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Algérie : des émeutes contre les coupures d’électricité

mardi 7 août 2012

Algérie : des émeutes contre les coupures d’électricité

Ils investissent la rue dans l’espoir de mettre fin au black-out répétitif qui les contraint à un « dîner aux chandelles » et les prive de leur climatiseur.

Les réclamations pleuvent sur Sonelgaz suite aux récurrentes et nombreuses coupures de courant électrique qui n’ont quasiment épargné aucune région du territoire national. La hantise « de la révolution des ténèbres » s’installe désormais en Algérie, à la faveur de cet été caniculaire.

En effet, les sempiternelles chutes de tension connaissent une fréquence record ces derniers jours, ce qui n’est pas sans exaspérer les citoyens, notamment ceux de l’intérieur du pays, où, dans certaines wilayas, le mercure a grimpé jusqu’à 50° C.
Aussi, des contrées entières, que ce soit dans la capitale, à l’est, à l’ouest, au centre ou au sud du pays, ont été le théâtre d’émeutes contre l’obscurité.

Ces dernières ont eu pour décor des routes barrées et ont le plus souvent servi d’occasion pour vandaliser les biens de Sonelgaz. La population justifie son recours à ce moyen ultime pour exprimer sa colère, et reproche à l’entreprise Sonelgaz de procéder sans préavis aux coupures.

Nombreux sont les commerçants et les propriétaires de chambres froides à dénoncer cette attitude et vont jusqu’à réclamer des dédommagements à Sonelgaz. Notamment à Batna où des dizaines d’artisans en colère exigent réparation suite aux dommages qu’ont subi leurs marchandises, dont des denrées sensibles comme les fromages, le casher, le yogourt, le lait et ses dérivés.

Les habitants de cette grande ville, réitèrent pour leur part leur ferme intention de réinvestir la rue comme ils l’ont fait depuis quelques jours, et ce afin de mettre fin au black-out répétitif qui les contraint à dîner aux chandelles et les prive de leurs climatiseurs durant les heures diurnes, particulièrement chaudes. Le silence dont on accuse Sonelgaz, additionné à des suspensions de courant qui vont parfois bien au-delà des vingt-quatre heures, met à vif les nerfs des consommateurs.

C’est le cas à Kouba et à Birkhadem qui ont vu de nombreuses familles rompre le jeune à la lueur des bougies. Dans la wilaya de Blida et plus précisément à Bougara, les incendies de forêt et les délestages gâchent la vie des citoyens. Ces derniers recourent à l’achat de stabilisateurs afin de remédier aux basses tensions et protéger leurs matériels domestiques. Ils se disent contraints de débourser une somme de quinze mille dinars pour acquérir cet outil qui les prémunit de la détérioration de leurs biens, entre autres les frigidaires, les climatiseurs et les téléviseurs.

A Ouled Aïch, à quelques encablures de la ville des Roses, les coupures de courant ont obligé les habitants à se rassembler et à couper la route menant du chef-lieu de la wilaya de Blida à la commune de Soumâa. Ils ont même brûlé des pneus pour manifester leur courroux contre Sonelgaz. C’est que la commune d’Ouled Aïch a été privée d’électricité pendant deux longues journées ! Ce qui n’a pas été sans conséquences sur les commerces, principalement les boucheries et les magasins d’alimentation générale qui craignent à chaque fois que les pannes fréquentes ne provoquent une rupture de la chaîne du froid, qui agit sur la viande et sur ses composants. Ce qui n’est pas sans risque sur la santé des clients. Le consommateur devient alors la victime toute désignée, qui va payer comme d’habitude, la facture et réparer les dégâts.

Décidément, entre le citoyen et Sonelgaz, le courant ne passe plus. Dans la capitale des Hauts-Plateaux, Sétif, les coupures de courant répétitives durant ce mois de Ramadhan ont contraint les Sétifiens à supporter des chaleurs caniculaires qui dépassent les 42° C, alors qu’ils sont en majorité équipés de climatiseurs.

Nombreuses sont les familles qui font part de leur ras-le-bol devant ces pannes inexpliquées. La fréquence de ces dernières devient inquiétante, font-elles savoir tout en précisant que les fidèles sont même amenés à procéder au rituel des taraouih à la lueur des cierges. « Cela n’est pas sans nuire à la qualité des soirées de Ramadhan, puisque nous sommes contraints de rester calfeutrés chez nous », fait-on encore savoir.

