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Chine : La police verrouille une usine pour réprimer des protestations

dimanche 8 juillet 2012

Chine : La police verrouille une usine pour réprimer des protestations

Par John Chan

Des protestations résolues des travailleurs ruraux migrants de la province de Guangdong et qui ont débuté le 26 juin soulignent les tensions grandissantes existant entre les millions de travailleurs de la région et le régime du Parti communiste chinois (PCC).

Les troubles ont éclaté après une bagarre, dans la commune de Shaxi à Zhongshan ville, entre un jeune lycéen de 13 ans issu de la commune et un jeune adolescent de 15 ans issu de l’immigration. Shaxi, qui est spécialisé dans la fabrication de vêtements de sport, est l’une des nombreuses villes du delta de la rivière Pearl, aussi connue comme « l’atelier du monde. »

Le jeune migrant a finalement été interpellé par des gardes de sécurité qui l’ont tabassé à plusieurs reprises, le blessant gravement au visage avant de le remettre à la police. Une manifestation organisée par ses parents et leurs amis contre le traitement du jeune homme est rapidement devenu le point de ralliement d’une colère refoulée contre une discrimination officielle largement répandue contre les travailleurs migrants.

La manifestation initiale a impliqué quelques centaines de travailleurs devant le poste de police local mais elle s’est vite intensifiée après que la police anti-émeute a dispersé la foule à coups de bâtons. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Des milliers d’autres sont venus en renfort dont beaucoup des villes voisines telles Guangzhou et Fusan.

Liu Tianjin, ouvrier d’usine de Shaxi, a dit à l’agence France Presse : « Les émeutes ont débuté à midi [lundi], mais ont pris de l’ampleur hier soir, plusieurs milliers de personnes ont protesté. Il y avait un grand nombre de policiers anti-émeute dehors hier soir et ils sont encore dehors à l’heure actuelle. Je peux vous dire que plus de 30 personnes ont été blessées. »

Mardi matin, quelque 10.000 travailleurs ont encerclé le gouvernement du canton en s’affrontant à un millier de policiers. Cette nuit-là les autorités ont soudainement décidé de disperser les manifestants en ordonnant à la police de les charger (voir la video ici).

La police a bouclé la ville et les médias de Shaxi et de Zhongshan ont publié des avertissements disant à la population de rester à l’écart de la ville tout en demandant aux gens de rester chez eux. Les magasins, les écoles et les banques ont tous été fermés.

Selon le quotidien Ming Pao Daily de Hong Kong, des dizaines de milliers de travailleurs migrants, y compris des cités voisines, sont arrivés pour soutenir les manifestations. Les travailleurs s’en sont pris aux voitures et aux postes de police ainsi qu’aux magasins. Une station d’autobus a été incendiée. La police a attaqué sans discernement quiconque se trouvait dans la rue et les hôpitaux de la région se sont remplis de blessés (voir photos).

Le journal, citant des sources anonymes, a rapporté que le gouvernement central de Beijing avait autorisé la police et l’armée à tirer sur les travailleurs si les troubles s’intensifiaient. Il a déployé 10.000 policiers à Zhongshan, dont de vastes contingents venus des villes avoisinantes pour empêcher toute forme de manifestation dans la principale ville.

Les autorités chinoises ont tenté de minimiser l’incident. La chaîne de télévision d’Etat a retransmis les commentaires du père du garçon blessé qui a insisté pour dire que son fils avait souffert de blessures mineures et n’était pas mort comme de nombreuses rumeurs l’avaient laissé entendre. Il a dit ne connaître aucun des manifestants. Pour justifier la violence policière, les médias d’Etat ont prétendu que des bandes criminelles organisées étaient derrière les protestations.

L’éruption soudaine des protestations est le résultat d’une discrimination systématique à l’encontre des travailleurs migrants qui sont privés de statut résidentiel officiel dans la ville. Ils sont traités comme des citoyens de seconde zone n’ayant pas accès aux services fournis et étant constamment soumis au harcèlement de la police. Dans des villes comme Shaxi, où les travailleurs migrants sont plus nombreux que les gens de la région, le gouvernement n’est pas responsable de leur éducation ou de leurs soins de santé. La politique officielle encourage les préjudices locaux contre les « migrants », y compris de la police qui les rend souvent responsables de l’augmentation du taux de criminalité.

