à 30. En réalité, quand on a atteint 30, on doit renter à la maison.

Où étiez-vous pendant l’accident ?

 J’étais au travail au moment du tremblement de terre. On nous a dit de rentrer chez nous et d’attendre qu’on nous appelle. Je n’étais donc plus là quand le tsunami est arrivé, ni pendant les explosions qui ont suivi. On a attendu deux semaines. Plus tard on a appris qu’en fait, pendant ces deux semaines, TEPCO n’avait laissé sur le site que certains ingénieurs maison. Quant aux techniciens, TEPCO a fait appel aux sociétés sous-traitantes qui avaient fabriqué les machines. Ce sont les personnels de ces sous-traitants qui ont travaillé pendant les deux premières semaines.

On dit qu’il y a eu des ingénieurs à la retraite qui se sont portés candidats dans les jours suivant l’accident.

 Oui, il y a eu 460 candidatures. Mais la situation de la centrale était trop instable. Seules 5 personnes ont finalement été admises sur le site à partir du 10 juillet. Je ne connais aucun de ceux qu’on a appelé "les 50 de Fukushima". Personne ne parle de ce sujet. Les gens sont plutôt tournés vers l’avenir.

Les rejets radioactifs ne sont pas terminés… Vous courez donc un certain risque. Vous n’êtes pas trop inquiet ?

 Pas trop. Bien sûr, là où je travaille, la radioactivité est aujourd’hui dix mille fois plus élevée qu’elle ne l’était avant l’accident. Je serai peut-être malade plus tard… Mais je n’y peux rien. Alors je préfère avoir une attitude positive.

Quelles sont les nouvelles de la situation de la centrale ?

 TEPCO dit que la situation est en train de se stabiliser. Que la première étape est complétée. Mais je ne le crois pas.

Pourquoi ?

 Il faudrait pour ça que tous les tuyaux endommagés aient été remplacés. Or on en est loin… TEPCO dit aux ouvriers qui sont chargés de ce travail : il faut avoir tout fini à telle date. Mais ces dates ne correspondent pas à la réalité. Cette situation est absolument inédite, et on voit bien qu’ils ne savent pas réellement combien de temps prennent les choses…

Mais vous faites confiance à TEPCO pour y arriver ?

 (Après un moment de silence) Je pense qu’ils ne font pas tout ce qu’on pourrait faire, ils ne font pas le maximum. Ils pourraient essayer d’autres méthodes. Pour l’instant, ils s’en tiennent à nos méthodes japonaises. Je trouve qu’on n’a pas assez de contacts avec des ingénieurs étrangers. Il n’y a pas une atmosphère d’échanges et de discussion, qui pourrait donner l’idée de nouvelles méthodes…

De grandes compagnies non-japonaises sont pourtant présentes sur le site.

 Ces étrangers-là viennent pour s’occuper de leurs propres machines, pour les remettre en route. Ils ne sont pas du tout présents auprès de TEPCO pour réfléchir sur la situation de façon globale.

Quelle est votre opinion quant à la poursuite du programme nucléaire au Japon ?

 Il faut arrêter toutes les centrales du type de Fukushima. Elles ne tiennent pas face au risque de tsunami.

Est-ce que vous avez une prime pour le surcroît de risque ?

 Non. Nous avons seulement mille yens de plus par jour (8,50€ environ) pour les repas, pour tenir compte des dépenses dues au fait que nous avons été évacués de notre maison, qui se trouve à 5 kilomètres de la centrale. Nous habitons maintenant à l’hôtel et nous devons manger au restaurant. Ca fait plus de frais.

Vous avez été indemnisés pour votre maison ?

 Les négociations sur ce sujet n’ont pas encore commencé.

Quels sont vos projets pour le futur ?

 Je veux continuer à travailler ici jusqu’à ce que la situation des réacteurs soit stabilisée. Ensuite, je voudrais travailler sur le combustible usé qui est un problème très urgent à Fukushima.

Vous n’en avez pas assez du risque ?

