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Qui est Jules Ferry auquel Hollande rend hommage à son accession au pouvoir ?

mardi 15 mai 2012

Qui est Jules Ferry auquel Hollande rend hommage à son accession au pouvoir ?

Hollande a rendu hommage à Jules Ferry en croyant pouvoir s’en tenir à reprocher à Ferry sa défense de la colonisation, qualifiée par lui de "faute morale et politique". En fait, c’est exactement dans la même lignée de ses positions sur la politique et la société qu’il a défendu la colonisation et l’empire français…

Voyons qui est donc ce fameux modèle pour François Hollande ?

Sur le monument en hommage à Jules Ferry à Saint-Dié des Vosges

QUI EST JULES FERRY ?

Le 4 septembre 1870, alors que le peuple fait chuter l’empire, il devient membre du gouvernement anti-sociale qui se dit "de la Défense nationale" chargé de combattre la montée de la révolution politique et sociale dans la capitale assiégée par les Prussiens. Il réprime les mouvements populaires du 31 octobre 1870 et du 22 janvier 1871.

Les Parisiens le surnomment " Ferry Famine ". Nommé maire de Paris du 16 novembre 1870 au 18 mars 1871, il eut la charge, au demeurant quasi-impossible, d’assurer le ravitaillement de la capitale assiégée par l’armée prussienne. Les restrictions alimentaires qu’il impose lui valent les surnoms de « Ferry l’affameur ».

Blanqui écrivait : "Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation."

Dès le premier jour de l’insurrection de la Commune de Paris en 1871, il est un adversaire résolu des Fédérés, ces révolutionnaires qu’il réprouve et combat.

En 1875, il est reçu au Grand Orient de France des francs-maçons qui servira à lier réformistes et grande bourgeoisie.

Jules Ferry se marie la même année avec Eugénie Risler, fille d’un industriel alsacien de la grande bourgeoisie. Ils ont un chalet suisse dans le Jura en plus de leur hôtel particulier à Paris.

" Quel enfer ! Je m’en échappe, pour la première fois depuis dix jours, pour prendre les ordres du prince. Je croyais trouver au logis quelque lettre de toi, rien ! As tu aussi ta fournaise ? Mais non, le Mâconnais, vert de vignes naissantes, sourit au ciel et à son préfet.

Mon domaine à moi, celui que tous m’envient, et que personne n’ose prendre, c’est celui de l’incendie et de la mort. Il m’était réservé d’être acteur et spectateur de drames plus horribles que ceux du siège, d’angoisses plus poignantes que celles de l’affreuse semaine où nous capitulâmes, et de voir luire un jour où toutes nos misères passées, toutes nos douleurs, tous nos calvaires, me sembleraient, à côté du présent, le royaume des cieux et le paradis des anges.

Place-toi par la pensée aux rayons du soleil levant, en face de l’Hôtel de Ville flambant et fumant, sa façade éventrée, découronnée, déchirée, découpant, sur la fumée noire et la flamme pétrolée, le reste de ses pignons et le peu qui survit de ses statues. Une barricade se dresse entre les deux annexes, pétillant l’une et l’autre comme deux fagots d’épine ; nos soldats la tiennent tandis qu’en face, au pont Louis Philippe, le hideux drapeau rouge déploie son haillon sanglant, sur une barricade qui tire encore sur nous. (...) " écrit Jules Ferry dans une lettre du 2 juin 1871.

Dès 1871, Karl Marx l’avait repéré, et trace de lui un portrait en quelques lignes, dans "La guerre civile en France" :

" Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation. "
Jules Ferry devient ministre de l’Instruction de 1879 à 1882. S’il veut une école laïque, c’est parce qu’il ne veut pas d’une école confessionnelle ; mais il ne veut pas non plus d’une école qui enseignerait les idéaux socialistes. Le seul principe tolérable, c’est le nationalisme (il dira " patriotisme ") français.

" Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. [...] Si cet état de choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871."

(Discours de Jules Ferry au Conseil général des Vosges en 1879.)

Ferry sera ministre des Affaires étrangères et des colonies entre 1883 et 1885. Il sera président du Conseil en 18880-81, puis entre février 1883 et mars 1885.

