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La rue fait la loi au Brésil

jeudi 20 juin 2013

Quelque 50 000 personnes ont à nouveau manifesté, mardi 18 juin, à Sao Paulo. Des marches ont également eu lieu dans une trentaine de petites villes. Le matin, la présidente Dilma Rousseff a promis qu’elle prêterait une "écoute" attentive aux aspirations des manifestants. Une réunion a eu lieu plus tard avec l’ancien président Lula auquel, selon le site de la Folha de Sao Paulo, aurait également participé Fernando Haddad. Peu avant, le chef de cabinet de la présidence Gilberto Carvalho avait admis que le gouvernement "n’avait pas encore réussi à comprendre les raisons du mouvement."

Des heurts violents ont opposé mercredi 19 juin manifestants et policiers brésiliens près du stade de Fortaleza, tandis que Sao Paulo et Rio ont cédé à la pression en baissant le tarif des transports dont la hausse avait allumé l’étincelle de la fronde qui embrase la pays.

Une heure après le coup d’envoi du match Brésil-Mexique de la Coupe des Confédérations à Fortaleza, 25 000 protestataires ont bloqué deux des quatre routes d’accès au stade. Ils étaient maintenus à trois kilomètres du stade, dont la rénovation pour le Mondial-2014 a coûté 180 millions d’euros. La manifestation contre les sommes colossales dépensées pour l’organisation de la Coupe du Monde de football a rapidement dégénéré quand des manifestants ont forcé un premier barrage du vaste cercle de sécurité installé autour du site, donnant lieu à une bataille rangée entre manifestants, jetant des pierres sur les policiers, qui, eux, ripostaient par une pluie de tirs de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc.

Cédant à la pression populaire, les mairies de Sao Paulo et Rio de Janeiro se sont résolues à baisser le tarif des transports en commun, comme d’autres ville avant elles mardi. "Nous allons suspendre l’augmentation et revenir au prix d’avant" des tickets du métro, de train et d’autobus, a annoncé le gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, Geraldo Alckmin. "La réduction est une façon de montrer le respect aux personnes qui sont descendues dans les rues pour protester (...). Mais je ne cautionnerai jamais ceux qui pratiquent des actes de vandalisme", a commenté le maire de Rio, Eduardo Paes.

Mais ces gestes d’apaisement de la part des autorités ne semblent pas suffisants pour les contestataires. D’autres manifestations avaient lieu mercredi à Belo Horizonte, Rio Branco en Amazonie, Brasilia et Niteroi, près de Rio de Janeiro. Des rassemblements sont également prévus jeudi dans l’ensemble du pays, notamment en marge du match Espagne-Tahiti à Rio de Janeiro, théâtre de scènes de furie et de chaos dans la nuit de lundi.

Le Brésil est confronté à une agitation sociale sans précédent depuis 20 ans, avec des manifestations quotidiennes de jeunes Brésiliens sur tout le territoire, qui dégénèrent régulièrement en violences. Ils protestent depuis une dizaine de jours contre l’augmentation du prix des transports et la précarité des services publics de base dans leur pays, stigmatisant les sommes colossales investies pour la préparation du Mondial, dont la Coupe des Confédérations est une répétition générale en miniature.

Messages

  • Une cinquantaine de routes du Brésil ont été bloquées et les transports en commun partiellement paralysés jeudi à l’appel des centrales syndicales dans le cadre d’une "journée nationale de luttes" avec plusieurs manifestations dans l’ensemble pacifiques, les premières depuis la fronde sociale qui a secoué le pays en juin. (c) Afp
    Une cinquantaine de routes du Brésil ont été bloquées et les transports en commun partiellement paralysés jeudi à l’appel des centrales syndicales dans le cadre d’une "journée nationale de luttes" avec plusieurs manifestations dans l’ensemble pacifiques, les premières depuis la fronde sociale qui a secoué le pays en juin.

    Une centaine de manifestants masqués et vêtus de noir se sont heurtés à la police à la tombée de la nuit à Rio, après avoir lancé des cocktails molotov et des feux de bengale sur les policiers qui les ont repoussés par de nombreux tirs de gaz lacrymogènes, ont constaté des journalistes de l’AFP.

    Le groupe masqué a provoqué des heurts avec la police dans une rue parallèle au cortège et est venu se réfugier dans le défilé pacifique où les dirigeants des syndicats appelaient au calme et chantaient l’hymne national. En raison de la situation, la manifestation a été dispersée avant d’arriver à sa destination. Au moins 12 personnes dont deux mineurs ont été interpellés et conduits au poste.

    A Sao Paulo, des heurts moins violents qu’à Rio ont éclaté en soirée entre manifestants et policiers, lorsque quelque 1.500 protestataires ont dressé des barricades pour bloquer une autoroute.

    Les cinq grands syndicats ont manifesté côte à côte pour la première fois et ont réclamé la réduction de la semaine de travail à 40 heures (contre 44 heures aujourd’hui) notamment. Ils ont repris aussi certaines des revendications des manifestions de juin, qui se voulaient "apolitiques", comme l’amélioration des services publics et plus d’investissements dans l’éducation.

    Contrairement aux manifestations de juin, convoquées à travers les réseaux sociaux, et qui avaient fait descendre dans la rue plus d’un million de jeunes rejetant en bloc les partis politiques, jeudi les travailleurs défilaient derrière les bannières de leurs organisations ou partis.

    Les syndicats tentaient de récupérer les "sans partis" mais le mouvement a réuni bien moins de monde qu’en juin. Jeudi, les syndicats étaient divisés quant à leur soutien au gouvernement de la présidente de gauche Dilma Rousseff, certains affichant leur opposition comme Force syndicale (FS), réclamant "un changement dans l’équipe économique".