 Si on pense au risque, on ne peut plus travailler. Alors je préfère ne pas m’en préoccuper trop. De toute façon, si je reste ici tant que le problème de Fukushima n’est pas réglé, ça veut dire que je reste jusqu’à ma retraite. Parce que cette centrale va mettre très très longtemps à se stabiliser.

Beaucoup de gens à Fukushima veulent partir le plus loin possible. Ce n’est pas votre projet ?

 Non. Moi je me sens citoyen de cette ville. Je suis né ici, ma famille est ici. Je voudrais que ceux qui partent puissent revenir un jour. Que Iwaki ne devienne pas une ville-fantôme. Pour ça, il faut que certains restent. D’ailleurs il existe des façons de rendre habitable une ville qui a été contaminée par la radioactivité. Il faut changer la couche superficielle de terre, il faut laver les maisons… Ca demande du temps.

Est-ce que vous avez besoin de quelque chose de particulier ?

 Oui. J’aimerais beaucoup entrer en contact avec Greenpeace, discrètement bien sûr. J’aimerais beaucoup avoir une autre source d’informations que TEPCO. Mais je ne sais pas comment faire pour les rencontrer. Pouvez-vous m’aider ?

Propos recueillis par Ursula Gauthier - Le Nouvel Observateur

Messages

  • France nucléaire, un technicien ose parler,

    A la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, près du centre de la France, un incident dans la salle des machines l’été dernier révèle la persistance d’une multitude de problèmes techniques et organisationnels depuis des années. C’est ainsi que se construisent les scénarios catastrophes, s’inquiète et dénonce Laurent Dubost, agent EDF sur le site. Premier volet de notre série de témoignages sur le travail dans le nucléaire.

    "Quand je commence ce récit, j’ai les pieds mouillés pour avoir pataugé dans l’eau une partie de l’après-midi avec mes collègues d’infortune. Je travaille à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, je prépare les interventions de la maintenance et suis plus ou moins en charge de ce qui relève de la sécurité du personnel. Auparavant, j’ai été agent de terrain puis opérateur une vingtaine d’années. L’incident que je vais raconter résume assez bien ce qui se passe chez nous et comment, en extrapolant un peu, se construisent les scénarios catastrophes que nos dirigeants qualifieraient d’impossibles.

    Une multitude de problèmes perdurent depuis des années. Des matériels ne sont pas réparés, des révisions sont reportées d’un arrêt de tranche au suivant. Pourtant, dans le même temps, des sommes colossales sont dépensées pour tout repeindre du sol au plafond, y compris les tuyauteries percées par la rouille, les pompes en panne, les vannes qui n’ont pas été révisées depuis dix ans...

    Bref, on mise tout sur l’image et la façade. Cette politique se nomme pompeusement OEEI (prononcer O deux E I : « obtenir un état exemplaire des installations » !!!). Elle est célébrée hebdomadairement par un aréopage qui effectue une « visite terrain », avec un avis forcément très pertinent sur l’installation. Contrairement à nos soucis techniques qui s’empilent, là, présence des « gradés » oblige, les choses vont très vite. Voire trop vite. Exemple : lors d’une « visite terrain », horreur ! De l’eau chaude s’écoule sur le sol par des vannes de purge laissées ouvertes. Les vannes sont prestement refermées par les visiteurs. Non loin de là, en salle de commande, la température des lignes vapeur en cours de conditionnement se stabilise. Les opérateurs s’en étonnent et dépêchent un agent de terrain sur place. Celui-ci constate que les vannes qu’il avait ouvertes pour évacuer l’eau de condensation et créer un débit de conditionnement des lignes vapeur ont été refermées...Les conséquences d’une mise en service des lignes vapeur insuffisamment purgées est une destruction possible des vannes d’isolement situées en aval.

    Deux logiques s’affrontent en permanence. D’abord celle de ceux qui entretiennent et exploitent directement la machine. Pour nous, c’est le temps réel qui impose les priorités. Par expériences, les aléas sont imprévisibles, et tous nos efforts se concentrent pour préserver le maximum de marge de manœuvre pour y faire face. Ainsi, si trois pompes remplissent le même rôle et que deux suffisent pour assurer le fonctionnement , celle qui montre des signes de faiblesse sera systématiquement en marche. De telle sorte, en cas de défaillance, celle qui prendra le relais sera la plus fiable. Il existe toujours devant nous cette incertitude dont les contours se dessinent progressivement et qui commande des compromis, des ajustements permanents avec le plan initial. Résoudre les problèmes avant qu’ils ne se posent véritablement , c’est ça notre métier. Encore faut-il en avoir les moyens.