Ferry est un des grands penseurs de l’impérialisme français.

" ... Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. Sur ce point, l’honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup, avec l’esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne, et il dit : " Qu’est-ce que cette civilisation qu’on impose à coups de canon ? Qu’est-ce, sinon une autre forme de barbarie ? Est-ce que ces populations de race inférieure n’ont pas autant de droits que vous ? Est-ce qu’elles ne sont pas maîtresses chez elles ? Est-ce qu’elles vous appellent ? Vous allez chez elles contre leur gré, vous les violentez, vous ne les civilisez pas. " Voilà, Messieurs, la thèse. ; je n’hésite pas à dire que ce n’est pas de la politique, cela, ni de l’histoire : c’est de la métaphysique politique. (...) Et je vous défie -permettez-moi de vous porter ce défi, mon honorable collègue, Monsieur Pelletan - de soutenir jusqu’au bout votre thèse, qui repose sur l’égalité, la liberté, l’indépendance des races inférieures.
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit sur les races inférieures. (...)

Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures.(...)

Le parti républicain a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui des nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine ; qu’il faut autre chose à la France : qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre ; qu’elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient, qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. "

(Débats parlementaires, 28 juillet 1885. Cité dans : Le nationalisme français, Raoul Girardet, Ed. Seuil, 1983)

Parallèlement, Jules Ferry se montre un partisan actif voire zélé de l’expansion coloniale française : Tunisie dont il obtient le protectorat le 12 mai 1881 par le traité du Bardo, Madagascar, il lance l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza à la conquête du Congo, Tonkin. Ce dernier dossier lui sera fatal lors de sa seconde présidence du Conseil commencée le 21 février 1883.

L’action qui semblait lui tenir le plus à cœur et dans laquelle il s’investit personnellement est celle du Tonkin (partie nord du Viêt-nam) où il prend des mesures d’occupation intégrale. C’est à cette occasion qu’on l’affuble du surnom de " Ferry le Tonkinois ". Mais les offensives s’enlisent et les ordres parfois contradictoires aboutissent à la défaite de Lang-Son, le 25 mars 1885. Le 30, le second ministère Ferry tombe devant l’hostilité bruyante de la Chambre des députés.

Il s’était d’ailleurs réservé le portefeuille des Affaires étrangères. Il est à noter qu’alors les conservateurs, comme Adolphe Thiers, sont opposés à la colonisation, qu’ils accusent de détourner hors du territoire les investissements, tandis que les progressistes y sont favorables pour des questions idéalistes. Mais la gauche républicaine de Georges Clemenceau y est opposée également parce que les aventures colonialistes détournent l’attention des provinces perdues d’Alsace et de Lorraine. Les positions s’inverseront diamétralement en trois ou quatre générations.
Ayant obtenu d’un vote de la Chambre les crédits nécessaires à la conquête du Tonkin, il provoque une extension du conflit à la Chine. L’annonce de l’évacuation de Lạng Sơn, qui lui vaudra le surnom de "Ferry-Tonkin", déclenche une violente opposition parlementaire et provoque sa chute le 30 mars 1885. Il connaît alors une vague d’impopularité en France.

Extrait des débats du 28 et du 30 juillet 1885

Jules Ferry prononce un discours dont Charles-André Julien a pu dire qu’il était " le premier manifeste impérialiste qui ait été porté à la Tribune.

« Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! (...)
C’est le génie de la race française que d’avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d’avoir compris que le problème de la civilisation était d’éliminer la violence des rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence, pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des nations entre elles. (...) Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l’histoire de votre civilisation ! (...) Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l’Européen apporte avec lui : de l’alcool, de l’opium qu’il répand, qu’il impose s’il lui plaît. Et c’est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la patrie des droits de l’Homme !

Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes ici à nous lever d’un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n’y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. Il y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu’à mesure que nous nous élevons dans la civilisation nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit. Mais n’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie. »

Notons que le point de vue de Clemenceau est marginal à cette époque ; si les avis diffèrent quant à la colonisation pour des raisons économiques (la colonisation rapporte-elle ou non de l’argent ? Faut-il financer des guerres pour des territoires africains - ou asiatiques ? Ne vaut-il pas mieux investir en France au lieu de gaspiller notre argent chez des étrangers ?), le débat sur la supériorité de la "race" blanche ou sur les droits de l’homme, n’auront lieu que plus tard, après la première guerre mondiale principalement. En 1885, la notion de race n’a pas encore acquis le caractère blasphématoire actuel et les scientifiques ont "réussi" à prouver que l’homme blanc est supérieur aux autres "races". Clemenceau, perspicace, a compris que ces théories servent de prétexte à justifier une politique de pillage contraire aux droits de l’homme.

Peu d’hommes politiques de l’époque, quel que soit leur bord, remettent en question l’idée de supériorité raciale. La droite, illustrée par Thiers, réclame que l’on réserve l’argent français aux français. La gauche se préoccupe davantage de questions humaines, mais critique aussi Jules Ferry sur les points économiques.

Les grands intellectuels de l’époque étaient favorables à la colonisation, permettant (selon eux) de faire avancer les peuples "en retard". Victor Hugo défend la politique de Jules Ferry au nom des droits de l’homme ; cela n’a rien d’un paradoxe si l’on suppose que le blanc est "plus en avance" : il a alors un devoir de civiliser, d’apporter l’évolution aux peuples moins développés, comme jadis les Romains aux Gaulois, exemple cher à Ferry). Hugo insiste sur le fait que la colonisation ne doit être que temporaire.

Voici enfin la partie "économique" de la harangue citée plus haut. Le caractère économique (véritable source du débat), occupe l’extrême majorité des propos de Jules Ferry, le 28 Juillet 1885 : Le rôle économique de la colonisation selon Ferry.

« La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est là un problème extrêmement grave. Il est si grave (...) que les gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époque où ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. Il faut chercher des débouchés... [Le passage humanitaire cité ci-dessus est extrait de cette partie du discours] Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduit en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. (...) Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, (...) c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième... »

Vous voulez savoir qui est Hollande ? Voyez Jules Ferry !

Blanqui disait : méfiez vous de la république des Jules...

(il entendait Jules Favre, Jules Ferry et Jules Simon.)

"Quel écueil menace la révolution de demain ?

L’écueil où s’est brisée celle d’hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns. (...) Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours."

A lire sur la Commune et Ferry

La belle guerre du Tonkin de Jules Ferry

Barbarie française

[Le Père peinard, n°45, 12 janvier 1890]

Y a des types qui sont fiers d’être français. C’est pas moi, nom de Dieu ! Quand je vois les crimes que nous, le populo de France, nous laissons commettre par la sale bande de capitalistes et de gouvernants qui nous grugent — eh bien, là franchement, ça me coupe tout orgueil !

Au Tonkin par exemple, dans ce bondieu de pays qu’on fume avec les carcasses de nos pauvres troubades, il se passe des atrocités.

Chacun sait que les Français sont allés là-bas pour civiliser les Tonkinois : les pauvres types se seraient bougrement bien passés de notre visite ! En réalité, on y est allé histoire de permettre à quelques gros bandits de la finance de barboter des millions, et à Constans de chiper la ceinture du roi Norodom.

Ah nom de dieu, il est chouette le système qu’emploient les Français pour civiliser des peuples qui ne nous ont jamais cherché des poux dans la tête !

Primo, on pille et chaparde le plus possible ; deuxiémo, on fout le feu un peu partout ; troisiémo, on se paie de force, pas mal de gonzesses tonkinoises — toujours histoire de civiliser ce populo barbare, qui en bien des points pourrait nous en remontrer.

Ca c’était dans les premiers temps, quand on venait d’envahir le pays ; c’est changé maintenant, mille bombes, tout est pacifié et les Français se montrent doux comme des chiens enragés.

Pour preuve, que je vous raconte l’exécution du Doi Van, un chef de pirates, qui avait fait sa soumission à la France, puis avait repris les armes contre sa patrie, à la tête de troupes rebelles.

Pas besoin de vous expliquer ce baragouin, vous avez compris, pas les aminches ? Les pirates, les rebelles, c’est des bons bougres qui ne veulent pas que les Français viennent dans leur pays s’installer comme des crapules ; c’est pas eux qui ont commencé les méchancetés, ils ne font que rendre les coups qu’on leur a foutus.

