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Chypre en crise brutale et catastrophique

dimanche 17 mars 2013

Chypre en crise brutale et catastrophique

Qu’arrive-t-il aux banques chypriotes ?

Chypre, autrefois prospère, a bâti sa croissance sur son secteur bancaire, au point d’en faire l’activité principale de l’île : la taille des actifs détenus dans les banques chypriotes représente à l’heure actuelle pas moins de huit fois son PIB. Impossible donc pour la petite république de passer au travers de la crise financière de 2008 : en ce sens, les difficultés que rencontre Chypre la rapprochent de ce qu’ont vécu l’Irlande, l’Islande ou encore les Etats-Unis tout au début de la crise.

Du fait des liens étroits, culturels et économiques, avec la Grèce, les banques chypriotes ont été très brutalement frappées non seulement par la crise grecque en tant que telle mais aussi et surtout par la "haircut", décote infligée aux titres grecs pour ramener l’endettement à un niveau soutenable. Chypre, gros détenteur d’obligations grecques, a perdu pas loin de 4,5 milliards dans l’opération.
Dans ce contexte, on comprend que tous les détenteurs d’actifs placés à Chypre voient d’un très mauvais œil toute tentative de "coup de rabot" sur leurs titres. Or si la dette chypriote s’envole, du fait du plan de sauvetage, cette option, soutenue notamment par Berlin et par la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, pourrait être remise sur la table. Mais pour l’heure, l’idée d’une coupe sur les dépôts bancaires en contrepartie du plan d’aide a été écartée par la majorité des membres de l’Eurogroupe.

Nombreux sont les responsables européens qui, peu décidés à se porter au secours de l’île, avancent comme argument la corruption "endémique" liée au blanchiment d’argent russe qui coule à flots (environ 15 à 20 milliards d’euros selon les estimations) dans les caisses des banques chypriotes. L’accusation s’appuie sur un rapport des services secrets allemands révélé par la presse outre-Rhin en novembre 2012, mais selon certains analystes, ces allégations sont exagérées : du fait de son régime fiscal très avantageux, Chypre présente certes une attractivité forte pour les fortunes venues de l’étranger, mais du fait de son appartenance à l’Union européenne, l’île n’est qu’une étape dans les circuits de blanchiment d’argent.
Lire le reportage A Chypre, l’argent des Russes soulage mais suscite aussi des interrogations
Les Chypriotes ont néanmoins accepté de se prêter à un audit sur l’argent sale, présenté par ses bailleurs de fonds comme une condition sine qua non à l’octroi d’une aide. Impensable pour autant d’imaginer la croissance chypriote sans l’argent russe, préviennent les politiques. Les Russes ont d’ailleurs été appelés à contribuer à l’assainissement des finances du pays. Lundi, le ministre des finances, Michalis Sarris, doit se rendre à Moscou pour demander une prolongation du délai de remboursement d’un prêt russe de 2,5 milliards d’euros venant à échéance 2016, et discuter de la façon dont la Russie pourrait contribuer au plan de sauvetage.
Lire le reportage Chypre, prochain maillon faible de l’Europe ? (lien abonnés)
• D’inévitables mesures d’austérité
Alors que le pays faisait il n’y a pas si longtemps bonne figure en la matière, l’endettement chypriote devrait s’envoler dans la foulée du plan de sauvetage. En attendant que l’exploitation d’immenses gisements de gaz récemment découverts ne permette à l’économie de redémarrer durablement, la seule solution pour équilibrer les comptes est que l’île s’engage dans un plan de rigueur et renonce à son statut de paradis fiscal.

Un budget d’austérité a d’ores et déjà été voté pour 2013, afin de réduire le déficit de 1,3 milliard d’euros : il prévoit notamment un recul de l’âge de la retraite à 65 ans, un recalcul des pensions des fonctionnaires et des coupes dans les effectifs du secteur public. Des privatisations ont été décidées et un alourdissement de la fiscalité pourrait être imposé, notamment aux entreprises et aux banques.
C’est à reculons que Chypre s’engage dans la voie de la rigueur, à un moment où l’austérité, qui tarde à produire des résultats dans les pays où elle est appliquée, est de plus en plus critiquée.

Beaucoup de Chypriotes étaient sous le choc, samedi, après l’annonce d’un accord avec l’Union européenne sur un plan de sauvetage de 10 milliards d’euros comprenant une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires.
L’accord a été conclu dans la nuit de vendredi à samedi, et les résidents de l’île méditerranéenne l’ont découvert à leur réveil. Des queues étaient visibles devant les banques, les particuliers tentant de retirer de l’argent.
Les bailleurs de fonds de Chypre - UE et FMI - ont en effet demandé l’instauration d’une taxe exceptionnelle de 6,75 % sur tous les dépôts bancaires de moins de 100 000 euros et de 9,9 % au-delà de ce seuil, ainsi qu’une retenue à la source sur les intérêts de ces dépôts.