    La maintenance est accaparé par le fortuit, et n’a plus le temps d’entretenir ce qui marche encore, ce qui multiplie les pannes. Ainsi, quand dans le même temps on nous repeint toute l’installation et même des fresques dans les couloirs d’accès aux salles de commande, c’est notre identité professionnel qui est bafouée. Progressivement, les chefs sont devenus « managers ». Le chef n’avait pas toujours raison, mais il s’embarquait avec nous et assumait ses décisions tandis que le manager « gouverne de loin » avec son « discours de proximité ». Les savoir-faire professionnels ont été dilués dans un dédale inextricable de procédures. la coopération entre fonctions et spécialités, les collectifs de travail, toute la trame relationnelle qui permettait de capitaliser l’expérience et (de) garantissait la disponibilité immédiate de toute information technique pertinente ont été délibérément anéantis. Notre autonomie, tolérée pour son efficience à l’époque du démarrage des tranches est devenue insupportable pour nos dirigeants et probablement aussi pour les grandes centrales syndicales.

    Aujourd’hui 150 cadres passent leur temps en réunion pour ne prendre aucune décision, phosphorent sur le « compagnonage » et « les pratiques de fiabilisation » et s’inquiètent du « renouvellement des compétences » face à la vague des départs en retraite. Pourtant, à Belleville, quand nous avons démarré les tranches en 87/88, nous étions 80% de gamins sans expérience et les consignes tenaient dans quelques dizaines de classeurs. Nous n’avons cependant rien cassé et respecté les délais. Je ne loupe jamais une occasion de le rappeler comme j’affirme que l’EPR ne démarrera jamais avec une organisation comme la nôtre. Derrière une façade trompeuse donc, se cache un monde peu reluisant où je vous invite à me suivre (chaussez vos bottes car comme vous le savez l’histoire se termine les pieds dans l’eau).

    Tout commence dans la partie la plus visible de la centrale mais où peu de monde s’aventure : le réfrigérant atmosphérique. Cette tour de 165 mètres sert à refroidir l’eau brute, c’est-à-dire dans notre cas, l’eau de la Loire, qui circule dans les faisceaux du condenseur. C’est la principale source froide. L’eau à refroidir est amenée au château d’eau situé au centre du réfrigérant à 20m de hauteur par deux pompes qui y acheminent 45m3 d’eau/seconde. Par débordement dans des galeries, cette eau est distribuée vers les secteurs centraux ou périphériques du réfrigérant, puis dans des tubes de répartition et finalement dispersés sur le « packing ». Le packing est un mille-feuille de PVC d’un à 2 mètres d’épaisseur, traversé par le courant d’air naturel qui monte dans le réfrigérant, et à travers lequel l’eau s’écoule, cédant ses calories à l’air, essentiellement par l’évaporation d’environ 1m3 d’eau par seconde (c’est le panache visible à des dizaines de kilomètres du site). La puissance ainsi « perdue » dans l’atmosphère est de 2500 MW.

    A l’intérieur, le bruit de cette pluie diluvienne est assourdissant et l’ambiance tropicale (40°c). L’hiver les choses se compliquent car cette pluie risque de se transformer en glace. Heureusement, les deux secteurs centraux les plus sensibles au phénomène de prise en glace sont isolés. Un grillage suspendu et des panneaux accrochés complètent le dispositif. L’état général de ce matériel de protection contre la prise en glace est pitoyable. Des blocs entiers de packing chargés de glace sont détruits et entraînés dans le bassin froid. Des stalactites de glace menacent partout. En sortie de bassin froid, avant d’être aspirée jusqu’aux pompes de circulation en salle des machines, l’eau est filtrée par deux grilles où s’amoncèlent les débris. Elles sont nettoyées chaque semaine. Là encore c’est la misère : pompes de lavage HS, grilles coincées...Finalement pour ne pas arrêter la production, la décision a été prise de fonctionner toutes grilles extraites, sans filtration.