Donc, Doi Van a été repincé et on a décidé illico de lui couper le cou. Seulement au lieu de faire ça d’un coup, les rosses de chefs ont fait traîner les choses en longueur. Nom de dieu, c’était horrible ! Ils ont joué avec Doi Van comme une chat avec une souris.

Une fois condamné à mort, on lui fout le carcan au cou, puis on l’enferme dans une grande cage en bois, où il ne pouvait se remuer. Sur la cage on colle comme inscription : Vuon-Vang-Yan, traître et parjure. Après quoi, huit soldats prennent la cage et la baladent dans les rues d’Hanoï. A l’endroit le plus en vue on avait construit une plate-forme ; c’est là qu’on a coupé le cou à Doi Van avec un sabre — après avoir fait toutes sortes de simagrées dégoûtantes.

L’aide du bourreau tire Doi Van par les cheveux, le sabre tombe comme un éclair, la tête lui reste entre les mains, il la montre à la foule et la fait rouler par terre. On la ramasse car elle doit être exposée au bout d’un piquet, afin de servir d’exemple aux rebelles.

Ah, nom de dieu, c’est du propre ! Sales républicains de pacotille, infâmes richards, journaleux putassiers, vous tous qui rongez le populo plus que la vermine et l’abrutissez avec vos mensonges, venez donc encore nous débiter vos ritournelles sur votre esprit d’humanité ?

Vous avez organisé bougrement de fêtes pour le centenaire de 89 — la plus chouette, celle qui caractérise le mieux votre crapulerie, c’est l’exécution du Doi Van. C’est pas sur un piquet, au fin fond de l’Asie, dans un village tonkinois, qu’elle aurait dû être plantée, cette tête.

Foutre non ! Mais c’est bien au bout de la tour Eiffel, afin que dominant vos crimes de 300 mètres, elle dise, cette caboche, au monde entier, que sous votre républicanisme, il n’y a que de la barbarie salement badigeonnée.

Qui êtes-vous, d’où venez-vous, sales bonhommes, vous n’êtes pas nés d’hier ? Je vous ai vus, il y a dix-huit ans, votre gueule n’a pas changé : vous êtes restés Versaillais ! La férocité de chats tigres que vous avez foutue à martyriser les Communeux, vous l’employez maintenant à faire des mistoufles aux Tonkinois.

Que venez-vous nous seriner sur les Prussiens, les pendules chapardées, les villages brûlés ? (...) Ils n’ont pas commis, nom de dieu, la centième partie de vos atrocités, Versaillais de malheur !

Ah, vous n’avez pas changé ? Nous non plus : Versaillais vous êtes, Communeux nous restons !

Émile Pouget

Messages

  • "En Afrique, l’honneur fait par Hollande à un colonialiste aussi décomplexé que Jules Ferry a ramolli l’enthousiasme de ceux qui voyaient dans l’avènement du deuxième président socialiste (...) un début de démantèlement de la nébuleuse ’françafricaine’ écrit le journal bourgeois ivoirien Fraternité-Matin...

  • Jules Ferry que l’on appelait ironiquement le tonkinois, parce qu’il était un fervent des interventions militaires coloniales pour écraser le peuple tonkinois !!!

  • Jamais, dans l’histoire moderne, la Bourgeoisie n’a eu occasion plus rare de prouver son patriotisme que pendant la guerre de 1870-1871.

    La République était proclamée ; les républicains bourgeois de l’Empire étaient installés à l’Hôtel de Ville ; Strasbourg, Metz et Paris étaient assiégés : repousser l’envahisseur, c’était sauver la patrie et glorieusement consacrer la république. Les républicains donnèrent fièrement à leur pouvoir le titre de Gouvernement de la Défense nationale et annoncèrent qu’ils ne céderaient ni un pouce du territoire, ni une pierre des forteresses.