Ce qui s’est passé à Shaxi fait partie d’une agitation plus générale des travailleurs dans cette même province. En juin dernier, des protestations similaires avaient éclaté et qui avaient impliqué quelques milliers de travailleurs migrants occupés du centre de fabrication de jeans à Zengcheng. Depuis novembre, il y a eu dans la province une vague de grèves contre la réduction des salaires et les attaques contre les conditions de travail.

Le week-end dernier, la police a violemment mis fin à une occupation d’usine organisée par 800 travailleurs à l’usine Lituo Explosive Equipment dans la ville de Shaoguan qui est également située dans la province du Guangdong. L’ancienne entreprise d’Etat produit des explosifs et des détonateurs industriels. Les travailleurs sont en grève depuis début mai pour protester contre la direction qui avait pillé, l’année dernière lors de la vente de l’entreprise, l’argent appartenant aux travailleurs. Le 22 juin, des travailleurs ont bloqué une route et fermé les portes de l’usine en empêchant les gérants de la quitter. Le gouvernement a déployé des centaines de policiers anti-émeute qui ont attaqué les travailleurs avec des gaz lacrymogène et en ont arrêté plusieurs. (Voir photo).

La cause sous-jacente aux troubles grandissants des travailleurs est la forte baisse des exportations due à l’aggravation de la crise économique en Europe et le manque de demande en provenance des Etats-Unis. L’économie de Guangdong, qui était la force motrice de l’ensemble de la Chine, connaît actuellement de gros problèmes. Ses exportations et ses importations n’ont progressé que de 5 pour cent au cours des cinq premiers mois de l’année par rapport à la même période de l’année dernière, soit 2,7 points de pourcentage en dessous de la moyenne nationale. Les investissements d’actifs immobilisés ont augmenté d’à peine 9 pour cent durant la même période, soit une baisse de 9,9 points de pourcentage par rapport à l’année dernière.

L’économiste Cheng Jianshan de l’Académie des sciences sociales de Guangdong a dit le 27 juin au service d’information chinois que la « troïka » (exportations, investissement et consommation) de la province était en train de s’essouffler : « La contraction du commerce extérieur est en train de miner la confiance des investisseurs, entraînant un affaiblissement de l’investissement en capital fixe qui, à son tour, affecte la confiance des consommateurs et la valeur ajoutée industrielle. »

Après une série de protestations violentes, le chef du Parti communiste de Guangdong, Wang Yang, avait promis l’année dernière aux travailleurs un « Guangdong heureux », y compris à Zengcheng et aussi aux villageois à Wukan qui avaient mené une longue lutte contre la corruption régnant dans les ventes de terrains.

Toutefois, face à la baisse des profits, les propriétaires des ateliers de misère cherchent à imposer aux travailleurs de nouveaux fardeaux en réduisant les salaires et en exigeant une productivité plus grande. Le gouvernement de Guangdong aurait dû augmenter le salaire minimum au début de l’année mais, sous l’influence du groupe de pression des fabricants de Hong Kong qui emploient des millions de travailleurs dans la province, le gouvernement a ajourné l’augmentation, provoquant ainsi une vague de grèves.

Le 18 juin, un effectif de 3.000 salariés dans une usine d’horlogerie appartenant à des Japonais à Guangzhou avait débrayé pour revendiquer une augmentation de salaire. Leur salaire de base s’élevait tout juste à 1.100 yuans par mois, minimum officiel dans le district d’Huada où l’usine est située. Après déduction de 200 yuans pour la sécurité sociale, les travailleurs se sont plaints de n’avoir tout simplement pas suffisamment d’argent pour vivre.

Dans une autre usine électronique japonaise à Guangzhou, les travailleurs ont eu droit à une augmentation qui a fait passer leur salaire de 1.350 yuans à 1.500 yuans par mois à partir du 1er juin, mais un millier d’entre eux ont débrayé le 14 juin en disant que l’augmentation ne leur permettait pas de joindre les deux bouts.

Les mesures brutales d’Etat policier utilisées cette semaine contre les travailleurs migrants à Zhongshan sont enracinées dans la crainte du régime chinois que toute protestation qui se poursuit pourrait déclencher une action de bien plus grande envergure de la part de la classe ouvrière fortement concentrée à Guangdong et dans les autres centres industriels de la Chine.