    Le puisard de la salle des machines qui récupère puis évacue les eaux brutes est équipé de deux pompes de relevage. Du moins à l’origine, car depuis des années nous fonctionnons régulièrement avec une seule. C’est le cas pour les deux tranches. Nous relançons régulièrement la maintenance sur le sujet sans résultat. Une grosse pompe mobile a été achetée et se promène d’une tranche à l’autre.

    Une première pompe tombe en panne. En vidant complètement le puisard avec la deuxième, on remarque la présence de packing à l’aspiration de la pompe ainsi qu’une arrivée d’eau continu. Mais pas de bras disponibles pour réparer (travaux urgents ailleurs, congés d’été, manque de personnel récurrent...). L’affaire traîne 15 jours.

    Premier débordement du puisard un matin. La seule pompe disonible s’est arrêtée. Je suis de quart. Je demande l’installation d’une pompe mobile provisoire. Les effluents qui ont débordé en salle des machines ont été récupérés, évacués et stockés dans deux bâches de 700 m3. Nous les avons rempli d’eau brute, l’eau de la Loire. Mais l’analyse de la première bâche que nous devons réaliser avant de rejeter le liquide dans la Loire révèle la présence d’une grande quantité d’huile. Le rejet de l’eau devient impossible, il faut la laisser décanter, pomper l’huile qui flotte en surface, alors seulement la vider puis la nettoyer. Pendant ce temps, la deuxième bâche se remplit.

    La direction prend la décision de remplir une troisième bâche, qui sert habituellement à gérer les scénarios accidentels. L’origine de l’huile a été localisée, probablement issue du débordement de notre déshuileur à la suite des inondations qui se sont succédées. Une société extérieure spécialisée en vidange de fosses en tout genre et habituée des lieux, a été chargée de vider et nettoyer le déshuileur. Sans résultat. De l’huile continue d’arriver dans le puisard. En réalité, elle provient de l’autre tranche. Si, si, chez nous tout est possible. Il suffit d’avoir deux défaillances de plus.

    Enfin il y a la goutte d’eau qui j’espère fera déborder le vase. La société chargée de nettoyer le déshuileur, à pied d’œuvre depuis des semaines, a sorti du site un camion rempli d’eau contenant du tritium. Le tritium est un émetteur « bêta » de très faible énergie. Il n’est pas détecté par les balises devant lesquelles passent obligatoirement les véhicules qui sortent du site.

    Rappelé dans l’après-midi, il est revenu rendre sa cargaison et la vider dans notre puisard. J’ai une mauvaise impression : ça sentait franchement la merde et de la merde, on n’en produit pas encore. D’ici à ce qu’on trouve du tritium dans une station d’épuration de la région..."

  • "au début de l’accident, j’avais la rage contre Tepco, car il n’y avait plus personne à part les sous traitants dans la centrale....j’ai dû mal à critiquer le nucléaire car depuis tout petit on a toujours connu la centrale et elle nous a fait vivre....maintenant je n’ai pas de mot pour dire ce que je ressens car mon village (5km de la centrale) n’existe plus, tout le monde est parti et si je reste à travailler à Fukushima, c’est pour faire vivre ma famille qui a dû partir" un travailleur japonais sous traitant de la centrale de Fukushima.

    Extrait d’un reportage vidéo de France 24, qui a réussi a filmer dans les environs de la centrale, certaines conditions de vie des travailleurs du nucléaire.

    A la fin du docu, la journaliste dit sa surprise devant ce Japon de la précarité ou les travailleurs affluent de tout le pays pour tenter de se faire embaucher, avec les risques minimisés par Tepco, la loi du silence, et des salaires un peu plus élévé soi disant.

    1 japonais sur 6, vit sous le seuil de pauvreté.

    De plus elle parle rapidement des seuils de doses (100 milisiverts ) au delà desquelles le risque de cancer apparait.