    Les ouvriers parisiens, heureux d’être délivrés de l’Empire, qui avait fusillé les grévistes à la Ricamarie et à Saint-Aubin, et croyant que la République ouvrirait l’ère des réformes sociales, se levèrent en masse pour la défendre : transportés d’enthousiasme, ils demandaient à foncer sur l’ennemi, à traverser les lignes d’investissement pour se joindre aux armées de province et pour assiéger les assiégeants.

    L’élan ouvrier était si impétueux et si entraînant, que les bourgeois eux-mêmes furent gagnés par la fièvre guerrière ; ils s’enrôlèrent dans la garde nationale et voulurent marcher contre les Prussiens.

    Mais au premier boulet lancé sur Paris, l’ardeur patriotique de la Bourgeoisie tomba à plat. Bismarck allait éventrer ses immeubles ! Il y eut un cri d’épouvante et d’horreur. Que la Patrie soit vaincue, que la République soit renversée, qu’importe, mais que nos maisons ne soient pas écornées ! Tel était le cri du cœur de la Bourgeoisie patriotique : dès cet instant, le Gouvernement de la Défense Nationale se transforma en Gouvernement de la Trahison Nationale. Tridon, dans un article indigné, que publia la Patrie en Danger, le journal de Blanqui, dénonça ce patriotisme de la brique.

    Le gouvernement ne songea plus qu’à affamer la population parisienne pour l’obliger à réclamer la capitulation et qu’à faire saigner la belliqueuse classe ouvrière par des sorties mal calculées et mal soutenues, qui débutaient par des succès et se terminaient par des retraites, pour abattre son ardeur combative. Le général Ducrot passa maître dans cette tactique : il annonçait à la sortie qu’il ne rentrerait que vainqueur ou mort, et il rentrait vaincu et vivant pour chassepoter les ouvriers que les balles prussiennes avaient épargnés. Ce héros du patriotisme fut récompensé de sa bourgeoise et courageuse conduite par le surnom de Trompe-la-Mort.

    Deux fois, les 31 octobre et 19 janvier, les ouvriers et les socialistes essayèrent de chasser de l’Hôtel de Ville le gouvernement de la Trahison, deux fois ils furent repoussés par les troupes, que précieusement il tenait loin des champs de bataille pour mater la population parisienne. L’ennemi n’était plus le Prussien, mais le prolétariat. Il s’empressa de négocier avec Bismarck. Le gouvernement de Paris, assiégé, sans communications avec le pays, ignorant la situation belligérante des armées de province, ou très imparfaitement renseigné, sans daigner consulter le gouvernement de Bordeaux, signa l’amnistie dont le premier résultat fut l’écrasement de l’armée de l’Est et arrêta les conditions de paix : deux provinces et cinq milliards.

    C’était la première fois que le gouvernement d’une place assiégée traitait pour des armées et des villes hors de sa sphère d’action. Les Favre, les Simon et les Ferry auraient dû être fusillés pour ce crime. (...)

    La guerre de 1870-71 qui a immolé des milliers de soldats, qui a dévasté un tiers de la France, qui lui a arraché deux provinces et qui lui a coûté une dizaine de milliards de dépenses et cinq milliards d’indemnité ne fit pas perdre un centime de leurs revenus aux rentiers de la Dette publique. Le gouvernement de la Trahison nationale paya régulièrement aux patriotes bourgeois les intérêts de la Dette publique, tandis qu’il ruinait les petites gens en suspendant la restitution des dépôts de la Caisse d’Epargne. Mais la guerre procura aux patriotes capitalistes de superbes occasions de s’enrichir.