Messages

  • Les habitants de Wukan, village du sud de la Chine, qui s’étaient rebellés contre les caciques locaux du Parti communiste et avaient obtenu il y a trois ans les premières élections démocratiques de l’histoire du régime, ont réélu lundi le leader de leur mouvement, au cours d’un scrutin soupçonné d’être entaché de fraudes.

    Les organisateurs du scrutin pour élire les délégués municipaux ont annoncé la victoire du leader des protestataires, Lin Zuluan, à la tête du « comité du village » de sept membres avec plus de 5.000 voix sur environ 9.000 électeurs.

    Selon l’AFP toutefois, moins de 1.000 habitants se sont rendus dans les bureaux de vote avant leur fermeture lundi après-midi.

    Les organisateurs ont refusé de fournir des explications sur la divergence apparente entre le résultat du vote et le nombre des électeurs.

    Les 13.000 habitants de Wukan, dans la province du Guangdong (province de Canton, sud), s’étaient soulevés fin 2011 pour chasser les caciques locaux du PCC qu’ils accusaient de s’enrichir à leurs dépends en saisissant leurs terres, un thème commun au reste du pays, à l’origine de multiples incidents.

    Contre toute attente, le parti unique avait accepté l’organisation d’un scrutin libre - remporté par les leaders du mouvement - pour le choix d’un nouveau « comité de village », suscitant un vif intérêt national et international, et des espoirs sur l’avenir des réformes politiques en Chine.

    Mais à l’heure du renouvellement de leur mandat, les récentes arrestations des meneurs, le peu de succès rencontré dans les récupérations des terres revendiquées - et des pluies torrentielles - ont plombé l’exercice.

    Dans l’unique bureau de vote installé dans une école, l’ambiance était plutôt silencieuse, voire lugubre, sous la surveillance de dizaines de fonctionnaires envoyés de la ville de Lufeng, dont dépend administrativement Wukan, côtoyant des policiers, certains en armes.

    Treize jours avant le scrutin, les procureurs de Lufeng ont fait arrêter l’un des meneurs, Hong Ruichao, sous l’accusation d’avoir touché des pots-de-vin liés à « des projets immobiliers ». Une semaine avant, c’était un autre élu du comité de village, Yang Simao, l’un des leaders les plus connus du mouvement, qui était mis sous les verrous sous des accusations semblables.

    Un autre des meneurs, Zhuang Liehong, a fui en janvier aux Etats-Unis une arrestation qu’il jugeait certaine et a demandé l’asile politique.

    « Il est évident que les autorités veulent reprendre en main la situation », a-t-il déclaré mercredi, joint au téléphone par l’AFP, tandis que des informations faisaient état d’une réinstallation dans ses fonctions d’un responsable du PCC chassé en 2011.

    « Vous voyez tous ces gens que le gouvernement a envoyés ? Ils veulent nous mettre la pression », déclare un homme d’âge moyen, qui ne donne que son nom de famille, Sun.

    « Je ne sens pas cette élection aussi ouverte que celle d’avant », confie Zong, la quarantaine, qui tient un restaurant de nouilles, après avoir déposé son bulletin.

    En 2011, les habitants eux-mêmes avaient supervisé le vote à bulletin secret et les candidats, contrairement à la « tradition », n’avaient pas reçu l’aval du PCC.

    « Je ne peux pas parler à la presse. Ce n’est pas comme avant », dira un autre, à l’instar de la plupart des électeurs, en sortant du bureau de vote.

    Vers 15H00 (07H00 GMT), un fonctionnaire avait annoncé que 8.000 des 9.000 inscrits avaient voté, suscitant une certaine confusion dans la presse présente sur les lieux, qui estimait jusque-là à environ un millier les électeurs qui s’étaient déplacés.

    La différence s’expliquerait, selon des habitants, par le fait que des électeurs voteraient avec plusieurs procurations.

    Pour les habitants, les terres saisies et revendues, « illégalement » à leurs yeux, représentent 430 hectares. Le précédent comité de village n’est parvenu à en récupérer que 10%, selon ses dires.

    Les saisies de terres pour des projets immobiliers sont à l’origine de la grande majorité des milliers d’incidents annuels entre la population et les autorités.

    « Après toutes ces années, on a toujours pas récupéré nos terres », déclare avec amertume un homme aux cheveux blancs qui, comme la plupart, préfère taire son nom.

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