    Cette journaliste retransmet donc en parti des mensonges sur les effets de la radioactivité, car le gouvernement lui même, avant la catastrophe, avait validé un seuil de 1 milisivert maxi par an.

    En réalité, il n’y aucun seuil concernant les effets de la radioactivité sur la santé des organismes vivants, qui sont touchés par des rayonnements alpha, beta ou gamma, extérieurement ou intérieurement.

    Pour voir ce reportage (qui a le mérite d’exister) cliquez ici.

  • Témoignage d’un travailleur "en zone dite controlée" en France :

    Je suis chef d’équipe pour la société Westinghouse, concurrent direct de Areva, en sous-traitance pour EDF. Je peux témoigner que la dosimétrie neutronique est un problème en centrale nucléaire. Je travaille sur l’ouverture et la fermeture de la cuve refermant les éléments combustibles ainsi que sur les différentes machines permettant la manutention du combustible. Ce qui nous demande de descendre en fond de la piscine du réacteur, une fois la cuve ouverte et vide (j’entend par là, la cuve sans combustible). Je suis amené à travailler sur plusieurs sites nucléaires français.

    Afin de travailler en zone controlée, il est nécessaire d’avoir un « RTR » (Régime de Travail Radiologique) spécifiant les débits de doses individuelles et collectives maximales. Sur ces même RTR, il est précisé s’il y a un danger neutronique, c’est-à-dire si la tâche que nous avons à effectuer risque ou non de nous exposer à un rayonnement de neutrons. Edf, ou des soutraitants, établissent ainsi des cartographies des « points chauds » : ils repèrent à l’aide de dosimètres atmosphérique les endroits les plus irradiants à éviter. Il nous revient ensuite de suivre leurs instructions.

    Ce qui nous étonne, mes collègues et moi, c’est que concernant les tâches que nous devons effectuer, les RTR affichent toujours un debit neutronique nul. Autrement dit, on nous affirme qu’il n’y a pas de risque d’exposition aux neutrons (alors qu’il est avéré que le combustible usagé peut-être très émetteur de rayonnement neutronique, voir ici l’article consacré à ce sujet sur Mediapart, ndlr). Nous avons demandé des explications, et des documents prouvant l’absence de danger, mais en vain. La réponse est toujours identique : « il n’y a pas de danger ».

    Il existe également d’autre anomalie dans les relevés de dosimétrie dite « classique ». Lors d’une activité à proximité d’un point chaud (très irridiant), les mains des intervenants sont en contact direct avec ces points chauds (pouvant atteindre de très gros débit de dose de l’ordre de 50mSv/h et plus encore). Pour ce faire, il existe des bagues « dosimètre » afin de relever les doses prises par les mains. Elles sont utilisées quand un exécutant doit réaliser une opération à proximité d’un point chaud (supérieur à 2mSv/h). Le but étant de vérifier les doses prises par les mains au moment de l’activité. A ce jour, toutes les demandes de mes collégues ou moi même pour avoir accès à ces bagues sont vaines. Elles nous sont refusées pour cause de dépenses trop importantes.

    Ces problèmes de dosimétrie neutronique sont un secret de polichinelle dans le nucléaire. Je n’en parle pas au médecin du travail car je n’ai plus vraiment confiance dans le système. Je ne suis pas syndiqué. A Westinghouse, nous sommes plutôt moins mal lotis que les autres, pour nos conditions de travail et de rémunération. Si je travaille un mois complet, je gagne environ 4500 euros (salaires + primes). Avec mes collègues, on se pose des questions mais on n’a pas non plus cherché plus loin.

    Je crois qu’en général dans le nucléaire, les risques d’irradiation et de contamination exterieurs aux centrales sont faibles. Les conditions de sûreté me paraissent plutôt de bon niveau. Par contre, les règles de sécurité des personnes qui y travaillent sont parfois aberrantes. Par exemple, quand on travaille en hauteur, à proximité du vide, le harnais de sécurité ne comporte qu’une seule longe. Ce n’est pas normal. Avec une seule longe, pour se déplacer, cela nous oblige à être au-dessus du vide sans protection. Quand on bataille pour avoir un deuxième harnais, on l’obtient. Mais il faut batailler.

    commentaires de M&R : donc soit on achète le silence des ouvriers dans les grands groupes, soit on utilise la sous traitance et des conditions salariales très inférieures et de vie également car ces employés sont toujours entre 2 arrêts de tranche et non pratiquement auncune vie personnelle.