"C’est une catastrophe", a dit un Chypriote de 45 ans venu retirer de l’argent. "Cela va nous donner envie de sortir de l’euro", dit un autre, un retraité.
"On essaie tous de retirer un maximum d’argent — mais cela ne marche pas très bien, on ne sait pas si les comptes sont bloqués ou les distributeurs vides, a dit à l’AFP Joseph, employé de banque chypriote. Personne ne s’attendait à cela — et les banques n’étaient au courant de rien". Les agences bancaires étaient fermées pour le week-end, et jusqu’à mardi matin, lundi étant férié sur l’île.
Ces retraits ne vont toutefois pas empêcher la ponction sur les comptes de toute personne résidant sur l’île. Les montants correspondant à la taxe "sont déjà bloqués et ne peuvent plus être transférés", assure Marios Skandalis, vide-président de l’Institut des comptables publics de Chypre. Cette mesure est censée rapporter 5,8 milliards d’euros au gouvernement.
"La situation est grave mais pas tragique, il n’y a pas de raison de paniquer", a tenté de rassurer le porte-parole du gouvernement Christos Stylianides, alors que le ministre des finances Michalis Sarris assurait que "Chypre a choisi la moins douloureuse des solutions".
Mais Nicolas Papadopoulos, député du parti Diko (centre-droit) dont la direction a soutenu l’élection récente du président Anastasiades, Nicolas Papadopoulos, s’est élevé contre l’accord en le qualifiant de "désastre" pour le système bancaire. "Je veux qu’un représentant du gouvernement m’explique pourquoi cet accord était la meilleure solution".
Depuis juin, Chypre réclamait une aide financière de 17 milliards d’euros à la zone euro pour renflouer ses deux principales banques, plombées par la crise grecque. Samedi à l’aube, dans la foulée du conseil européen de Bruxelles, le nouveau gouvernement chypriote de droite a obtenu une enveloppe de 10 milliards d’euros, en échange d’une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires. Chypre devient le cinquième Etat-membre de l’union monétaire à bénéficier d’un plan de soutien international après la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne (pour son secteur bancaire).

Fait sans précédent, l’accord entre Nicosie et ses bailleurs de fonds – l’Union européenne et le Fonds monétaire international (à hauteur d’un milliard d’euros) – impose en contrepartie une taxe exceptionnelle sur tous les dépôts bancaires de l’île méditerranéenne. Concrètement, la taxe sera de 6,75 % sur toutes les sommes en-deçà de 100 000 € et de 9,9 % au-delà. Ces prélèvements sont censés rapporter 5,8 milliards d’euros et diminuer d’autant le montant du prêt qui aurait fait exploser la dette chypriote à 140 % du Produit intérieur brut. Les taxes sur le capital et les intérêts des dépôts seront entièrement compensées par la distribution d’actions, a voulu rassurer le ministre des Finances. Le gouvernement a également dû céder sur une autre ligne rouge et accepter la hausse de l’imposition sur les entreprises.

« La solution que nous avons choisie est douloureuse, mais c’était la seule qui nous permettait de continuer nos vies sans remous », assure Nicos Anastasiades, soulignant le risque « d’effondrement » de tout le système bancaire. Le président chypriote doit s’adresser aujourd’hui à la nation. Auparavant, il doit se rendre au Parlement, engagé dans une course contre la montre pour valider cet accord avant que les banques ne rouvrent leurs portes mardi matin, lundi étant férié.

Depuis l’annonce du plan, des dizaines de Chypriotes et d’étrangers tentent de retirer de l’argent des distributeurs automatiques. En vain. Car les montants correspondant à la taxe « sont déjà bloqués et ne peuvent plus être transférés », souligne l’Institut des experts comptables publics de Chypre. Bank of Cyprus estime, elle, « parfaitement compréhensible que l’opinion publique soit inquiète ». La première banque de l’île, particulièrement affectée par son exposition à la crise grecque, juge les décisions prises à Bruxelles « douloureuses et surprenantes ».

Des appels à manifester ont été lancés. « C’est une catastrophe », s’indigne un Chypriote de 45 ans. « Cela va nous donner envie de sortir de l’euro », dit un autre, retraité. Après les Grecs, après les Espagnols, après les Portugais, ce sont les Chypriotes qui pourraient descendre dans la rue contre la rigueur et l’Europe.

Voilà qui annonce ce qui arrivera aux petits porteurs d’actions et aux petits épargants dans les suites de l’effondrement : ils seront plumés !

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