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Tchad : durcissement de la grève du secteur public

samedi 18 août 2012

L’Union des syndicats du Tchad (UST) a entamé ce lundi une troisième semaine de grève pour exiger le relèvement de la valeur indiciaire des salaires de 115 à 150 points, tel que prévu dans un protocole d’accord signé en novembre 2011 avec le gouvernement.

"Si jusqu’au mercredi 8 août, le gouvernement ne donne pas le salaire, nous serons dans l’obligation d’aller en grève sèche", déclare Youssouf Mahadjir, vice-président de l’UST.

En suspendant depuis le 1er août le paiement des salaires du mois de juillet, le gouvernement a poussé les travailleurs à durcir la grève qu’ils ont déclenchée le 17 juillet 2012. Lors de leur assemblée générale tenue samedi dernier à la Bourse du travail, les militants de l’UST ont exigé que la grève sèche commence ce lundi. Mais les dirigeants de la plus grande centrale syndicale du pays les ont convaincus qu’une grève sèche avant huit jours est illégale, conformément à la législation sociale.

Ainsi, à partir du 9 août prochain, le service minimum ne sera plus assuré dans les services essentiels tels la santé, si la suspension du paiement des salaires n’est pas levée. Ce qui sera, pour la majorité des Tchadiens, une catastrophe en cette période de ramadan et des pluies, synonyme d’austérité et de maladies comme le paludisme et le choléra.

"C’est le gouvernement qui a rompu le contrat par la suspension du paiement des salaires. C’est à lui que la population devrait demander des comptes", conclut M. Youssouf Mahadjir.

Sur les marchés de la capitale et des villes secondaires, les prix des denrées de première nécessité augmentent sans cesse. Et beaucoup de pères de famille, comme Abdoulaye Mbodou, cadre dans l’administration, s’ils auront les moyens de donner, chaque soir, à leurs proches un "f’tour" ("iftar", en arabe local, Ndlr) "convenable et consistant". Depuis un peu plus d’une semaine, le poisson est devenu un luxe pour beaucoup de ménages de N’Djaména. Le prix du petit sac de poissons frais, ravitaillé du Lac Tchad, vaut autour de 30.000 F CFA, contre 14.000 F CFA il y a peu de temps. La viande, autre aliment de base des Tchadiens, devient également rare dans les plats. Bien avant le début du mois saint, nous arrivions à peine à manger du poisson frais ou de la viande au déjeuner deux ou trois fois par semaine. Le reste des jours, nous devons nous contenter du poisson fumé ou séché, confie Abdoulaye Mbodou, marié à trois femmes et père de onze enfants.

Au marché des céréales de la N’Djaména, le sac de maïs est vendu depuis deux mois à 27.000 F CFA, alors qu’en temps normal, on pouvait l’acquérir à 14.000 francs. Le sac de mil pénicillaire, quant à lui, vaut 25.000 F CFA. Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation, la dernière production agricole a connu un déficit céréalier de 400.000 tonnes. Le bidon d’huile végétale importée de dix litres, est vendu entre 12.500 et 14.000 F CFA, contre 11.000 F CFA il y a quelques semaines. Le litre d’huile d’arachide locale est également passé de 800 à 1.250 ou 1.300 francs. Le prix du sucre fabriqué par la Compagnie Sucrière du Tchad, qui bénéficie des facilités fiscales, stagne depuis quelques mois autour de 1.200 F CFA le paquet de 1 kg, bien plus cher que celui importé du Cameroun et vendu à 1.100 F CFA.

L’Etat a défiscalisé et subventionné les produits de première nécessité (riz de 50 kg, huile végétale, lait et pâtes alimentaires) afin de minimiser les prix sur le marché. Mais c’est l’effet contraire qui se produit. Les commerçants, véreux, créent des pénuries artificielles en constituant des stocks, puis imposent des prix exorbitants, au grand dam aux consommateurs. En octobre 2010, le président Idriss Déby Itno a décidé de s’investir personnellement contre la cherté de la vie. Cette pratique doit prendre fin, a-t-il martelé devant un parterre d’opérateurs économiques. Vous devez comprendre que vous ne pouvez indéfiniment escroquer la population en complicité avec les transporteurs, en réalisant des superbénéfices sur le dos de celle- ci. Il faut que cela change ! Le Tchad qui est un pays agro-sylvo-pastoral par excellence ne doit pas connaître des pénuries de viande, de maïs, de riz ou d’oignons, les aliments les plus consommés, déclare cheikh Abdadayim Abdoulaye Ousman.

On s’achemine donc vers un durcissement de la crise, surtout que le gouvernement menace de « pointer » les présences dans les bureaux alors que les jours de grève ne sont pas comptabilisés dans le salaire du mois d’août. Réponse des syndicats : « Si le gouvernement se hasarde à instaurer le pointage, nous allons arrêter le service minimum, même dans les hôpitaux. »

Cette quatrième semaine de grève risque toutefois d’être surtout marquée par un retard dans le paiement des salaires du moins d’août. Au Tchad, on anticipe habituellement le paiement de salaire quand une fête importante comme celle du ramadan tombe en plein milieu du mois. Or, avec les grèves, il n’est pas sûr que les états de salaire aient été préparés pour déclencher les paiements de cette semaine. Les travailleurs, qui se retrouvent ce mercredi 15 août en assemblée générale, aviseront.

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