    Dans les 2 cas, leur vie ne tient pas à grand chose, car si les travaux délicats sont parfois bien rémunérés, ils sont toujours liès à une présence importante de radioactivité.

    L’entreprise et sa médecine du travail, ses comités de prévention ou de sécurité sanitaire, ne mesurent que ce qui ne les gènent pas.

    Pour cela, les appareils peuvent avoir leur limite, détecter les particules dans des plages bien définies. Mais ils peuvent aussi être défecteux, non étalonné et même laissé aux vestiaires avec les bons conseils du patron, qui nous explique que c’est mieux pour conserver son emploi et ne pas être réformé par les temps qui court.

    LEs patrons s’assoient en permnence sur les règles de sécurité du personnel et parfoisc’est pire dans les grosses entreprises car justement la fameuse sécurité de l’emploi, fait pression sur les travailleurs pour ne rien dire et accepter des conditions de travail dangereuse, voir mortelle à long ou moyen terme.

    Il n’y a pas de bon salaire quand on est exposé à des rayonnements ou a des produits toxiques, chimiques, ou à des produits manufacturés comme de l’amiante.

    Les seuils n’existent pas dans la nature car 2 individus n’ont déja pas exactement le même système immunitaire, cardiaque, hormonien etc..
    Et cette notion de seuil a été inventé par les pressions des industriels et des Etats , pour continuer d’exploiter les ouvriers au contact de matériaux nocifs et mortelles.

    Ce chef d’équipe nous dit que les centrales sont sûrs pour l’environnement extérieur, mais cela aussi est un résultat dela propagande permanente des opérateurs nucléaires et de la peur de perdre son boulot !

    Et cette peur est bien plus forte quand on gagne 4500 euros et que derrière il y a un crédit de maison de 2000 euros qui tombe tous les mois pendant 15ans.

    MAis 15ans c’est long et ce sont les plus belles années ou nos enfants grandissent et ont besoin de leur parent.
    Ils veulent de l’amour pas des parents stressés, malades, jamais là ,qui vont ramener un cancer à la maison et qui ne sont pas certains de terminer de payer la maison, car la crise amène son lot de licenciement et de baisse de salaire.

    Ils veulent une vie simple et personne ne peut leur expliquer pourquoi elle est si casse gueule car sinon on leur justifierait que notre système n’a auncun avenir et ils nous diraient à l’évidence : "pourquoi on le garde alors ?"

  • Rencontre avec un liquidateur au coeur de l’enfer de Fukushima

    Rares sont les employés de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi à oser parler de leur mission à haut risque. Un volontaire a accepté de témoigner. Un kamikaze de la mort atomique "fier" d’aider son pays contre le crime nucléaire. 20 000 personnes sont déjà intervenus sur le site : des cobayes utilisés par l’industrie pour extrapoler à la population toute entière. Au moment ou dans le monde entier se commémore le 26ème anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et le million de morts qu’elle a, à ce jour, déjà engendré.

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    (De retour d’Iwaki)

    « Je crois que mon chef nous a vus ensemble ! Il faut sortir du magasin. » Takehiro – le prénom a été changé – est pris d’une montée de stress en plein rayon surgelés du FamilyMart d’Iwaki, une ville située à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi. Ce Japonais de 48 ans vient d’apercevoir le patron de son entreprise : « S’il se rend compte que je suis avec un journaliste, je vais avoir de gros problèmes. »

    Plus de 3 000 liquidateurs au casse-pipe

    Takehiro n’est pas autorisé par sa boîte à parler aux médias. Il a néanmoins accepté de mettre en danger sa nouvelle « carrière » pour évoquer ses conditions de travail. Prendre des risques est devenu une routine pour Takehiro. Il travaille sur le site ultracontaminé de la centrale dévastée par le tsunami, le 11 mars 2011. Cet homme est un liquidateur, un terme utilisé depuis Tchernobyl pour désigner le personnel envoyé au casse-pipe après un accident nucléaire. Ils sont plus de 3 000 à intervenir comme lui quotidiennement pour décontaminer la centrale ou refroidir les réacteurs.