Le troisième âge est l’autre victime des délestages et des pannes de courant. Les personnes concernées étant exposées aux difficultés respiratoires et aux crises cardiaques durant les grandes chaleurs. Inquiets pour leur sort, les citoyens occupent donc la rue afin d’alerter les autorités sur leurs conditions de vie durant cet été. A chaque fois ils obligent les forces de l’ordre à intervenir pour ramener le calme.
En attendant et si les coupures se poursuivent de manière inconsidérée et généralisée, ils risquent de faire de l’émeute un mode d’expression systématique.

Messages

  • Beaucoup d’habitants de Constantine, dont des commerçants, sont sortis dans l’après-midi d’hier dans la rue. Ils ont barré les routes un peu partout à travers le centre-ville, précisément au boulevard Belouizdad, à proximité du marché Frères Bettou et en périphérie, à Zouaghi, entre autres, criant leur ras-le-bol des coupures d’électricité, qui n’en finissent plus. Depuis quelques jours, celles-ci se sont intensifiées pour devenir brutales, catastrophiques, durant jusqu’à 24 heures non-stop, pour revenir par intermittence, quelques heures après. Du côté de la SDE, l’on persiste à dire que ce n’est pas du délestage. Quel que soit le terme utilisé, le fait est là.

    Les gens ont perdu des quantités astronomiques de denrées alimentaires stockées dans les congélateurs, sans compter les dommages occasionnés à divers équipements. Les administrations sont bloquées, les espaces commerciaux sont plongés dans l’obscurité, les malades chroniques voient leurs médicaments se détériorer à cause de la rupture de la chaîne de froid… Tout est lié. Tout dégénère en ce mois de Ramadhan caractérisé par une chaleur d’enfer. Les responsables des différentes unités de la société de distribution du gaz et d’électricité ont beau avancer mille et une justifications, comme la surconsommation d’énergie (30% de plus que l’année précédente), l’augmentation du nombre de climatiseurs par foyer… la dure réalité est là, implacable. Les conséquences de ces coupures sont désastreuses.

    Et l’on ose dire que le réseau électrique de Constantine est vétuste, car datant de l’époque coloniale, comme si cela était une fatalité, un destin irrémédiable… Cela veut tout simplement dire que 50 ans après, l’on continue de rafistoler et de colmater, en attendant que survienne une catastrophe sans précédent. L’on importe bien des feux de Bengale, l’on joue aussi avec l’argent du contribuable, mais des projets d’utilité immédiate, on n’en a cure. En attendant, le peuple en colère ne s’en prend pas toujours aux vrais coupables, il lui faut à tout prix des boucs émissaires.

  • Les émeutes de l’électricité sont aux portes d’Alger. Les habitants de ce quartier populaire de la capitale ont dû recourir à l’émeute pour que le courant électrique soit rétabli.