    Les manifestations les plus importantes ont eu lieu à Sao Paulo, mégapole de 20 millions d’habitants où 29 terminaux d’autobus ont été bloqués mais trains et métros ont fonctionné normalement.

    Parmi les manifestants de l’avenue Paulista, la principale de Sao Paulo, Rosely Paschetti, 49 ans, brandissait une banderole avec l’inscription "plus d’impôts pour les riches, moins pour les pauvres". "Je suis employée municipale à Sao Paulo et je suis là parce qu’il y a une crise dans les secteurs de la santé et l’éducation. Il faut changer cela", dit-elle à l’AFP.

    A Sao José dos Campos, où se trouve le siège de l’avionneur Embraer, 15.000 métallurgistes ont manifesté. Dans d’autres grandes villes comme à Salvador de Bahia, Porto Alegre, Belo Horizonte, Brasilia, Curitiba, Florianopolis ou Manaus, plusieurs écoles ont fermé leurs portes et certains hôpitaux ne traitaient que les urgences.

    Une grève des dockers du port de Santos, près de Sao Paulo, le plus grand d’Amérique latine, qui a paralysé provisoirement mercredi toutes ses activités, s’est poursuivie jeudi.

    A Rio de Janeiro, les transports en commun ont fonctionné normalement à l’appel des syndicats, l’objectif étant de permettre à la population de venir manifester.

    Seule la Centrale unique des travailleurs (CUT), le plus important des syndicats, défendait le référendum pour une grande réforme politique voulu par la présidente en réponse à la rue.

    Ailleurs en Amérique latine, une autre mobilisation syndicale et étudiante réunissait entre 15.500 personnes, selon la police, et 150.000 personnes à Santiago du Chili pour réclamer des améliorations des conditions de travail, à quatre mois de l’élection présidentielle, nouvelle preuve selon des analystes de la contestation de l’héritage libéral de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

  • La police a dispersé avec des gaz lacrymogènes et des bombes assourdissantes un millier de manifestants qui protestaient contre les milliards dépensés pour le Mondial et la misère des services publics de base, ont rapporté des journalistes de l’AFP.

    Des affrontements se sont poursuivis dans la soirée entre la police et des groupes de manifestants dans le centre de Sao Paulo.

    Le police militaire de Sao Paulo a annoncé en fin de soirée sur son compte Twitter que 230 personnes avaient été interpellées.

    Au moins cinq policiers ont été blessés, ainsi que deux des manifestants arrêtés, a-t-elle en outre indiqué.

    Plusieurs journalistes ont également été interpellés, bien qu’ils se soient identifiés comme tels, a dénoncé la presse brésilienne.

    Des groupes de manifestants ont saccagé dans la soirée des vitrines d’agences bancaires, mis le feu à des poubelles et érigé des barricades dans le centre de Sao Paulo.

    « Police terroriste ! » ont crié les manifestants quand les forces de l’ordre dont intervenues sans ménagement pour les disperser avec des tirs de bombes lacrymogènes et des bombes assourdissantes.

     « Chaos » -

    « Il n’y avait même pas une vitre cassée, mais la police a commencé à attaquer tout le monde », a affirmé sur place à l’AFP un porte-parole de la manifestation.

    Au moins 1.000 personnes avaient auparavant défilé sans incident dans le centre de Sao Paulo aux cris de « La Coupe n’aura pas lieu !, Mondial pour les riches, mortadelle pour les pauvres ! ».

    De nombreux militants anarchistes radicaux des Black Blocs, vêtus de noir, le visage recouvert, se trouvaient à la tête du cortège, surveillé par de très près par un impressionnant dispositif policier.

    La convocation de cette manifestation avait été lancée sur le site internet « Contre la Coupe du monde 2014 ! ».

    Les organisateurs dénoncent le « chaos » auquel sont selon eux confrontés les Brésiliens par manque d’investissements dans la santé, l’éducation ou les transports. Des revendications identiques à celles de la fronde sociale historique qui avait secoué le pays en juin 2013, pendant la Coupe des confédérations de football.

    « Je suis venue pour protester contre le Mondial. Des millions ont été dépensés pour des stades et en revanche, on ne se préoccupe ni de la santé ni de l’éducation », dénonçait ainsi une manifestante, Fernanda Moreira, 19 ans.

    Le Brésil aura investi au total environ 11 milliards de dollars dans l’organisation du Mondial-2014, notamment dans la construction des stades.

    Le 25 janvier, une première journée anti-Mondial avait été convoquée dans tout le pays. Mais elle n’avait mobilisé qu’à Sao Paulo, où la manifestation s’était terminée par des actes de vandalisme et des heurts violents entre police et manifestants.

    Le 6 février, une manifestation à Rio de Janeiro contre la hausse du prix des transports en communs a également dramatiquement dégénéré en violences. Un caméraman de télévision y a été mortellement atteint par une fusée d’artifice lancée par des manifestants radicaux.

    Le décès de ce journaliste a créé une commotion dans le pays et relancé le débat sur un durcissement de la législation contre les auteurs d’actes violents lors des manifestations, ainsi que sur l’adoption d’une loi antiterroriste avant le Mondial.

    Ces débats suscitent une controverse politique, certains élus craignant que la future loi anti-terroriste ne puisse englober les débordements commis lors des manifestations au risque de criminaliser de légitimes mouvements sociaux.

    La présidente de gauche Dilma Rousseff a souligné la semaine dernière que toute modification de la loi devrait respecter strictement la lettre de la Constitution, « qui garantit la liberté de manifestation, de penser, enfin toutes les libertés, mais qui interdit l’anonymat ».

    Cette dernière mention pourrait permettre de légiférer sur l’interdiction de participer à une manifestation le visage masqué, comme le font les militants des Blacks blocs.

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