    Depuis le mois de mai, il participe à la construction des cuves : près de 1 000 d’entre elles contiennent déjà 100 millions de litres d’eau très radioactive. De l’eau utilisée pour refroidir les réacteurs. L’employé ne veut pas donner de détails sur sa tâche. Si ce n’est qu’il travaille hors du bâtiment de la centrale. « Mais j’aimerais être à l’intérieur. Je m’y sentirais encore plus utile. Peut-être parce que je suis un peu kamikaze. »

    Takehiro veut être au cœur de la « bête ». Comme si trimer dans un milieu contaminé jusqu’à 13 microsieverts par heure (µSv/h), c’est-à-dire 113,9 millisieverts par an (mSv/an) – plus de cent fois le niveau annuel de radioactivité toléré pour la population au niveau international –, ne lui suffisait pas. « Je sais que c’est hyper radioactif. Parfois, j’ai encore peur. C’était surtout le cas au début. Maintenant, le danger fait partie de ma vie. Peut-être que dans cinq à dix ans je sentirai les effets. »

    « Ils s’évanouissent tellement il fait chaud »

    D’ici là, il aura déjà quitté la centrale. Un liquidateur ne fait pas de vieux os sur un site aussi irradié. En mars 2011, Tepco, propriétaire de Fukushima Daiichi, a relevé le plafond de la limite d’exposition de 20 mSv/an à 250 mSv/an afin de pouvoir réquisitionner plus longtemps les liquidateurs. Takehiro ne semble visiblement pas au courant. « Je travaille pour le sous-traitant d’une entreprise partenaire de Tepco. La limite est de 30 mSv. Au-delà, on ne peut plus venir travailler. » L’employé a encore de la marge selon les niveaux fixés arbitrairement par l’exploitant de la centrale et les autorités mais il a déjà sacrément encaissé et il ne lui reste plus que 20mSv a absorber sur le restant de l’année.

    L’homme est pourtant mis à rude contribution. Engagé en mai 2011, il a travaillé tous les jours durant les quatre premiers mois. Pas une matinée ou un après-midi de repos durant cette phase d’urgence. Depuis septembre, il a droit à six jours par mois. Les vacances ? Un concept abstrait pour lui. Son contrat ne le mentionne pas. En moyenne, il ne sue pas plus de trois heures par jour afin d’éviter une trop longue exposition à la radioactivité. Bien assez au vu des conditions de travail dantesques. En particulier en été, quand la température peut frôler les 40°C.

    « A cause de la combinaison, on transpire énormément. Des travailleurs s’évanouissent tellement il fait chaud. C’est l’enfer. »

    Et pas question de boire ou de manger pendant le service : l’entreprise le leur interdit. Takehiro s’en moque : « J’enlève parfois mon masque pour fumer ou pour boire une bouteille d’eau en cachette. C’est dangereux, mais je ne peux pas attendre la fin du travail. Si Tepco sait cela, je suis viré. »

    De l’eau radioactive qui fuit dans le Pacifique et des failles dans la sécurité, Takehiro en observe souvent. Parfois, l’eau hautement radioactive fuit dans le Pacifique ou s’échappe d’une cuve : « Un jour, l’eau a même jailli du réservoir. Mieux vaut ne pas se trouver à proximité. Normalement, l’alarme nous prévient. Mais il arrive qu’elle ne fonctionne pas. »

    20 000 personnes sont déjà intervenus sur le site : des cobayes utilisés par l’industrie pour extrapoler à la population toute entière

    Au 31 janvier 2012, sur les quelque 20 000 personnes qui sont intervenus sur le site, officiellement 167 ont déjà été gravement irradiées (plus de 100 mSv), officieusement des milliers. Six autres employés sont décédés, mais Tepco a affirmé que ces décès n’étaient pas liés à la radioactivité. « J’ai aussi entendu des histoires de travailleurs qui ont vu le nombre de leurs globules blancs chuter », ajoute Takehiro.