    Et ça disjoncte à Bachdjarah...! Dimanche dernier, à trente minutes de la rupture du jeûne, cette commune (quartier populaire d’Alger) a basculé dans une violente protestation. Une centaine de jeunes ont investi la rue. Pour cause, depuis samedi à minuit, des quartiers entiers ont rejoint la rive des « non - électrifiés ».
    La moitié de la ville est restée sans eau ni électricité depuis cette date fatidique ! Cette situation conjuguée à la canicule et au Ramadhan a poussé ces jeunes à la révolte ! Ils sont descendus au niveau du boulevard principal de la ville (Tennis-Club) pour dénoncer cette situation.
    En quelques minutes, la route a été barré en plusieurs endroits par les jeunes en furie ! Pneus brûlés, troncs d’arbres, morceaux de ferraille et pierres et autres objets hétéroclites ont été utilisés pour fermer la voie publique.
    Ces jeunes ont de ce fait rompu, non pas le jeûne, mais la soumission aux autorités et à leur indifférence. « 48 h sans électricité ni eau vous vous rendez compte », peste un jeune, visage couvert d’un bout de tissu. « C’est inhumain de nous laisser comme cela en plein mois de Ramadhan », ajoute-t-il. « Ils veulent nous pousser à la révolte ou quoi ? » s’interroge un autre jeune qui venait de brûler un pneu. « Toutes nos provisions alimentaires sont passées à la poubelle », dénonce de son côté un père de famille qui était descendu pour apporter son soutien aux jeunes de son quartier.
    « Je suis contre la violence et de ce fait je ne tolère pas les émeutes. Mais que voulez-vous, c’est le seul langage que comprennent les autorités », explique-t-il. « Leur indifférence nous pousse à la révolte », poursuit-il. « C’est simplement un déni. Après maintes réclamations auprès de la Sonelgaz, ils nous ont informés que cette coupure est causée par une panne et que son rétablissement n’interviendra que dans 3 à 7 jours, chose que nous n’accepterons jamais en ces temps de canicule ramadhanesque », crie un autre homme qui a tenu à dénoncer le calvaire dans lequel ils étaient plongés depuis deux jours. Les émeutes de l’électricité sont donc bel et bien aux portes de la capitale. Après le quartier La Montagne, c’est au tour de Bachdjarah de se soulever. Ils sont tous unanimes : « C’est de la pure hogra, c’est de la provocation. » Durant tout ce temps, la tension monte d’un cran sous le regard à la fois impuissant et stratégique, des dizaines de policiers dépêchés sur les lieux. Les policiers sont déployés mais ne sont pas intervenus. C’est le même constat fait durant pratiquement toutes les émeutes de « l’électricité ». Il semblerait qu’ils aient reçu des instructions pour laisser faire et ne pas envenimer la situation durant le Ramadhan. Il est 19h45, l’appel du muezzin retentit.
    C’est l’heure de l’Iftar. La foule de jeunes en furie décide de rentrer le temps de rompre le jeûne. Mais quelques cuillerées de Chorba avalées, à la lueur d’une bougie, et rebelote. Le courant n’était toujours pas rétabli ! La colère des jeunes remonte d’un cran. Ils sont aussitôt ressortis pour « tout brûler », fait savoir un jeune émeutier rencontré sur place. « Nous ne bougerons pas d’ici tant que nous ne verrons pas nos foyers éclairés », atteste cette jeunesse qui a basculé dans la violence à cause de l’électricité. « Si délestage y aura, qu’ils délestent dans les quartiers chics de la capitale. Eux n’ont pas été inquiétés », rétorquent-ils. Finalement, après deux heures de protestation, une lueur vient enfin illuminer la dure journée de ces jeunes. L’électricité est de retour dans pratiquement tous les quartiers de la commune. Les quelques quartiers qui restent seront « reconnectés » le lendemain (hier) vers dix heures du matin. « Vous voyez, ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas réparer avant 3 à 7 jours. Mais comme par magie, on sort dans la rue, le courant électrique revient », atteste un jeune heureux que l’électricité soit enfin de retour. « On vous a dit que la violence était le seul langage que comprennent les autorités », conclut-il avec un clin d’oeil. Voilà donc qu’après avoir touché plusieurs régions du pays, les émeutes de l’électricité se rapprochent de la capitale...

  • Lors de sa visite, samedi, au siège d’une centrale de distribution de l’électricité, M. Youcef Yousfi a annoncé qu’il sera affecté deux mille milliards de dinars pour la réhabilitation des réseaux de distribution du courant électrique au niveau national au cours des cinq prochaines. Ce "nouveau régime" permettra, selon lui, de doubler la production prévue dans le programme 2011-2016 grâce au développement de nouvelles usines pour produire 12 000 mégawatts au lieu de 4 000 mégawatts au terme de l’achèvement de centrales électriques de 5 à 3 ans et avec l’achèvement de nouvelles usines dans le sud-est. Pour ces zones, le ministre a promis que le problème sera réglé d’ici à la fin du mois en cours.

    Mais force est de se rendre à l’évidence que, n’eussent été les protestations des citoyens, les émeutes qui ont ébranlé les autorités publiques et ont révélé l’état de délabrement du secteur, ces déclarations n’auraient sans doute jamais été faites, encore qu’elles restent tributaires des enjeux claniques du pouvoir qui, sans doute, cherchera à gagner du temps en recourant comme de coutume, à du bricolage tant la manne pétrolière ne profite pas au bien-être du citoyen.

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