    La cession de l’Alsace-Lorraine que, tremblants de joie, signèrent Thiers, le gros actionnaire des mines d’Anzin, et Pouyer-Quertier, le grand cotonnier de Rouen, débarrassa les compagnies minières d’Anzin et du Pas-de-Calais de la concurrence des mines du Haut-Rhin et les fabricants de cotonnades de la Seine-Inférieure et du Nord de la concurrence des filatures et des tissages de l’Alsace. Les énormes fortunes de ces régions industrielles, qui se chiffrent par dizaines de millions, datent de cette néfaste époque. Les patriotes de l’Alsace profitèrent de sa cession pour s’enrichir. Koechlin, Dolfus et les autres grands industriels, afin d’avoir deux marchés nationaux pour leurs produits, conservèrent leurs fabriques d’Alsace et allèrent en établir d’autres à Belfort, à Troyes, etc, et afin de se procurer des ouvriers, ils chauffèrent à blanc le patriotisme des travailleurs alsaciens et lorrains, et les excitèrent à émigrer en France, pour ne pas subir le joug prussien, auquel ils s’accommodaient joyeusement. Les pauvres dupes émigrèrent en masse ; ceux qui possédaient de petits lopins de terre les vendirent à vil prix ; Koechlin, Dolfus et autres grands patriotes les achetaient. Koechlin qui, pour enflammer le patriotisme des travailleurs, avait dit à Guillaume Ier, qu’il n’y avait pas place à sa boutonnière pour une décoration allemande, s’empressa d’accepter celle que lui offrit Guillaume II, dès que fut terminé l’accaparement des terres. On dit que le père du patriotard Barrès et que Déroulède profitèrent de l’occasion pour agrandir les biens territoriaux qu’ils possédaient en Alsace-Lorraine.

    La Banque de France réalisa d’énormes bénéfices : son dividende qui, en 1868, était de 90 francs par action, s’éleva à 270 francs en 1871, à 320 francs en 1872, et à 360 francs en 1873 : à aucune époque elle ne distribua de si considérables dividendes. C’étaient les transactions financières pour le paiement de l’indemnité de guerre de 5 milliards qui lui rapportaient ces bénéfices aussi inaccoutumés que réjouissants.

    Les patriotes bourgeois qui avaient des capitaux à placer, surent, eux aussi, extraire de l’or des infortunes de la patrie. L’emprunt des 5 milliards d’indemnité donna lieu aux plus fiévreuses et plus profitables spéculations de Bourse.

    Jamais il n’y eut emprunt plus scandaleux : Thiers fixa le prix de son émission au-dessous de celui que le plus juif des banquiers chrétiens fixe pour l’emprunt d’un Etat dont les finances et la situation économique seraient compromises. Il émit l’emprunt à 80 francs et à 5 pour cent, ce qui mettait le taux de l’intérêt à 6 pour cent. L’Etat recevait 80 francs et s’engageait à rendre 100 francs et à payer 5 francs d’intérêt par an : l’Etat perdait donc 20 francs par titre et 125 millions pour les cinq milliards.

    Tous les capitalistes, Thiers, Simon, Ferry et autres grands patriotes en tête, se ruèrent sur l’emprunt, qui fut couvert huit fois ; on demandait cinq milliards, on en offrit quarante, tellement l’opération était fructueuse. Les titres de l’emprunt firent prime le jour même de l’émission ; ils montèrent à la Bourse de 80 à 112 et 115 francs. De sorte que tout patriote qui avait souscrit 80 francs gagnait 32 et 35 francs. La masse des souscripteurs réalisa en quelques jours un bénéfice de 218 millions.

    Lafargue dans "Le patriotisme de la bourgeoisie"

  • « Je les ai vues, les représailles du soldat vengeur, du paysan châtiant en bon ordre, libéral, juriste républicain, j’ai vu ces choses et je me suis incliné comme si j’apercevais l’épée de l’Archange. »

    Jules Ferry parle ici de la répression de la Commune de Paris (1870).

  • Il fut surnommé "Ferry le Tonkinois", l’homme qui établit le protectorat en Tunisie pendant son premier ministère et établit le pouvoir colonial de la France au Tonkin pendant le second, l’homme qui en 1885 prononça un discours dont Charles-André Julien a pu dire qu’il était « le premier manifeste impérialiste qui ait été porté à la Tribune. ».

  • oui après avoir lu ce texte j’ai compris que hollande a rendu hommage à un homme qui était un rempart à l’émancipation des classes !!!
     hollande n’est-il pas entrain de justifier ses actes horribles en lui rendant hommage ??
     de ce fait pouvons- nous distinguer hollande à Jules ferry en parlant de classe sociale ?

  • Jules Ferry est aussi celui qui a osé prononcer, en juillet 1885, ces paroles qui lui vaudraient la prison aujourd’hui : « Les races supérieures ont un devoir sur les races inférieures ».

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