    Pas de quoi le décourager pour autant. Même pas son salaire de la peur : 18 000 yens par jour seulement (167 euros). Sans prime de risque, bien sûr. Ceux qui ne sont pas qualifiés gagnent à peine 8 000 yens (74 euros) « Je m’en fiche, je ne travaille pas pour l’argent. Je suis heureux de faire ce boulot. »

    Devenir un héros de films américains et se sacrifier pour tenter de protéger les plus jeunes

    Et il en est fier en plus. Lui qui s’est porté volontaire pour cette mission quasi suicidaire... Lui qui menait une vie peinard de chauffeur de camion sur l’île de Kyushu, au sud de l’archipel. Jusqu’à ce que le tremblement de terre puis le tsunami détruisent la centrale. « Quand j’ai vu ça à la télé, je me suis dit que le pays allait sombrer dans le chaos. Il fallait que je fasse quelque chose pour le Japon. C’est à notre génération de faire cela. Pas aux jeunes. »

    Takehiro le patriote surfe alors sur les sites internet pour débusquer les appels aux volontaires. Il décroche un emploi dans une petite entreprise de construction. Divorcé – il a un fils à Tokyo –, il emménage en mai 2011 près d’Iwaki et se met illico à la tâche : « Je suis prêt à donner ma vie pour mon pays. Je pense que ce qui se passe ici, c’est comme une guerre. Fukushima Daiichi c’est notre champ de bataille... » Une bataille loin d’être gagnée par l’armée de l’ombre de Tepco, qui se donne quarante ans pour assainir la centrale. Armée de travailleurs pauvres et de chômeurs recrutés aussi par centaines sur les trottoirs des villes japonaises.

    « Je suis d’une génération de Japonais qui aimerait être un héros de films américains. » Et qui sont aussi prêts à mourir en héros ? Combien en France et dans les autres pays nucléarisés sont-ils prêts à devenir des liquidateurs et des liquidatrices ? Combien d’hommes et de femmes politiques qui prennent et soutiennent le nucléaire en France et ailleurs ? Hélas nous ne sommes pas dans un film et l’horreur rode derrière la porte de chacun et de chacune, de chaque assemblée élue, de chaque entreprise.

    par Thierry Jacolet | "La Liberté"

  • Fukushima 4 ans après, des travailleurs du nucleaire témoignent :

    Le 19 janvier, à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, un travailleur est tombé du bassin et il est mort, et à la centrale nucléaire n° 2, le 20 janvier, un autre travailleur est mort également, écrasé sous une machine. En 2014, jusqu’à fin novembre, 40 travailleurs ont été blessés. Ce chiffre est trois fois plus important que l’année dernière.

    Maintenant, dans la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, travaillent chaque jour 6000 personnes. Il manque non seulement des forces de travail, mais aussi la qualité du travail.

    Un travailleur au Japon dit ceci : "Il manque certes des travailleurs, mais tout aussi grave est le manque de travailleurs expérimentés. Déjà sont partis la plupart des ouvriers expérimentés qui travaillaient avant l’accident, car leur norme d’exposition était dépassée. Maintenant, la politique de TEPCO est que nous finissions le travail donné le plus rapidement possible et à moindre coût. Sa politique axée sur le seul profit engendre des accidents."
    Extrait du blog "fukushima blog".

    Et en France ...des travailleurs racontent aussi sur le blog "ma-zone-contrôlée.com" :

    " steph
    27 mars 2015 at 19 h 24 min

    Je suis technicien radioprotection depuis plus de 15 ans dans le groupe AREVA et je trouve que notre métier perd en qualités les couts sont plus important que la qualité moins on est cher et plus on va vite mieux (la rentabilités quoi) cela fait peur quand on sais que notre métier veut dire protéger l’homme et l’environnement contre les produits radioactif
    merci a tous les actionnaires qui ne voient que la rentabilité de leur porte feuille sa suffit place a la qualité de notre industrie et merci a ma zone contrôlée pour son combat on reste avec vous"

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